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21/11/2018 | FRANCE | N°17-13509

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 novembre 2018, 17-13509


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée par la société Agence Pfaff le 2 mai 2003 en qualité de représentant, a saisi la juridiction prud'homale le 20 octobre 2011 en demande de paiement de diverses sommes, puis en contestation de son licenciement après avoir été licenciée pour motif économique par lettre du 25 novembre 2011 ;

Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieus

e et condamner la société à payer à la salariée des sommes au titre de solde restant d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée par la société Agence Pfaff le 2 mai 2003 en qualité de représentant, a saisi la juridiction prud'homale le 20 octobre 2011 en demande de paiement de diverses sommes, puis en contestation de son licenciement après avoir été licenciée pour motif économique par lettre du 25 novembre 2011 ;

Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à payer à la salariée des sommes au titre de solde restant dû sur l'indemnité de préavis et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la lettre de licenciement fait mention de la suppression d'un poste d'assistante commerciale et que la salariée occupait un poste de représentant au vu des mentions de son contrat de travail et du registre du personnel ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher quel emploi occupait effectivement l'intéressée à la date du licenciement, alors que la lettre de licenciement faisait état de la suppression de son poste d'assistante commerciale liée à la réorganisation de la force de vente dédiée à l'activité non alimentaire de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de Mme Y... sans cause réelle et sérieuse, et condamne la société Pfaff à lui payer les sommes de 2 052,25 euros à titre de solde restant dû sur l'indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 16 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me A..., avocat aux Conseils, pour la société PFAFF

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit le licenciement de Mme Y... sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Pfaff à payer à Mme Y... les sommes de 2.052,25 € bruts à titre de solde restant dû sur l'indemnité de préavis et de 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE :

« Attendu que la lettre de licenciement du 25 novembre 2011, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :
"Nous faisons suite à l'entretien préalable auquel nous vous avions régulièrement convoquée pour le 14 novembre 2011, dans le cadre de la mesure de licenciement pour motif économique envisagée à votre égard.
Nous vous en rappelons ci-après les raisons.
Nous nous trouvons contraints de procéder à la suppression de votre poste d'assistante commerciale de notre activité non alimentaire chargée du secteur composé des départements 54, 55, 57, et 88, compte tenu des très sérieuses difficultés économiques éprouvées et de l'absolue nécessité de sauvegarde de l'équilibre économique et financier de notre Agence dont la réorganisation de la force de vente dédiée à l'activité non alimentaire s'impose inévitablement.
En effet, nous vous avons précédemment informée, soit au mois de mai dernier, de la rupture sans préavis du contrat qui nous liait à la société ROLDAN ceci à l'initiative de cette dernière.
Or, ce fournisseur était prépondérant dans notre activité non alimentaire.

Sur l'année 2010, la carte ROLDAN avait ainsi représenté de l'ordre de 60 % du montant des commissions de l'Agence, et donc de ses ressources d'exploitation, pour son activité non alimentaire.
Sans les commissions acquises grâce à la représentation commerciale ROLDAN, l'activité non alimentaire de l'Agence aurait été lourdement déficitaire en 2010.
Mais, plus encore, l'importance de ce fournisseur était telle qu'en 2010, sans ces commissions acquises, les résultats d'exploitation globaux de notre Agence, tous secteurs confondus, se serait soldés par une situation déficitaire.
Ainsi, notre entreprise aurait présenté des résultats déficitaires de 50 000 € environ.

La rupture des relations prononcées brutalement par ROLDAN au mois de mai dernier nous a donc fait perdre pour l'avenir les commissions liées à cette carte d'importance majeure, déséquilibrant non pas simplement notre activité non alimentaire, mais également toute l'Agence.

Les effets financiers de la perte de ces commissions sont déjà mesurables et vont s'amplifier de façon certaine.
Au 30 juin dernier, alors que nous bénéficions encore de commissions liées à la carte ROLDAN à hauteur de 50 % du montant total, le montant total des commissions de l'activité non alimentaire ne s'élevait déjà plus qu'à 139 000 € au lieu de 155 000 € à la même période en 2010.
Nécessairement, ces résultats vont se dégrader plus encore avec la disparition totale des commissions ROLDAN.

Parallèlement, et par voie de conséquence, la situation globale d'exploitation de l'Agence devient déficitaire. Mais en outre, la situation de l'Agence se trouve aggravée par la réduction importante dans notre activité Liquide de commissions auprès de différents fournisseurs, lesquelles pertes sont de plus de 50 000 € pour le seul premier semestre 2011.

