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10/10/2018 | FRANCE | N°17-10248

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 octobre 2018, 17-10248


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Corrèze a engagé Mme X... à compter du 4 mars 2013 en qualité d'accueillante permanente responsable d'un lieu de vie d'enfants en difficulté ou handicapés, moyennant une rémunération forfaitaire sur la base de deux cent cinquante-huit jours travaillés par année ; qu'en arrêt de travail pour maladie depuis le 23 mai 2014, la salariée, contestant les conditions de son contrat et imputant la dégradation

de son état de santé à une charge de travail excessive, a saisi la j...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Corrèze a engagé Mme X... à compter du 4 mars 2013 en qualité d'accueillante permanente responsable d'un lieu de vie d'enfants en difficulté ou handicapés, moyennant une rémunération forfaitaire sur la base de deux cent cinquante-huit jours travaillés par année ; qu'en arrêt de travail pour maladie depuis le 23 mai 2014, la salariée, contestant les conditions de son contrat et imputant la dégradation de son état de santé à une charge de travail excessive, a saisi la juridiction prud'homale le 23 décembre 2014 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 août 2015 ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'ayant constaté que l'employeur s'était abstenu, en toute connaissance de cause, d'assurer un suivi de la charge de travail de la salariée, soumise à une durée du travail déraisonnable, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'employeur avait ainsi manqué à son obligation de sécurité et que ce manquement avait empêché la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée :

Vu les articles 1er, alinéa 1er du code civil et L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ;

Attendu que selon le premier de ces textes, les lois et, lorsqu'ils sont publiés au journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication ; que toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ;

Attendu que pour appliquer le forfait annuel de deux cent cinquante-huit jours prévu par l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles pour les permanents responsables et les assistants permanents exerçant au sein des lieux de vie et d'accueil autorisés en application de l'article L. 313-1 du même code, l'arrêt retient que l'absence de décret d'application concernant les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés n'a pas pour conséquence de priver d'effets les autres dispositions de ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et qu'elle constatait que le décret d'application auquel renvoie l'article L. 433-1 susvisé, pour la détermination des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, nécessaire à la garantie du droit à la santé et au repos par une amplitude et une charge de travail raisonnables assurant une bonne répartition dans le temps du travail du salarié, n'était pas intervenu à la date d'exécution de la prestation de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de compensation pour les heures hors contingent, l'arrêt rendu le 7 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne l'Association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Corrèze aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Corrèze à payer à Mme X... la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Goasguen, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du dix octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Nathalie X... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés sur heures supplémentaires, et d'une compensation pour les heures hors contingent légal ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui se réfère à la Charte sociale européenne révisée ainsi qu'à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 garantissent le droit à la santé et au repos de tout travailleur. Selon l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable du 1er mai 2008 au 10 août 2016 : « Les lieux de vie et d'accueil, autorisés en application de l'article L. 313-1, sont gérés par des personnes physiques ou morales. Dans le cadre de leur mission, les permanents responsables de la prise en charge exercent, sur le site du lieu de vie, un accompagnement continu et quotidien des personnes accueillies.
Les assistants permanents, qui peuvent être employés par la personne physique ou morale gestionnaire du lieu de vie, suppléent ou remplacent les permanents responsables. Les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires des titres Ier et II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés des chapitre Ier et II ainsi que de la section 3 du chapitre III du titre III de ce même livre. Leur durée de travail est de deux cent cinquante-huit jours par an. Les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés sont définies par décret. L'employeur doit tenir à la disposition de l'inspecteur du travail, pendant une durée de trois ans, le ou les documents existants permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail effectués par les permanents responsables et les assistants permanents. Lorsque le nombre de jours travaillés dépasse deux cent cinquante-huit jours après déduction, le cas échéant, du nombre de jours affectés sur un compte épargne-temps et des congés reportés dans les conditions prévues à l'article L. 3141-21 du code du travail, le salarié doit bénéficier, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours réduit le plafond annuel légal de l'année durant laquelle ils sont pris ». Le plafond annuel de 258 jours qui est supérieur au plafond de 218 jours prévu à l'article L. 212-15-3 du code du travail pour les cadres admis à bénéficier d'une convention de forfait en jours, s'explique par les périodes d'inactivité qui ne peuvent manquer de se produire dans l'exercice des fonctions de permanent de lieu de vie. Toutefois, les permanents de lieu de vie ayant, comme tout salarié, un droit à la santé et la sécurité, il appartient à l'employeur d'assurer un suivi régulier de l'organisation du travail et de la charge de travail du salarié afin d'empêcher une durée déraisonnable du travail. Il s'ensuit que l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles n'est pas contraire aux dispositions internationales sus visées. Enfin, l'absence de décret d'application concernant les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés n'a pas pour conséquence de priver d'effet les autres dispositions du présent article. Dès lors, c'est à bon droit que le contrat de travail de Mme X... prévoit une durée de travail de 258 jours par an. Le contrat de travail ne détermine pas précisément les attributions de Mme X... et il convient de se référer à sa fiche de poste qui fait apparaître que celle-ci était chargée de l'organisation et de la gestion de la vie quotidienne, de l'accueil et de l'écoute, de l'effectivité d'une présence éducative et de la constitution d'un lien entre les personnes accueillies et les équipes. Il n'est pas contesté qu'à ses tâches se sont ajoutés l'entretien de la propriété d'un hectare ainsi que des gardes et des veilles de nuit un jour sur deux qui étaient assurées par M. et Mme X... pour pallier l'absence du veilleur de nuit. (...) Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l‘employeur qui avait parfaitement connaissance des difficultés de sa salariée, n'a pas assuré un suivi régulier de l'organisation de son travail et de sa charge de travail afin d'empêcher une durée déraisonnable du travail, notamment les jours où Mme X... devait, en plus de l'exécution de sa mission contractuelle, assurer le remplacement du veilleur de nuit ou encore assurer l'entretien de la propriété. (...) La durée du travail de Mme X... qui n'est pas calculée sur une base horaire et hebdomadaire, est décomptée en nombre de jours de travail effectués sur l'année. Elle ne rapporte pas la preuve d'un dépassement du nombre de jours de travail effectués et elle n'est pas fondée à solliciter le paiement des heures supplémentaires déterminées sur la base d'une estimation moyenne annuelle sans produire un décompte suffisamment précis permettant à l'employeur de le discuter. La preuve des heures supplémentaires n'étant pas établie, elle ne peut davantage prétendre à une indemnisation des heures qu'elle prétend avoir effectuées hors contingent légal. La décision des premiers juges sera confirmée en ce qui l'ont déboutée de ces deux chefs de demande ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat de travail de Mme X... fait clairement référence à la législation relative aux lieux de vie et d'accueil et mentionne à l'article « durée du travail » « en tant que permanente de lieu de vie, son travail effectué s'entend à raison de 258 jours annuels » ; que l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles indique ; « Les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires, ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés Leur durée de travail est de 258 jours par an » ; que l'examen des plannings de travail de Mme X... ne fait pas apparaître de dépassements. Le conseil juge que l'ASEAC a fait une application correcte de la législation prise en référence par le contrat de travail et rejette donc la demande en paiement d'heures supplémentaires et indemnités de congés y afférents ;

