COMM.
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 septembre 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10401 F
Pourvoi n° C 17-14.698
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ la société Cd Holding, société par actions simplifiée unipersonnelle,
2°/ la société Usimetal-Mocn, société par actions simplifiée,
ayant toutes deux leur siège [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 février 2017 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Bernard et Nicolas X..., société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. Nicolas X... en qualité de mandataire liquidateur de la société Semeca,
2°/ à M. Jean-Jacques Y..., domicilié [...] , pris en qualité d'administrateur judiciaire de la société Semeca,
3°/ à l'AGS CGEA Amiens, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Cd Holding et Usimetal-Mocn, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. Y..., ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Bernard et Nicolas X..., ès qualités ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, l'avis de M. A... , premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Cd Holding et Usimetal-Mocn aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Bernard et Nicolas X..., ès qualités, et à M. Y..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour les sociétés Cd Holding et Usimetal-Mocn
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que le transfert au cessionnaire des contrats de travail des salariés protégés est devenu définitif à compter du 26 juin 2015, date de la décision de refus de licenciement de l'inspecteur du travail, et d'avoir conséquemment :
- donné acte du bien-fondé des demandes en principal formulées par Maître X..., ès qualités, et Maître Y..., ès qualités, visant à entériner le transfert définitif des salariés protégés au cessionnaire ;
- dit qu'il appartient donc à la société Usimetal-Mocn de procéder à leur licenciement ou de les maintenir en poste et d'assumer le paiement de leur salaire ;
- débouté les sociétés CD Holding et Usimetal-Mocn de leurs demandes ;
- et dit que les sociétés CD Holding et Usimetal-Mocn resteront solidairement tenues des conséquences de leur décision de suspendre le paiement des salaires et de garantir la liquidation judiciaire d'éventuelles condamnations susceptibles d'en résulter ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'offre de reprise partielle des actifs de la société Semeca à la société CD Holding du 26 février 2015 (pièce 1 des appelantes) mentionne (page 3) : "si l'inspecteur du travail refusait le licenciement de salariés protégés et qu'un recours hiérarchique infirme la décision de l'inspecteur du travail, le coût du licenciement serait à la charge de la société "Semeca"" ;
que cependant cette clause de l'offre de reprise a fait l'objet d'observations de Maître Y..., en sa qualité d'administrateur judiciaire, au conseil de CD Holding ; que sa lettre du 4 mars 2015 (pièce 5 de Maître Y...) mentionne ainsi, s'agissant des aspects sociaux (V-3) :
"Vous voudrez bien attirer l'attention de l'offreur sur la jurisprudence en matière de salariés protégés.
Si les salariés protégés (candidats et/ou membre ou ex-membre du CE, représentant des salariés, membres du CHSCT, délégués syndicaux
) ne sont pas repris, je devrai saisir l'inspection du travail afin d'être autorisé à procéder à leur licenciement.
En cas de refus, ces salariés seront transférés au cessionnaire en sus des effectifs déjà repris.
Il lui appartiendra d'exercer tout recours.
Il importe donc que le proposant prenne acte dès à présent de cette jurisprudence".
qu'en réponse, le conseil de CD Holding a adressé à Maître Y... une lettre du 11 mars 2015 (pièce 6 de ce dernier) indiquant, s'agissant du point V-3 "Pas d'observation particulière" ;
que par jugement du 24 avril 2015, le tribunal de commerce a ordonné la cession partielle à forfait des actifs de la société Semeca au profit de la société CD Holding avec faculté de substitution au profit de la société Usimetal-Mocn, selon les offres de cette dernière et a notamment pris acte du transfert de 49 contrats de travail attachés au fonds de commerce cédé ainsi que "des déclarations du cessionnaire en ce qu'il est informé que si, par application des critères de licenciement, les salariés protégés ne sont pas concernés par la reprise, leurs contrats de travail lui seront néanmoins transférés si l'Inspection du Travail refuse leur licenciement, en sus des effectifs repris, et ce sans attendre le résultat d'un éventuel recours" ;
que ce jugement n'a fait l'objet d'aucun recours ;
qu'à cet égard, les appelants opposent l'impossibilité pour le cessionnaire d'interjeter appel faute d'intérêt à agir, reconnaissant ainsi que le jugement a donné entière satisfaction au cessionnaire qui n'avait aucune raison d'interjeter appel du jugement ;
que dès lors, les appelants ne peuvent se prévaloir de la clause de l'offre de reprise disant qu'en cas de recours hiérarchique infirmant la décision de l'inspecteur du travail, le coût du licenciement serait à la charge de la société "Semeca" qui a été écartée par le jugement du tribunal de commerce, reprenant à cet égard les observations faites par Maître Y... sur la jurisprudence en la matière et acceptées par CD Holding ;
que la circonstance que le tribunal de commerce qui a listé les droits et obligations du cessionnaire sous forme de prise d'acte, ait dit "prend acte des déclarations du cessionnaire ...." n'en est pas moins opposable au cessionnaire, s'agissant d'acter ses déclarations relativement à son information quant au transfert des contrats de travail des salariés protégés si l'inspection du travail refuse leur licenciement, sans attendre le résultat d'un éventuel recours ;
