LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., salariée de l'Agence du Palais, gérée par Mme X..., a été engagée le 6 janvier 2004 en qualité de négociatrice immobilier par la société Dupain ; que le 3 mars 2009, elle a été licenciée pour faute grave par cette dernière et a saisi la juridiction prud'homale ; que Mme X... a été désignée en qualité de liquidateur amiable de la société Dupain ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser des sommes à la salariée, alors, selon le moyen :
1°/ que caractérise une faute grave, la seule diffusion, publique ou privée, par le salarié sur le réseau social Facebook de propos injurieux et humiliants à l'encontre de son employeur ; qu'ayant relevé que Mme Y... avait proféré des propos injurieux et offensants à l'égard de Mme X..., son employeur, et en décidant cependant que ce grief n'est pas constitutif d'une faute grave au motif inopérant que l'employeur n'en démontre pas le caractère public dès lors que les termes litigieux n'étaient accessibles qu'à un groupe fermé de quatorze personnes et étaient donc d'ordre privé, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'en écartant la faute grave sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si ce grief tiré de la diffusion de propos injurieux et offensants à l'égard de l'employeur n'était pas au moins constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site facebook et qu'ils n'avaient été accessibles qu'à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu'ils relevaient d'une conversation de nature privée, la cour d'appel a pu retenir que ces propos ne caractérisaient pas une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le grief ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le quatrième moyen :
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que pour condamner l'employeur à verser à la salariée une somme à titre de congés payés afférents à des commissions dues, la cour d'appel s'est référée aux dispositions du contrat de travail ;
Qu'en statuant, ainsi alors que le contrat de travail prévoyait que le taux de commissionnement de la salariée incluait les congés payés, ce dont il résultait que le rappel de commissions ne pouvait être assorti de congés payés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne Mme X..., en qualité de liquidateur amiable de la société Dupain à payer à Mme Y... une somme de 173,91 euros à titre de congés payés afférents à un rappel de commissions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X..., ès qualités et la société Agence du Palais exerçant sous l'enseigne Century 21.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave de Mme Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné Mme X..., es qualités de liquidateur amiable de la société Dupain à payer à la salariée des sommes à titre de rappels de salaires, de congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement du 3 mars 2009 qui circonscrit les limites du litige reproche deux griefs à Mme Y... :
- d'avoir pris des congés du 5 au 11 février 2009 sans autorisation de l'employeur,
- d'avoir tenu [et] échangé des propos injurieux accompagnés de menaces sur Facebook ;
. sur la prise de congés sans autorisation de l'employeur (
), ce grief n'est pas établi et ne peut fonder le licenciement de Mme Y... pour faute grave ;
. sur les échanges injurieux sur Facebook :
Mme X... expose qu'il résulte d'un procès-verbal de constat dressé le 4 février 2009 par Maitre A..., huissier de justice, que Mme Y... a adhéré à un groupe sur Facebook intitulé « Extermination des directrices chieuses » et qu'elle établit ainsi que celle-ci a proféré des propos injurieux et offensant à l'égard de son employeur ce qui est, selon elle, constitutif d'une faute grave ; cependant la seule existence de propos injurieux et calomnieux sur le réseau social ne suffit pas, en elle-même, à justifier le licenciement d'un salarié, il incombe à l'employeur de démontrer le caractère public des correspondances litigieuses ; au cas d'espèce, les propos tenus par Mme Y... sur Facebook sont d'ordre privé dans la mesure où les termes employés n'étaient accessibles qu'à des personnes agréées par le titulaire du compte et fort peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de 14 personnes ; dans ce cadre, les propos de Mme Y... relevaient d'une conversation de nature privée et ne sauraient pour cette raison constituer un motif de licenciement ; Mme X... échoue ainsi à rapporter la preuve des griefs qu'elle reproche à Mme Y... au soutien de son licenciement pour faute grave ;
ET aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que tous propos sur Facebook font partie du domaine public ; que toutefois, des moyens de sécurité à divers degrés sont utilisés pour que les propos soient de diffusion restreinte et en l'espèce, la partie demanderesse n'a pas créé le site incriminé ; qu'en effet, la partie demanderesse a adhéré à un groupe constitué de 14 personnes auprès desquelles les messages furent diffusés ;
