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17/10/2018 | FRANCE | N°17-16465

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 octobre 2018, 17-16465


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 février 2017), statuant en référé, que la société DHL international express France, qui a repris l'activité et les salariés de l'une des cinq entités économiques de la société DHL express, a appliqué le règlement intérieur qui avait été élaboré par cette dernière ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de suspendre l'application du règlement intérieur de la société DHL international express tant que les forma

lités légales et réglementaires de modification ou d'adoption d'un nouveau règlement intérieur n...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 février 2017), statuant en référé, que la société DHL international express France, qui a repris l'activité et les salariés de l'une des cinq entités économiques de la société DHL express, a appliqué le règlement intérieur qui avait été élaboré par cette dernière ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de suspendre l'application du règlement intérieur de la société DHL international express tant que les formalités légales et réglementaires de modification ou d'adoption d'un nouveau règlement intérieur n'auront pas été accomplies et de lui faire interdiction de prononcer des sanctions disciplinaires en application de ce règlement intérieur, tant qu'il n'aura pas été régularisé, alors, selon le moyen :

1°/ que la formation des référés n'est compétente pour prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble que si celui-ci est manifestement illicite, ce qui suppose un non-respect évident et caractérisé de la règle de droit ; qu'en l'espèce, le débat portait sur le point de savoir si la société DHL international express, issue de l'opération de restructuration de la société DHL express intervenue en janvier 2008, pouvait se prévaloir du règlement intérieur antérieurement applicable à tous les salariés de l'entreprise scindée, la société DHL international express assimilant le règlement intérieur à un engagement unilatéral s'imposant au nouvel employeur en cas de transfert d'une entité économique autonome, le syndicat CGT des salariés de DHL international express excluant une telle assimilation et considérant que l'ancien règlement intérieur n'était plus opposable aux salariés postérieurement à la scission de l'entreprise, à charge pour le repreneur d'en adopter un nouveau ou de le modifier selon les formalités légales et réglementaires applicables ; qu'il existait donc un doute sérieux sur le caractère illicite du maintien du règlement intérieur suite à la scission de l'entreprise DHL express, ce qui excluait tout trouble manifestement illicite ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome, le règlement intérieur est automatiquement transmis au nouvel employeur qui doit en faire application ; qu'en l'espèce, issue d'une opération de scission des activités de la société DHL express, en 2008, ayant emporté la reprise de l'activité « Time definite » et des salariés qui y étaient affectés, la société DHL international express faisait valoir qu'elle était tenue de continuer à appliquer à l'égard des salariés dont le contrat de travail était en cours au jour du transfert, le règlement intérieur élaboré en 2007 par la société DHL express ; qu'en suspendant l'application du règlement intérieur de la société DHL international express tant que les formalités légales et règlementaires de modification ou d'adoption d'un nouveau règlement intérieur n'auraient pas été accomplies, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1321-1 et suivants du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que le règlement intérieur s'imposant aux salariés avant le transfert de plein droit de leurs contrats de travail, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, vers une société nouvellement créée n'était pas transféré avec ces contrats de travail, dès lors que ce règlement constitue un acte réglementaire de droit privé dont les conditions sont encadrées par la loi et que l'article R. 1321-5 du même code impose à une telle entreprise nouvelle d'élaborer un règlement intérieur dans les trois mois de son ouverture ; qu'elle en a déduit à bon droit que l'application par la nouvelle société DHL international express de ce règlement intérieur en matière disciplinaire constituait un trouble manifestement illicite qu'il lui appartenait de faire cesser ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société DHL international express France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société DHL international express France et la condamne à payer au syndicat CGT des salariés de DHL international express la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Chauvet, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société DHL international express France

