La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2019 | FRANCE | N°17-21884

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 janvier 2019, 17-21884


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., engagé par la société transports Y... le 4 avril 2007 en qualité de chauffeur routier, a démissionné le 9 mars 2008 à effet au 1er avril 2008 ; qu'après saisine par le salarié de la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail, a été décidée la liquidation amiable de la société transports Y..., avec désignation de M. Eric Y... en qualité de liquidateur ;

Sur les deux moyens du pourv

oi principal de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une déc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., engagé par la société transports Y... le 4 avril 2007 en qualité de chauffeur routier, a démissionné le 9 mars 2008 à effet au 1er avril 2008 ; qu'après saisine par le salarié de la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture du contrat de travail, a été décidée la liquidation amiable de la société transports Y..., avec désignation de M. Eric Y... en qualité de liquidateur ;

Sur les deux moyens du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Vu l'ancien article L. 122-17 du code du travail ;

Attendu, selon ce texte, que lorsqu'un reçu pour solde de tout compte est délivré et signé par le salarié à l'employeur à l'occasion de la rupture de son contrat de travail, il n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figurent ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme indûment retenue sur son salaire, l'arrêt retient que si par lettre en date du 9 mars 2008 le salarié a rappelé à son employeur son engagement de prendre en charge une partie de sa formation, celui-ci a, le 1er avril 2008, signé un reçu de la somme de 3 510,88 euros pour solde de tout compte en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail, soit postérieurement à la réclamation du 9 mars 2008 après avoir reçu son dernier bulletin de salaire pour le 1er avril 2008 mentionnant la retenue de 5 439,41 euros, étant observé que ce n'est que le 8 septembre 2014 qu'il a demandé le remboursement de cette somme, qu'il en résulte que l'employeur est libéré de tout paiement au 1er avril 2008 en l'absence de dénonciation régulière par le salarié ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le reçu pour solde de tout compte délivré et signé par le salarié le 1er avril 2008 était dépourvu d'effet libératoire pour l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Z... de sa demande en paiement d'une somme de 5 439,41 euros à titre de retenue sur salaire injustifiée, l'arrêt rendu le 23 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y..., ès qualités, à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Y... ès qualités de liquidateur amiable de la société TRANSPORTS Y... à payer à Monsieur Z... la somme de 5.790,25 € au titre de la contrepartie en repos, outre les frais irrépétibles et les dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande relative à la contrepartie obligatoire en repos, Monsieur Ludovic Z... soutient que pour toutes heures supplémentaires accomplies au-delà d'un contingent annuel, le salarié bénéficie d'une contrepartie obligatoire en repos, que le nombre d'heures supplémentaires par trimestre effectuées excède largement les 108 heures, qu'il lui est dû une indemnité équivalente à 5 jours par trimestre, soit 20 jours pour la période considérée ; que Monsieur Eric Y... réplique ès-qualités, que c'est Monsieur Ludovic Z... lui-même qui a calculé les heures supplémentaires et qui a retenu à tort un taux de 50 % ; que selon l'article L. 3171-4 du code du travail, la preuve des horaires de effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, Monsieur Ludovic Z... produit aux débats les disques du temps de conduite un des récapitulatifs d'heures établis à partir de ces disques qu'il prétend avoir effectuées de nature à étayer sa demande ; que l'employeur n'apporte utilement aucun élément de nature à contester l'analyse ainsi faite des décomptes produits par le salarié ; qu'il convient donc de considérer que Monsieur Ludovic Z... a effectué 996 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires de 195 heures et de dire que la contrepartie en repos compensateur doit être rémunérée conformément à la demande de Monsieur Ludovic Z..., soit compte tenu d'un taux horaire de 10,57 € justement majoré de 50 % de chaque heure accomplie pour les entreprises de 20 salariés au plus, et de 10 % au titre des congés payés, la somme de 5.790,25 €, par infirmation du jugement entrepris » ;

