COMM.
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 novembre 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10553 F
Pourvoi n° X 16-29.087
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Ernest Y...,
2°/ Mme F... Z..., épouse Y...,
domiciliés tous deux [...] ,
contre l'arrêt n° RG : 14/07441 rendu le 20 octobre 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre C), dans le litige les opposant à la Société marseillaise de crédit, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Crédit du Nord,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 octobre 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme D..., conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, Mme A..., avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme Y..., de la SARL Cabinet Briard, avocat de la Société marseillaise de crédit ;
Sur le rapport de Mme D..., conseiller, l'avis de Mme A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la Société marseillaise de crédit la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action de Mme F... Z... épouse Y... à l'encontre de la société Marseillaise de Crédit ;
AUX MOTIFS QUE :
« Attendu que par jugement du 21 juillet 1992, confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence du 31 mai 1996, Mme F... Z... épouse Y... a été condamnée solidairement avec la société Minitelix à verser au Crédit du Nord les sommes suivantes, jusqu'à concurrence de 300 000 francs :
* 268 003,59 francs (40 857,32 euros) avec intérêts au taux de 14,20 % à compter du 22 septembre 1990 ;
- 94 629,32 francs (14 426,32 euros) avec intérêts au taux d'escompte de la Banque de France majoré de six points à compter du 21 janvier 1991 ;
- 3 000 francs (457,35 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que par jugement du 6 avril 2000, les biens immobiliers lui appartenant composés d'un appartement et de deux parkings situés dans l'ensemble immobilier [...], ont été adjugés à la société SOPAC dans le cadre de la procédure suivie par le syndicat des copropriétaires du [...] en recouvrement de sa créance ;
Que le 17 avril 2000, M. G... B..., cousin de son époux, a introduit une procédure de surenchère ;
Que Mme F... Z... épouse Y... a versé le 6 juin 2000 la somme de 19 272,70 euros au syndicat des copropriétaires lequel a été sommé par le Crédit du Nord, suivant acte d'huissier du 19 juin 2000, de justifier de la continuation des poursuites en saisie immobilière dans un délai de huit jours sous peine de demande de subrogation dans les poursuites ;
Que par jugement du 20 juillet 2000, le tribunal de grande instance de Marseille a subrogé le Crédit du Nord dans les droits de poursuite en saisie immobilière du syndicat des copropriétaires du [...] ;
Que par jugement du 5 octobre 2000, l'immeuble saisi a été adjugé à M. G... B... ;
Que de multiples décisions ont été rendues dans le cadre des diverses procédures qui ont suivi ;
Que par exploit d'huissier du 25 mai 2012, Mme F... Z... épouse Y... et M. Ernest Y... ont fait assigner le Crédit du Nord ;
Qu'aux termes du jugement dont appel, l'action engagée par Mme F... Z... épouse Y... a été déclarée irrecevable en application de l'autorité de l'autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens ;
Sur la recevabilité
Attendu que Mme F... Z... épouse Y... et M. Ernest Y... font valoir que le présent litige a pour objet de faire -sanctionner et de condamner l'intimée à réparer les fraudes qu'elle a commises en continu durant 14 ans ; qu'ils soutiennent que l'autorité tic 1a chose jugée né peut être invoquée à l'égard d'un jugement d'adjudication, qualifié décentrât judiciaire, qui peut être l'objet d'une action en nullité â défaut d'être attaqué par une voie de recours ; qu'ils indiquent qu'aucune juridiction n'a statué sur les fraudes et que la procédure de subrogation est entachés de nullités rédhibitoires ; qu'ils affirment que le principe de la concentration des moyens, instauré te 7 juillet 2006, était inexistant avant cette date ;
Attendu que la Société Marseillaise de Crédit invoque l'autorité de chose jugée attachée aux décisions ayant validé et purgé de tout vice la procédure de saisie immobilière et la procédure de subrogation incidente ; qu'elle se prévaut du principe de concentration des moyens en vertu duquel il appartenait aux époux Y... de présenter devant le juge des criées l'ensemble des moyens de nature à fonder le rejet des demandes de la banque ;
Attendu qu'en vertu de l'article 1351 du code civil :
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu 'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement II faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ;
Attendu que les époux Y... arguent d'une différence d'objet qui rend, selon eux, l'article 13 51 du code civil inapplicable ;
