LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 septembre 2016), que M. Y..., engagé par la société compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme le 30 avril 1982, par contrat de travail transféré le 1er décembre 2004 à la société Cremonini restauration en qualité d'accompagnateur couchettes et occupant, en dernier lieu, les fonctions de commercial de bord major, s'est vu notifier une mise à pied à titre disciplinaire de cinq jours le 1er juin 2012, modifiée en avertissement par le conseil de discipline le 5 juillet 2012, un licenciement pour faute grave le 13 novembre 2012, modifié en sanction disciplinaire de mise à pied de six jours par le conseil de discipline le 13 décembre 2012, avant d'être licencié pour faute grave par lettre du 16 août 2013, le conseil de discipline ayant prononcé à son encontre la sanction disciplinaire que constitue le licenciement le 9 septembre suivant ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'annuler l'avertissement du 5 juillet 2012, alors, selon le moyen, que lorsque la convention collective ou les statuts imposent à l'employeur des règles procédurales plus contraignantes que celles prévues par la loi, la violation de ces règles procédurales justifie l'annulation de la sanction disciplinaire ; que la nullité de la sanction n'est pas encourue en présence d'une simple erreur matérielle dans la mise en oeuvre de la procédure n'ayant pas privé le salarié du bénéfice de la garantie conventionnelle ; qu'au cas présent, la convention collective des wagons-lits et du tourisme prévoit, dans son article 33, que le salarié peut saisir un conseil de discipline lorsque la sanction infligée à un agent atteint un haut niveau de gravité : mise à pied supérieure à six jours, rétrogradation, licenciement ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que M. Y... avait été entendu par le conseil de discipline à la suite de la mise à pied disciplinaire notifiée le 1er juin 2012 et, d'autre part, qu'à la suite de cette saisine la mise à pied disciplinaire s'était muée en avertissement ; que, pour annuler l'avertissement en date du 5 juillet 2012, la cour d'appel a retenu que la lettre de notification de la sanction ne comportait pas l'indication de la possibilité de saisir le conseil de discipline ; qu'en statuant ainsi, quand il était établi que M. Y... avait effectivement bénéficié de la garantie conventionnelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, ensemble la convention collective de la compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait de l'article 33 de la convention collective de la compagnie internationale des wagons-lits que les mises à pied disciplinaires donnaient droit à un appel suspensif devant un conseil de discipline et constaté que l'employeur n'avait pas informé le salarié de cette faculté lors de la notification de la sanction, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté résultant de l'article L. 1333-2 du code du travail en décidant que l'irrégularité en la forme de celle-ci justifiait son annulation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Attendu que, sous le couvert du grief de violation de la loi, le moyen critique une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ; qu'il n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Condamne la société Cremonini restauration aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cremonini restauration à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Cremonini restauration (demanderesse au pourvoi principal).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé l'avertissement du 5 juillet 2012 ;
AUX MOTIFS QUE «Sur la violation des garanties de fond ; que Monsieur Patrick Y... fait valoir que la convention collective applicable organise une procédure en conseil de discipline qui constitue une garantie de fond et que, dans les lettres de convocation aux entretiens préalables qui lui ont été délivrées, la faculté de saisir la conseil de discipline n'a pas été portée à sa connaissance ; que la SAS Cremonini Restauration répond que la garantie prévue par la convention collective d'entreprise Wagons-Lits ne peut être qualifiée de garantie de fond, compte tenu du fait que l'avis du conseil de discipline n'est pas suspensif en cas de licenciement et que l'information du salarié quant à son droit de saisir le conseil de discipline ne saurait intervenir au stade de la convocation à l'entretien préalable, en l'absence de dispositions expresses en ce sens ou de dispositions prévoyant la faculté de saisine au moment où la sanction est envisagée ; que selon l'article 32 de la convention collective de la compagnie internationale des wagons-lits, la mise à pied avec suppression de traitement est une peine disciplinaire du 2ème degré et le licenciement est une peine disciplinaire du 3ème degré ; qu'aux termes de l'article 33 de cette convention, les sanctions disciplinaires des deuxième et troisième degrés donnent droit à l'appel devant le Conseil de Discipline ; que cet appel ne suspend pas la peine sauf en cas de mise à pied et de déplacement disciplinaire ; que la faculté ouverte par la convention collective au salarié sanction disciplinairement de former appel devant le conseil de discipline constitue une garantie de fond qui impose à l'employeur d'aviser le salarié concerné de son existence ; que Monsieur Patrick Y... estime que cet avis doit être donné au moment où l'employeur envisage de recourir à une sanction disciplinaire, et donc dans la lettre de convocation à entretien préalable ; que dans la mesure où le Conseil de Discipline n'est pas chargé de donner un avis sur une mesure disciplinaire envisagée par l'employeur mais où il peut se voir déférer par le salarié la sanction prononcée, l'employeur n'est pas tenu d'aviser le salarié de la faculté de faire appel devant le Conseil de Discipline préalablement à la mesure disciplinaire ; qu'au cas d'espèce, la lettre du 1er juin 2012 par laquelle la SAS Cremonini Restauration a notifié à Monsieur Patrick Y... une sanction disciplinaire de 5 jours de mise à pied ne comporte pas d'avis informant le salarié de la faculté de saisir le Conseil de Discipline, alors même que l'appel est suspensif en cas de mise à pied disciplinaire et il importe peu qu'il l'ai fait, l'exercice du recours ne faisant pas disparaitre le caractère irrégulier de la mesure disciplinaire ; que celle-ci, qui a finalement pris la forme d'un avertissement, sera annulée ; qu'en revanche, les lettres du 13 novembre 2012 et 16 août 2013 contiennent l'indication de la faculté ouverte au salarié, conformément à la convention collective applicable, de faire appel de la sanction devant le conseil de discipline er rappellent les formes et délais pour exercer ce recours ; que dans ces deux cas, les garanties de fond ont été respectées ;
ALORS QUE lorsque la convention collective ou les statuts imposent à l'employeur des règles procédurales plus contraignantes que celles prévues par la loi, la violation de ces règles procédurales justifie l'annulation de la sanction disciplinaire ; que la nullité de la sanction n'est pas encourue en présence d'une simple erreur matérielle dans la mise en oeuvre de la procédure n'ayant pas privé le salarié du bénéfice de la garantie conventionnelle ; qu'au cas présent, la convention collective des wagons-lits et du tourisme prévoit, dans son article 33, que le salarié peut saisir un conseil de discipline lorsque la sanction infligée à un agent atteint un haut niveau de gravité : mise à pied supérieure à six jours, rétrogradation, licenciement ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que Monsieur Y... avait été entendu par le conseil de discipline à la suite de la mise à pied disciplinaire notifiée le 1er juin 2012 et, d'autre part, qu'à la suite de cette saisine la mise à pied disciplinaire s'était muée en avertissement ; que, pour annuler l'avertissement en date du 5 juillet 2012, la cour d'appel a retenu que la lettre de notification de la sanction ne comportait pas l'indication de la possibilité de saisir le conseil de discipline ;
qu'en statuant ainsi, quand il était établi que Monsieur Y... avait effectivement bénéficié de la garantie conventionnelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du Code du travail, ensemble la convention collective de la compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir alloué au salarié diverses sommes ;
AUX MOTIFS QUE « Sur les fautes reprochées au salarié ; le 26 septembre 2012 ayant conduit à une mesure de mise à pied disciplinaire ; qu'en cas de contestation par le salarié devant le juge prud'homal d'une mesure disciplinaire prise à son encontre, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés à l'intéressé sont de nature à justifier la sanction contestée ; que l'employeur doit fournir au juge les éléments retenus pour prendre la sanction et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; que le juge doit annuler la sanction s'il en constate le caractère disproportionné ou injustifié ; que dans sa lettre du 13 novembre 2012, la SAS Crémonini Restauration reproche à Monsieur Patrick Y... d'avoir omis de typer quatre commandes d'un montant total de 18,20 euros, à 8H54, 9h25, 9h28 et 10h26 ; que la SAS Crémonini Restauration fait valoir que les faits qui ont été constaté par Monsieur A..., contrôleur de route, cadre administratif, qui a rédigé un bordereau d'intervention et établi une attestation dactylographiée selon laquelle il a observé que quatre ventes n'avaient pas fait l'objet d'enregistrement sur le TPE et avaient été encaissées normalement ; que Monsieur Patrick Y... répond qu'il est possible qu'il ait oublié de typer un café, mais conteste avoir omis d'enregistrer les autres ventes ; que le bordereau d'intervention fait état de suspicions de non typage résultant principalement de la non remise au client de ticket ; que l'employeur soutient que les vérifications de la bande TPE ont permis de confirmer le défaut d'enregistrement de quatre ventes ; que comme le souligne Monsieur Y..., il est douteux que les contrôleurs aient pu voir de manière précise le détail de chaque commande et la rapprocher de la bande TPE, compte tenu de la similitude entre les différentes commandes ; que le bordereau d'intervention ne permet pas de retenir que les contrôleurs ont effectivement constaté, pour les quatre opérations, l'absence de typage des produits vendus dans la mesure où il est indiqué à 9h25 « non remise de ticket suspicion de non typage », à 9h28 « vente d'un thé ticket remis » et à 10h26 « vente multiple comportant un jus de fruit + un coca 50 cl + un sandwich = enregistrement à vérifier » ; qu'en conséquence, le seul fait avéré est l'omission de typage d'un café à 8h54 dans un contexte de forte charge de travail relaté dans le bordereau d'intervention précité, dans lequel on peut lire « pendant que le commercial effectue un encaissement en CB d'une grosse commande de (illisible) petit déjeuner, il prépare, sert et encaisse un café à 2,50 euros à un client sans éditer ni lui remettre aucun ticket » ; que si cette