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10/10/2018 | FRANCE | N°17-18786

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 octobre 2018, 17-18786


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 1er septembre 1994 par la société Johnson filtration systems aux droits de laquelle vient la société Aqseptence group, en qualité de chaudronnier soudeur ; qu'au dernier état de la relation contractuelle, il était classé ETAM niveau V échelon 1 et coefficient 305 de la convention collective des industries métallurgiques, électriques et connexes du département de la Vienne ; que se plaignant de ne pas avoir perçu de prime d'ancienneté, il a, le

15 avril 2014, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 1er septembre 1994 par la société Johnson filtration systems aux droits de laquelle vient la société Aqseptence group, en qualité de chaudronnier soudeur ; qu'au dernier état de la relation contractuelle, il était classé ETAM niveau V échelon 1 et coefficient 305 de la convention collective des industries métallurgiques, électriques et connexes du département de la Vienne ; que se plaignant de ne pas avoir perçu de prime d'ancienneté, il a, le 15 avril 2014, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ;

Attendu que pour dire une partie des demandes prescrites, l'arrêt retient que l'article L. 3245-1 du code du travail disposant que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail a été rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat, cette disposition issue de la loi du 14 juin 2013 étant entrée en vigueur le 16 juin 2013, date de sa promulgation, dont l'article 21 s'applique aux prescriptions en cours à cette date, il y a lieu de considérer que, par application de cet article, toute demande du salarié, dont le contrat de travail est toujours en cours, portant sur une période antérieure au 15 avril 2011 est prescrite, la saisine du conseil de prud'hommes interruptive de la prescription étant du 15 avril 2014 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription quinquennale, réduite à trois ans par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, applicable à l'action en paiement de rappels de primes engagées le 15 avril 2014, pour les créances nées entre le 15 avril 2009 et le 14 avril 2011 n'était pas acquise à la date de la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrites les demandes antérieures au 15 avril 2011, l'arrêt rendu le 5 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Aqseptence group aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aqseptence group à verser à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré prescrites les demandes de Monsieur Y... en paiement d'une prime d'ancienneté sur la période antérieure au 11 avril 2011 ;

AUX MOTIFS QUE "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel notamment la prescription, en application de l'article 122 du code de procédure civile ;

QUE l'article L.3245-1 du code du travail issu de l'article 21 de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 entré en vigueur à la date de la promulgation de la loi le 16 juin 2013 dispose que ''l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat" ;

QUE la durée de prescription de l'article L.3245-1 précité était de cinq ans sous la précédente loi n°2008-561 du 17 juin 2008, conformément à l'article 2224 du code civil, la nouvelle loi opérant ainsi une réduction de la durée initiale ; que l'article 21 de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 dispose que : ''V-les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation" ; que les dispositions de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 s'appliquent donc aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, les instances introduites avant cette date étant poursuivies et jugées conformément à la loi ancienne ;

QUE l'article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales édicte que ''toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle...'' ; que ce texte qui institue une garantie à un procès équitable par l'accès à un juge indépendant et impartial, dans un délai raisonnable, est étranger à la détermination de l'assiette des demandes recevables devant lui par l'effet de l'application des règles internes de prescription, lesquelles peuvent être d'application immédiate aux situations en cours, en sorte qu'il n'y a pas lieu de considérer qu'il soit porté atteinte au droit du salarié à un procès équitable par l'application d'une nouvelle durée de prescription de l'action qui aurait ici pour effet d'interdire l'engagement par celui-ci d'une action aux fins de rappel de salaire après l'expiration de la troisième année suivant le point de départ du délai de prescription (en l'occurrence la date d'exigibilité du salaire ou assimilé), alors que cette prescription, en application de la loi en vigueur à la date dudit point de départ soit 5 ans, n'était pas encore acquise ;

QUE Monsieur Y... prétend qu'ayant saisi le conseil de prud'hommes de Poitiers le 22 avril 2014, il est recevable à demander paiement d'un rappel de primes d'ancienneté, assimilé à un salaire, qui seraient exigibles à partir du 22 avril 2009 ; que l'article L.3245-1 du code du travail disposant que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail a été rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat, cette disposition issue de la loi du 14 juin 2013 étant entrée en vigueur le 16 juin 2013, date de sa promulgation, dont l'article 21 ''s'applique aux prescriptions en cours'' à cette date, il y a lieu de considérer que, par application de cet article, toute demande de Monsieur Y..., dont le contrat de travail est toujours en cours, portant sur une période antérieure au 15 avril 2011 est prescrite, la saisine du conseil de prud'hommes interruptive de la prescription étant du 15 avril 2014 ;

