COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 septembre 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10398 F
Pourvoi n° Z 17-14.281
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Luc X...,
2°/ Mme Corine Y..., épouse X...,
domiciliés [...] ,
3°/ la société X... D... , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2017 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société BNP Paribas immobilier résidentiel transaction et conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] et le siège social [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme X... et de la société X... D... , de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de la société BNP Paribas immobilier résidentiel transaction et conseil, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Lévis, avocat de la société BNP Paribas ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, l'avis de M. E... , premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... et la société X... D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société BNP Paribas et à la société BNP Paribas immobilier résidentiel transaction et conseil la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... et la société X... D... .
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société X..., et M. et Mme X... de leur demande tendant à voir condamner la société BNP Paribas IRTC à payer à la SARL X... une somme de 1 057 130 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas contesté que la société Espaces immobiliers, filiale de BNP Paribas, a remis à M. Luc X... et Mme F... Y... épouse X... les documents publicitaires relatifs à la résidence [...] suites à [...] (Seine-et-Marne) ainsi qu'une simulation avec bilan patrimonial de l'opération d'investissement immobilier avec défiscalisation sous le régime loueur en meublé professionnel ; que cependant, le taux de rentabilité de 5,22 % HT par rapport au prix global de vente HT figure sur un simple document publicitaire succinct établi sur quatre pages ; qu'un tel document ne peut valoir engagement contractuel de celui qui a remis le document envers celui qui l'a reçu d'autant plus que le nom du remettant n'apparaît même pas sur cette plaquette publicitaire ; que par ailleurs, il ne s'évince pas de la simulation avec bilan patrimonial de l'opération remise par la société Espaces immobiliers que cette rentabilité serait effective dans le cas de l'investissement par M. Luc X... et Mme Corine Y... épouse B... dans le cadre du régime loueur en meublé professionnel ; que de plus, cette simulation est qualifiée d'étude avec hypothèses prises en compte et comporte à chaque page la mention "document non contractuel" ; que dans ces conditions, cette étude est seulement un document informatif, n'engageant pas les parties, qui souligne la simple éventualité de résultats s'échelonnant de 2007 à 2036 si les hypothèses se réalisent, étant précisé que les appelants ne versent même pas la totalité de l'étude puisque celle versée aux débats ne comporte pas les bilans aux termes de chaque période, le résumé, le glossaire et le rappel de la réglementation tel que prévu en page 2 de l'étude ; qu'en conséquence, un manquement à l'obligation d'information et de conseil de la SAS BNP Paribas IRTC, venant aux droits de la société Espaces immobiliers à l'égard de M. Luc X... et Mme Carine Y... épouse X... et une faute de cette même société à l'égard de la X...D... ne sont pas démontrés ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'il ressort des pièces que le premier objectif de Mr et Mme X... était la défiscalisation qu'il n'est pas démontré que leur priorité était la rentabilité du projet, cette rentabilité n'apparaissant dès lors que comme étant secondaire, juste une éventualité économique, mais pas une condition essentielle à la réalisation de l'achat ; qu'en créant la société X..., qui acheta le bien immobilier et le mit en location, les époux X... ont atteint cet objectif fiscal ; qu'à ce titre le tribunal dit que BNP Paribas et BNPP RTC ont parfaitement conseillé les époux X... ; que, pour asseoir sa position, le tribunal constate que X... a pour objet la « location meublée professionnelle », et dit que Mr et Mme X... ne peuvent pas raisonnablement soutenir qu'ils ignoraient qu'une telle activité puisse comporter des risques économiques ; que d'ailleurs Mr et Mme X... ont été destinataires de suffisamment d'informations relatives à leur investissement pour en mesurer les opportunités mais aussi les risques ; que ces informations étaient certainement suffisantes, puisque Mr et Mme X... ne justifient pas avoir investigué davantage pour mesurer ces risques, à tel point qu'ils ne justifient même pas avoir demandé conseil à leur expert comptable, la société Fiducys, quant à la pertinence économique de cet investissement ; que par ailleurs, l'économie générale du projet a permis à X... de toucher normalement ses loyers jusqu'à ce que Merigest subisse de plein fouet la crise économique, ce qui ne saurait être reproché à BNP Paribas et BNPP IRTC ; enfin, qu'aucune obligation de résultat quant à d'éventuels gains économiques espérés par un investisseur immobilier ne saurait peser sur l'agent immobilier nt sur la banque qui ont accompagné cet investisseur dam son projet ; qu'il résulte de tout cela que le tribunal dit que les sociétés BNP Paribas et BNPP IRTC n'ont à aucun moment manqué à leur devoir de conseil et d'Information ;