1) ALORS QUE l'entrée en vigueur des dispositions d'une loi, dont l'exécution nécessite des mesures d'application, est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ; que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ; que les Etats membres de l'Union européenne ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ; que l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires des titres Ier et II du livre Ier de la troisième partie du code du travail, ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés des chapitres Ier et II ainsi que de la section 3 du chapitre III du titre III de ce même livre, que leur durée de travail est de deux cent cinquante-huit jours par an et que les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés sont définies par décret ; qu' en l'absence de publication d'un décret définissant ces modalités, et donc de mesures de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, les dispositions de l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, ne peuvent recevoir application, ce dont il résulte que la salariée était en droit de prétendre au paiement d'heures supplémentaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1er, alinéa 1er, du code civil et L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ;

2) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'après avoir constaté que l‘employeur, qui avait parfaitement connaissance des difficultés de la salariée, n'avait pas assuré un suivi régulier de l'organisation de son travail et de sa charge de travail afin d'empêcher une durée déraisonnable du travail, notamment les jours où Mme Nathalie X... devait, en plus de l'exécution de sa mission contractuelle, assurer le remplacement du veilleur de nuit ou encore assurer l'entretien de la propriété, la cour d'appel a pourtant considéré la salariée ne pouvait prétendre au paiement d'heures supplémentaires ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que la convention de forfait en jours était privée d'effet et que par conséquent, Mme Nathalie X... pouvait prétendre au paiement d'heures supplémentaires, violant ainsi les articles L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

