SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 septembre 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10979 F
Pourvoi n° E 17-16.356
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Nicolas Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 15 février 2017 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Z..., société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 juin 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, M. Pietton, Mme Richard, conseillers, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de M. X..., président, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes tendant à la constatation de l'existence d'un contrat de travail, au paiement de rappels de salaires, de congés payés y afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à la remise de documents sociaux et de l'AVOIR condamné aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que si les griefs invoqués contre l'employeur sont fondés la prise d'acte produit les effets d'un licenciement abusif, en cas contraire elle produit les effets d'une démission du salarié ; qu'en l'espèce, par lettre recommandée avec accusé réception du 19 septembre 2014 adressée à la société Z..., M. Y... a pris acte de la rupture du contrat de travail le liant à la société depuis le 1er janvier 2011, en exposant avoir été manipulé, avoir signé sa démission sur la demande de son employeur le 13 décembre 2010, avoir alors compris qu'il deviendrait gérant rémunéré 1 100 euros et qu'il n'exercerait plus les fonctions de menuisier sur les chantiers, et avoir constaté ensuite qu'en fait il continuait à travailler en tant que menuisier, sans contrat de travail, ni bulletin de salaire, ni rémunération, ni couverture sociale ; qu'il a estimé que son contrat de travail initial ne s'était "jamais arrêté" et qu'il y mettait donc fin aux torts exclusifs de la société Z... ; que la société Z... lui a répondu qu'il avait souhaité s'impliquer dans la direction de la société, qu'il avait démissionné sans contrainte, acquis 380 parts sociales, été nommé gérant associé depuis le 17 janvier 2011, que ce statut ne supprimait pas son activité sur le terrain, que M. Z... lui aussi gérant associé intervenait également sur les chantiers dans des travaux de menuiserie, et que les deux co-gérants bénéficiaient d'une couverture sociale ; que la société Z... en a conclu qu'en l'absence de contrat de travail la rupture décidée par M. Y... n'avait aucun sens et aucun effet, et qu'aucun document de fin de contrat de travail ne pouvait lui être adressé ; que les premiers juges, sans discuter de la charge de la preuve, ont considéré que M. Y... avait poursuivi ses fonctions techniques de menuisier alors qu'il était co-gérant associé minoritaire et donc soumis à un lien de subordination ; que devant la cour M. Y... soutient que sa démission n'est qu'un "habillage" dépourvu d'effet et que le contrat de travail s'est en fait poursuivi ; que les termes du courrier daté du 13 décembre 2010 adressé par M. Y... à la société Z... sont clairs, précis, explicites, la démission étant présentée sans réserve et étant ainsi non équivoque ; que M. Y... ne communique aucune pièce susceptible de corroborer des pressions ou une manipulation mises en oeuvre par la société Z... dans le but de lui faire signer cette démission ; que M. Y... considère que la démission était destinée à le faire nommer co-gérant associé de la société Z... ce qui en soit ne suffit pas à caractériser des manoeuvres déloyales de la part de l'employeur. B est établi que le 17 janvier 2011, M. Y... a acquis 380 des parts sociales de la société Z..., et qu'il a ensuite, à l'occasion de l'assemblée générale ordinaire tenue le 15 mars 2011, été nommé co-gérant, à effet au 17 janvier 2011, qu'il devait être rémunéré pour ces fonctions 1 100 euros net chaque mois, que ses cotisations personnelles devaient être prises en charge par la société. D est également justifié que : - les assemblées générales ordinaires successives ont validé cette rémunération de M. Y... ainsi que la prise en charge de ses cotisations, soit, en 2011,12 507 euros de rémunération et de 4 236 euros de cotisations et en 2012, 14 200 euros de rémunération et 4 916 euros de cotisations, - M. Y... a participé aux assemblées générales en qualité de co-gérant et cette fonction n'était pas fictive, - les cotisations obligatoires de M, Y..., en sa qualité de co-gérant, ont été prises en charge par la société selon attestation de son comptable, jusqu'au 16 novembre 2014, et il a bénéficié des couvertures sociales y afférentes, - les résultats de la société étant positifs, la somme de 7 000 euros a été distribué selon décision de l'assemblée générale du 22 novembre 2011, en tant que dividendes, soit 0,70 euros par