CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 septembre 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10505 F
Pourvoi n° H 17-14.449
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Olivier X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. Etienne Y..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 juin 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Z..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. X..., de la SCP Le Griel, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté la prescription de l'action de M. X... à l'encontre de Me Y..., d'avoir déclaré l'action irrecevable et de l'avoir condamné à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
AUX MOTIFS propres QUE « c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a déclaré prescrite l'action engagée par M. Olivier X... à l'encontre de M. Etienne Y....
En effet, contrairement à ce que soutient l'appelant, la mission de l'avocat a pris fin lorsqu'il a été déchargé des intérêts de son client, ainsi que celui-ci l'en a avisé dans sa lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mars 2005 aux termes de laquelle il indique avoir mis fin au mandat à compter du 1er février 2005 et demande que lui soient adressés la note des honoraires dus ainsi que son entier dossier. Cette lettre qui est dépourvue de toute ambiguïté caractérise la volonté de M. Olivier X... de mettre un terme à ses relations professionnelles et fixe dès lors au 1er février 2005 le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée à l'encontre de M. Etienne Y.... Ni la demande en restitution de certaines pièces du dossier formée par M. Olivier X... par lettre recommandée du 22 août 2011, ni l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de l'intimé ne sont susceptibles de retarder le point de départ de la prescription tel que l'a fixé à juste titre le tribunal.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé ».
Et aux motifs adoptés que « sur la fin de non-recevoir tiré de la prescription M. Y... soulève la prescription de l'action de M. X..., en soutenant que sa mission a définitivement pris fin le 1er février 2005, que l'action du demandeur qui se prescrivait par 10 ans sur le fondement des dispositions de l'article 2271-1 du code civil alors en vigueur, n'était donc pas prescrite lors de la promulgation de la loi du 17 juin 2008 qui a réduit ce délai à 5 ans et que M. X... avait donc jusqu'au 17 juin 2013 pour agir à son encontre et que l'assignation, délivrée le 10 octobre 2013, est donc tardive.
M. X... réplique que le délai de prescription n'a commencé à courir que le 26 décembre 2013 dès lors que ce n'est qu'à cette date que le défendeur a transmis, dans le cadre de l'exécution de sa mission, les bulletins de salaire en originaux ainsi que les pièces manquantes.
Sur ce :Le point de départ de la prescription de l'action de M. X... est la fin de la mission de l'avocat, en application de l'article 2271-1 ancien du code civil, qui dispose que « L'action dirigée contre les personnes légalement habilitées à représenter ou à assister les parties en justice à raison de la responsabilité qu'elles encourent de ce fait se prescrivent par 10 ans à compter de la fin de leur mission ».
La loi du 17 juin 2008 a réduit ce délai à 5 ans. En effet, en vertu du nouvel article 2225 du code civil, « l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission ».
Selon l'article 2222 alinéa 2 du code civil, « en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ».
Il est constant que M. X... a saisi M. A..., avocat de la défense de ses intérêts pour succéder à M. Y..., le 4 mars 2005, et disposait donc d'un délai de 10 ans à compter de cette date pour agir en responsabilité civile professionnelle à l'encontre de M. Y....
Ce délai n'était donc pas expiré lors de la promulgation de la loi du 17 juin 2008, qui a porté le délai de prescription à 5 ans. M. X... avait donc jusqu'au 19 juin 2013 pour engager son action en responsabilité civile professionnelle contre M. Y....
ayant introduit la présente instance le 10 octobre 2013,M. X... sera donc déclarée irrecevable à agir en responsabilité à l'encontre de Me Y... » (jugement p 3 et 4).
ALORS, D'UNE PART, QUE la fin de la mission n'est acquise que lors de la cessation définitive de ses fonctions par l'avocat, ce qui suppose que celui-ci la rende effective par la remise du dossier à son client ou par sa transmission au nouvel avocat désigné ; qu'en l'espèce il est constant et constaté que malgré l'envoi d'une lettre de fin de mission adressée par M. X... à son avocat, le 9 mars 2005, ce dernier a conservé l'ensemble des pièces et écritures du dossier dont il était dépositaire en refusant de les restituer à son client, refusant ainsi de rendre effective la fin de sa mission ; qu'en déclarant néanmoins que le point de départ de la prescription était, non pas la date de la restitution du dossier par l'avocat, mais celle de l'envoi de la lettre de fin de mission, quand le refus de l'avocat d'accepter la fin de sa mission, empêchait le délai de prescription quinquennale de courir, la cour d'appel qui a jugé le contraire a violé, ensemble, les articles 1930, 1944, 2225, 2234 du code civil, 13 et 14 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE si l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission, le point de départ de cette prescription ne court pas tant que l'avocat refuse cette fin de mission en refusant de procéder à la restitution du dossier ou à son transfert à son confrère désigné; qu'en l'espèce en retenant la date d'envoi de la lettre de fin de mission adressée le 9 mars 2005, comme point de départ de l'action en responsabilité engagée par Monsieur X... contre son ancien avocat, quand il est constant que l'avocat n'avait restitué le dossier que le 26 décembre 2013, soit deux mois après l'introduction à son encontre de l'action en responsabilité le 10 octobre 2013, la Cour d'appel a violé les articles 1103, 1104, 1106, 1193, 1231 et 2225 du Code civil et les articles 13 et 14 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 ;
ALORS, AUSSI, QUE tant qu'il refuse de restituer son dossier à son client après que celui-ci lui a notifié la fin de sa mission, l'avocat ne peut, sans se contredire, opposer loyalement que cette notification marquait le point de départ du délai de la prescription de l'action en responsabilité introduite à son encontre, car, dans ce cas particulier, aucun délai n'a valablement commencé à courir; qu'en jugeant en l'espèce le contraire quand il est constant que, nonobstant la notification de la fin de sa mission par son client, le 9 mars 2005, l'avocat a refusé de restituer le dossier ou de le transmettre au confrère désigné, il s'est lui-même opposé à rendre effective la fin de mission au sens de l'article 2225 du Code civil de sorte qu'il ne pouvait valablement se prévaloir d'une prescription qui n'avait pas pu commencer à courir tant que le comportement fautif continu n'avait pas cessé; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, le principe de l'estoppel et l'article 6 paragraphe un de la Convention européenne des droits de l'homme ;
ALORS, ENFIN, QUE la prescription ne court pas à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition jusqu'à ce que la condition arrive ; qu'ainsi la prescription ne court pas à l'égard de la créance de dommages-intérêts qui a pour cause la faute continue de l'avocat qui, nonobstant la notification par son client de la fin de son mandat, persiste à détenir le dossier de pièces et d'écritures et se refuse à le transmettre à son successeur désigné ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 2230 et 2233 du Code civil ;