qu'ainsi, même à admettre qu'en vertu de la jurisprudence "Rodière" du 26 décembre 1925 et du 11 mai 2004 du Conseil d'Etat, les actes administratifs annulés pour excès de pouvoir sont réputés n'être jamais intervenus et que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu, l'annulation des décisions de refus d'autorisation de licenciement prises par l'inspectrice du travail le 26 juin 2015 est sans emport sur le transfert de plein droit au cessionnaire des contrats de travail des salariés protégés en vertu du jugement du tribunal de commerce du 24 avril 2015 à compter de ce refus licenciement ;
qu'il appartient en conséquence au cessionnaire et en l'espèce à son substitué, de procéder au licenciement de ces salariés ou de les maintenir en poste et d'assumer le paiement de leurs salaires ;
qu'en outre, s'agissant de la demande tendant à voir dire que CD Holding en sera solidairement tenue, il convient de rappeler la disposition du jugement du tribunal de commerce du 24 avril 2015 disant que CD Holding restera garante de la bonne exécution de l'offre ;
que le jugement du tribunal de commerce entrepris est en conséquence confirmé » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le jugement du tribunal de commerce d'Arras en date du 24 avril 2015 prononce la cession partielle des actifs de la société SAS Semeca au profit de la société CD Holding avec faculté de substitution au profit de la SAS Usimetal-Mocn, moyennant un prix de cession de 85 000 €, et l'acte fondateur de l'entrée en jouissance du cessionnaire ;
que dans cet acte il est énoncé l'ensemble des droits et devoirs du cessionnaire et en particulier : "prend acte des déclarations du cessionnaire en ce qu'il est informé que si, par application des critères de licenciement, les salariés protégés ne sont pas concernés par la reprise, leurs contrats de travail lui seront néanmoins transférés si l'Inspection du Travail refuse leur licenciement, en sus des effectifs repris, et ce sans attendre le résultat d'un éventuel recours" ;
que de l'application de cette obligation la société SAS Usimetal se voit transférer de plein droit les contrats des salariés protégés (suite à la décision du 26 juin 2015 de l'Inspecteur du travail de refus d'autorisation de licencier) ;
que le cessionnaire n'a jamais contesté cette réserve (partie intégrante de la cession) ; qu'il devient donc de plein droit l'employeur des salariés concernés tel que le confirme l'inspecteur du travail aux salariés le 23 juillet 2015 ;
que par suite du recours du cessionnaire auprès du Ministre du travail, qui annule les décisions de l'Inspecteur du travail, le cessionnaire considère que cette "annulation de l'acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu" ; et que de ce fait les salariés sont revenus au sein de la liquidation judiciaire ;
que le Tribunal ne pourra suivre le cessionnaire dans cette analyse ; que l'entrepreneur-acquéreur a lors du dépôt de son offre, intégré la notion de "risque d'entreprise" établissant le chiffrage de celle-ci en concordance avec l'ensemble des paramètres ayant présidé à l'élaboration de sa stratégie de reprise, qu'il a par ailleurs confirmé dans l'acte de cession ne laissant aucun doute sur les engagements pris par le cessionnaire, de se conformer à l'intégralité des conditions écrites » ;
1°/ ALORS QUE si les contrats de travail des salariés protégés non repris par le cessionnaire d'une entreprise en liquidation judiciaire sont automatiquement transférés au cessionnaire lorsque l'inspecteur du travail refuse d'autoriser leur licenciement, ce transfert ne devient définitif qu'à l'expiration des voies de recours ouvertes contre la décision de l'inspecteur du travail ; que lorsque, sur recours formé contre cette décision, celle-ci est annulée et le licenciement autorisé, il appartient aux organes de la procédure collective de la société cédante de prononcer ce licenciement ; qu'en jugeant, au contraire, que le transfert au cessionnaire des contrats de travail des salariés protégés de la société Semeca à compter des décisions de refus d'autorisation de licenciement prises par l'inspecteur du travail ferait peser sur ce cessionnaire, et sur son substitué, la charge de procéder à leur licenciement en cas d'annulation desdites décisions de refus, la cour d'appel a violé l'article L. 642-5 du code de commerce, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE comme l'a constaté l'arrêt attaqué (p. 5 avant-dernier §), le jugement du tribunal de commerce d'Arras du 24 avril 2015 a arrêté le plan de cession partielle des actifs de la société Semeca au profit de la société CD Holding « selon les offres de cette dernière », et a pris acte de ce que le cessionnaire était informé que « si, par application des critères de licenciement, les salariés protégés ne sont pas concernés par la reprise, leurs contrats de travail lui seront néanmoins transférés si l'Inspection du Travail refuse leur licenciement, en sus des effectifs repris, et ce sans attendre le résultat d'un éventuel recours » ; que cette information afférente au transfert des contrats de travail des salariés protégés dans l'hypothèse où l'inspecteur du travail refuserait d'autoriser leur licenciement n'exclut nullement qu'en cas d'annulation de la décision de refus d'autorisation, le coût de ces licenciements soit supporté par la société cédante ; qu'en retenant pourtant que le jugement arrêtant le plan de cession partielle des actifs de la société Semeca aurait « écarté » la clause de l'offre de la société CD Holding prévoyant que « si l'Inspecteur du Travail refusait le licenciement de salariés protégés et qu'un recours hiérarchique infirme la décision de l'Inspecteur du Travail, le coût du licenciement serait à la charge de la société Semeca », la cour d'appel a méconnu la portée de ce jugement, en violation de l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.