action, - les bénéfices des autres exercices ont été affectés aux réserves, cette ligne comptable dépassant 90 000 euros le 28 juin 2013 ; qu'ainsi, M. Y... est devenu associé d'une société dont les résultats positifs excluent de retenir qu'il a été victime d'une manoeuvre déloyale, alors que la rémunération perçue en qualité de gérant était comparable à sa rémunération nette en qualité de salarié, la part de dividende distribuée n'étant au surplus que l'application de la proportion des parts détenues par chacun des associés et rendant vaines les critiques de M. Y... sur ce point ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces motifs que la démission de M. Y... n'était pas équivoque, qu'elle n'a pas été viciée et que le contrat de travail signé le 17 mars 2008 a ainsi été rompu à l'initiative du salarié le 13 décembre 2010 ; que M. Y... considère que la qualité d'associé majoritaire de M. Z... a privé d'effet sa propre co-gérance et qu'il est resté soumis à un lien de subordination alors qu'il continuait à exécuter des travaux de menuiserie sur les chantiers ; que l'existence d'un contrat de travail suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir l'exécution d'une tâche, rémunérée en contrepartie, et exécutée dans un rapport de subordination ; que s'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence, la présence d'un contrat de travail apparent impose à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ; que M. Y... ne pouvant se prévaloir d'un contrat de travail apparent, puisqu'ayant démissionné pour devenir associé co-gérant de la société Z..., la charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail repose sur lui ; que de jurisprudence constante, un gérant minoritaire peut cumuler ses fonctions de gérant avec un contrat de travail mais sous réserve de démontrer la réunion des conditions cumulatives exigées pour la validité d'un contrat de travail ; que s'il est admis que, compte tenu de la taille de l'entreprise employant un seul salarié, M. Y... a continué à exercer des fonctions techniques, force est de constater qu'il n'établit pas avoir reçu des directives de la part de M. Z... pour exécuter ces prestations ; qu'au contraire, la société Z... s'appuie sur les attestations de Mme A..., M. B... et Mme C..., clients, et sur celle de M. D..., salarié recruté en 2014, tous ces témoins relatant le comportement autonome de M. Y..., en qualité de co-gérant effectif, pour les commandes, la gestion et l'exécution des chantiers ; qu'en conséquence M. Y... étant défaillant à établir la réalité d'un lien de subordination et donc l'existence d'un contrat de travail il est débouté de l'ensemble de ses demandes, aucun salaire ne lui étant dû, la société Z... n'ayant pas plus dissimulé son emploi et la prise d'acte étant inopérante en l'absence de contrat de travail ; qu'en conséquence la cour réforme la décision déférée en ce sens ; que la décision de la cour de réformer le jugement assorti de l'exécution provisoire entraîne de plein droit la restitution des sommes versées, avec intérêts de droit à compter de la signification du présent arrêt, valant mise en demeure, sans que la cour ait à exiger la production de justificatifs de paiement ni à fixer le quantum des sommes à restituer.
1° ALORS QUE M. Y... soutenait n'avoir accepté de présenter sa démission qu'en raison de la conviction qu'avait fait naitre son employeur qu'un mandat de gérant se substituerait à ce contrat de travail et qu'il n'exercerait plus alors aucune fonction technique distincte de ce mandat ; que pour écarter le vice du consentement dont se prévalait ainsi M. Y..., la cour d'appel a retenu qu'il était, par l'effet du mandat qui lui avait été confié en échange de sa démission, « devenu associé d'une société dont les résultats positifs excluent de retenir qu'il a été victime d'une manoeuvre déloyale » ; qu'en statuant par ces motifs impropres à exclure que le consentement du salarié à présenter sa démission ait été affecté par la croyance erronée selon laquelle cette démission le conduirait à ne plus exercer les fonctions qu'il exerçait dans le cadre de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1130 et suivants du code civil.
2° ET ALORS QUE l'autonomie du gérant dans l'exercice de son mandat de gérance n'est pas de nature à exclure que les fonctions techniques distinctes occupées par lui le soient dans un lien de subordination ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'une relation de travail salariée, que des témoins relataient « le comportement autonome de M. Y..., en qualité de co-gérant effectif, pour les commandes, la gestion et l'exécution des chantiers », la cour d'appel a violé l'article 1134 alors en vigueur du code civil ensemble l'article L.1121-1 du code du travail.