SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2019
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10056 F
Pourvoi n° V 17-15.381
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Eva Y..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Sogima, société anonyme,
2°/ au groupement Le Gicem, groupement d'intérêt économique,
ayant tous deux leur siège [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 décembre 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z..., conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, M. A..., avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme Y..., de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la société Sogima et du groupement Le Gicem ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, et Mme Lavigne, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de la décision le seize janvier deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Mme Y... relative à un harcèlement moral;
Aux motifs que, sur le harcèlement moral, selon l'article L.1152-1 du code du travail, «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel "; que l'article 1154-1 du code du travail prévoit que «lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L1152-3 et L 1153-1à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles "; que, pour établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, Mme Y... invoque avoir subi à compter de juin 2008 une disqualification de sa fonction, la Direction des Ressources Humaines se trouvant remise en cause du fait de tensions sociales préexistantes à son arrivée, et ce de plus fort à partir de juin 2009 où la restructuration de la société l'a positionnée sous le secrétariat général, sans communication directe avec le Directoire et a vidé son poste de son contenu; qu'elle dit avoir été attaquée dans un document du CHSCT du 30 septembre 2008 dénonçant les procédures de licenciement du personnel en arrêt maladie sans prévenir les représentants du personnel, alors que la décision était approuvée et validée par ses supérieurs, et par le comportement agressif du secrétaire du CHSCT lui «demandant de se taire» ; qu'elle avait alors été abandonnée par sa hiérarchie, passive, puis hostile, la rendant coupable du climat social détérioré, lui retirant sa confiance et lui manquant de respect, annonçant même son licenciement dès 2008, l'omettant des entretiens individuels des directeurs et la mettant à l'écart des réunions, des revues sociales, de la nouvelle organisation de la société; qu'elle se plaint aussi de mesures discriminatoires, ayant perçu un salaire inférieur à ses compétences, en l'absence de versement d'une prime qui lui avait été promise; que, pour étayer ses dires, elle produit notamment des échanges de courriels en date des 22 et 30 septembre 2008 montrant son attente de directive et la passivité de la direction la mettant en porte-à-faux, sa note du 1er octobre 2008 sur le suivi de la réunion du CHSCT du 30 septembre 2008, son rapport sur l'incident au cours de cette réunion où le secrétaire du CHSCT lui a dit qu' «on ne lui avait pas donné la parole», le message de l'employeur lui rappelant qu'elle n'était pas invitée à la réunion extraordinaire du 8 octobre 2008 du comité d'entreprise et lui demandant des explications, son courrier du 5 février 2009 réclamant un entretien annuel d'évaluation pour les années 2008-2009, sa demande de réunion en date du 2 avril 2010 pour évoquer ses priorités, ses objectifs 2010, les indicateurs de performance, des courriels non lus adressés à Serge B... les 2 et 6 août 2010, son courrier du 19 octobre 2009 indiquant qu'elle n'assistera plus aux réunions des IRP «en attendant que soient reprécisées ses missions et responsabilités telles» que découlant de la nouvelle organisation mise en place, ses courriels se plaignant de n'avoir pas les moyens de ses attributions et notamment depuis son absence aux instances de direction; qu'elle verse également au débat des certificats du Dr D..., psychiatre, en date des 25 novembre 2011, 23 juillet 2012 et 13 juin 2013 évoquant le suivi de Mme Y... et l'introduction d'un traitement antidépresseur depuis le 9 novembre 2009, le courrier du Dr E..., médecin du travail, en date du 31 janvier 2011 évoquant la demande de consultation de la salariée et l'évolution des répercussions de problèmes professionnels sur son état de santé; que par ces éléments, Mme Y... établit l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris en leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement moral à son encontre; que la société SOGIMA et le GICEM font valoir, pour leur part, qu'aucun lien de causalité ne peut être fait entre l'état de santé de Mme Y... et la relation de travail, que son licenciement n'a été annoncé qu'avec la lettre du 1er mars 2011, que les demandes du directeur général et du président du directoire sur ses interventions relèvent de leur pouvoir de direction et qu'elle était en qualité de responsable du pôle ressources humaines naturellement confrontée aux points de vue souvent divergents des