que dans ces circonstances de droit, les griefs invoqués dans la lettre de licenciement relèvent d'une « conversation » de nature privée, que ce grief n'est donc pas retenu ;
1°- ALORS QUE caractérise une faute grave, la seule diffusion, publique ou privée, par le salarié sur le réseau social Facebook de propos injurieux et humiliants à l'encontre de son employeur ; qu'ayant relevé que Mme Y... avait proféré des propos injurieux et offensants à l'égard de Mme X..., son employeur, et en décidant cependant que ce grief n'est pas constitutif d'une faute grave au motif inopérant que l'employeur n'en démontre pas le caractère public dès lors que les termes litigieux n'étaient accessibles qu'à un groupe fermé de 14 personnes et étaient donc d'ordre privé, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°- ALORS en tout état de cause qu'en écartant la faute grave sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si ce grief tiré de la diffusion de propos injurieux et offensants à l'égard de l'employeur n'était pas au moins constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la clause de non-concurrence stipulée à l'article 11 de l'avenant au contrat de travail de Mme Y... n'est pas valide et d'AVOIR débouté Mme X..., es qualités de liquidateur amiable de la société Dupain, de sa demande reconventionnelle de condamnation de Mme Y... à lui payer une somme de 22.879,57 € avec intérêts au taux légal, à compter du 1er décembre 2009 et capitalisation des intérêts pour violation de cette clause ;
AUX MOTIFS QUE Mme X... expose que Mme Y... a créé le 8 septembre 2009 une société dénommée « Evidence » ayant le même objet social implantée à 1500 mètres du siège de la société Dupain et ce au mépris d'une clause de non-concurrence qui lui faisait interdiction d'exercer l'activité de négociateur immobilier dans le secteur d'activité de la société Dupain ; qu'elle indique avoir fait signifier le 1er décembre 2009 une sommation interpellative par exploit d'huissier de justice à Mme Y... de ne plus exercer à Meaux et ses environs toute activité d'agent immobilier directement ou par personne interposée ; que l'article 11 de l'avenant au contrat de travail de Mme Y..., en date du 1er novembre 2008 stipule :
« Compte tenu des fonctions de Mme Y... et du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise, il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit et à quelque époque que ce soit, Mme Y... s'interdira de s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute activité de négociateur immobilier VRP ou non, dans le secteur d'activité de la société. Cette interdiction est limitée à la durée d'un an à compter de la date de rupture effective du contrat et au secteur géographique sur lequel intervient l'Agence. En contrepartie de cette obligation de non concurrence, Mme Y... percevra à compter de la date de rupture effective du contrat de travail, pendant la durée d'application de la clause, une indemnité mensuelle forfaitaire brute d'un montant égal à 15 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu par elle au cours des 3 derniers mois passés dans l'entreprise, étant entendu que les primes exceptionnelles de toute nature, de même que les frais professionnels en sont exclus. En cas de violation de cette interdiction, Mme Y... s'exposera au paiement par infraction constatée d'une indemnité forfaitaire égale à la rémunération de ses 12 derniers mois d'activité sans préjudice du droit pour la société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l'entier préjudice » ; qu'en application du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives ; qu'il résulte de l'analyse de cette clause de non-concurrence que celle-ci est bien indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et qu'elle est limitée dans le temps, en l'espèce 1 an à compter de la date de rupture effective du contrat de travail, cette durée ne portant pas une atteinte excessive au droit du salarié d'exercer une activité professionnelle ; que cependant, la limitation géographique définie par l'avenant concerne « le secteur géographique sur lequel intervient l'Agence », expression insuffisamment précise et ne permettant pas à la salariée de connaitre dès la conclusion de son contrat la zone géographique où il lui sera temporairement impossible de retravailler dans les mêmes fonctions ; qu'en effet, l'objet social de la société Dupain n'est pas strictement limité géographiquement même si Mme X... soutient qu'il est évident qu'il s'agit de la ville de Meaux et ses environs ; que dès lors la clause de non concurrence doit être déclarée non valide et inopposable à la salariée ;