QU'il y a lieu de réformer le jugement de première instance en ce sens et de dire que Monsieur Y... est recevable en son action seulement sur la période postérieure au 15 avril 2011 (
)" (arrêt p. 3 dernier alinéa, p. 4, 5, 6 alinéas 1 et 2) ;

ALORS QU'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les actions en paiement des salaires étaient soumises à la prescription quinquennale de l'article L.3245-1 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand l'action en paiement de créances salariales nées à compter du 15 avril 2009 engagée par Monsieur Y... était soumise à la prescription quinquennale, réduite à trois ans par la loi du 14 juin 2013, qui n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, de sorte que l'action n'était pas prescrite le 15 avril 2014, date de la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Y... de sa demande en paiement d'un rappel de salaires au titre de la prime conventionnelle d'ancienneté ;

AUX MOTIFS propres QU' "aux termes de l'article 5 de la convention collective applicable, la rémunération minimale hiérarchique sert de base au calcul de la prime d'ancienneté... la rémunération minimale hiérarchique est la rémunération au-dessous de laquelle, compte tenu de sa classification et quelle que soit sa forme de rémunération, aucun salarié adulte de l'un ou l'autre sexe, travaillant normalement et âgé de plus de 18 ans ne pourra être rémunéré. Ne sont pas compris dans cette rémunération minimale hiérarchique et s'ajoutent à cette dernière :
- les majorations pour heures supplémentaires
- les majorations pour travaux pénibles, dangereux, insalubres
- les remboursements de frais et primes ayant ce caractère
- les primes d'ancienneté prévues à l'article 8 de l'avenant mensuel
- les primes ou gratifications ayant un caractère exceptionnel ou général
- les primes à caractère annuel ;

QUE la rémunération minimale hiérarchique correspond à une rémunération de 174 heures par mois pour un horaire hebdomadaire de 40 heures ;

QU'aux termes de son article 8, "les mensuels bénéficient d'une prime d'ancienneté dans les conditions ci-après : la prime d'ancienneté s'ajoute au salaire de base de l'intéressé et est calculée en fonction du minimum hiérarchique de l'emploi occupé, aux taux respectifs de :
3% après trois ans d'ancienneté
4% après quatre ans d'ancienneté
5% après cinq ans d'ancienneté
6% après six ans d'ancienneté
7% après sept ans d'ancienneté
8% après huit ans d'ancienneté
9% après neuf ans d'ancienneté
10% après dix ans d'ancienneté
11% après onze ans d'ancienneté
12% après douze ans d'ancienneté
13% après treize ans d'ancienneté
14% après quatorze ans d'ancienneté
15% après quinze ans d'ancienneté.
Le montant de la prime d'ancienneté varie avec l'horaire de travail et supporte les majorations pour heures supplémentaires. La prime d'ancienneté devra figurer à part sur le bulletin de paie" ;

QU'il est versé aux débats le compte rendu de la délégation unique du personnel du 1er décembre 2011 portant en point 3/ la mention suivante : MOYEN POUR LES SALARIES DE VERIFIER QU'ILS ONT BIEN LEUR 1% D'ANCIENNETE : ''Sur les fiches de paie des salariés concernés, il y a une ligne ''prime d'ancienneté'' indiquant la base et le pourcentage d'ancienneté. Ce pourcentage change en même temps que l'ancienneté pour tous les salariés jusqu'au coef.285 avec un maximum de 15% et celui du 14 octobre 2005 portant en point 7/ la mention suivante : PRIME D'ANCIENNETE : POURQUOI CERTAINS NE L'ONT PAS : ''La Direction explique qu'il y a quelques années, la prime d'ancienneté des niveaux V (assimilés cadres) avait été rajoutée au salaire de base. Cela avait fait l'objet d'une négociation qui est de fait plus avantageuse pour les salariés concernés. En effet, il n'y a pas de plafonnement à 15 ans et le pourcentage d'augmentation individuelle des personnes concernées s'applique aussi à la partie ancienneté, ce qui ne serait pas le cas si c'était géré séparément. Ceci dit, la direction se dit tout à fait prête à ressortir du salaire de base l'équivalent en prime d'ancienneté de toutes les personnes se trouvant à un niveau V dans l'entreprise, s'il s'agit d'une demande générale'' ;

QUE comme il a été constaté par le premier juge, si l'analyse des bulletins de salaire de l'intéressé révèle l'absence de ligne dédiée à la prime d'ancienneté, la société AQSEPTENCE GROUP a produit aux débats un tableau non critiqué par le salarié représentant la rémunération qui lui a été effectivement versée à compter du mois d'avril 2011, en distinguant la part relevant des primes d'ancienneté litigieuses, calculées sur la base de 15% des minima hiérarchiques fixés annuellement, dont il se déduit la part de la rémunération correspondant au salaire de base hors prime d'ancienneté et l'évolution dans le temps de ce salaire de base hors prime d'ancienneté ; qu'il en ressort que la prime d'ancienneté, calculée sur la base du salaire minimum hiérarchique conformément à l'article 5 de la convention collective précitée, a bien été intégrée dans le salaire de base à compter de son engagement au coefficient 305 ;

