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21/11/2018 | FRANCE | N°17-25761

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 17-25761


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... engagée le 16 septembre 1997 par la caisse régionale du Crédit agricole Charente-Périgord en qualité d'assistante commerciale est employée depuis le 2 mai 2006 par la caisse régionale de Toulouse et Midi Toulousain ; qu'elle a, par lettre du 28 octobre 2010, informé l'employeur de sa candidature aux élections de délégué du personnel ; qu'ayant le 27 octobre 2010 convoqué l'intéressée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, l'employeur a demand

é l'autorisation de l'inspecteur du travail pour licencier la salariée ; qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... engagée le 16 septembre 1997 par la caisse régionale du Crédit agricole Charente-Périgord en qualité d'assistante commerciale est employée depuis le 2 mai 2006 par la caisse régionale de Toulouse et Midi Toulousain ; qu'elle a, par lettre du 28 octobre 2010, informé l'employeur de sa candidature aux élections de délégué du personnel ; qu'ayant le 27 octobre 2010 convoqué l'intéressée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, l'employeur a demandé l'autorisation de l'inspecteur du travail pour licencier la salariée ; que sur recours hiérarchique, le ministre chargé du travail a, le 2 septembre 2011, annulé la décision de refus implicite de l'inspecteur du travail en raison de l'absence d'énonciation des motifs ; que le 9 septembre 2011, l'employeur a notifié à l'intéressée son licenciement pour faute grave ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée certaines sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, et au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l'annulation par l'autorité hiérarchique de la décision de l'inspecteur du travail ayant implicitement refusé l'autorisation de licenciement sans à aucun moment se prononcer sur les motifs de licenciement ni leur lien avec le mandat, permet à l'employeur, retrouvant son droit de licencier librement le salarié à l'issue de la protection, de fonder le licenciement sur les griefs qui avaient motivé la saisine de l'inspecteur du travail et que ce dernier n'a jamais examiné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'inspecteur du travail avait opposé un refus implicite à la demande d'autorisation de licencier Mme Y... ; qu'il ressortait par ailleurs des termes de la décision du ministre du travail du 2 septembre 2011 ayant annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail que ce dernier n'avait à aucun moment donné de motif à son refus, lequel procédait uniquement de ce que la demande de l'employeur ne comportait elle-même pas de motif justifiant la procédure, le ministre ayant après annulation de la décision de l'inspecteur du travail constaté que la protection avait pris fin et qu'il n'appartenait plus à l'autorité administrative de se prononcer ; qu'il s'en évinçait que l'autorité administrative – ni l'inspecteur du travail, ni le ministre – ne s'était jamais prononcée sur les motifs de licenciement, dont il était par ailleurs constant qu'ils se rattachaient tous à une période antérieure au déclenchement de la protection liée à la candidature de la salariée ; que la cour d'appel a d'ailleurs elle-même constaté que l'inspecteur du travail n'avait jamais examiné les motifs exprimés fondant le licenciement pour faute grave ; qu'en jugeant pourtant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur ne pouvait fonder le licenciement sur des motifs déjà utilisés, quand il ressortait de ses propres constatations que l'autorité administrative ne s'était jamais prononcée sur le bien-fondé de ces motifs, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles L. 2411-5 et L. 2411-7 du même code ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant examiné la matérialité des faits reprochés au salarié à l'appui de la procédure de licenciement, le moyen, inopérant en ce qu'il vise des motifs erronés mais surabondants, n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et l'article L. 1234-9, dans sa rédaction applicable en la cause, du même code ;

Attendu que, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'une dizaine de salariés convoqués pour les mêmes motifs n'ont fait l'objet que d'un avertissement ou d'un blâme ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires, sanctionner différemment des salariés ayant commis une faute semblable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel [...] .

