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17/10/2018 | FRANCE | N°17-17781

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 octobre 2018, 17-17781


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée le 20 août 2007 en qualité de gardienne d'immeuble par l'Association de gestion immobilière de la résidence E... F... G... (l'association) et qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes dont elle a été déboutée par jugement du 13 septembre 2012 avant d'être licenciée pour motif économique le 9 mai 2015 par M. Y..., mandataire liquidateur de l'association suite à sa mise en liquidation judiciaire le 24 avril 2015 ; qu'anté

rieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de l'association, la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z... a été engagée le 20 août 2007 en qualité de gardienne d'immeuble par l'Association de gestion immobilière de la résidence E... F... G... (l'association) et qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes dont elle a été déboutée par jugement du 13 septembre 2012 avant d'être licenciée pour motif économique le 9 mai 2015 par M. Y..., mandataire liquidateur de l'association suite à sa mise en liquidation judiciaire le 24 avril 2015 ; qu'antérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de l'association, la salariée avait appelé en intervention forcée l'Office public de l'habitat Rouen Habitat devant la cour d'appel, le 28 décembre 2014 ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que l'association et l'Office public de l'habitat Rouen Habitat font grief à l'arrêt de fixer la créance de la salariée à une certaine somme à titre de rappel d'heures supplémentaire et de congés payés sur ce rappel et de dire que l'Office public de l'habitat Rouen Habitat sera tenu solidairement avec elle au règlement de ces sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ; qu'en estimant que Mme Z... ne se trouvait pas en situation d'astreinte, mais de travail effectif, alors qu'elle n'était pas tenue à se trouver sur les lieux du travail, sa seule obligation étant de communiquer un numéro de téléphone, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

2°/ qu'en déduisant l'affirmation selon laquelle Mme Z... ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles pendant ces périodes d'astreinte, de motifs inopérants, tirés du nombre et de la régularité des interventions effectuées par la salariée au cours de ces périodes et du fait que ses tâches étaient partiellement similaires à celles effectuées dans la journée, la cour d'appel a de plus fort violé l'article L. 3121-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

3°/ qu'en retenant qu'il n'était pas prévu qu'un autre salarié assume à la place de Mme Z... par roulement les astreintes, sans répondre au moyen pris de la validation par l'association de gestion le 17 avril 2012 d'un contrat de maintenance et d'intervention 24h/24h, 365 jours par an y compris les jours fériés, contredisant les prétentions de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce contrat de maintenance, et ses conséquences sur la disponibilité de la salariée pendant les heures d'astreinte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3121-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la salariée était contrainte de demeurer non seulement à la disposition de son employeur mais également des locataires et qu'elle accomplissait des taches pour parties similaires à celles réalisées dans la journée, sans qu'il soit prévu qu'un autre salarié assume ces astreintes par roulement à sa place, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le premier moyen qui est recevable :

Vu l'article 555 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer la salariée recevable à agir contre l'Office public de l'habitat Rouen Habitat, la cour d'appel retient qu'il résulte de l'application combinée des articles 331 et 555 du code de procédure civile qu'elle a intérêt à appeler devant la cour l'Office public de l'habitat Rouen Habitat en intervention forcée pour le voir répondre en sa qualité de co-employeur avec l'association des conséquences du licenciement survenu postérieurement au jugement déféré et critiqué au travers du manquement à l'obligation de reclassement et supporter le règlement des diverses sommes réclamées tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail, dont le paiement peut être mis en péril par la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de grande instance de Rouen le 24 avril 2015, cette évolution dans le litige opposant la salariée à son employeur commandant de rejeter la fin de non-recevoir soutenue par Rouen Habitat ;

Attendu cependant, que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'action de la salariée en vue d'obtenir la qualité de co-employeur de l'Office public de l'habitat Rouen Habitat était fondée sur des circonstances dont il n'était pas soutenu qu'elles étaient inconnues de la salariée lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes, en sorte que l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de l'association n'avait pas modifié les données juridiques du litige et ne constituait pas une évolution de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur les deuxième et troisième moyens, qui sont recevables :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation du chef de dispositif déclarant la salariée recevable à agir à l'encontre de l'Office public de l'habitat Rouen Habitat entraîne, par voie de conséquence, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant l'Office public de l'habitat Rouen Habitat co-employeur de la salariée et le condamnant solidairement avec l'association à payer le rappel de majoration sur heures supplémentaires et de congés payés afférents, d'un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare Mme Z... recevable à agir à l'encontre de l'Office public de l'habitat Rouen Habitat et en ce qu'il le déclare co-employeur de Mme Z..., en ce qu'il condamne l'Office public de l'habitat Rouen Habitat au paiement de la somme de 3 624,68 euros à titre de rappel de majoration sur heures supplémentaires, de 362,46 euros à titre de congés payés afférents, de 7 944,16 euros à titre d'indemnité de préavis, de 794,41 euros à titre de congés payés afférents, 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 134 679,71 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, de 13 467,97 euros à titre de congés payés afférents et de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l'Office public de l'habitat Rouen Habitat et de M. Y..., ès qualités ;

