CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 janvier 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10015 F
Pourvoi n° K 17-25.768
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 avril 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Abdellah Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 30 mai 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 2), dans le litige l'opposant à Mme Katia X..., épouse Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 décembre 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Reynis, conseiller, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. Y..., de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme X... ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la SCP Krivine et Viaud la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré inopposable le jugement de divorce rendu par le tribunal de Larbaa-Nath Irathen le 2 mars 2015 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le fait qu'un juge algérien ait retenu sa compétence pour prononcer le divorce sur la base de la nationalité algérienne commune des deux époux ne suffit pas à retirer au juge français la compétence pour statuer sur le divorce, compétence qu'il tire des textes applicables en présence d'un élément d'extranéité ; qu'en l'espèce les deux époux, nés et mariés en Algérie, disposent de la double nationalité, française et algérienne ; qu'aux termes de l'article 1070 du code civil, la compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée ; que la requête en divorce a été présentée le 31 octobre 2013 par Madame X... devant un tribunal français, l'assignation en divorce datant du 2 avril 2015 ; que Monsieur Y... a déposé une requête en divorce le 15 décembre 2014 devant un tribunal civil algérien ; que les éléments produits démontrent que ni Monsieur Y... ni Madame X... n'avaient de domicile [...] , et qu'ils résidaient tous deux en France depuis plusieurs années lors de l'introduction de la procédure :
- leurs deux enfants sont nés à Montreuil (Seine Saint Denis) [...] ,
- les deux ordonnances de protection rendues à la demande de Madame X... le 10 septembre 2013 et le 12 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Bobigny faisaient état d'une résidence des deux époux en France (Montreuil et Levallois Perret),
- l'ordonnance de non conciliation du 1er juillet 2014 indiquait pour Mme une adresse à Montreuil et pour M. à Levallois Perret (Hauts de Seine),
- Madame X... justifie que les deux enfants ont été suivis par un psychologue à Montreuil puis à Aubervilliers du 18 septembre 2013 jusqu'en septembre 2014,
- une décision du juge des enfants du 18 août 2015, mettant en place une mesure d'AEMO, mentionnait les mêmes adresses des parents (Montreuil et Levallois Perret) ; qu'il apparaît d'ailleurs que les deux époux résident toujours actuellement en région parisienne ; que Monsieur Y... ne fournit aucun élément de nature à justifier de l'installation en Algérie des époux ; que par suite la procédure de divorce introduite par Monsieur Y... en Algérie ne se rattachait pas de manière suffisante avec ce pays, nonobstant la nationalité algérienne des deux époux ; qu'il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a implicitement déclaré compétent le juge français en raison de la résidence habituelle des époux sur le territoire français ;
1°) ALORS QUE toutes les fois que la règle française de solution de conflits de juridictions n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compétent, si le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux ; qu'en l'espèce, les deux époux étant nés en Algérie et de nationalité algérienne et leur mariage ayant été célébré en Algérie, le litige se rattachait de manière caractérisée à la juridiction algérienne, qui n'avait pas été frauduleusement saisie par Monsieur Y... ; que dès lors, le divorce prononcé par le juge algérien devait être reconnu en France ; qu'en décidant le contraire et en retenant la compétence du juge français « en raison de la résidence habituelle des époux sur le territoire français », la cour d'appel a violé les articles 14 et 15 du code civil, ensemble l'article 1070 du code de procédure civile et les principes qui régissent la compétence juridictionnelle internationale ;
ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART QUE Monsieur Y... invoque le jugement de divorce prononcé le 19 mai 2016 par le tribunal de Larbaa Nath Irathen pour soutenir que la procédure de divorce ne peut prospérer en France ; que pour être opposable en France et y produire ses effets, le jugement de divorce algérien doit y être reconnu ; qu'il résulte des termes du jugement produit aux débats par l'appelant que le tribunal de Larbaa Nath Irathen a statué sur une requête en divorce présentée par Monsieur Y... le 15 décembre 2014, antérieurement à celle déposée en France par Madame X... le 2 avril 2015 ; que le juge algérien avait donc été saisi en premier ; que selon les dispositions de l'article 1er de la Convention relative à l'exequatur et à l'extradition conclue entre la France et l'Algérie le 27 août 1964 et objet du décret 65-679 du 11 août 1965, les décisions gracieuses et contentieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Algérie, ont de plein droit à l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre État si elles réunissent les conditions suivantes :
a) la décision émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'Etat où la décision doit être exécutée ;
b) les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes selon la loi de l'État ou la décision a été rendue ;
c) la décision est, d'après la loi de l'État où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et est susceptible d'exécution ;
d) la décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'État où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet état. Elle ne doit pas non plus, être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à son égard, l'autorité de la chose jugée ; que s'agissant de la compétence du juge algérien, celle-ci doit être écartée pour les motifs déjà exposés tenant à l'absence de résidence habituelle des époux en Algérie ; que le juge algérien a indiqué lui-même dans sa décision qu'il ne retenait sa compétence qu'au regard de la nationalité algérienne de Monsieur Y... et Madame X... en contravention aux dispositions de l'article 1070 du code de procédure civile ; que le divorce des époux a été prononcé par le tribunal de Larbaa Nath Irathen en application de l'article 48 du code de la famille selon la « volonté unilatérale du mari » au divorce, tout en qualifiant ce divorce d'« abusif » ; qu'or la répudiation est contraire à la conception française de l'ordre public, puisqu'elle permet à l'époux d'imposer sa volonté à l'épouse sans que le tribunal saisi puisse s'y opposer ; que le divorce prononcé en Algérie sur le fondement d'un droit reconnu exclusivement à l'époux ne peut en conséquence produire d'effet en France, peu important que Madame X... ait comparu à l'audience du tribunal algérien, sa comparution en outre n'ayant eu pour objet que de soulever l'incompétence dudit tribunal au profit des juridictions françaises ; que c'est donc de manière pertinente que le premier juge, rejetant la fin de non-recevoir de Monsieur Y..., a déclaré recevable la demande en divorce déposée par Madame X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE aux termes de l'article 1er de la convention franco-algérienne du 27 août 1964, les décisions contentieuses rendues en matière civile par les juridictions siégeant en Algérie ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire français si elles réunissent les conditions suivantes : la décision émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'Etat où la décision doit être exécutée ; les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes selon la loi de l'Etat où la décision a été rendue ; la décision est, d'après la loi de l'Etat où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution ; la décision ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à cet égard l'autorité de la chose jugée ; que l'article 4 de cette même convention impose au juge devant qui est invoquée une décision rendue dans l'autre Etat de vérifier, d'office, si cette décision remplit les conditions prévues à l'article 1er de la convention pour jouir de plein droit de l'autorité de chose jugée et de constater, dans sa propre décision, le résultat de cet examen ; qu'une décision constatant une répudiation unilatérale du mari sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et en privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n° VII, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il ressort des énonciations du jugement de divorce algérien que Madame Katia X... était comparante et plaidante, représentée par un avocat devant ces juridictions et qu'elle y a fait valoir ses moyens de défense tant sur la forme que sur le fond ; que cependant, il convient de relever que le jugement de Larbaa-Nath-Irathen du 2 mars 2015 a expressément constaté que le demandeur déclarant vouloir divorcer, le juge est amené à satisfaire sa demande, le divorce devant être prononcé sur demande unilatérale du mari ; que même si elle résulte d'un tribunal compétent et d'une procédure loyale et contradictoire, une décision se bornant à donner effet juridique à la demande de divorce unilatérale du mari, sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et en privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, quand ce mode de dissolution du mariage est réservé au seul mari et n'est pas ouvert à l'épouse, est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la France s'est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, au nombre desquelles sont ses nationaux ; que dès lors le jugement de divorce est inopposable à Madame Katia X... en France ;