QUE pour qu'une pratique d'entreprise acquière la valeur contraignante d'un usage, dont les salariés peuvent se prévaloir, certaines conditions cumulatives doivent être remplies ; que la pratique doit être constante (c'est-à-dire continue), générale (elle bénéficie à l'ensemble des salariés ou au moins à une catégorie déterminée des salariés) et fixe (au regard de ses modalités d'attribution et de détermination), ce qui permet d'établir la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager envers ses salariés et de leur octroyer un avantage ; que l'usage peut écarter l'accord collectif de travail dès lors qu'il est plus favorable ; que les comptes-rendus de la délégation unique du personnel des 1er décembre 2011 et 14 octobre 2005 démontrent que la pratique litigieuse est ancienne comme l'invoque la société employeur et qu'elle concerne une même catégorie de salariés exerçant au niveau du coefficient 305, le salarié ne contestant pas que depuis les années 1990, l'ensemble des salariés ayant atteint ce niveau de coefficient ou ayant été engagés à ce niveau ab initio se voient remettre un bulletin de paie sans ligne dédiée à cette prime et que cette pratique a perduré sans interruption ; qu'il est ainsi démontré le caractère général, fixe et constant de la pratique litigieuse, dont on peut déduire qu'elle constitue un usage, source d'une obligation opposable à la société employeur ;

QUE l'intégration de la prime d'ancienneté au salaire de base a pour conséquence d'augmenter le montant de celui-ci et, par suite, les évolutions de rémunérations dont ce salaire de base est l'assiette ainsi élargie, ce dont il se déduit qu'elle constitue un avantage pour le salarié auquel elle s'applique ;

QUE pour l'ensemble de ces raisons, il y a lieu de rejeter la demande en paiement d'un rappel de prime d'ancienneté et congés payés afférents présentée par Monsieur Y... ; qu'il y a lieu de même de rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive, dès lors que l'employeur a établi l'application d'un usage relatif au paiement de la prime d'ancienneté plus avantageux que les clauses de la convention collective" (arrêt p. 7 in fine, p. 8 et 9) ;

ET AUX MOTIFS adoptés QU' "Il ressort de l'analyse des bulletins de paie pour les mois de mars à juin 1998 que la ligne dédiée à la prime d'ancienneté a bien disparu à partir des bulletins correspondant au coefficient 305 et que le salaire de base versé à Monsieur Y... a augmenté de près de 30 % entre les coefficients 285 et 305 ; que cette augmentation ne saurait manifestement s'expliquer par le seul changement de coefficient ;

QUE la SAS Bilfinger a produit aux débats un tableau présentant la rémunération effectivement versée à Monsieur Y... à compter du mois d'avril 2011 en y distinguant la part relevant des primes d'ancienneté litigieuses, calculées sur la base de 15 % - le salarié ayant dépassé le plafond de 15 années d'ancienneté – des minima hiérarchiques fixés annuellement ; que de ces éléments se déduit, d'une part, la part de la rémunération correspondant au salaire de base hors prime d'ancienneté, d'autre part, l'évolution de ce salaire de base dans le temps, hors prime d'ancienneté ; que de son côté, Monsieur Y... n'a critiqué ni apporté d'élément contredisant la présentation de sa rémunération résultant du tableau produit par la SAS Bilfinger, notamment s'agissant du montant – à déduire – de son salaire de base hors prime d'ancienneté ou de l'évolution de celui-ci dans le temps ; qu'il apparaît donc que la prime d'ancienneté, calculée sur la base du salaire minimum hiérarchique conformément à l'article 5 de la convention collective, a bien été intégrée au salaire à compter du passage du salarié au coefficient 305 ;

QUE s'agissant de la question de la disparition de la ligne des bulletins de paie dédiée à la prime d'ancienneté à partir du passage du salarié au coefficient 305, alors que l'article 8 de la convention collective énonce l'obligation pour l'employeur de faire figurer cette prime d'ancienneté à part sur le bulletin de paie, la SAS Bilfinger a produit aux débats le compte rendu d'une réunion des délégués du personnel ayant eu lieu le 14 octobre 2005 d'où il ressort le paragraphe suivant :
"7° Prime d'ancienneté : pourquoi certains ne l'ont pas ?
''La Direction explique qu'il y a quelques années, la prime d'ancienneté des niveaux 5 (assimilés cadres) avait été rajoutée au salaire de base. Cela avait fait l'objet d'une négociation qui est de fait plus avantageuse pour les salariés concernés.
En effet, il n'y a pas de plafonnement à 15 ans et le pourcentage d'augmentation individuelle des personnes concernées s'applique aussi à la partie ancienneté, ce qui ne serait pas le cas si c'était géré séparément. Ceci dit, la direction se dit tout à fait prête à ressortir du salaire de base l'équivalent en prime d'ancienneté de toutes les personnes se trouvant à un niveau V dans l'entreprise, s'il s'agit d'une demande générale'' ;