Enfin, il vient de nous être aussi notifié le retrait des cartes XICA et NATetamp;CO, nouvel événement désastreux pour l'Agence.

Au total, sur l'activité non alimentaire, nous perdons donc l'équivalent de quasiment 90 % des commissions et du portefeuille. Ceci représente aussi 25 % des produits d'exploitation totaux de l'Agence.
Clairement, la situation déficitaire qui résultait de la perte de la carte ROLDAN va s'en trouvée alourdie.

De façon indispensable, nous devons donc, pour sauvegarder ou plus exactement rétablir l'équilibre économique et financier de l'Agence, qui ne peut pas supporter une telle perte de commissions, soit de ses produits d'exploitation, avec un maintien à l'identique de ses charges fixes, dont un effectif commercial identique, procéder à une remise en cause de notre organisation et de nos structures.
Notre activité non alimentaire étant désormais des plus réduite, nous ne pouvons que devoir décider de supprimer votre poste attaché à cette activité sur le secteur constitué des départements 54, 55, 57, 88.
Nous rappelons de surcroît que, consécutivement à l'annonce brutale de rupture par ROLDAN, vous n'avez pas voulu répondre favorablement aux deux solutions possibles que nous envisagions alors et portées à votre connaissance par courrier du 7 juin 2011, et donc souscrire ainsi à une modification de votre contrat de travail par le biais d'une réduction de votre temps de travail ou d'une modification de votre zone géographique d'activité.

Par ailleurs, faute d'autres possibilités au sein de notre société, nous sommes à présent dans l'impossibilité de vous offrir une solution de reclassement.

Nous n'avons dès lors pas d'autre solution que de prononcer votre licenciement.

La date de première présentation de la présente lettre marquera le point départ de votre préavis d'une durée de deux mois.
Pendant cette période, si une nouvelle opportunité de reclassement se faisait jour, elle vous serait immédiatement proposée.
Toutefois, nous vous rappelons que vous avez encore jusqu'à la date du 5 décembre 2011 au plus tard, dans les 10 jours à la date de la présente, pour adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle qui vous a été proposé le 14 novembre dernier.
Si à la date du 5 décembre 2011 vous ne nous avez pas fait connaître votre choix, ou si vous refusez la proposition de Contrat de Sécurisation Professionnelle Convention, la présente lettre constituera la notification de votre licenciement économique.
Si au contraire vous adhérez au Contrat de Sécurisation Professionnelle, votre contrat de travail sera automatiquement rompu à la date du 05 décembre 2011 et la présente lettre deviendra sans objet."

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ;

Attendu que pour conclure au licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'appelante se prévaut en premier lieu du non-respect des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail ;

que selon ces dispositions, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-1, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception en l'informant qu'il dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus, ce texte précisant en son dernier alinéa que "à défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée" ;

Attendu qu'il est constant que par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 7 juin 2011, informant la salariée de la rupture sans préavis du contrat liant la société Pfaff à la société Rodlan et de la restructuration nécessaire en découlant de la force de vente dédiée à cette activité, l'employeur a proposé à Mme Valérie Y... une modification de son contrat de travail selon l'alternative suivante :
"1ère possibilité :
Réduction du temps de travail avec une réduction au prorata des salaires de Valérie Y..., Maud B... et Nadia C....
Le temps de travail hebdomadaire passerait de 5 à 3 jours par semaine et les salaires seraient diminués de 40 %.
Cette solution ne peut être retenue que dans la mesure où chacune y donne son accord.
A défaut d'acceptation unanime, nous devrons y renoncer.

2ème possibilité :
Nous passons de trois à deux secteurs avec donc des zones géographiques agrandies ce qui implique malheureusement la suppression d'un poste sur les trois.
Nous joignons à la présente la délimitation de deux secteurs agrandis subsistant.
Cette seconde solution impliquerait que vous acceptiez la modification de votre contrat de travail quant à l'un des deux nouveaux secteurs ainsi créés.
Inévitablement, cette solution impliquerait également une suppression de poste qui, à défaut d'autre solution de reclassement, pourrait se traduire par un licenciement économique, ce pour quoi nous observerons les critères d'ordre déterminés par le code du travail" ;

que ce courrier se termine par la mention suivante : "Nous vous précisons qu'à défaut de réponse de votre part, nous devrons considérer que vous refusez ces deux propositions" ;