3) ALORS, AU SURPLUS, QU'en retenant, pour débouter Mme Nathalie X... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, que la salariée ne rapportait pas la preuve d'un dépassement du nombre de jours de travail effectués et qu'elle n'était pas fondée à solliciter le paiement des heures supplémentaires déterminées sur la base d'une estimation moyenne annuelle, sans produire un décompte suffisamment précis permettant à l'employeur de le discuter, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour l'Association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Corrèze.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et condamné ce dernier à verser à la salariée les sommes de 407,28 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et la somme de 1745,47 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui se réfère à la Charte sociale européenne révisée ainsi qu'à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 garantissent le droit à la santé et au repos de tout travailleur. Selon l'article L.433-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable du 1er mai 2008 au 10 août 2016 : « les lieux de vie et d'accueil, autorisés en application de l'article L. 313-1, sont gérés par des personnes physiques ou morales. Dans le cadre de leur mission, les permanents responsables de la prise en charge exercent, sur le site du lieu de vie, un accompagnement continu et quotidien des personnes accueillies. Les assistants permanents, qui peuvent être employés par la personne physique ou morale gestionnaire du lieu de vie, suppléent ou remplacent les permanents responsables. Les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires des titres Ier et Il du livre Ier de la troisième partie du code du travail ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés des chapitres Ier et II ainsi que de la section 3 du chapitre III du titre III de ce même livre. Leur durée de travail est de deux cent cinquante-huit jours par an. Les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés sont définies par décret. L'employeur doit tenir à la disposition de l'inspecteur du travail, pendant une durée de trois ans, le ou les documents existants permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail effectués par les permanents responsables et les assistants permanents. Lorsque le nombre de jours travaillés dépasse deux cent cinquante-huit jours après déduction, le cas échéant, du nombre de jours affectés sur un compte épargne-temps et des congés reportés dans les conditions prévues à l'article L. 3141-21 du code du travail, le salarié doit bénéficier, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours réduit le plafond annuel légal de l'année durant laquelle ils sont pris. » Le plafond annuel de 258 jours qui est supérieur au plafond de 218 jours prévu à l'article L. 212-15-3 du code du travail pour les cadres admis à bénéficier d'une convention de forfait en jours, s'explique par les périodes d'inactivité qui ne peuvent manquer de se produire dans l'exercice des fonctions de permanent de lieu de vie. Toutefois, les permanents de lieu de vie ayant, comme tout salarié, un droit à la santé et la sécurité, il appartient à l'employeur d'assurer un suivi régulier de l'organisation du travail et de la charge de travail du salarié afin d'empêcher une durée déraisonnable du travail. Il s'ensuit que l'article L.433-1 du code de l'action sociale et des familles n'est pas contraire aux dispositions internationales sus visées. Enfin, l'absence de décret d'application concernant les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés n'a pas pour conséquence de priver d'effet les autres dispositions du présent article. Dès lors, c'est à bon droit que le contrat de travail de Mme X... prévoit une durée de travail de 258 jours par an. Le contrat de travail ne détermine pas précisément les attributions de Mme X... et il convient de se référer à sa fiche de poste qui fait apparaître que celui-ci était chargé de l'organisation et de la gestion de la vie quotidienne, de l'accueil et de l'écoute, de l'effectivité d'une présence éducative et de la constitution d'un lien entre les personnes accueillies et les équipes. Il n'est pas contesté qu'à ses tâches se sont ajoutés l'entretien de la propriété d'un hectare ainsi que des gardes et des veilles de nuit un jour sur deux qui étaient assurées par M et Mme X... pour pallier l'absence du veilleur de nuit. Le contrat de travail prévoit également un certain nombre de sujétions concernant la prise des congés puisque Mme X... n'était pas autorisée à prendre la totalité de ses jours de congé avec son époux. De plus, son contrat de travail ainsi que celui de son époux avaient été conçus de manière à ce que l'un et I' autre ne puissent prendre ensemble leurs jours de repos hebdomadaire. Dans son certificat médical du 24 juin 2014, le Docteur B... atteste avoir diagnostiqué chez Mme X... un syndrome anxio-dépressif réactionnel à un conflit de travail. Ce diagnostic sera confirmé par le docteur C..., expert consulté par le médecin conseil qui, dans son certificat médical du 18 janvier 2015, conclut que l'état dépressif et la souffrance morale de l'intéressé sont causés directement et essentiellement par le travail en précisant que ce lien est direct et irréfutable et qu'il n'existe pas chez elle d'état pathologique antérieur. La caisse primaire d'assurance-maladie de la Corrèze a logiquement refusé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation sur les accidents de travail puisqu'il s'agit d'une pathologie et non d'une lésion apparue soudainement et violemment. Elle a également refusé de la prendre en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles au motif que celle-ci ne figure dans aucun tableau des maladies professionnelles. Toutefois, cette décision ne signifie pas l'absence de lien de causalité direct et certain entre la pathologie et les conditions de travail. Dans le cadre de l'enquête administrative effectuée par la caisse primaire d'assurance-maladie, l'employeur a été entendu et il a expliqué que dès les premiers mois de leur embauche M. et Mme X... étaient en difficulté, qu'il existait de vives tensions entre la maîtresse de maison et Mme X..., qu'il a été proposé au couple de rencontrer une psychologue de l'association pour les aider à surmonter leurs difficultés et qu'en juillet 2013, cette psychologue a alerté l'employeur sur l'état très préoccupant de l'époux de Mme X.... L'enquêteur a également entendu M. D..., responsable de service, qui a déclaré qu'il avait « toujours pensé que la mise en place de deux veilleurs de nuit au sein de cette structure était une chose importante ». M. E..., éducateur et délégué du personnel a indiqué avoir été témoin à l'occasion d'une réunion institutionnelle du 17 juin 2014 des propos tenus par le directeur selon lesquels « il ne fallait pas avoir de compassion pour ces gens-là». M. E... a également précisé qu'on leur en demandait beaucoup avant d'ajouter que le projet initial du service d'accueil séquentiel prévoyait la présence d'un éducateur au sein de l'équipe permanente mais que cela n'a jamais été mis en place. Dans un courrier du 27 juin 2014, la présidente de l'association indique à M. et Mme X...