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Madame Sylvie Z... recevable à agir à l'encontre de l'office public de l'habitat Rouen Habitat, et d'avoir en conséquence dit qu'il avait la qualité de co-employeur de Madame Z... et d'avoir prononcé à son encontre les condamnations énoncées par son dispositif ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Sylvie Z... a été engagée à compter du 20/08/2007 en qualité de gardienne d'immeuble par l'association de gestion immobilière de la résidence E... F... G... suivant contrat à durée indéterminée stipulant une durée de 39 heures réparties du lundi au samedi (36h30) et comprenant une demi-heure de ronde du lundi au vendredi entre 23h et minuit et « qu'au-delà de cet horaire [elle] devra rester à disposition de l'employeur et éventuellement des locataires de la résidence dans le cadre d'une astreinte du lundi au vendredi de 18 heures à 23 heures ; qu'à cette fin elle devra communiquer à l'employeur un numéro de téléphone », moyennant une rémunération mensuelle brute à laquelle s'ajoutent : « - une indemnité d'astreinte fixée mensuellement à 116 Euros bruts, - la rémunération des interventions ponctuelles effectuées pendant le temps d'astreinte sous réserve que le détail ait été communiqué pour chaque semaine au plus tard le lundi suivant l'expiration de la semaine ; que la rémunération sera calculée sur la base d'un taux horaire de 11 Euros 25 bruts » ; qu'un avenant a été régularisé le 01/07/2008 portant le coefficient à 410 et octroyant une gratification mensuelle de 50 Euros en brut ; qu'elle a saisi le 17/02/2011 le conseil de prud'hommes de Rouen de diverses demandes en rapport avec l'exécution de son contrat de travail dont elle a été déboutée par jugement du 13/09/2012, dont appel ; qu'elle a été licenciée par Maître Y..., mandataire liquidateur désigné par jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 24/04/2015, pour motif économique par lettre recommandée du 09/05/2015 après acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle ; qu'il résulte de l'application combinée des articles 331 et 555 du code de procédure civile que Mme Z... a intérêt à appeler devant la cour l'office public de l'habitat Rouen Habitat en intervention forcée pour le voir répondre en sa qualité de co-employeur avec l'association des conséquences du licenciement survenu postérieurement au jugement déféré et critiqué au travers du manquement à l'obligation de reclassement et supporter le règlement des diverses sommes réclamées tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail, dont le paiement peut être mis en péril par la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de grande instance de Rouen le 24/04/2015 ; que cette évolution dans le litige opposant la salariée à son employeur commande de rejeter la fin de non-recevoir soutenue par Rouen Habitat » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la Cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; qu'en énonçant pour rejeter la fin de non-recevoir soutenue par l'office public de l'habitat Rouen Habitat à la demande d'intervention forcée en appel formée à son encontre par la salariée que celle-ci avait intérêt à voir Rouen Habitat répondre en sa qualité de co-employeur avec l'association de gestion immobilière de la résidence E... F... G... des conséquences du licenciement survenu postérieurement au jugement déféré et supporter le règlement des diverses sommes réclamées par la salariée au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail dont le paiement pouvait être mis en péril par la liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de grande instance de Rouen le 24 avril 2015, motif qui n'était pas de nature à impliquer la mise en cause de Rouen Habitat devant la Cour d'appel, la Cour d'appel a violé l'article 555 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la Cour d'appel, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; qu'en justifiant l'intervention forcée de Rouen Habitat en appel par le fait que postérieurement au rejet par le conseil de prud'hommes des demandes de la salariée à l'encontre de l'association de gestion immobilière de la résidence E... F... G..., l'association a été placée en liquidation judiciaire et la salariée a été licenciée par le liquidateur mandataire de l'association, alors que ces événements qui n'avaient pas d'incidence sur la qualité éventuelle de co-employeur de Rouen Habitat ne modifiaient pas les données du litige, la Cour d'appel a violé l'article 555 du Code de procédure civile ;

ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en estimant que la mise en liquidation judiciaire et le licenciement de la salariée justifiaient la demande en intervention forcée de Rouen Habitat, bien qu'il ressorte de l'arrêt et des éléments de la procédure que cette demande, par conclusions devant la Cour d'appel pour l'audience du 28 juillet 2014 et selon l'arrêt, le 28 décembre 2014 était antérieure au prononcé de la liquidation judiciaire le 24 avril 2015 et à la rupture du contrat de travail le 6 mai 2015, la Cour d'appel a violé de plus fort l'article 555 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'office public de l'habitat Rouen Habitat était co-employeur de Madame Z... avec l'association de gestion immobilière de la résidence E... F... G..., et d'avoir dit que l'office public de l'habitat Rouen Habitat serait tenu solidairement avec l'association au règlement de rappel de majoration sur heures supplémentaires, de congés payés afférents, d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que d'une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « les pièces versées aux débats tant par la salariée que pour le mandataire liquidateur et Rouen Habitat enseignent que l'association a été créée avec pour unique objet la gestion de l'ensemble immobilier appartenant à l'office public d'aménagement et de construction de Rouen ; qu'il ressort de la convention de gestion donnant à bail signée le 11/06/2002 entre l'association et l'office pour clarifier et régler les relations entre eux et les six fiches annexées que notamment l'office édite les factures et quittances pour les étudiants à charge pour l'association de les distribuer, enregistre le produit des encaissements, vérifie à cette occasion l'utilisation des carnets à souche et des reçus par l'association, enregistre les factures et paye les fournisseurs, signe les chèques, établit les contrats de travail, les déclarations uniques d'embauche, les bordereaux et bulletins de paie, calcule le montant du loyer maximum applicable au 1er juillet de chaque année, réajuste les provisions, prépare les réunions du conseil d'administration et aussi le budget annuel de l'association, même si la collaboration de cette dernière est prévue, établit les rapports annuels sur les comptes financiers, vérifie la balance et la situation budgétaire trimestriellement, gère les marchés de chauffage et d'ascenseurs et analyse les consommations d'énergie ; que l'échange de courriels en mai 2011 entre Mme Z... d'une part et Mme B... et M. C..., appartenant tous deux au service ressources humaines de l'office d'autre part, révèle qu'au-delà du rappel par cet organisme qu'il est uniquement gestionnaire des congés payés et pas décisionnaire, la prise de congés payés par la salariée est subordonnée de fait à sa décision ; que l'immixtion constante et à tous les niveaux de l'office dans l'activité de l'association place ainsi cette dernière sous sa dépendance totale et la prive de toute réelle autonomie, si bien que la confusion d'intérêts, d'activités et de direction étant établie, Mme Z... est bien fondée à revendiquer que l'office Rouen Habitat et l'association soient reconnus comme étant ses co-employeurs et à obtenir qu'ils soient solidairement tenus pour responsables du paiement des salaires et plus généralement de toutes sommes dues à la salariée à l'occasion du travail » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en estimant qu'il existait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre l'association de gestion immobilière de la résidence E... F... G... et l'office d'habitat Rouen Habitant résultant de l'immixtion constante et à tous les niveaux de l'office dans l'activité de l'association plaçant celle-ci sous sa dépendance totale et la privant de toute réelle autonomie, aux seuls motifs que l'association avait été créée avec pour unique objet la gestion de l'ensemble immobilier appartenant à l'office, qui le lui avait donné à bail, qu'un certain nombre de prestations de caractère administratif et comptable étaient effectuées par l'office aux termes de la convention de gestion signée entre l'office et l'association et des six fiches annexées, et que la prise de congés de la salariée était de fait subordonnée à la décision de l'office, motifs qui ne pouvaient suffire à caractériser une situation de co-emploi, la Cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en s'abstenant de s'expliquer sur les différences de statut et de fonctionnement entre une association de gestion immobilière et un office public d'habitat, et sur le fait que le président de l'office n'avait aucun mandat dans l'association et vice-versa, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

