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03/10/2018 | FRANCE | N°17-14.804

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 03 octobre 2018, 17-14.804


COMM.

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 octobre 2018




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10463 F

Pourvoi n° T 17-14.804







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ la société CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Le Crédit Lyonnais, société anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt n° 28 rendu le 17 janvier 20...

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 octobre 2018

Rejet non spécialement motivé

Mme MOUILLARD, président

Décision n° 10463 F

Pourvoi n° T 17-14.804

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ la société CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ la société Le Crédit Lyonnais, société anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt n° 28 rendu le 17 janvier 2017 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Whirlpool France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Indesit SA,

2°/ à la société Beko France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] et 266 avenue du président Wilson, [...] ,

3°/ à M. Christophe D..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Fagorbrandt,

4°/ à la société Sharp Electronics France, société anonyme, dont le siège est [...] [...] ,

5°/ à la société BSH Electroménager, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

6°/ à la société Whirlpool, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

7°/ à M. Daniel X..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Calvez Electroménager dont le siège social est [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 juillet 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme C..., conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller, Mme Y..., avocat général, Mme Labat, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat des sociétés CIC Ouest et Le Crédit Lyonnais, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. D..., ès qualités, et des sociétés Sharp Electronics France et BSH Electroménager, de la SCP Lesourd, avocat des sociétés Whirlpool France, Beko France et Whirlpool ;

Sur le rapport de Mme C..., conseiller, l'avis de Mme Y..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés CIC Ouest et Le Crédit Lyonnais aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer d'une part, à la société Beko France, la société Whirlpool France, venant aux droits de la société Indesit, et la société Whirlpool la somme globale de 3 000 euros et d'autre part, à M. D..., en qualité de liquidateur judiciaire à la société Fagorbrandt, la société Sharp Electronics France et la société BSH Electromenager la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour les sociétés CIC Ouest et Le Crédit Lyonnais