« vous êtes au poste d'accueil depuis maintenant plus d'un an et votre souffrance au travail semble être toujours la même, et paraît même s'accentuer», avant de proposer une rupture conventionnelle du contrat de travail. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'employeur qui avait parfaitement connaissance des difficultés de sa salariée n'a pas assuré un suivi régulier de l'organisation du travail et de la charge de travail du salarié afin d'empêcher une durée déraisonnable du travail, notamment les jours où Mme X... devait, en plus de l'exécution de sa mission contractuelle, assurer le remplacement du veilleur de nuit ou encore assurer l'entretien de la propriété. Les conditions de travail éprouvantes auxquelles Mme X... était confrontée ont nécessairement eu une répercussion sur son état de santé et, dans ces conditions, la gravité du manquement de l'employeur à ses obligations justifie la résiliation du contrat de travail à ses torts. La décision des premiers juges sera confirmée, sauf à préciser que celle-ci produira ses effets à la date du licenciement pour inaptitude. La durée du travail de Mme X... qui n'est pas calculée sur une base horaire et hebdomadaire, est décomptée en nombre de jours de travail effectués sur l'année. Elle ne rapporte pas la preuve d'un dépassement du nombre de jours de travail effectués et elle n'est pas fondé à solliciter le paiement d'heures supplémentaires déterminées sur la base d'une estimation moyenne annuelle sans produire un décompte suffisamment précis permettant à l'employeur de le discuter.
La preuve des heures supplémentaires n'étant pas établie, elle ne peut prétendre à la compensation des heures effectuées hors contingent légal. La décision des premiers juges sera confirmée en ce qui l'ont déboutée de ces deux chefs de demande. Il résulte de l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles que Mme X... ne peut prétendre aux dispositions du code du travail régissant le repos. Mme X... a travaillé du 4 mars 2013 au 27 août 2015. Son contrat de travail a toutefois été suspendu en raison de son arrêt de travail à compter du 23 mai 2014 jusqu'à son terme. Elle dispose donc d'une ancienneté d'un an et de deux mois. Son salaire de référence est de 1 745,74 euros. La convention collective applicable prévoit que la durée de préavis en cas de licenciement est d'un mois lorsque l'ancienneté est inférieure à deux ans et de deux mois lorsque l'ancienneté est supérieure. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 1234-8 du code du travail, la période de suspension du contrat de travail n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier des dispositions relatives au préavis. Compte tenu de la suspension du contrat de travail résultant de l'arrêt de travail, l'ancienneté de Mme X... pour la détermination de la durée de son préavis est inférieure à deux ans et, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges lui ont alloué 1 745,47 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents. Mme X... disposant d'une ancienneté inférieure au seuil prévu par la convention collective, elle ne peut prétendre à l'indemnité conventionnelle de licenciement. Au regard de son ancienneté, son indemnité de licenciement s'élève la somme de 407,28 €. La décision des premiers juges sera réformée de ce chef. Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (plus de dix salariés), des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, de son âge (36 ans), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 15 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'ASEAC a recruté Mme X... pour occuper le poste de co-responsable avec son époux d'une structure nouvelle en Corrèze, accueillant en permanence des jeunes en grande difficulté. Le choix de recrutement d'un couple a été primordial dans la stratégie de l'association, qui souhaitait fonder l'action éducative sur une ambiance familiale. L'ASEAC ne pouvait ignorer le parcours professionnel de Mme X..., qui a exercé pendant 7 ans une fonction d'APM dans un établissement pour handicapés lourds. Cest donc c'est en connaissance de cause que l'ASEAC s'engageait à apporter à Mme X... un soutien éducatif fort par des professionnels compétents. Il ressort de divers compte-rendus que très rapidement Mme X... s'est trouvé en difficulté professionnelle, engendrant une souffrance au travail relatée par l'ASEAC. A la demande du Conseil Général, l'ASEAC a décidé d'ouvrir le lieu de vie durant les vacances scolaires, ce qui n'était pas prévu initialement, et que donc Mme X... a été privé de temps de repos indispensables. A l'étude des éléments fournis aux débats, le conseil considère que l'ASEAC, bien qu'informée, dès le début du contrat et régulièrement ensuite, des difficultés rencontrées par Mme X... dans son exercice professionnel, n'a pas su apporter des réponses concrètes permettant à Mme X... d'exercer son travail dans des conditions satisfaisantes, n'a pas su mesurer la dégradation de son état de santé et sa souffrance au travail, et n'a pas su prendre les mesures qui auraient permis de mettre fin à cette situation. Le Conseil prononce la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. Le contrat de travail de Mme X... fait clairement référence à la législation relative aux lieux de vie et d'accueil et mentionne à l'article" durée du travail" "en tant que permanent de lieu de vie, son travail effectif s'entend à raison de 258 jours annuels". L'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles indique "Les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires, ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés. Leur durée de travail est de 258 jours par an" L'examen des plannings de travail de Mme X... ne fait pas apparaître de dépassements. Le Conseil juge que I'ASEAC a fait une application correcte de la législation prise en référence par le contrat de travail et rejette donc la demande en paiement d'heures supplémentaires et indemnités de congés y afférents ».