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR suspendu l'application du règlement intérieur de la société DHL International express tant que les formalités légales et règlementaires de modification ou d'adoption d'un nouveau règlement intérieur n'auraient pas été accomplies, d'AVOIR fait interdiction à la société DHL International express de prononcer des sanctions disciplinaires en application de ce règlement intérieur, tant qu'il n'aurait pas été régularisé, d'AVOIR dit que cette interdiction serait assortie d'une astreinte de 1 000 euros par infraction commise à compter du prononcé du présent arrêt et d'AVOIR condamné la société DHL International express aux dépens et à payer au syndicat CGT des salariés de DHL International express la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 décembre 2016,
Que la société DHL Express a élaboré un règlement intérieur applicable à l'ensemble de ses salariés à compter du 1er novembre 2007; qu'au 1er janvier 2008, la société DHL Express a été scindée en cinq nouvelles sociétés, dont la société DHL International express, avec transfert des contrats de travail des salariés; que le règlement intérieur élaboré en 2007 a continué à s'appliquer au sein de DHL International express;
Que le syndicat appelant, invoquant au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile, l'existence d'un trouble manifestement illicite é par l'application d'un règlement intérieur en dehors des conditions légales et le dommage imminent que représentent les sanctions prises par l'employeur en application dudit règlement, fait valoir que le règlement intérieur appliqué au sein de la société DHL Express ne pouvait pas être transféré à la société DHL International express dès lors qu'il ne s'agit pas d'un engagement unilatéral de l'employeur mais d'un acte règlementaire de droit privé dont les conditions sont encadrées par la loi; que le règlement adopté en 2007, qui prévoyait son application « à tous les établissements de la société DHL Express », continue à être appliqué à la société DHL International express sans même avoir été modifié; qu'il est donc justifié de suspendre l'application de ce règlement intérieur tant que les formalités légales et règlementaires n'auront pas été accomplies par la société DHL International express et de faire interdiction à ladite société de prononcer des sanctions disciplinaires en application de ce règlement inopposable aux salariés;
Qu'en réponse, la société DHL International express conclut, en l'absence d'urgence, à l'irrecevabilité de l'action du syndicat sur le fondement de l'article 808 du code de procédure civile et au rejet de ses demandes sur le fondement de l'article 809, faute d'établir l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent; qu'en effet, le règlement intérieur ayant la valeur d'un engagement unilatéral, il est automatiquement transmis au nouvel employeur en cas de transfert d'une entité économique autonome de sorte que le règlement en vigueur au sein de la société DHL Express, qui n'a pas fait l'objet d'une dénonciation, a pu valablement continuer à s'appliquer au sein de la société DHL International express; qu'à titre subsidiaire, la société intimée fait valoir qu'hormis la suspension de l'application du règlement intérieur, les autres mesures sollicitées par l'appelant excèdent la compétence du juge des référés;
Que lors d'un transfert d'entreprise en application des dispositions de l'article L. 1224-l du code du travail, il est de jurisprudence constante que les engagements unilatéraux pris par l'ancien employeur sont opposables au nouveau;
Que l'engagement unilatéral est défini comme l'acte par lequel l'employeur s'engage à accorder un avantage déterminé à un ou plusieurs salariés ou encore à l'ensemble des salarié de l'entreprise; qu'il nécessite un engagement clair et non équivoque de l'employeur et ne trouve pas forcément sa source dans un document écrit mais peut résulter d'une déclaration orale de l'employeur; que l'employeur qui entend y mettre fin doit engager une procédure de dénonciation selon les mêmes règles que pour la dénonciation d'un usage;
Qu'il ressort des dispositions contenues dans les articles L. 1311-1 à L. 1322-4 et R. 1321 à R. 1323-1 du code du travail, que le règlement intérieur, dont l'établissement est obligatoire dans les entreprises d'au moins vingt salariés, est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement les règles relatives à l'hygiène, la sécurité et la discipline dans l'entreprise et rappelle les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés en matière disciplinaire et celles relatives aux harcèlements moral et sexuel; que son entrée en vigueur est subordonnée au respect d'une procédure qui comprend la consultation des instances représentatives du personnel, la communication à l'inspection du travail, ce dernier exerçant un contrôle de légalité, le dépôt au greffe du conseil de prud'hommes et l'affichage dans l'entreprise;
Qu'il en résulte que le règlement intérieur, s'il est un acte unilatéral de l'employeur participant à l'expression du pouvoir normatif de celui-ci au sein de l'entreprise, est néanmoins strictement encadré quant à son contenu, aux règles présidant à son élaboration et à son entrée en vigueur, au contrôle de l'administration du travail, de sorte que la Cour de cassation le définit comme étant un acte règlementaire de droit privé;
Que, bien qu'il puisse contenir des dispositions créatrices de droits et de garanties supplémentaires pour les salariés pouvant être qualifiées d'engagements unilatéraux pris par l'employeur, telles que des clauses étrangères au contenu du règlement prévoyant des avantages en faveur des salariés, le règlement intérieur diffère de l'engagement unilatéral quant à son objet, sa nature règlementaire et son régime juridique; qu'il n'est donc pas un engagement unilatéral pouvant, lors d'un transfert d'entreprise en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, être opposable au sein de la nouvelle entreprise;
Dès lors que l'application, par la société DHL International express, du règlement intérieur qui était auparavant applicable au sein de la société DHL Express, sans engager de procédure pour le modifier ou pour en élaborer un nouveau, est contraire aux dispositions du code du travail, l'article R. 1321-5 faisant notamment obligation à une entreprise nouvelle d'élaborer un règlement intérieur dans les trois mois suivant son ouverture; que le trouble manifestement illicite étant ainsi rapporté, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance qui a dit n'y avoir lieu à référé;
Que pour faire cesser ce trouble manifestement illicite, il convient de suspendre l'application du règlement intérieur au sein de la société DHL International express tant que les formalités légales et règlementaires n'auront pas été accomplies et de faire interdiction à la société défenderesse, qui ne peut opposer à ses salariés un règlement intérieur irrégulier, de prononcer à l'avenir de sanctions disciplinaires en application de ce règlement intérieur; que cette interdiction sera assortie d'une astreinte de 1 000 euros par infraction commise à compter du prononcé du présent arrêt; qu'en revanche, le syndicat sera débouté du surplus de ses demandes, celles-ci visant à faire annuler rétroactivement les effets de l'application du règlement intérieur et les sanctions qui ont été prises par l'employeur, alors que le juge des référés n'est pas compétent en matière de litiges individuels en droit du travail;
Que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant » ;