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré le gage constitué le 8 juillet 2009 par la société Calvez au profit des sociétés CREDIT LYONNAIS et CIC OUEST inopposable aux sociétés SAS Whirlpool France, en son nom personnel et en tant que venant aux droits de la SA Indesit Company France, Sharp Electronics France, BSH Electroménager, Beko France et à Maître D..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Fagorbrandt, d'avoir, en conséquence, accueilli leur demande en revendication du prix de leurs marchandises impayées se trouvant en stock dans les locaux de la société Calvez à Dinan au jour de l'ouverture du redressement judiciaire de la société Calvez Electroménager et d'avoir, en conséquence encore, réparti le prix de cession des ces marchandises entre ces différentes sociétés à proportion de leurs créances ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des énonciations du jugement de redressement judiciaire versé aux débats par Me X... que la société Calvez s'approvisionnait auprès de six principaux fournisseurs. Ces six fournisseurs habituels de la société Calvez, qui bénéficiaient de clauses de réserve de propriété de leurs marchandises impayées, ont agi dans les délais impartis en revendication de leurs biens ou à défaut de leur prix de vente. Avant même l'ouverture de la procédure, la société Whirlpool, dont les factures payables à 30 jours n'étaient plus réglées depuis le 24 avril 2012, avait obtenu du président du tribunal de commerce de Nanterre, par ordonnance du 20 juillet 2012, l'autorisation de faire appréhender ses marchandises impayées se trouvant au siège de la société Calvez à Dinan, ce qui donnait lieu au PV de constat de Me Z... en date des 24 et 25 juillet 2012. Le litige provient de la concurrence entre l'action en revendication de ces marchandises impayées, constituant 88,91 % du stock total détenu par la société Calvez au jour de l'ouverture de son redressement judiciaire, et l'action des banques CREDIT LYONNAIS et CIC OUEST se prévalant d'un gage avec dépossession des mêmes marchandises consenti le 8 juillet 2009 en garantie de deux lignes de crédit d'un total de 2.050.000 euros, ces établissements ayant désigné la société Auxiga en qualité de tiers détenteur des marchandises entreposées dans le local de stockage de l'établissement principal de la société Calvez à Dinan. (
) C) Sur l'opposabilité du gage aux propriétaires des marchandises : Aux termes de l'article 2237, « Le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite. Il l'est également par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait l'objet. Lorsque le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre particulier du constituant ne peuvent se prévaloir de l'article 2276 ». Le gage litigieux n'a fait l'objet d'aucune publicité de sorte que son opposabilité aux tiers ne peut résulter que, d'une part, de la bonne foi des créanciers gagistes, et, d'autre part, du constat d'une dépossession effective et non équivoque, suffisamment apparente pour que les tiers puissent en être informés. 1) sur la qualité de possesseur de bonne foi des créanciers gagistes. Sans contester le fait que les marchandises données en gage n'étaient pas la propriété de la société Calvez, les deux banques opposent aux propriétaires de ces marchandises, le gage avec dépossession que cette dernière leur a consenti sur son stock de marchandises pour une valeur non définie sinon par référence à une valeur plancher de marchandises de 2.665.000 euros. Il était convenu dans l'acte du 8 juillet 2009 que la désignation, quantité et valeur déclarée des marchandises seraient indiquées sur le certificat de tierce détention et ses avenants mais il n'est justifié d'aucun inventaire de cette nature avant le document établir à une date indéterminée mais en tout état de cause concomitante ou postérieure au 9 juillet 2012 (date du dernier achat de marchandises y figurant), document qui ne concerne d'ailleurs pas seulement le stock remis en gage puisqu'y figure celui du magasin de la région d'Angers pour 84.126,48 euros tandis que le stock indiqué comme existant à Dinan était valorisé à 1.787.195,43 euros (pièce 8 des intimées). Des pièces produites, il ressort que l'étendue réelle du gage en nature et en valeur ne pouvait qu'être déterminée a posteriori comme correspondant aux marchandises entreposées dans l'unique magasin de stockage de la société Calvez au sein de son établissement principal de Dinan, magasin prêté à usage à Auxiga le 20 juillet 2009. Si la nature et la valeur initiales des marchandises remises en gage ne sont pas déterminées, il est justifié que les banques ont reçu un premier certificat de tierce détention le 1er octobre 2009 mentionnant une valeur de marchandises déclarées en valeur d'achat de 2.946.139,70 euros, ce montant s'accroissant ensuite à 3.589.399 euros en mai 2010 et à 3.771.395 euros en juin 2010 avant de culminer à 4.409.877 euros en juillet 2010. Ces évolutions, qui n'ont suscité aucune interrogation de la part des créanciers gagistes, éclairaient la stipulation relative aux contraintes de stockage contenue dans la convention de gage du 8 juillet 2009 et révèlent que les banques étaient ab initio conscientes du fait que les marchandises incluses dans leur gage portaient sur l'intégralité du stock entreposé par la société Calvez dans son établissement principal de Dinan. Les créanciers gagistes soutiennent que les affirmations successives de la société Calvez selon lesquelles les marchandises données à gage et celles y substituées étaient sa propriété exclusive et ne faisaient pas l'objet d'une clause de réserve de propriété suffisent à établir leur bonne foi qui doit être présumée, aucune vérification de l'exactitude des affirmations du constituant n'étant exigée. Mais s'il est exact que la bonne foi du créancier gagiste doit être présumée, cette présomption n'est pas irréfragable et doit s'apprécier concrètement, en fonction des circonstances de la cause. En l'occurrence, les déclarations péremptoires, non circonstanciées, de la société Calvez – qui avait tout intérêt à proférer des affirmations inexactes pour obtenir et conserver le financement souhaité – ne suffisent pas à caractériser leur bonne foi dès lors qu'elles étaient empreintes d'anomalie manifeste. En effet, les banques, qui ont nécessairement étudié les documents comptables de la société Calvez avant d'accorder le financement garanti par le gage litigieux, destiné à pallier des difficultés de trésorerie importantes et à financer son fonds de roulement, n'ont pu raisonnablement croire que cette société, en dépit du crédit fournisseur qui lui était octroyé, réglait au comptant de manière systématique la quasi intégralité du stock de marchandises qu'elle avait pour activité de revendre aux détaillants. La seule comparaison, sur les documents comptables en leur possession, de la valeur dudit stock avec le poste fournisseurs de marchandises suffisait en effet à révéler la fausseté de cette allégation, a priori invraisemblable pour toute entreprise oeuvrant dans le secteur économique concerné. Les banques, professionnelles avisées, n'ignoraient pas non plus l'existence d'une stipulation généralisée, au profit des fournisseurs habituels de marchandises non fongibles présentant une valeur significative, d'une clause de réserve de propriété dont l'existence était d'ailleurs évoquée dans le contrat de gage. Dès lors, ni les déclarations initiales invraisemblables de la société Calvez, non soutenues par une attestation de son expert-comptable ou de son commissaire aux comptes, ni les attestations lapidaires prérédigées transmises périodiquement par la société Auxiga, à seule fin de renforcer l'efficacité de la fiction juridique qu'elle se vantait ouvertement d'entretenir, ne pouvaient leur laisser croire que les marchandises données en gage appartenaient en totalité à la société Calvez. Le caractère inexact de ces déclarations ne pouvait de surcroît qu'être révélé par l'examen des inventaires que les créanciers gagistes étaient censés recevoir périodiquement lesquels, à l'instar de l'inventaire produit en pièce 8, devaient faire apparaître la date d'achat de chaque produite entré en stock gagé et donc mettre en évidence le fait, qu'au regard des délais habituels de règlement octroyés par les fournisseurs, le paiement n'en était pour beaucoup pas encore exigible. Il sera rappelé que si le dernier certificat de tierce détention produit daté du 8 mars 2012, soit quatre mois avant la déclaration de cessation des paiements de la société Calvez, faisait état de marchandises remises en gage lui appartenant pour un montant déclaré de 2.403.070 euros, leur valeur au jour de l'ouverture de la procédure était nulle. L'incompatibilité entre ces déclarations successives et les difficultés de la société (dont le président devant le tribunal de la procédure collective déclarait au 31 décembre 2011 un déficit de 892.897 euros un passif de 8.300.000 euros pour un actif de 4.750.000 euros) ne pouvait échapper à ses banquiers dispensateurs de crédit dont l'absence de réaction ne peut se justifier que par la volonté de profiter d'une organisation dont le caractère frauduleux ne leur échappait pas. Les sociétés fournisseurs démontrent dès lors que les banques n'étaient pas des possesseurs de bonne foi des biens entreposés dans le local de stockage de la société Calvez à Dinan au jour d'ouverture de la procédure collective. 