ET ALORS, ENFIN, EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'en relevant qu'il résultait d'un échange de courriels en mai 2011 entre Madame Z... et deux membres du service des relations humaines de l'office que la prise de congés par la salariée était subordonnée de fait à la décision de l'office, sans indiquer la teneur de cet échange de courriels, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en état d'exercer son contrôle, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'office public de l'habitat Rouen Habitat serait tenu solidairement avec l'association de gestion immobilière de la résidence E... F... G... du règlement d'un rappel de majoration sur heures supplémentaires de 3 624,68 € ainsi que des congés payés afférents, d'un rappel d'heures supplémentaires de 134 679,71 € et de 13 467,97 € de congés payés sur ce rappel ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Z..., qui a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement de différents rappels de salaire et congés payés afférents le 17/02/2011 formées à l'origine uniquement contre l'association, était ainsi recevable comme n'étant pas prescrite dans son action, en application de l'article L. 3245-1 dans sa rédaction alors en vigueur, à revendiquer les salaires sur les cinq années précédentes ; que sa demande formée devant le conseil de prud'hommes et relative aux rémunérations dues depuis l'origine de son contrat de travail le 25/06/2007 n'est donc pas atteinte par la prescription ; que sa contestation du licenciement notifié le 09/05/2015 n'est pas davantage prescrite ; qu'en application de l'article 2241 du code civil, la demande en justice formée par la salariée à l'encontre de l'association relative à l'exécution de son contrat de travail a interrompu le délai de prescription aussi à l'égard de Rouen Habitat avant l'intervention forcée du 28/12/2014, l'action de l'intéressée tendant à lui voir attribuer la qualité de co-employeur et à lui faire supporter les conséquences salariales et indemnitaires résultant du même contrat de travail ; que le moyen de prescription sera en conséquence rejeté » ;

ALORS QUE la solidarité ne se présume pas, et ne peut résulter que de la loi ou de la convention, si bien que les obligations dont les co-employeurs d'un salarié sont tenus vis-à-vis de celui-ci à raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail présentent un caractère « in solidum » ; qu'il en résulte que l'action en justice exercée vis-à-vis de l'un des deux co-employeurs n'a pas pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de l'autre ; qu'en estimant que la prescription des salaires avait couru à l'encontre de Rouen Habitat dès la saisine du Conseil de prud'hommes par Madame Z... le 17 février 2011 à l'encontre la seule l'association de gestion immobilière de la résidence E... F... G..., et non à la date du 28 décembre 2014 à laquelle Madame Z... avait formé une demande d'intervention forcée en cause d'appel à l'encontre de Rouen Habitat, la Cour d'appel a violé les articles 1206 et 2241 du Code civil dans leur rédaction alors applicable.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement de Madame Z... dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'avoir en conséquence fixé la créance de Madame Z... dans la procédure collective de l'association de gestion immobilière de la résidence E... F... G... à 20 000 €, et d'avoir dit que l'office public de l'habitat Rouen Habitat serait tenu solidairement avec elle au règlement de ces sommes ;

AUX MOTIFS QUE « si en cas d'adhésion d'un salarié à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) prévu à l'article L. 1233-65 et suivants du code du travail, le contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord des parties ; qu'il n'en demeure pas moins que cette rupture, qui découle d'une décision de licenciement prise par l'employeur, doit être justifiée par une cause économique que le salarié est en droit de contester devant les juridictions du travail ; que le motif économique de la rupture doit apparaître dans un document écrit adressé au salarié avant son adhésion au CSP ; qu'en l'espèce, l'employeur n'établit pas qu'a été remis à Mme Z... lors de l'entretien préalable ou au moins avant son acceptation du CSP par lettre recommandée envoyée le 06/05/2015, un document comportant l'énoncé du motif économique, peu important que le mandataire n'ait reçu cette acceptation que le 11/05 suivant ; que cette énonciation résulte de la lettre du mandataire datée du 09/05/2015 et réceptionnée par la salariée le 12/05 suivant, soit postérieurement à l'acceptation, étant observé que le contenu de la lettre de convocation à l'entretien préalable qui fait seulement état de la liquidation judiciaire prononcée sans poursuite d'activité est à cet égard insuffisant à constituer l'énonciation du motif ; que le licenciement s'est ainsi trouvé pour ce seul manquement privé de cause réelle et sérieuse ; qu'au surplus et de manière surabondante, l'absence de recherche de reclassement de Mme Z... au sein de l'office Rouen Habitat, co-employeur avec l'association et le fait que son poste a été occupé après son licenciement par M. D... (pièce n° 41) sont aussi de nature à priver le licenciement de cause » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en estimant que la lettre de convocation à l'entretien préalable remise à Madame Z... antérieurement à l'acceptation par elle d'un contrat de sécurisation professionnelle ne suffisait pas à constituer l'énonciation du motif économique justifiant la rupture, alors qu'elle faisait état de la liquidation judiciaire prononcée sans poursuite d'activité, la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-39 du Code du travail ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier et le deuxième moyen de cassation, relatifs à l'intervention forcée de Rouen Habitat et à sa qualité de co-employeur, entraînera l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a dit le licenciement de Madame Z... dépourvu de cause réelle et sérieuse à raison de son non-reclassement au sein de Rouen Habitat, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de Madame Z... dans la procédure collective de l'association gestion immobilière de la résidence E... F... G... à 134 679,71 € à titre de rappel supplémentaire et 13 467,97 € de congés payés sur ce rappel, et d'avoir dit l'office public de l'habitat Rouen Habitat sera tenu solidairement avec elle au règlement de ces sommes ;