ALORS QUE le repos compensateur obligatoire dû pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel est fixé à 50 % du nombre d'heures effectuées au-delà du contingent pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % du même nombre pour les entreprises de plus de vingt salariés ; que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis ; que cette indemnité en espèce est calculée en fonction de la rémunération horaire moyenne du salarié sans qu'il y ait lieu d'appliquer, sauf accord collectif plus favorable, la majoration applicable à la rémunération des heures supplémentaires proprement dites ; que Monsieur Z... avait appliqué à la rémunération horaire servant de base à sa demande une majoration applicable aux seules heures de nuit, en se fondant sur le fait, non pas qu'il aurait habituellement travaillé de nuit mais que les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur obligatoire auraient été effectuées « pour partie de nuit » (ses conclusions, page 9) ; qu'en se bornant à affirmer, pour faire droit intégralement à la demande, que le taux horaire servant de base de calcul à l'indemnité compensatrice avait été « justement majoré » sans vérifier si le salarié travaillait habituellement de nuit ni si, par conséquent, la majoration pour heures de nuit était uniformément applicable lorsque le salarié travaillait normalement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-5-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article 3.1 de l'Accord du 14 novembre 2001 relatif au travail de nuit.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la démission de Monsieur Z... devait être requalifiée en prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné Monsieur Y... ès qualités de liquidateur amiable de la société TRANSPORTS Y... à lui payer les sommes de 1.988,77 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 198,87 € au titre des congés payés y afférents, 625,59 € à titre d'indemnité de licenciement et 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre les frais irrépétibles et les dépens ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la démission de Monsieur Ludovic Z..., Monsieur Ludovic Z... soutient que sa démission a été provoquée par le comportement fautif de son employeur, qu'elle est équivoque compte tenu de l'existence d'un différend l'opposant à celui-ci ; qu'il est constant qu'au terme de sa démission en date du 09 mars 2008 Monsieur Ludovic Z... a évoqué à son employeur des désaccords sur les heures supplémentaires, les heures de nuit, sur les primes repas, qu'elle présente ainsi un caractère équivoque ; que l'inexécution par l'employeur, des obligations dûment justifiées, entraîne par infirmation du jugement entrepris la rupture du contrat de travail aux torts de celuici produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation s'étendra, conformément à l'article 624 du Code de procédure civile, à l'arrêt en ce qu'il a déclaré justifiée la prise d'acte de la rupture ;

ALORS, D'AUTRE PART QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel s'est bornée à dire, pour déclarer justifiée la prise d'acte de la rupture, que « l'inexécution par l'employeur des obligations dûment justifiées entraîne la rupture du contrat de travail aux torts de celui-ci » ; qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si les manquements de l'employeur étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 121-1 [devenu L. 1221-1] du Code du travail, ensemble l'article 1184 [devenu 1224 et suivants] du Code civil. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Yves et Blaise C..., avocat aux Conseils, pour M. Z....

Il est fait grief à l'arrêt, sur ce point confirmatif, attaqué D'AVOIR débouté M. Ludovic Z... de sa demande tendant à la condamnation de M. Éric Y..., pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société TRANSPORTS Y... , à lui payer la somme de 5 439, 21 euros au titre d'un acompte non réglé et de retenues injustifiées ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Monsieur Ludovic Z... soutient qu'il n'a jamais perçu un acompte de 5 439, 41 € apparaissant sur son bulletin de salaire du mois d'avril 2008, que l'employeur ne pouvait opérer une retenue de salaire au motif qu'elle correspondait au coût d'une formation avancée au profit du salarié. / Monsieur Éric Y... réplique ès qualités qu'il a réglé une formation à son salarié, que cette retenue ne peut correspondre à une formation qu'il a réglée, que le solde de tout compte n'a jamais été dénoncé, qu'il s'agit en réalité d'une histoire de famille. / Si par lettre en date du 9 mars 2008, Monsieur Ludovic Z... a rappelé à son employeur son engagement de prendre en charge une partie de sa formation, celui-ci a le 1er avril 2008 signé un reçu de la somme de 3 510, 88 € pour solde de tout compte en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail, soit postérieurement à la réclamation du 9 mars 2008 après avoir reçu son dernier bulletin de salaire pour le 1er avril 2008 mentionnant la retenue de 5 439, 41 euros, étant observé que ce n'est que le 8 septembre 2014 que Monsieur Ludovic Z... a demandé le remboursement de cette somme. / Il en résulte que l'employeur est libéré de tout paiement au 1er avril 2008, en l'absence de dénonciation régulière par le salarié, que celui-ci doit être débouté de sa demande de ce chef » (cf., arrêt attaqué, p. 4) ;