2°) ALORS QUE la procédure de divorce-répudiation doit être reconnue en France lorsque la femme a été représentée et a pu faire valoir ses droits ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que la procédure devant la juridiction algérienne avait été « loyale et contradictoire », Madame X... étant « comparante et plaidante, représentée par un avocat devant ces juridictions et qu'elle y a fait valoir ses moyens de défense tant sur la forme que sur le fond » ; qu'il ressortait tout autant du jugement algérien d'une part, que Madame X... ne s'était pas présentée à la tentative de conciliation préalable au jugement et, d'autre part, qu'elle ne s'était pas opposée, par principe, à la demande en divorce formée par son mari si ce n'est seulement pour soulever l'incompétence territoriale du juge algérien, que Madame X... ayant pu ainsi valablement organiser sa défense devant la juridiction algérienne, le jugement de divorce prononcé par celle-ci ne pouvait être qualifiée de répudiation et ne contenait aucune disposition contraire à l'ordre public ; qu'en décidant le contraire pour refuser toute autorité de chose jugée à ce jugement du 2 mars 2015 et le déclarer inopposable, la cour d'appel a violé l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n°VII additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°) ALORS QUE le code de la famille algérien permet aussi à l'épouse de demander le divorce ; qu'en l'espèce, pour refuser de faire produire effet au jugement de divorce du tribunal algérien, la cour d'appel a retenu que ce jugement était contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du lien matrimonial motif pris de ce que « le divorce [a été] prononcé en Algérie sur le fondement d'un droit reconnu exclusivement à l'époux » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 48, 53 et 54 du code de la famille algérien.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR réservé les droits de visite de Monsieur Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE chacun des père et mère doit maintenir des relations avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. Il est de l'intérêt de l'enfant et du devoir de chacun des parents de favoriser ces relations. Selon les dispositions de l'article 373-2-1 du code civil, l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; que cela passe aussi, dans l'intérêt supérieur de l'enfant, par une attitude, sinon bienveillante, du moins neutre et en tout cas dénuée de tout dénigrement à l'égard de l'autre parent dont le rôle doit être respecté, les deux parents étant, avec leurs qualités et leurs défauts, irremplaçables auprès de leurs enfants qui ont besoin pour se construire d'en avoir une image valorisée ; qu'il convient de constater que Monsieur Y... indique n'avoir pas vu ses enfants depuis deux ans ; qu'après avoir relevé que les conclusions du rapport d'enquête sociale concluaient à la nécessité d'une suspension du droit de visite du père et avoir constaté la détresse psychologique des enfants qui devaient être préservés de leur père incapable de se remettre en cause, c'est à juste titre que le premier juge a suspendu le droit de visite du père ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE pour préserver les enfants, tant le juge des enfants en charge de la mesure éducative que l'enquêtrice sociale ont dû éviter toute rencontre entre les enfants et leur père ; qu'au surplus, les visites en espace rencontre n'ont pas été mises en place de sorte que force est de constater que le père n'a pas vu ses enfants depuis plus de 2 ans ; que le comportement des enfants est perturbé, ce qui est corroboré par l'attestation du psychologue qui suit les enfants et ce comportement est à mettre directement en lien avec le contexte de violence conjugale ;
ALORS QUE l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé au parent qui n'a pas l'exercice de l'autorité parentale que pour des motifs graves, ces motifs s'appréciant à la date à laquelle le juge statue ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que les visites en espace-rencontre n'ayant pas été mises en place, le père n'avait pas vu ses enfants depuis plus de deux ans, la cour d'appel s'est fondée sur un rapport d'enquête sociale datant du 4 février 2015, soit antérieur de plus de deux ans à son arrêt ; qu'elle a ainsi violé l'article 373-2-1 du code civil.