représentants du personnel; qu'ils contestent toute mise à l'écart, l'ensemble des dossiers gérés par elle n'ayant pas diminué; qu'au vu des pièces produites, il apparaît que Mme Y... a pris seule la décision de ne pas assister à certaines réunions, continuant à honorer de sa présence certaines autres, que le recrutement de M. C... par le Directoire était légitime, puisque placé sous son autorité directe, que toutes les primes contractuelles ont été payées; qu'il n'est pas contestable par ailleurs que la nouvelle organisation hiérarchique de la société SOGIMA a été acceptée par elle, qu'elle-même se disait parfois incapable de répondre aux demandes particulières de sa hiérarchie compte tenu de sa charge de travail et de celle des membres de son service et qu'elle n'a donc pas été dépouillée de ses attributions, ni de ses dossiers; qu'en outre, il entrait dans le pouvoir de direction de l'employeur de stigmatiser les relations dégradées avec les salariés, de demander au cadre responsable des ressources humaines des explications sur certains points, de lui faire remarquer ses erreurs; que quant aux propos vifs de certains représentants du personnel, ils n'ont pas été répétés de façon à créer pour Mme Y... un malaise dont elle se serait plainte à la Direction qui, au contraire, a souhaité l'extraire du conflit; qu'aucun manquement des employeurs n'est démontré à ce sujet; qu'enfin, les pièces produites relativement aux entretiens d'évaluation sont contradictoires et ne démontrent pas une ostracisation de la salariée en la matière; que, quant aux éléments médicaux versés au débat, ils n'induisent aucune origine professionnelle à l'état de santé constaté, le médecin du travail prenant la précaution de ne pas prendre position et de seulement «répéter ce que la salariée exprime»; que les employeurs démontrent ainsi que les faits matériellement établis par Mme Y... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral. La demande de réparation présentée à ce titre doit donc être rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef;
1°) Alors que, lorsque les juges considèrent que les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il leur revient d'apprécier si l'employeur démontre, par des éléments objectifs, que les faits établis par le salarié sont étrangers à tout harcèlement moral; qu'en l'espèce, la cour a jugé que Mme Y... établissait l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, dans leur ensemble, permettaient de présumer un harcèlement moral à son encontre; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter Mme Y... au titre de sa demande relative à un harcèlement moral, «qu'au vu des pièces produites, il apparaît qu'[elle] a pris seule la décision de ne pas assister à certaines réunions, continuant à honorer de sa présence certaines autres, que le recrutement de M. C... par le Directoire était légitime, puisque placé sous son autorité directe, que toutes les primes contractuelles ont été payées» ou encore «qu'il n'est pas contestable par ailleurs que la nouvelle organisation hiérarchique de la société SOGIMA a été acceptée par elle, qu'elle-même se disait parfois incapable de répondre aux demandes particulières de sa hiérarchie compte tenu de sa charge de travail et de celle ses membres de son service et qu'elle n'a donc pas été dépouillée de ses attributions, ni de ses dossiers», la cour d'appel, qui n'a pas explicités sur quels éléments de preuve objectifs elle se fondait pour considérer que les employeurs prouvaient que les faits dûment établis par la salariée étaient étrangers à tout harcèlement, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail;
2°) Alors que, tout jugement doit être motivé; qu'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation, sans préciser sur quelles pièces elle se fondait pour considérer que l'employeur démontrait, par des éléments objectifs, que les faits établis par le salarié étaient étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile;
3°) Alors que, il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; qu'en se bornant à réfuter l'avis du médecin du travail, quand, au titre des éléments médicaux qu'elle versait régulièrement aux débats, Mme Y... se fondait également sur 4 attestations de son médecin psychiatre, Dr D... (pièces n°83, 84, 86 et 128), la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1154-1 et 1152 du code du travail;
4°) Alors que, il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que Mme Y... établissait l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, dans leur ensemble, permettaient de présumer un harcèlement moral à son encontre; qu'en relevant, pour la débouter de sa demande au titre d'un harcèlement, que les pièces relatives aux entretiens d'évaluation étaient contradictoires et ne démontraient pas une ostracisation de la salariée, la cour d'appel , qui a fait peser sur Mme Y... le risque de la charge de la preuve d'établir que les agissements qu'elle avait réunis étaient étrangers à tout harcèlement, a violé les articles 1152-1 et 1154-1 du code de travail.