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel [...] à payer Madame Y... les sommes de 4 412,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 441,20 euros au titre des congés payés y afférents, 24 266,44 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement saris cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application de l'article 700, alinéa 1er du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement : Il est de principe que le licenciement prononcé à l'expiration de la période légale de protection ne peut légalement être motivé par les faits invoqués devant l'autorité administrative qui ont conduit à une décision de refus. Partant, un tel licenciement serait considéré comme dépourvu de toute cause réelle et sérieuse. Sont versés aux débats : le courrier de l'employeur adressé à la DIRECCTE en date du 13 janvier 2011 pour demander l'autorisation du licenciement de la salariée et dans lequel il est précisé : "Madame Y... a commis des faits fautifs dont vous trouverez la nature et le détail dans le document ci-joint qui a été établi en vue de la consultation du comité d'entreprise qui s'est tenue le 6 janvier 2011", le courrier de la DIRECCTE en date du 25 février 2011 ayant pour objet "Demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé", ainsi libellé : "Je suis saisie par votre employeur ; la caisse régionale de crédit agricole mutuel [...] (..) d'une demande d'autorisation de vous licencier. Cette demande est parvenue à mon service le 18 janvier 2011", un courrier de la DIRECCTE en date du 8 juin 2011 précisant : "votre employeur a formé un recours hiérarchique à l'encontre de la décision de refus (implicite) refusant l'autorisation de votre licenciement", un courrier du ministère du travail, de l'emploi et de la santé en date du 2 septembre 2011, indiquant "considérant que la demande d'autorisation de licenciement reçue par l'inspecteur du travail le 18 janvier 2011, ne comporte par elle-même l'énoncé d'aucun motif justifiant la procédure engagée par l'employeur, contrairement aux dispositions de l'article R. 2421-10 du code du travail ; qu'en conséquence, elle devait être rejetée ; considérant toutefois qu'il appartient à l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi d'une demande de motivation clans le délai des deux mois du recours contentieux par la personne ayant intérêt à agir, de communiquer à celle-ci les motifs de sa décision dans le mois suivant ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du travail n'a pas motivé son refus du 18 mars 2011 en réponse à la demande en date du 28 avril 2011 de la Caisse de Crédit Agricole ; que dès lors, sa décision encourt l'annulation pour le motif, seul, de défaut de motivation ; considérant que la candidature de la salariée aux élections du personnel a été portée à la connaissance de l'employeur le 28 octobre 2010 ; que par conséquent la protection de Madame Y... est arrivée à expiration le 28 avril 2011 ; qu'il n'appartient plus, dès lors, à l'autorité administrative de se prononcer sur son licenciement". Contrairement à ce que soutient la salariée, le licenciement notifié par lettre du 9 septembre 2011 est advenu à l'issue de la période de protection et n'avait donc pas à être autorisé. S'agissant d'une décision implicite de rejet, l'inspecteur du travail n'a jamais examiné les motifs exprimés fondant le licenciement pour faute grave. Sur recours hiérarchique de cette décision, le ministre du travail a considéré que la demande d'autorisation du licenciement reçue par l'inspecteur du travail L ;) 18 janvier 2011 ne comportait l'énoncé d'aucun motif justifiant la procédure engagée par l'employeur, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2421-10 du code du travail. Considérant que la période de protection était arrivée à expiration ; la décision de rejet implicite a été annulée. Ce faisant, l'employeur ne peut fonder la nouvelle procédure de licenciement engagée sur des motifs déjà utilisés et alors même que sur le fond, une dizaine de salariés convoqués pour les mêmes motifs n'ont fait l'objet que d'un avertissement ou d'un blâme. De telle sorte que le licenciement de la salariée notifié le 9 septembre 2011 doit être considéré comme étant dépourvu de toute cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point. Sur les demandes indemnitaires : La cour retient que le salaire moyen brut de Madame Y... est de 2 206,04 euros. Sur l'indemnité de préavis : Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire s'il a plus de deux ans d'ancienneté au sein de l'entreprise. Il en résulte que Madame Y... est en droit de réclamer la somme de 4 412,08 euros (2 206,04 x 2) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 441,20 euros d'au titre des congés payés y afférents. Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement Il est constant que Madame Y... bénéficiait d'une ancienneté de 14 ans et 2 mois au jour de son licenciement. Aux termes de l'article 14 de la convention collective applicable, l'indemnité conventionnelle de licenciement est égale à "1/4 de mois de salaire par semestre entier d'ancienneté, pour les 6 premières années d'ancienneté et 1/2 de mois de salaire par semestre entier d'ancienneté pour les années suivantes". Il en résulte que Madame Y... est en droit de percevoir la somme de 24 266,44 euros (1/4 x 12 semestres x 2 206,04 + 1/2 x 16 semestres x 2 206,04) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : Il est de principe que l'indemnité octroyée à un salarié en raison de l'absence do cause réelle et sérieuse de son licenciement ne peut être inférieure aux salaires perçus par celui-ci au cours des six derniers mois. Il n'est pas contesté que Madame Y... bénéficiait d'une ancienneté de 14 ans et 2 mois au sein de la société au moment du licenciement et qu'elle avait 39 ans, elle ne justifie pas de sa situation postérieurement au licenciement sauf la perception deux ans après ce dernier du versement d'une pension d'invalidité, il lui sera accordé la somme de 20 000 € au titre des dommages et intérêts.