omission constitue une faute imputable à Monsieur Patrick Y..., la gravité de celle-ci est insuffisante pour justifier une mesure aussi sévère qu'une mise à pied d'une durée de six jours ; que cette sanction sera annulée ; que l'employeur sera condamné à verser à Monsieur Patrick Y... le montant du salaire retenu au titre de la mise à pied disciplinaire, soit la somme de 533,90 euros augmentée des congés payés afférents, 53,39 euros ; Le 29 juillet 2013 ayant conduit au licenciement ; que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « les faits qui vous sont reprochés sont les suivants : en date du 29 juillet 2013, sur le train TGV numéro 6170/Q Nice-Paris, vous avez fait l'objet d'un contrôle de route de la part du service du contrôle général et de la sureté. Lors de ce contrôle, il a été établi qu'à plusieurs reprises, vous n'avez pas respecté les procédures d'encaissement, notamment celles liées à la remise du ticket de caisse au client et au typage des produits (typage : enregistrement du chiffre d'affaires). Il apparait ainsi que vous n'avez pas enregistré une vente correspondant à quatre produits au total et représentant la somme de 14,80 euros
c'est pourquoi, et compte tenu de la récidive de tous ces manquements, nous vous informons que votre maintien dans votre poste dans l'entreprise s'avère impossible et nous vous notifions votre licenciement pour faute grave » ; qu'il résulte du bordereau d'intervention d'une part que Monsieur Patrick Y... a omis de typer la vente de quatre articles à un client (sandwich, barre de céréales, bouteille de vin rosé, bouteille d'eau) pour un total de 14,80 euros et, d'autre part, n'a pas remis à cinq consommateurs les tickets de caisse relatifs à des ventes dûment enregistrées ; que l'omission de typage pour un montant de 14,80 euros et la non remise de quelques tickets de caisse afférents à des transactions effectivement enregistrées ne peuvent constituer, même en prenant en compte une précédente omission de typage l'année précédente, une faute dont la gravité est telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et ne constituent pas, compte tenu de la modicité des sommes en jeu et de la faible fréquence des manquements observés, une cause réelle et sérieuse de licenciement, s'agissant d'un salarié ayant plus de 30 ans d'ancienneté ; qu'il y a lieu d'infirmer la décision en ce qu'elle a considéré que le licenciement était justifié » ;
1° ALORS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que la violence physique ou verbale du salarié à l'égard des autres salariés de l'entreprise, notamment de son supérieur hiérarchique, caractérise une faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, comme avant elle les premiers juges, a constaté que les faits de détournements d'espèce et de violation des procédures internes invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave de M. Y... étaient établis ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement pour faute grave était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations et violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
2° ALORS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que pour démontrer la gravité de la faute commise par Monsieur Y... la société Cremonini Restauration faisait valoir que le salarié avait une parfaite connaissance des procédures d'encaissement qu'il s'obstinait à ne pas respecter ; qu'en retenant, pour dire le licenciement injustifié, que les sommes détournées étaient d'un montant modique, que les manquements constatés étaient peu fréquents et que le salarié avait plus de 30 années d'ancienneté, sans rechercher si le salarié connaissait les procédures d'encaissement méconnues et, partant, les violait en toute connaissance de cause, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-6, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3° ALORS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que la gravité du manquement du salarié n'est pas nécessairement démentie par la modicité des sommes qu'il a pu soustraire à l'employeur ; que pour dire le licenciement injustifié la cour d'appel a retenu que les sommes détournées étaient d'un montant modique ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants à démentir la faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3° ALORS QUE le juge du fond ne peut procéder par voie de simple affirmation, en sorte qu'il doit à tout le moins préciser sur quel élément de preuve il se fonde pour se déterminer et donner à ses constatations de fait une précision suffisante pour permettre de vérifier qu'il a rempli son office ; qu'en l'espèce, en affirmant péremptoirement, pour dire le licenciement injustifié, que les violations des procédures d'encaissement imputables à Monsieur Y... n'étaient que de faible fréquence , sans aucunement expliquer d'où elle déduisait cette assertion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y... (demandeur au pourvoi incident).
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué de n'AVOIR pas alloué au salarié la somme de 7 705,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 770,54 euros au titre des congés payés afférents ;
ALORS QUE dans ses motifs, l'arrêt a dit que le licenciement n'étant pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, dont il a fixé les montants (arrêt p. 6 dern. § et p. 7 § 1er) ; qu'en ne condamnant cependant pas la société à payer au salarié lesdites sommes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et violé l'article L.1234-1 du code du travail.