1°- ALORS QU'est licite et est opposable au salarié la clause de non-concurrence qui est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'employeur, comporte une contrepartie pécuniaire, est limitée dans le temps et interdit au salarié d'exercer une activité concurrente dans le même secteur géographique sur lequel intervient son employeur, ce qui, lorsqu'il s'agit d'une agence immobilière, comprend nécessairement la proximité immédiate du lieu d'implantation de celle-ci ; qu'en décidant le contraire et en refusant de condamner Mme Y... à payer des dommages et intérêts à son ancien employeur pour avoir créé, en dépit de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat, une agence immobilière concurrente, située à proximité de celle de son ancien employeur – 1 500 mètres- , au motif inopérant que la limitation géographique définie par « le secteur géographique sur lequel intervient l'Agence » ne serait pas suffisamment précise, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
2°- ALORS de plus que la limitation géographique de la clause de non-concurrence définie par « le secteur géographique sur lequel intervient l'Agence » s'entend de la zone géographique sur laquelle l'agence immobilière exerce effectivement son activité, ce qui inclut le périmètre situé autour de son implantation que la salariée ne peut ignorer ; qu'en jugeant que cette limitation était insuffisamment précise et n'aurait pas permis à la salariée de connaître dès la conclusion de son contrat la zone géographique où il lui était impossible de retravailler dans les mêmes fonctions, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail ;
3°- ALORS en tout état de cause que l'illicéité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l'action en responsabilité engagée par l'employeur contre son ancien salarié dès lors qu'il démontre que ce dernier s'est livré à des actes de concurrence déloyale à son égard ; qu'en l'espèce, Mme Y... a créé, après la rupture de son contrat de travail, une agence immobilière concurrente à celle de son employeur, à 1 500 mètres du siège de la société Dupain, dans le même secteur géographique, qu'en refusant cependant de condamner Mme Y... à payer à la société Dupain des dommages et intérêts, la cour a violé l'article 1221-1 du code du travail et l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
ll est fait grief l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme X..., es qualités de liquidateur amiable de la société Dupain, à payer à Mme Y... des sommes à titre de rappel de salaires et de congés payés y afférents pour la période du 5 au 11 février 2009 ;
AUX MOTIFS QUE la société Dupain reproche à Mme Y... d'avoir pris des congés par anticipation du 5 au 11 février 2009 et ce malgré une « opposition renouvelée » selon les termes de la lettre de licenciement ; qu'il résulte de l'abondante correspondance échangée entre les parties au sujet des congés sollicités par Mme Y... pour la période du 5 au 11 février 2009 que l'employeur, après avoir accepté la prise de congé par anticipation afin de permettre à celle-ci d'effectuer un séjour au Canada, a ensuite subordonné ces congés à la réalisation des objectifs pour le mois de janvier 2009 avant d'indiquer à Mme Y... que ces congés pris par anticipation seraient des congés sans solde ;
ET aux motifs adoptés des premiers juges que le courrier de la partie défenderesse du 3 février 2009 subordonne la prise de congés « à vos résultats pour le mois de janvier 2009 » ; que ce grief n'est donc pas retenu comme légitime ; qu'il y aura donc lieu au remboursement en rappel de salaires de la retenue effectuée sur le bulletin de paie de février 2009 à savoir la somme de 337,59 € ainsi que 33,75 € au titre des congés payés y afférents ;
ALORS QUE les parties étaient convenues que l'absence de Mme Y... pendant la période du 5 au 11 février 2009 étaient des congés pris par anticipation n'ouvrant droit à aucune rémunération ; qu'en condamnant néanmoins l'employeur à payer à Mme Y... un rappel de salaires au titre de cette période au motif inopérant tiré de ce que, par une interprétation des échanges de courriers entre les parties, l'employeur aurait donné son accord à cette prise de congé par anticipation, exclusif d'une faute grave, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
ll est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme X..., es qualités de liquidateur amiable de la société Dupain, à payer à Mme Y... une somme de 173,91 euros à titre de congés payés afférents à un rappel de salaires sur commissions ;
AUX MOTIFS adoptés des premiers juges que sur le rappel de commissions Effimo, il est établi que le dossier Effimo/Sirouen confié à l'agence ne fut pas financé ; que [selon] les dispositions du contrat de travail, il sera alloué à [Mme Y...] la somme de 1 739,16 euros à titre de rappel de salaires sur commissions ainsi que la somme de 173,91 euros au titre des congés payés y afférents ;
ALORS QU'en application du contrat de travail, le taux de commissionnement de Mme Y... inclut les congés payés et le 13ème mois, ce dont il résulte que la salariée ne peut prétendre en plus d'un rappel de salaire sur commissions à des congés payés y afférents ; qu'en allouant cependant à Mme Y... une somme de 173,91 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur commissions de 1 739,16 euros, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail.