CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 septembre 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10509 F
Pourvoi n° B 17-16.054
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Michel X..., domicilié [...] ,
2°/ la société Hervois-Lemaire, société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,
3°/ la société X..., D..., E..., F..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 février 2017 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Philippe Y...,
2°/ à Mme Patricia Z..., épouse Y...,
tous deux domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 juin 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Betoulle, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. X..., des sociétés Hervois-Lemaire et X..., D..., E..., F..., de la SCP Marc Lévis, avocat de M. et Mme Y... ;
Sur le rapport de M. Betoulle, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et les sociétés Hervois-Lemaire et X..., D..., E..., F... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. et Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X... et les sociétés Hervois-Lemaire et X..., D..., E..., F....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Me B..., aujourd'hui la SCP Pagniez et Hervois, notaires associés et la SCP X... , G..., D... et E... avaient commis une faute en ce qu'ils avaient manqué à leur devoir de conseil et d'information à l'égard des époux Y... ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'il s'ensuit que les notaires, tenus professionnellement d'éclairer les parties sur les conséquences des engagements qu'ils contractent, ne peuvent décliner le principe de leur responsabilité en alléguant qu'ils se sont bornés à donner la forme authentique à l'acte établi par les parties ; avant de dresser les actes, ils doivent procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité de ces actes ; qu'en cas de pluralité de notaires pour la signature d'un acte, ceux-ci sont tenus in solidum de la faute éventuelle commise par l'un d'entre eux ; que dès lors, le notaire instrumentaire, Me B..., aujourd'hui la SCP Pagniez et Hervois, notaires associés, et le notaire chargé d'assister les acquéreurs, Me X... et la SCP X... , G..., D... et E..., ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'avaient pas l'obligation de vérifier les informations qui leur ont été données ; 1) Sur le moyen tiré du manquement du notaire au devoir de conseil et d'information ; - Sur l'absence d'information sur la précédente catastrophe nature et l'état de l'immeuble (
) qu'au demeurant, il ressort de l'article L. 243-2 du code des assurances, dans sa rédaction applicable en la cause, que lorsqu'un acte intervenant avant l'expiration du délai de 10 ans prévu à l'article 2270 du code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance du bien ; quelle que soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, à l'exception toutefois des baux à loyers, mention doit être faite dans le corps de l'acte ou en annexe de l'existence ou de l'absence des assurances ; qu'aux termes de cette disposition, le notaire est tenu de faire mention dans le corps de son acte ou en annexe, de l'existence des assurances prévues aux articles L. 241 et suivants du code des assurances et il a l'obligation, pour assurer l'efficacité de son acte, de vérifier l'exactitude des déclarations du vendeur quant à la souscription effective des garanties et de leur application au jour de la régularisation de l'acte ; qu'en conséquence, il ne peut se prévaloir des déclarations du vendeur ou de leur absence pour s'exonérer de l'obligation lui incombant ; qu'en l'espèce, la clause "Charges et conditions" en page 6 de l'acte de vente de l'immeuble passé en l'étude de Me B... stipule : " le nouveau propriétaire prendra le bien dans son état au jour de l'entrée en jouissance, sans recours coutre l'ancien propriétaire pour quelque cause que ce soit ; et notamment à raison de fouilles au excavations qui auraient pu être pratiquées sous le bien, de tous éboulements qui pourraient en résulter par la suite, la nature du sol et du sous-sol n'étant pas garantie ; comme aussi sans recours contre l'ancien propriétaire pour l'état des constructions à l'exception des travaux réalisés par le vendeur relatés au paragraphe "Assurance Dommage ouvrage" ; pour les vices de toute nature, apparents ou cachés ; pour les mitoyennetés, pour erreur dans la désignation, le cadastre ou la contenance, toute différence excédât-cite un vingtième devant faire son profit ou sa perte" ; qu'il s'ensuit qu'il incombait au notaire de préciser clairement les travaux réalisés par le vendeur et de les relater au paragraphe "Assurance Dommage ouvrage" ; qu'un tel paragraphe n'apparaît pas dans l'acte de vente ; que le notaire n'est donc pas fondé à soutenir que les vendeurs ne lui ont jamais indiqué avoir effectué des travaux dans l'immeuble au cours des années 1993 et 1994 ; qu'en effet, il aurait dû, compte tenu de la mention de travaux réalisés par le vendeur dans la clause "Charges et conditions", s'enquérir de la teneur de ces travaux et de l'existence