2) sur l'existence d'une dépossession publique exempte de vices : La seule diligence effectuée pour concrétiser la mise en oeuvre de la convention de gage a consisté, pour la société Auxiga tiers détenteur convenu, à se faire consentir un prêt à usage gratuit du magasin clos situé à l'intérieur des locaux de la SAS Calvez [...] , celle-ci devant continuer à supporter la garde, les risques et l'assurance des locaux et des marchandises s'y trouvant. Les explications données par M. Pierre A..., administrateur de la société Le Warrant et administrateur et directeur général délégué de la SA Auxiga, sociétés faisant partie du même groupe, dans un article publié le 9 janvier 2011 sur Internet correspondent exactement à la situation constatée en l'espèce, telle qu'elle résulte des pièces produites, sauf à constater que le contrôle des stocks en était beaucoup plus limité et qu'il n'en a été effectué aucun sondage. Celui-ci s'exprimait en ces termes : « Concrètement, lorsqu'une société octroie une telle garantie sur ses stocks, la société Le Warrant ne déplace pas les stocks de l'entreprise, mais crée son propre magasin fictif dans les entrepôts de la société. Cela ne crée pas de blocage au niveau du fonctionnement de l'entreprise. Nous sommes chargés par la banque de contrôler l'évolution du gage. Nous suivons les entrées et les sorties en nous calquant sur l'organisation de l'entreprise. Nous recevons l'état journalier des stocks gagés et nous effectuons des contrôles inopinés par sondages à un rythme mensuel. En cas de non-respect du contenu du gage, nous alertons le banquier qui peut demander de fermer les portes du magasin gagé ». (pièce 23). En l'espèce, la marchandise donnée en gage n'a en effet fait l'objet d'aucun déplacement après la convention de gage et aucune disposition particulière de stockage, de gestion ou de manutention du stock de la société Calvez n'a été prise, la société ayant continué à fonctionner dans les mêmes conditions qu'antérieurement. Il se déduit des pièces de la procédure et notamment du procès-verbal de M. Z... en date du 24 et 25 juillet 2012 que les locaux faisant l'objet de la convention englobaient l'intégralité des capacités de stockage dont disposait la société Calvez au sein de son établissement principal. D'ailleurs aucune comptabilité propre aux marchandises gagées n'étant tenue, les valeurs déclarées dans les différents certificats de tierce détention correspondaient nécessairement au stock détenu par la société Calvez dans son établissement principal, lequel était constamment renouvelé compte tenu de son activité. Dès lors, le personnel de la société Calvez qui recevait à Dinan des livraisons de marchandises quasi quotidiennes et y effectuait des prélèvements tout aussi fréquents, devait nécessairement avoir un accès permanent et illimité à ce magasin. Ainsi, à titre d'exemple, dans l'inventaire établi en juillet 2012 portant sur les marchandises en stock à Dinan figuraient des marchandises achetées chacun des 20 jours ouvrables du mois d'avril 2012, la date retenue correspondant habituellement à celle de livraison, ainsi que l'établissent les factures et bons de livraison produits par les différents fournisseurs. Ceci explique la stipulation de la convention de gage selon laquelle « Pour des motifs techniques relevant des contraintes de stockage dans notre entreprise, ou pour toute autre raison d'ordre commercial ou financier, la valeur totale (en valeur déclarée) des marchandises gagées placées sous la tierce détention de la société Auxiga, pourrait se trouver supérieure à ce que les Banques ont défini comme nécessaire pour garantir leur crédit, soit 2.665.000 euros ». En effet, la valeur totale de la marchandise déclarée sur les certificats de tierce détention a longtemps excédé largement le montant convenu. Ainsi elle était de 4.409.877 euros au 2 juillet 2010, de 3.924.798 euros au 7 décembre 2010, de 3.322.811 euros au 3 novembre 2010, de 3.368.196 euros au 17 janvier 2011, de 3.380.056 euros au 31 janvier 2011, de 3.498.834 euros au 7 mars 2011, de 3.858.649 euros au 29 mars 2011, de 3.773.478,54 euros au 18 avril 2011, ne retrouvant des valeurs plus proches puis inférieures au montant convenu dans le gage qu'à compter du 30 septembre 2011. Il s'en infère qu'étaient entreposées dans le magasin prêté à Auxiga, sans aucune distinction, toutes les marchandises livrées par les fournisseurs à Dinan, qui représentaient, au regard de la revendication totale de l'ensemble des fournisseurs, la grande majorité des livraisons. La fiction d'un magasin à usage exclusif d'Auxiga imposait dès lors la disposition sus-reproduite en dépit du caractère économiquement aberrant, si elle avait eu une traduction concrète, de la décision pour une entreprise de se déposséder d'un stock de marchandises supérieur à ce qu'exigeaient ses obligations alors que sa rentabilité imposait au contraire qu'elle en garde la disponibilité permanente aux fins d'en assurer une rotation rapide. Cette dépossession était de fait purement formelle puisque la société continuait à disposer librement de son stock dont elle faisait varier en permanence la consistance et la valeur dans des proportions importantes (de 4.409.877 euros au 2 juillet 2010 à euros à l'ouverture du redressement judiciaire), Auxiga selon son président à l'audience d'ouverture de la procédure collective faisant seulement pression pour maintenir une valeur de stock de 2.000.000 euros sans s'opposer matériellement aux prélèvements non compensés par des entrées puisque la valeur de ce stock était descendue bien en dessous de son seuil plancher. Si le local de stockage était clos, la porte n'en était pas verrouillée lorsque l'huissier a établi son procès-verbal les 24 et 25 juillet 2012 ainsi qu'il en atteste par une déclaration ultérieure qui présente un caractère d'autant plus probant que l'accès permanent pour le personnel de l'entreprise en était indispensable compte tenu du fait que le stock contenu dans le local était renouvelé par des entrées et des prélèvements quotidiens qui constituaient le coeur de l'activité de la société Calvez. C'est à tort que le tribunal de commerce a déduit des constatations du mandataire judiciaire après l'ouverture de la procédure collective - alors que les droits des parties s'apprécient au jour de l'ouverture du redressement judiciaire - que les marchandises étaient entreposées dans un local mis sous scellés dans lequel personne ne pouvait pénétrer. En effet, il est établi par les courriels écrits le vendredi 3 août et le mardi 7 août 2012 par des préposés de la société Calvez, d'une part au président de cette société et d'autre part à la société Auxiga que les dits scellés ont été posés le vendredi 3 août dans l'après-midi après l'ouverture du redressement judiciaire le 31 août (lire 31 juillet). Ces courriels révèlent de surcroît le caractère anormal et nécessairement très temporaire de cette situation, incompatible avec le fonctionnement de la société. Le premier courriel indiquait en effet : « J'ai appelé M. B... (responsable Auxiga) : il m'indique qu'Auxiga a respecté la procédure mais que les scellés pourront être levés très rapidement et le stock dégagé très vite ». Le second adressé à Auxiga indiquait : « Dans le cadre du RJ, un huissier nommé par le tribunal doit passer ce matin pour effectuer l'inventaire du dépôt. Il ne pourra cependant pas le faire puisque nous ne pouvons pas accéder à la marchandise » sans faire mention d'un inventaire permanent qui aurait pu se substituer aux constatations physiques de l'huissier. Surtout, ce courrier précisait : « D'autre part un point important est à vous préciser concernant la sécurité de l'entreprise. Nous ne pouvons plus accéder au compteur général, au coupe feu si incendie, ainsi qu'au tableau des lignes téléphoniques. Si les alarmes incendies se mettent à sonner, nous ne pouvons plus vérifier si c'est une fausse alerte ou un incendie réel ». Il s'en déduit a contrario que l'accès au local prétendument non accessible sans autorisation devait être librement assuré de manière constante, et non pas seulement sur autorisation du tiers détenteur convenu ou à l'initiative de la préposée de la société déléguée par lui, laquelle ne pouvait être présente en permanence sur les lieux. Dès lors la dépossession alléguée, qui n'était caractérisée que par l'entreposage par la société constituante elle-même des marchandises dans un magasin fictivement prêté à l'usage exclusif d'Auxiga, présentait un caractère fictif, la société ayant conservé la maîtrise de son stock auquel elle avait accès de manière permanente sans contrôle et dont elle disposait librement y compris lorsqu'elle ne pouvait plus justifier détenir de marchandises d'une valeur équivalente au stock plancher convenu dans la convention de gage, et ce jusqu'au 3 août 2012. La publicité du gage n'était pas davantage assurée par cette prétendue dépossession. En effet, s'il est établi par le procès-verbal d'huissier de Me Z... des 24 juillet et 25 juillet 2012 que sur la porte d'entrée du magasin situé à l'intérieur des locaux de la société Calvez un panneau était apposé indiquant « Magasin prêté à usage à Auxiga » suivi de l'adresse de cette société, rien n'établit que le public et les cocontractants de la société ont eu accès à la dite porte et ont pu lire ce panneau au demeurant peu explicite dont les indications étaient contredites par les conditions de fonctionnement quotidiennes de la société. Les factures et bons de livraison des marchandises revendiquées indiquaient tous que la marchandise devait être livrée dans les locaux de la société Calvez à Dinan alors que celle-ci n'y détenait plus juridiquement de capacités de stockage, les marchandises se retrouvant directement dans le magasin objet de la convention de prêt à Auxiga. Pour assurer la publicité du gage avec dépossession, les créanciers gagistes et leur mandataire auraient dès lors dû exiger que sur les bons de commande figure comme adresse de livraison celle du tiers détenteur convenu, seule mention qui aurait permis d'assurer la publicité du gage à l'égard des fournisseurs en faisant perdre au local en cause le caractère clandestin de son statut juridique et à leur faire prendre conscience du fait qu'ils remettaient leurs marchandises non pas à la société cliente mais à un créancier gagiste. La seule apposition d'un panneau sur une porte pour matérialiser la constitution juridique d'un magasin « fictif » au sein des locaux de la société Calvez dans un périmètre non accessible au public, n'était en tout état de cause pas de nature à assurer la publicité à l'égard des tiers de la prise de possession des marchandises par le créancier gagiste au fur et à mesure de leur livraison à la société cliente (arrêt, p. 12 à 18) ;