Attendu qu'une telle mention n'est certes pas conforme aux dispositions précitées de l'article L. 1222-6 du code du travail ;

que cependant c'est vainement que l'appelante soutient que ce non-respect des dispositions de l'article L. 1222-6 rend sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé au visa d'un refus de la proposition de modification du contrat de travail ;

que certes, dans sa lettre de licenciement, l'employeur rappelle que "consécutivement à l'annonce brutale de rupture par Rodlan, vous n'avez pas voulu répondre favorablement aux deux solutions possibles que nous envisagions alors et portées à votre connaissance par courrier du 7 juin 2011, et donc souscrire ainsi à une modification de votre contrat de travail par le biais d'une réduction du temps de travail ou d'une modification de votre zone géographique d'activité" ;

que pour autant, dès lors que la proposition de modification du contrat de travail était faite selon une alternative, ce qui impliquait que l'acceptation d'une branche de cette alternative excluait nécessairement tout accord sur l'autre branche, le silence conservé par la salariée ne pouvait de fait pour l'employeur être interprété autrement qu'en un refus de la part de Mme Valérie Y..., celle-ci ne pouvant sérieusement soutenir avoir, sous couvert des dispositions précitées, accepté simultanément les deux branches de l'alternative incompatibles entre elles, étant souligné que l'article L. 1222-6 ne fait que réputer accord l'absence de réponse du salarié ;

qu'au surplus, le licenciement n'est pas motivé exclusivement par ce refus de la salariée mais est motivé par la rupture des contrats liant la société Pfaff à Rodlan et d'autres sociétés (XICA et Natetamp;Co) nécessitant selon l'employeur afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise une réorganisation de l'entreprise, dont la modification du contrat de l'appelante pouvait constituer une modalité ;

Attendu que ce moyen ne peut donc qu'être rejeté ;

Mais attendu que l'énonciation d'un motif erroné équivaut à une absence de motif ;

que la lettre de licenciement doit énoncer à la fois la cause économique fondant le recours au licenciement et ses conséquences sur l'emploi occupé par le salarié concerné ;

qu'or, ainsi que le souligne l'appelante, la société Pfaff, dans la lettre de licenciement fixant les termes du litige, indique être contrainte de supprimer "votre poste d'assistante commerciale", alors qu'aux termes du contrat de travail Mme Valérie Y... a été engagée en qualité de représentant, et ce même si elle ne peut se voir reconnaître le statut de VRP ; que c'est cette même qualité de représentant qui ressort du registre unique du personnel produit par la société intimée ;

que la suppression annoncée dans la lettre de licenciement ne concerne donc pas l'emploi exact occupé par Mme Valérie Y..., ce qui suffit à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris devant en conséquence être réformé en ce sens » (arrêt attaqué, p. 13 à 16) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ont l'obligation d'analyser, même sommairement, les pièces régulièrement versées aux débats par les parties ; que devant la cour d'appel, la société Pfaff produisait aux débats les bulletins de paie de Mme Y... du 5 mai 2003 au 5 décembre 2011 (pièces n° 38 du bordereau annexé aux conclusions d'appel de la société exposante) qui, à la rubrique « emploi », portaient la mention « assistant commercial », ce qui établissait que Mme Y... occupait bien le poste d'assistante commerciale supprimé pour raisons économiques ; qu'en retenant néanmoins que la lettre de licenciement faisait mention de la suppression d'un poste d'assistante commerciale et que Mme Y... n'occupait pas un tel poste au vu des mentions de son contrat de travail et du registre du personnel, sans analyser, même sommairement, les bulletins de paie de Mme Y... qui démontraient, ou à tout le moins faisaient présumer, que la salariée occupait effectivement le poste d'assistante commerciale au jour de son licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond doivent rechercher quel emploi occupait effectivement le salarié au jour de son licenciement pour motif économique ; qu'en se bornant à retenir « qu'aux termes du contrat de travail Mme Valérie Y... a été engagée en qualité de représentant », ce que confirme le registre du personnel (arrêt attaqué, p. 16, alinéa 7), sans rechercher quel emploi occupait effectivement l'intéressée au jour de son licenciement pour motif économique, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;

ALORS, ENFIN, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 14, alinéa 5), la société Pfaff faisait valoir que Mme Y... ne produisait aucune pièce démontrant une activité quelconque de prospection véritable et de négociation, et donc l'exercice d'une mission de représentant ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-13509
Date de la décision : 21/11/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 16 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 nov. 2018, pourvoi n°17-13509


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.13509
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