ALORS QU'aux termes des dispositions de l'article L. 122-17 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, qui est applicable à la cause, lorsqu'un reçu pour solde de tout compte est délivré et signé par le salarié à l'employeur à l'occasion de la résiliation ou de l'expiration du contrat de travail, il n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figurent et, donc, n'est pas libératoire pour l'employeur, même s'il n'est pas ultérieurement dénoncé par le salarié ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter M. Ludovic Z... de sa demande en paiement de la somme de 5 439, 21 euros au titre d'un acompte non réglé et de retenues injustifiées, que M. Ludovic Z... avait, le 1er avril 2008, signé un reçu pour solde de tout compte, après avoir reçu son dernier bulletin de salaire du 1er avril 2008 mentionnant une retenue de 5 439, 41 euros, que ce n'est que le 8 septembre 2014 que M. Ludovic Z... a demandé le remboursement de cette somme et qu'il en résultait que l'employeur était libéré de tout paiement au 1er avril 2008, en l'absence de dénonciation régulière par M. Ludovic Z..., quand le reçu pour solde de tout compte signé le 1er avril 2008 par M. Ludovic Z... n'avait la valeur que d'un simple reçu des sommes qui y figuraient et n'était donc pas libératoire pour la société TRANSPORTS Y... , même en l'absence de dénonciation ultérieure de la part de M. Ludovic Z..., la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 122-17 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, qui est applicable à la cause ;

ET, À TITRE SUBSIDIAIRE, DANS L'HYPOTHÈSE OÙ IL SERAIT RETENU QU'ILS ONT ÉTÉ ADOPTÉS PAR LA COUR D'APPEL DE ROUEN, AUX MOTIFS QUE « Monsieur Z... soutient que des retenues injustifiées ainsi qu'un acompte ne lui auraient pas été réglés. / La Sarl Transports Y... informe le conseil que les retenues faites par le cabinet comptable de la Sarl Transports Y... correspondaient à une régularisation des heures supplémentaires répondant aux critères de la loi Tepa. / Sur l'acompte figurant sur le bulletin de paie d'avril 2008, Monsieur Z... soutient qu'il correspond au paiement de son permis poids lourds qui lui aurait été déduit indûment par la société. Il fait référence à l'article L. 3251-2 du code du travail qui dispose : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 3251-1, une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l'employeur peut être opérée dans les cas de fournitures suivants : 1° outils et instruments nécessaires au travail ; 2° matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l'usage ; 3° sommes avancées pour l'acquisition de ces mêmes objets ". / Le conseil relève que c'est la Sarl Transports Y... qui a pris en charge la formation et le permis 44 tonnes pour permettre l'embauche de Monsieur Z... qui n'aurait pu se faire sans celui-ci. / Monsieur Y... soulève également que cet accord est survenu afin que Monsieur Z... régularise une situation délicate. / Le conseil estime qu'effectivement, le permis 44 tonnes est un outil et un instrument nécessaire au travail et que la société a avancé les sommes aux fins d'acquisition de ce permis. / En conséquence, le conseil estime que la retenue effectuée est justifiée et ne fait pas droit à la demande de Monsieur Z... » (cf., jugement entrepris, p. 5) ;

ALORS QUE, de seconde part, une formation ne peut constituer un outil ou un instrument nécessaire au travail au sens des dispositions de l'article L. 3251-2 du code du travail, qui dérogent aux dispositions de l'article L. 3251-1 du code du travail qui interdisent à l'employeur d'opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature ; qu'en retenant le contraire, par motifs adoptés des premiers juges, pour débouter M. Ludovic Z... de sa demande en paiement de la somme de 5 439,21 euros au titre d'un acompte non réglé et de retenues injustifiées, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3251-1 et L. 3251-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21884
Date de la décision : 09/01/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 23 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jan. 2019, pourvoi n°17-21884


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21884
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award