1) ALORS QUE le motif dubitatif ou hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; que pour considérer la mauvaise foi des créanciers gagistes était démontrée, la Cour d'appel retient que les banques « qui ont nécessairement étudié les documents comptables (
) n'ont pu raisonnablement croire », qu'elles « n'ignoraient pas non plus l'existence d'une stipulation généralisée (
) », que « ni les déclarations initiales invraisemblables (
) ni les attestations lapidaires (
) ne pouvaient leur laisser croire », que « le caractère inexact de ces déclarations ne pouvait de surcroît qu'être révélé par l'examen des inventaires que les créanciers gagistes étaient censés recevoir périodiquement lesquels (
) devaient faire apparaître (
) », que « l'incompatibilité entre ces déclarations successives et les difficultés de la société (
) ne pouvait échapper aux banquiers dispensateurs de crédit dont l'absence de réaction ne peut se justifier que par la volonté de profiter d'une organisation dont le caractère frauduleux ne leur échappait pas » (arrêt, p. 14 et 15) ; qu'en statuant par de tels motifs, hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE, subsidiairement, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour retenir la mauvaise foi des créanciers gagistes, la cour d'appel s'est fondée sur la nécessaire connaissance qu'ils auraient dû avoir, selon elle, de la fausseté des allégations de la société Calvez au regard de l'étude qu'ils auraient fait de ses documents comptables avant d'accorder le financement garanti, de l'existence d'une clause de réserve de propriété généralement stipulée dans les contrats de vente, de l'invraisemblance des déclarations de la société Calvez, de l'incompatibilité des déclarations du tiers détenteur avec les difficultés économiques du débiteur ; qu'en se fondant sur ces différents éléments, qui n'étaient invoqués par aucune des parties au litige, et dont il n'est pas possible de déterminer de quelles pièces produites aux débats ils étaient tirés, pour caractériser la mauvaise foi des banques résultant de « la volonté de profiter d'une organisation dont le caractère frauduleux ne leur échappait pas », la cour d'appel a violé le principe de la contradiction, tel que consacré par l'article 16 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE, subsidiairement encore, la bonne foi est toujours présumée et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ; qu'en se bornant à affirmer que les créanciers gagistes auraient dû connaître le caractère nécessairement fallacieux des déclarations du débiteur quant à la propriété des marchandises qu'ils détenaient pour en déduire leur mauvaise foi qui est ainsi présumée au rebours des principes applicables, la cour d'appel a violé l'article 2268 devenu 2274 du code civil ;