1°) ALORS QUE l'annulation par l'autorité hiérarchique de la décision de l'inspecteur du travail ayant implicitement refusé l'autorisation de licenciement sans à aucun moment se prononcer sur les motifs de licenciement ni leur lien avec le mandat, permet à l'employeur, retrouvant son droit de licencier librement le salarié à l'issue de la protection, de fonder le licenciement sur les griefs qui avaient motivé la saisine de l'inspecteur du travail et que ce dernier n'a jamais examiné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'inspecteur du travail avait opposé un refus implicite à la demande d'autorisation de licencier Mme Y... ; qu'il ressortait par ailleurs des termes de la décision du ministre du travail du 2 septembre 2011 ayant annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail que ce dernier n'avait à aucun moment donné de motif à son refus, lequel procédait uniquement de ce que la demande de l'employeur ne comportait elle-même pas de motif justifiant la procédure, le ministre ayant après annulation de la décision de l'inspecteur du travail constaté que la protection avait pris fin et qu'il n'appartenait plus à l'autorité administrative de se prononcer ; qu'il s'en évinçait que l'autorité administrative – ni l'inspecteur du travail, ni le ministre – ne s'était jamais prononcée sur les motifs de licenciement, dont il était par ailleurs constant qu'ils se rattachaient tous à une période antérieure au déclenchement de la protection liée à la candidature de la salariée ; que la cour d'appel a d'ailleurs elle-même constaté que l'inspecteur du travail n'avait jamais examiné les motifs exprimés fondant le licenciement pour faute grave ; qu'en jugeant pourtant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur ne pouvait fonder le licenciement sur des motifs déjà utilisés, quand il ressortait de ses propres constatations que l'autorité administrative ne s'était jamais prononcée sur le bien-fondé de ces motifs, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble les articles L. 2411-5 et L. 2411-7 du même code ;

2°) ALORS en outre QUE le juge est tenu d'examiner l'ensemble des griefs contenu dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, en jugeant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme Y..., aux motifs que les collègues de Mme Y... convoqués pour les mêmes motifs n'avaient fait l'objet que d'un avertissement ou d'un blâme (cf. arrêt attaqué p. 9), sans aucunement rechercher si les faits qui étaient reprochés à la salariée étaient ou non avérés et, dans l'affirmative, s'ils étaient susceptibles de justifier la rupture du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-25761
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 07 juillet 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2018, pourvoi n°17-25761


Composition du Tribunal
Président : M. Rinuy (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.25761
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