AUX MOTIFS QUE « l'astreinte est définie par l'article L. 3121-5 du code du travail comme étant une période durant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité de celui-ci afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant alors considérée comme un temps de travail effectif ; que ces astreintes de nuit telles que ressortant du contrat de travail régularisé en 207, pourtant supprimées par la convention collective après le 01/01/2003 et sans qu'elles fassent l'objet d'un accord collectif, consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel ou au moins après information de l'inspecteur du travail, prévoient que Mme Z... « devra rester à disposition de l'employeur et éventuellement des locataires de la résidence dans le cadre d'une astreinte du lundi au vendredi de 18 heures à 23 heures. A cette fin elle devra communiquer à l'employeur un numéro de téléphone » ; que la comparaison entre les tableaux remplis par la salariée et transmis à l'employeur s'agissant des interventions réalisées durant les temps dits d'astreinte ou même d'ailleurs après ceux-ci puisque certaines sont indiquées, sans protestation en son temps de l'employeur et sans contradiction utile au cours de cette instance, comme ayant été faites après 23 heures, mais aussi des samedis, dimanches et jours fériés, soit en dehors des temps contractuellement prévus (pièces n° 23 à 27 de Mme Z...) et les bulletins de paie établissent que l'intéressée a réalisé de très régulières et nombreuses interventions pour lesquelles elle a au demeurant d'ores et déjà perçu une rémunération par le règlement d'heures supplémentaires ; que ces circonstances permettent de considérer que la salariée, contrainte de demeurer non seulement à la disposition de son employeur, mais également des locataires et accomplissant des tâches pour parties similaires à celles réalisées dans la journée, sans qu'il soit prévu qu'un autre salarié assume à sa place par roulement ces astreintes, n'a pu ainsi vaquer à des occupations personnelles et est ainsi fondée à réclamer le paiement des heures dites d'astreinte comme temps de travail effectif, sans pouvoir toutefois revendiquer aussi le paiement des heures au-delà du temps qualifié même de manière erronée d'astreinte par l'employeur de 18 heures à 23 heures et de la demi-heure de ronde entre 23 heures et minuit, soit entre minuit et jusqu'à 9 heures le lendemain matin correspondant à sa prise de poste, ce qui correspondrait si l'on devait suivre la thèse de la salariée à la rémunérer pour un travail effectif de 22 heures par jour ; que la cour dispose des éléments (bulletins de salaire et tableaux d'intervention) pour soustraire de la somme revendiquée par la salariée, non seulement de la demi-heure de ronde entre 23 h et minuit d'ores et déjà comprise dans les 39 heures payées par l'employeur outre les majorations accordées ci-dessus au titre des heures supplémentaires, mais aussi des heures d'intervention d'ores et déjà réglées comme heures supplémentaires et figurant comme telles dans les bulletins de paie, si bien qu'il sera alloué en application de ces principes et au vu des pièces produites la somme de 134 679,71 € outre celle de 13 467,97 € au titre des congés payés afférents pour la période allant de l'embauche au 30/06/2014 » ;

ALORS QUE constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ; qu'en estimant que Madame Z... ne se trouvait pas en situation d'astreinte, mais de travail effectif, alors qu'elle n'était pas tenue à se trouver sur les lieux du travail, sa seule obligation étant de communiquer un numéro de téléphone, la Cour d'appel a violé l'article L. 3121-5 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en déduisant l'affirmation selon laquelle Madame Z... ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles pendant ces périodes d'astreinte, de motifs inopérants, tirés du nombre et de la régularité des interventions effectuées par la salariée au cours de ces périodes et du fait que ses tâches étaient partiellement similaires à celles effectuées dans la journée, la Cour d'appel a de plus fort violé l'article L. 3121-5 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

ALORS EN OUTRE QU'en retenant qu'il n'était pas prévu qu'un autre salarié assume à la place de Madame Z... par roulement les astreintes, sans répondre au moyen pris de la validation par l'association de gestion le 17 avril 2012 d'un contrat de maintenance et d'intervention 24h/24h, 365 jours par an y compris les jours fériés, contredisant les prétentions de la salariée, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ET ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en s'abstenant de s'expliquer sur ce contrat de maintenance, et ses conséquences sur la disponibilité de la salariée pendant les heures d'astreinte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale à sa décision au regard de l'article L. 3121-5 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-17781
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 07 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 oct. 2018, pourvoi n°17-17781


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.17781
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