des assurances s'y afférent ; qu'en conséquence, la faute du notaire est établie en ce qu'il n'a pas précisé clairement dans l'acte de vente les travaux réalisés par le vendeur et si ceux-ci étaient garantis ou non par une assurance dommage ouvrage ; qu'il n'a donc pas mis en mesure les acquéreurs de savoir si une assurance dommage ouvrage avait été souscrite et si les travaux réalisés étaient encore garantis ou non ; - Sur l'absence d'information sur la situation de l'immeuble et la nature du sol ; qu'il ressort des pièces produites au débat que Me B..., notaire instrumentaire, a nécessairement eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance, en sa qualité de professionnel de l'immobilier et dont l'étude était implantée à proximité immédiate de l'immeuble considéré, des épisodes de glissement de terrain ayant affecté la commune de H... en 1991 et à compter de cette date ; qu'en effet, il est acquis que la commune de H... a fait l'objet d'un arrêté de catastrophe naturelle pour mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse pour la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1990 ; cet arrêté du 1er avril 1992 a été publié au journal officiel le 3 avril 1992 ; que la commune a fait l'objet par la suite d'un nouvel arrêté de catastrophe naturelle pour mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols pour la période du 1er janvier 1993 au 30 septembre 1995 ; cet arrêté du 17 juillet 1996 a été publié au journal officiel 4 septembre 1996 ; qu'enfin, cette même commune fait partie du bassin cambraisis qui fait l'objet d'un plan de prévention des risques pour mouvements de terrain depuis le 16 juin 1991 ; que si l'obligation légale de recherche et d'annexion du plan de prévention des risques naturels et technologiques n'incombe au notaire qu'en application de l'article L. 125-5 du code de l'environnement depuis le 1re juin 2006, il était tenu avant cette date à un devoir d'information, de conseil et d'efficacité de l'acte juridique ; que le notaire, en sa qualité d'officier ministériel, est en effet tenu d'éclairer les parties à l'acte sur la portée et les risques de leurs engagements, tenant notamment aux circonstances de fait dont il a connaissance ; qu'il s'ensuit que le notaire, nécessairement instruit sur l'existence, l'ampleur et la durée des glissements de terrain compte tenu de localisation géographique de son étude, a commis un manquement à son devoir de conseil pour n'avoir pas informé les acquéreurs que l'immeuble acquis était édifié dans une zone soumise à risque pour mouvements de terrain ; qu'en conséquence, la faute du notaire est établie en ce qu'il n'a pas indiqué aux époux Y... que l'immeuble était construit sur une zone à risque pour mouvements de terrain ; qu'en l'état de ces énonciations, le notaire instrumentaire, Me B..., aujourd'hui la SCP Pagniez et Hervois, notaires associés, et le notaire chargé d'assister les acquéreurs, Me X... et la SCP X... , G..., D... et E..., ont manqué à leur devoir de conseil et d'information en ce qu'ils n'ont pas informé les époux Y... sur l'existence ou non de travaux réalisés par le vendeur et s'ils étaient ou non garantis par une assurance dommage ouvrage et en ce qu'il n'ont pas attiré l'attention des acquéreurs sur la situation géographique de l'immeuble construit dans une zone à risque pour mouvements de terrain, de sorte que le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a considéré que les époux Y... ne démontrent pas que le notaire aurait manqué à son devoir de conseil (
) ; II/ Sur le lien de causalité et le préjudice ; que les époux Y... font valoir que leur préjudice est constitué par la perte d'une chance de renoncer à l'acquisition projetée au regard de la précédente procédure de catastrophe naturelle, de la réalisation de travaux en sous oeuvre suite à un précédent mouvement de terrain et enfin de la situation de l'immeuble dans une zone à risque pour mouvements de terrain ; qu'ils sollicitent la réparation de leur préjudice à hauteur de la perte de chance la plus proche de leur préjudice intégral ; qu'ils précisent qu'ils n'auraient pas contracté, notamment au regard de l'état de santé de leur fils et pour qui la réalisation de travaux au domicile entraînerait une aggravation de ses symptômes ; qu'ils sollicitent la somme de 445 000 euros à titre provisionnel et se fondent pour cela sur la valeur de l'immeuble lors de l'achat (320 143 euros) et sur un rapport d'expertise déterminant le montant des travaux de reprise de l'immeuble à la somme comprise entre 120 000 et 150 000 euros. Pour le surplus, ils sollicitent la désignation d'un expert ; qu'en réplique, les notaires font valoir que quand bien même la catastrophe naturelle de 1990 aurait été portée à la connaissance des époux Y..., il n'est pas établi qu'ils auraient renoncé à la vente compte tenu du caractère exceptionnel de l'événement et dont la période de retour doit être de l'ordre de la centaine d'année ; qu'en outre, l'immeuble n'étant affecté d' aucun désordre au moment de la vente, les époux Y... auraient été conforté dans leur choix de poursuivre l'acquisition qu'ils en concluent que la chance des époux Y... de renoncer à la vente est manifestement inexistante et totalement hypothétique ; qu'en tout état de cause, ils soutiennent que la demande de dommages-intérêts formée à titre provisionnel est infondée au regard de son montant en ce que la somme sollicitée est évaluée au plus proche du préjudice intégral, et qu'elle est sans lien de causalité avec les manquements que les époux Y... imputent aux notaires ; qu'il résulte de ce qui précède que, en ne décrivant pas les travaux réalisés et en ne mentionnant pas l'existence ou non d'une assurance dommage ouvrage dans l'acte de vente, ainsi qu'en n'informant pas les acquéreurs sur la situation de l'immeuble, les notaires ont privé les époux Y... d'une perte de chance de ne pas acquérir l'immeuble ; qu'en effet, les époux Y..., informés de l'état de l'immeuble, de sa situation dans une zone de risque pour, mouvements de terrain et de la nature du sol, avaient d'importantes chances de ne pas acquérir le bien en raison notamment de l'état de santé de leur fils autiste, lequel est totalement dépendant dans tous les actes de la vie quotidienne et sensible à toute modification de son environnement ; que cette perte de chance doit être évaluée à 90% ; que s'agissant de l'évaluation du préjudice, il y a lieu d'ordonner avant-dire-droit une expertise judiciaire selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt afin de chiffrer le coût des travaux nécessaires à la remise en état de la maison et de nature à prévenir les risques de nouveaux désordres liés au phénomène de mouvements des sols ; que les dommages d'ordres et déjà justifiés justifient la condamnation in solidum de la SCP Pagniez et Hervois et de la SCP X... , G..., D... et E..., à payer à M. et Mme Y... une provision de 100 000 euros.
1°) ALORS QUE le notaire n'est tenu de faire mention, dans le corps de l'acte ou en annexe, de l'existence ou de l'absence des assurances prévues aux articles L. 241-1 et suivants du code des assurances que lorsque les travaux relevant de telles garanties ont été entrepris dans un délai de dix années précédant la vente ; qu'en imputant à faute aux notaires de ne pas avoir « précisé clairement dans l'acte de vente les travaux réalisés par le vendeur et si ceux-ci étaient garantis ou non par une assurance dommage ouvrage » (arrêt, p. 6, al. 3) sans rechercher, comme elle y était invitée, si les travaux litigieux n'avaient pas été achevés plus de dix ans avant la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 243-2 alinéa 2 du code des assurances et de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°) ALORS QUE l'inefficacité de l'acte instrumenté par un officier public n'est susceptible d'entraîner sa responsabilité professionnelle que si elle est la conséquence d'une défaillance de celui-ci dans les investigations et contrôles que le devoir d'efficacité impose nécessairement ; qu'en imputant à faute au notaire, dont elle a relevé qu'il n'était pas tenu, au jour où il avait instrumenté la vente, de rechercher et d'annexer à l'acte le plan de prévention des risques naturels et technologiques desquels il s'évinçait que l'immeuble acquis par les époux Y... était situé dans une zone soumise à un risque pour mouvement de terrain (arrêt, p. 6, al. 4 à dern. al.), d'avoir néanmoins manqué à son devoir de conseil pour ne pas en avoir informé les acquéreurs dès lors qu'il aurait « nécessairement (été) instruit sur l'existence, l'ampleur et la durée des glissements de terrain compte tenu de la localisation géographique de son étude » (arrêt, p. 7, al. 2 et p. 6, al. 4), sans relever d'élément objectif qui lui auraient permis de suspecter l'existence d'un tel risque d'ordre technique de sorte qu'il aurait pu s'aviser de la nécessité d'en informer les acquéreurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le notaire ne saurait être tenu de réparer les dommages résultant d'événements étrangers à l'obligation d'information méconnue ; qu'en condamnant les notaires à indemniser les demandeurs à l'action de désordres qui n'étaient pas garantis par l'éventuelle assurance obligatoire dont le notaire devait vérifier la souscription, la cour d'appel, qui a condamné l'officier ministériel à réparer des préjudices résultant de risques sur lesquels il n'avait pas à attirer l'attention des parties à l'acte, a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le notaire ne saurait répondre d'un dommage qui s'est d'ores et déjà produit avant son intervention et n'est donc pas la conséquence de sa faute ; qu'en relevant, pour écarter, le moyen tiré de ce que la vente avait d'ores et déjà été conclue par acte sous seing privé avant l'intervention du notaire et hors sa présence, que « les notaires (
) ne p(ourraient) décliner le principe de leur responsabilité en alléguant qu'ils se sont bornés à donner la forme authentique à l'acte établi par les parties » (arrêt, p. 5, al. 1), quand de tels motifs n'étaient pas de nature à établir le caractère causal de la faute imputée au notaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.