ALORS QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ne peut être prononcée que si les manquements de ce dernier envers le salarié sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel a relevé que la salariée en qualité de permanent au sein d'un foyer d'accueil d'enfants en difficulté était soumis aux dispositions de l'article L.433-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction en vigueur qui prévoyait une durée de travail égale à 258 jours par an ; que la cour d'appel a également constaté que ces dispositions légales étaient conformes à l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi qu'à l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; que la cour d'appel a enfin relevé que les plannings de travail démontraient que la salariée n'avait pas effectué d'heures de travail au-delà des 258 jours annuels fixés ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que l'employeur qui avait respecté les dispositions de l'article L.433-1 du code de l'action sociale et des familles auquel il était soumis, n'avait pas commis de manquement à ses obligations contractuelles de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en jugeant que la salariée avait été soumise à des conditions de travail éprouvantes liées à une durée de travail de 258 jours par an, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-3 du code du travail.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Application - Exécution subordonnée à une condition - Décret d'application - Défaut - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Réglementation - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Code de l'action sociale et des familles - Permanents des lieux de vie - Forfait annuel en jour - Modalités fixées par décret - Publication - Moment - Portée

Selon l'article 1er, alinéa 1, du code civil, les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures. Viole ce texte, ensemble, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits fondamentaux des travailleurs, la cour d'appel qui refuse de reporter l'entrée en vigueur du forfait annuel de 258 jours prévu par l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles pour les permanents responsables et les assistants permanents exerçant au sein des lieux de vie et d'accueil autorisés en application de l'article L. 313-1 du même code, alors qu'elle constate que le décret d'application auquel renvoie l'article L. 433-1 pour la détermination des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, nécessaire à la garantie du droit à la santé et au repos par une amplitude et une charge de travail raisonnables assurant une bonne répartition dans le temps du travail du salarié, n'était pas intervenu à la date d'exécution de la prestation de travail


Références :

article 1er, alinéa 1, du code civil

article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles

alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte s
ociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs.

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 07 novembre 2016


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 10 oct. 2018, pourvoi n°17-10248, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, Me Le Prado

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 10/10/2018
Date de l'import : 20/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17-10248
Numéro NOR : JURITEXT000037495599 ?
Numéro d'affaire : 17-10248
Numéro de décision : 51801446
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2018-10-10;17.10248 ?
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