Attendu qu'aux termes du jugement contradictoire du 20 juillet 2000, te tribunal de grande instance de Marseille a dit et ordonné que le Crédit du Nord sera subrogé dans tes poursuites en saisie immobilière engagées par 1e syndicat des copropriétaires [...] à l'encontre de Mme Y... suivant commandement, de Me C... huissier de justice, du 2 septembre 19% publié au premier bureau des hypothèques de Marseille le 9 octobre 1996 concernant un appariement: et deux parkings situé [...] ;
Attendu qu'aux termes du jugement du 5 octobre 2000 rendu en présence de Mme Y..., ce tribunal a adjugé l'immeuble à M. G... B... ;
Que par arrêt du 30 janvier 2003, la Cour de Cassation a déclaré irrecevable et non admis le pourvoi formé à l'encontre de ce jugement ;
Que par arrêt du 18 décembre 2003, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré irrecevable l'appel de Mme F... Z... épouse Y... à l'encontre du jugement d'adjudication sur surenchère en date du 5 octobre 2000 ;
Que par arrêt du 17 novembre 2005, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de Mme F... Z... épouse Y... formé à l'encontre de l'arrêt du 18 décembre 2003 ;
Attendu que le jugement de subrogation du 20 juillet 2000 et le jugement d'adjudication du 5 octobre 2000 sont définitifs et passés en force de chose jugée ;
Que les appelants développent « la perversion » et la nullité de la procédure de subrogation ; qu'ils soutiennent que la banque a obtenu des titres en commettant une série de fraudes ;
Mais attendu que l'objet de leur action concerne, sous couvert d'allégations de fraudes de la banque, la validité de la procédure de saisie immobilière alors que celle-ci a été définitivement jugée dans le cadre des décisions rendues et des voies de recours exercées ;
Qu'en conséquence, l'action des époux Y... se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée en particulier aux jugements du 20 juillet 2000 et du 05 octobre 2000 prononcés en présence de Mme Y... ; que cette dernière s'en, est rapportée par l'intermédiaire de son conseil s'agissant de la procédure de subrogation ;
Attendu qu'il incombe aux pairies de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature soit à fonder la demande soit à justifier son rejet et total ou partiel :
Qu'ainsi, il appartenait à Mme F... Z... épouse Y... de soulever en temps utile tous les moyens destinés à faire échec à l'action de la banque en ceux compris une éventuelle fraude ;
Que la condition de la triple identité de parties, d'objet et de cause exigée par l'article 1351 étant remplie, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable »
1°/ ALORS QUE le jugement ordonnant l'adjudication d'un immeuble, qui constitue un contrat judiciaire, n'a pas autorité de la chose jugée ; qu'en se fondant néanmoins sur un tel jugement pour accueillir l'exception de chose jugée formulée par la banque, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes dérivées du même contrat ou fondées sur les mêmes faits ; que reste dès lors recevable, malgré le caractère définitif de précédents jugements rendus dans le cadre de la procédure d'adjudication, la demande, non formulée devant le juge de l'adjudication, tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de manoeuvres frauduleuses ; que la cour d'appel, qui a jugé l'inverse, a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, AU SURPLUS, QUE la fraude corrompt tout, de sorte que sont inopposables à la victime toutes les exceptions, dont notamment celle tirée de l'autorité de la chose jugée d'un précédent jugement, que pourrait invoquer l'auteur de la fraude ; qu'en faisant droit à l'exception de chose jugée invoquée par la banque quand les époux Y... invoquaient la fraude de celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'une telle fraude n'était pas caractérisée, a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil, ensemble la règle fraus omnia corrumpit ;
4°/ ALORS QUE si la sécurité juridique ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, c'est à la condition que le changement de jurisprudence n'ait pas pour effet de porter une atteinte excessive au droit d'accès au juge tel qu'il est garanti par les articles 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que le principe de concentration des moyens a été consacré par l'arrêt Césaréo rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 7 juillet 2006 ; que pour sa part, l'instance relative à l'adjudication des biens, s'est achevée par l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 décembre 2003 tandis que le jugement de subrogation du 20 juillet 2000, qui n'avait fait l'objet d'aucun recours, était définitif dès cette date ; que dans ces conditions, en faisant application du principe de concentration des moyens, la cour d'appel, a interdit aux époux Y... de saisir un tribunal de l'action en responsabilité qu'ils entendaient former contre la banque alors même qu'il ne pouvait pas leur être reproché, à l'époque de la procédure d'adjudication, de ne pas avoir respecté le principe de concentration des moyens, lequel n'avait pas encore été consacré ; que ce faisant, elle a violé le principe de sécurité juridique, les articles 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil.