LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société AJ construction, qui a pour activité la construction de bâtiments à usage commercial et industriel, a signé, le 24 avril 2009, un acte prévoyant le paiement, selon certaines modalités, d'une somme de 400 000 euros à M. Y..., au titre du contrat avec la société Jardel qu'il lui avait apporté ; que cette société a résilié ultérieurement ce contrat ; que la société AJ construction ayant refusé de lui payer l'acompte de 360 000 euros prévu par le contrat d'apporteur d'affaire, M. Y... l'a assignée en paiement de cette somme ainsi que de pénalités de retard ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des pénalités de retard en application des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce alors, selon le moyen :
1°/ que l'apporteur d'affaire exerçant une activité par nature commerciale, les pénalités de retard qui lui sont dues relèvent du régime de l'article L. 441-6 du code de commerce ; qu'en rejetant la demande de pénalités formées par M. Y... à l'encontre de la société AJ construction, pour retard dans le paiement de la commission d'apporteur d'affaire convenue avec cette société, au motif qu'il n'établissait pas relever des dispositions de ce texte, la cour d'appel a violé les articles L. 110-1 et L. 441-6 du code de commerce ;
2°/ que les pénalités de retard pour non-paiement des factures prévues par l'article L. 441-6 du code de commerce sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales du contrat ; qu'en retenant ensuite, pour écarter la demande de pénalités formées par M. Y... à l'encontre de la société AJ construction, qu'il n'établissait pas avoir respecté les obligations imparties par l'article L. 441-6, la cour d'appel a encore violé cet article ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce sont applicables aux producteurs, prestataires de services, grossistes ou importateurs ; que M. Y... ayant indiqué dans ses écritures qu'il avait cessé toute activité depuis 2006, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'il ne démontrait pas relever de ces dispositions ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles 1134 et 1156 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour condamner la société AJ construction à payer à M. Y... la somme de 360 000 euros au titre de la commission prévue par le contrat du 24 avril 2009, l'arrêt retient que le contrat conclu entre les parties est parfaitement clair et sans la moindre ambiguïté et qu'il n'y a pas lieu dès lors de rechercher la commune intention des parties ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, la commune intention des parties pour interpréter le contrat d'apport d'affaire litigieux, qui, d'un côté, indiquait qu'il portait sur l'apport d'un contrat concernant « la réalisation de travaux pour le compte de la Société Jardel », et prévoyait qu'une partie de la commission due à l'apporteur de l'affaire devait être payée « à la réception du bâtiment » et, de l'autre, fixait la date de paiement de cette même commission et son premier versement, à hauteur de 90 %, ainsi que celui de partie de l'acompte dû par le client, « à la signature du contrat », de sorte qu'il était ambigu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident ;
Et sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande formée par M. Y... au titre des pénalités de retard en application des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce, l'arrêt rendu le 8 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société AJ construction la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société AJ construction, demanderesse au pourvoi principal
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné une entreprise (la société AJ Construction, l'exposante) à payer à un apporteur d'affaire (M. Y...) la somme de 360 000 euros à titre de commission correspondant à l'apport d'un marché de construction ultérieurement résilié ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de la convention conclue entre les parties, parfaitement claire et sans la moindre ambiguïté, la société AJ Construction reconnaissait que M. Y... lui avait apporté le contrat qu'elle avait conclu avec la société Jardel concernant la réalisation de travaux pour le compte de cette dernière, et qu'en contrepartie elle s'était engagée à verser à l'appporteur, à la date de signature du contrat avec lui, la somme de 400 000 euros, dont 90 % devaient être payés à la date de signature du contrat et les 10 % restant à la date de réception du bâtiment ; qu'il en résultait qu'aucune condition suspensive n'était convenue entre les parties et que le droit à paiement au profit de M. Y... était acquis dès la signature du contrat entre la société AJ Construction et la société Jardel, peu important l'évolution ultérieure de leurs relations contractuelles ; que, bien que le contrat de construction de gré à gré eût été signé entre ces dernières le 7/7/2009, les premiers juges ne pouvaient, pour rejeter la demande en paiement présentée par M. Y..., procéder à la dénaturation de cette convention, claire et explicite, en ajoutant une condition supplémentaire à celles prévues par les parties, et se fonder sur l'évolution des relations contractuelles entre les sociétés Jardel et AJ Construction pour rejeter la demande en paiement de la commission, pour la seule raison que, postérieurement à la signature dudit contrat, la société Jardel avait renoncé à l'opération de construction prévue ; qu'en effet, comme relevé ci-dessus, la convention conclue entre les parties étant parfaitement claire, les dispositions de l'article 1156 du code civil ne pouvaient recevoir application (arrêt attaqué, p. 3, 1er à 4ème al.) ;
ALORS QUE le juge ne peut refuser d'interpréter un acte ambigu, notamment par la recherche de la commune intention des parties, au prétexte qu'il serait clair ; qu'en l'espèce, le contrat d'apport d'affaire litigieux indiquait explicitement qu'il avait pour objet « la réalisation de travaux pour le compte de la Société Jardel », une partie de la commission étant en outre à payer à l'apporteur de l'affaire « à la réception du bâtiment », tout en fixant la date de paiement de cette même commission et son premier versement, à hauteur de 90 %, ainsi que celui de partie de l'acompte dû par le client, « à la signature du contrat » ; que les stipulations relatives à la rémunération de l'apporteur d'affaire, par leurs références cumulatives à la réalisation du marché "apporté", à sa signature et au règlement de l'acompte, créaient une ambiguïté rendant nécessaire leur interprétation, notamment par la recherche de la commune intention des parties, de sorte qu'en refusant d'y procéder au prétexte que ladite convention aurait été "parfaitement" claire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil. Moyen produit par Me A... , avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté M. Y... de sa demande au titre des pénalités de retard en application des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'appelant, qui n'a pas démontré relever des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce et avoir respecté les obligations imposées par cet article, sera débouté de sa demande au titre des pénalités de retard fondées sur ces dispositions ;
ALORS QUE l'apporteur d'affaire exerçant une activité par nature commerciale, les pénalités de retard qui lui sont dues relèvent du régime de l'article L. 441-6 du code de commerce ; qu'en rejetant la demande de pénalités formées par M. Y... à l'encontre de la société AJ Construction, pour retard dans le paiement de la commission d'apporteur d'affaire convenue avec cette société, au motif qu'il n'établissait pas relever des dispositions de ce texte, la cour d'appel a violé les articles L. 110-1 et L. 441-6 du code de commerce ;
ALORS QUE les pénalités de retard pour non-paiement des factures prévues par l'article L. 441-6 du code de commerce sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales du contrat ; qu'en retenant ensuite, pour écarter la demande de pénalités formées par M. Y... à l'encontre de la société AJ Construction, qu'il n'établissait pas avoir respecté les obligations imparties par l'article L. 441-6, la cour d'appel a encore violé cet article.