4) ALORS QUE le gage est opposable aux tiers par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait l'objet ; qu'il était constant que la dépossession de l'objet du gage par la société Calvez, constituant, s'était faite par la remise des marchandises à un tiers, la société Auxiga, laquelle avait l'usage de l'entrepôt appartenant à la société Calvez, avait fait apposer sur toutes les issues de celui-ci une plaque mentionnant cet usage ainsi que des cadenas sur les issues s'ouvrant de l'extérieur et avait délégué un salarié de la société Calvez pour veiller à l'exécution de la convention d'occupation ; qu'en affirmant que ces mesures n'étaient pas suffisantes pour assurer la publicité de la dépossession vis-à-vis des tiers et que « les créanciers gagistes et leur mandataire auraient dû exiger que sur les bons de commande figure comme adresse de livraison celle du tiers détenteur convenu, seule mention qui aurait permis d'assurer la publicité du gage à l'égard des fournisseurs en faisant perdre au local en cause le caractère clandestin de son statut juridique et à leur faire prendre conscience qu'ils remettaient leurs marchandises non pas à la société cliente mais à un créancier gagiste », pour décider que la publicité du gage à l'égard des tiers n'avait pas été en l'espèce assurée et que celui-ci était inopposable aux fournisseurs invoquant une clause de réserve de propriété, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne contenait pas et a, partant, violé les articles 2333 et 2337 du code civil ;

5) ALORS QUE le gage est opposable aux tiers par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait l'objet ; qu'il était constant que la dépossession de l'objet du gage par la société Calvez, constituant, s'était faite par la remise des marchandises à un tiers, la société Auxiga, laquelle avait l'usage de l'entrepôt appartenant à la société Calvez, avait fait apposer sur toutes les issues de celui-ci une plaque mentionnant cet usage ainsi que des cadenas sur les issues s'ouvrant de l'extérieur et avait délégué un salarié de la société Calvez pour veiller à l'exécution de la convention d'occupation ; qu'en affirmant que ces mesures n'étaient pas suffisantes pour assurer la publicité de la dépossession vis-à-vis des tiers et que « les créanciers gagistes et leur mandataire auraient dû exiger que sur les bons de commande figure comme adresse de livraison celle du tiers détenteur convenu, seule mention qui aurait permis d'assurer la publicité du gage à l'égard des fournisseurs en faisant perdre au local en cause le caractère clandestin de son statut juridique et à leur faire prendre conscience qu'ils remettaient leurs marchandises non pas à la société cliente mais à un créancier gagiste », pour décider que la publicité du gage à l'égard des tiers n'avait pas été en l'espèce assurée et que celui-ci était inopposable aux fournisseurs invoquant une clause de réserve de propriété, sans rechercher si la mention de l'usage de l'entrepôt par le tiers détenteur, la société Auxiga, n'était pas visible depuis l'extérieur de l'entrepôt et en particulier depuis les issues servant au déchargement des marchandises lors de leur livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2333 et 2337 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 17-14.804
Date de la décision : 03/10/2018
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, arrêt n°17-14.804 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes 02


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 03 oct. 2018, pourvoi n°17-14.804, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14.804
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