1°) ALORS QUE la formation des référés n'est compétente pour prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble que si celui-ci est manifestement illicite, ce qui suppose un non-respect évident et caractérisé de la règle de droit ; qu'en l'espèce, le débat portait sur le point de savoir si la société DHL International express, issue de l'opération de restructuration de la société DHL Express intervenue en janvier 2008, pouvait se prévaloir du règlement intérieur antérieurement applicable à tous les salariés de l'entreprise scindée, la société DHL International express assimilant le règlement intérieur à un engagement unilatéral s'imposant au nouvel employeur en cas de transfert d'une entité économique autonome, le syndicat CGT des salariés de DHL International express excluant une telle assimilation et considérant que l'ancien règlement intérieur n'était plus opposable aux salariés postérieurement à la scission de l'entreprise, à charge pour le repreneur d'en adopter un nouveau ou de le modifier selon les formalités légales et réglementaires applicables ; qu'il existait donc un doute sérieux sur le caractère illicite du maintien du règlement intérieur suite à la scission de l'entreprise DHL Express, ce qui excluait tout trouble manifestement illicite ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en cas de transfert d'une entité économique autonome, le règlement intérieur est automatiquement transmis au nouvel employeur qui doit en faire application ; qu'en l'espèce, issue d'une opération de scission des activités de la société DHL Express, en 2008, ayant emporté la reprise de l'activité « Time definite » et des salariés qui y étaient affectés, la société DHL International express faisait valoir qu'elle était tenue de continuer à appliquer à l'égard des salariés dont le contrat de travail était en cours au jour du transfert, le règlement intérieur élaboré en 2007 par la société DHL Express ; qu'en suspendant l'application du règlement intérieur de la société DHL International express tant que les formalités légales et règlementaires de modification ou d'adoption d'un nouveau règlement intérieur n'auraient pas été accomplies, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1321-1 et suivants du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-16465
Date de la décision : 17/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Transfert des contrats de travail - Effets - Règlement intérieur - Transmission (non) - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION - Règlement intérieur - Caractère obligatoire - Conditions - Règlement constituant un acte réglementaire de droit privé PRUD'HOMMES - Référé - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Contrat de travail - Transfert - Application par la société nouvellement créée du règlement intérieur s'imposant aux salariés avant le transfert

Le règlement intérieur s'imposant aux salariés avant le transfert de plein droit de leur contrat de travail, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, vers une société nouvellement créée n'est pas transféré avec ces contrats de travail, dès lors que ce règlement constitue un acte réglementaire de droit privé dont les conditions sont encadrées par la loi et que l'article R. 1321-5 du même code impose à une telle entreprise nouvelle d'élaborer un règlement intérieur dans les trois mois de son ouverture. Justifie dès lors sa décision, la cour d'appel qui a constaté que l'application par la société nouvellement créée de ce règlement intérieur en matière disciplinaire constituait un trouble manifestement illicite qu'il lui appartenait de faire cesser


Références :

articles L. 1224-1 et R. 1321-5 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 février 2017

Sur le caractère réglementaire du règlement intérieur, à rapprocher :Soc., 25 septembre 1991, pourvoi n° 87-42396, Bull. 1991, V, n° 381 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 oct. 2018, pourvoi n°17-16465, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16465
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