QU'il s'en déduit que la pratique litigieuse est ancienne d'au moins dix ans et concerne une même catégorie de salariés – ceux exerçant au niveau du coefficient 305 ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par le demandeur, salarié de la SAS Bilfinger depuis 1994, que l'ensemble des salariés, ouvrant droit à la prime d'ancienneté, ayant atteint ce niveau de coefficient ou ayant été embauchés à ce niveau de coefficient se voient remettre un bulletin de paie sans ligne dédiée à cette prime, ou que cette pratique a pu perdurer sans interruption ; qu'à noter que deux autres salariés, Messieurs Pascal A..., embauché en 2008 en qualité de technicien méthodes jusqu'en 2013, date de rupture du contrat, et Thierry B..., engagé en 1998 en qualité de technicien BMI, ont saisi le Conseil de prud'hommes de Poitiers de la même action principale fondée sur l'absence de la ligne des bulletins de paie dédiée à la prime d'ancienneté ; que cette circonstance est de nature à illustrer le caractère général et constant de la pratique contestée ;

QUE l'intégration de la prime d'ancienneté au salaire de base du bulletin de paie ayant pour conséquence d'augmenter nettement le montant de celui-ci et, partant, les évolutions de rémunération dont ce salaire de base est l'assiette, elle est donc constitutive d'un avantage ; que cet avantage ayant un caractère général, constant et fixe, la pratique litigieuse sera donc jugée comme constitutive d'un usage, source d'une obligation opposable à l'employeur ; que pour l'ensemble de ces motifs, la demande aux fins de rappel de salaires est jugée mal fondée (
)" (jugement p. 6 et 7) ;

1°) ALORS QU' en l'absence de dénonciation de l'accord collectif l'ayant instituée, une prime de nature conventionnelle ne peut être intégrée, sans l'accord du salarié, dans sa rémunération contractuelle, peu important que l'employeur prétende que la nouvelle structure de la rémunération serait plus favorable au salarié ; qu'en retenant pour le débouter de sa demande, que la prime d'ancienneté conventionnelle dont Monsieur Y..., embauché le 1er décembre 1994, avait bénéficié à compter de mars 1998, avait été intégrée d'office par l'employeur dans sa rémunération contractuelle lors de son accession au coefficient 305 en vertu d'un usage d'entreprise, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 devenu 1103 et 1104 du Code civil, L.2254-1 et L.2261-9 du Code du travail, ensemble les articles 5 et 8 de l'avenant "mensuels" de la convention collective de la métallurgie de la Vienne ;

2°) ALORS subsidiairement QU' en se déterminant, pour considérer que l'"usage" consistant à intégrer la prime d'ancienneté conventionnelle dans le salaire de base des salariés atteignant le coefficient 305 était plus favorable que les dispositions conventionnelles, par des motifs abstraits et généraux, selon lesquels "L'intégration de la prime d'ancienneté au salaire de base a pour conséquence d'augmenter le montant de celui-ci et, par suite, les évolutions de rémunérations dont ce salaire de base est l'assiette ainsi élargie, ce dont il se déduit qu'elle constitue un avantage pour le salarié auquel elle s'applique" la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard du principe de faveur ;

3°) ALORS en toute hypothèse QU' en déboutant Monsieur Y... de sa demande en paiement de la prime d'ancienneté conventionnelle sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la rémunération perçue à compter de cette intégration était supérieure au minimum conventionnel, prime d'ancienneté incluse, la Cour d'appel a privé derechef sa décision de base légale au regard des articles L.2254-1 et L.2261-9 du Code du travail, ensemble les articles 5 et 8 de l'avenant "mensuels" de la convention collective de la métallurgie de la Vienne ;

4°) ALORS enfin et en toute hypothèse QUE la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que selon la convention collective applicable, une prime d'ancienneté distincte du salaire de base devait être attribuée à l'ensemble du personnel, d'autre part, que seuls les salariés atteignant le coefficient 305 avaient vu intégrer cette prime dans leur rémunération contractuelle sans constater que cette différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard de ces avantages aurait été justifiée par une raison objective et pertinente, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-18786
Date de la décision : 10/10/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 05 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 oct. 2018, pourvoi n°17-18786


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18786
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