1° ALORS QUE la « simulation avec le bilan patrimonial » remise aux consorts X... a été élaborée compte tenu de leur situation particulière et présentait sous forme de tableaux, précisant, sans aucune réserve, les revenus et charges devant résulter, pour eux, de l'opération immobilière projetée ; qu'en retenant qu' « il ne s'évince pas de la simulation avec bilan patrimonial de l'opération remise par la société Espaces immobiliers que cette rentabilité serait effective dans le cas de l'investissement » des consorts X... (arrêt, p. 8, al. 2), quand ce document avait précisément pour objet de déterminer la rentabilité annoncer dans leur cas particulier, la cour d'appel l'a dénaturé et a ainsi violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
2° ALORS qu'en toute hypothèse, tout opérateur économique qui propose une opération d'investissement doit présenter de façon équivalente, dans les documents publicitaires, les risques qu'elle engendre et les gains qu'elle peut procurer ; qu'en retenant, pour exclure tout manquement de la société BNPP IRTC, que les documents présentés aux investisseurs et ne mentionnant pas les risques affectant la rentabilité économique de l'opération n'étaient pas des documents contractuels, quand une telle circonstance n'était pas de nature à exclure la faute de l'agent immobilier, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, l'agent immobilier est tenu de mettre en garde son client contre les inconvénients et risques économiques de l'opération immobilière projetée ; qu'en jugeant qu'aucun manquement de la société BNP Paribas IRTC à son obligation d'information et de conseil n'était démontré, sans rechercher, comme elle y était invitée, si celle-ci avait mis en garde les consorts X... contre les risques et inconvénients de l'opération et notamment le caractère largement surévalué du bien acquis, dont les documents précontractuels ne leur permettaient pas de se convaincre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
4° ALORS QU'en toute hypothèse, la charge de la preuve de l'exécution par l'agent immobilier de son obligation d'information et de conseil lui incombe ; qu'en retenant, pour débouter les consorts X..., qu'aucun manquement de la société BNP Paribas IRTC à son obligation d'information et de conseil n'était démontrée, quand il revenait à cette dernière de prouver qu'elle avait exécuté cette obligation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
5° ALORS QUE l'agent immobilier est tenu de mettre en garde son client contre les inconvénients et risques économiques de l'opération immobilière projetée ; qu'en retenant que les consorts X... ne pouvaient raisonnablement soutenir qu'ils ignoraient que l'opération projetée puisse comporter des risques économiques, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les informations tronquées transmises par les professionnels n'étaient pas de nature à fausser l'appréciation des risques de l'opération qu'ils avaient pu porter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
6° ALORS QU'est causal tout manquement à un devoir de mise en garde ou à une obligation d'information sans lequel le créancier ne se serait pas engager dans l'opération projetée ; qu'en jugeant que la rentabilité économique de l'opération n'était que secondaire et n'était pas une condition essentielle de sa réalisation pour les consorts X..., sans rechercher si, mis en garde ou informés des risques que l'opération soit déficitaire et ne procure aucun gain, ils se seraient engagés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
7° ALORS QU'en toute hypothèse, les consorts X... soutenaient, dans leurs conclusions d'appel, que la société devait réaliser plus de 23 000 euros TTC de recettes annuelles pour bénéficier du statut de loueur meublé professionnel et que, faute d'avoir perçus des loyers suffisants, elle ne pouvait plus bénéficier de ce statut ni des avantages fiscaux qui en découlaient (conclusions, p. 27, dernier § et p. 28, §1er) ; qu'en jugeant que les consorts X... poursuivaient un objectif essentiellement fiscal qu'ils avaient atteint, tandis que la rentabilité économique n'était pas essentielle pour eux, sans répondre au moyen tiré de ce qu'ils n'avaient pas pu bénéficier en l'espèce de l'avantage fiscal recherché en raison de la rentabilité trop faible de l'opération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société X..., et M. et Mme X... de leur demande tendant à voir condamner la société BNP Paribas SA à payer à la SARL X... une somme de 1 057 130 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il ressort des pièces versées et des débats que M. et Mme X... ont été envoyés par la SA BNP Paribas auprès d'une filiale du même groupe, la société Espaces immobiliers, pour envisager un investissement immobilier aveu opération de défiscalisation. Une telle démarche ne constitue pas un engagement solidaire de la première société envers la seconde dans les opérations réalisées par cette dernière ; que le fait que les collaborateurs de ces deux sociétés appartenant au même groupe communiquent par courrier électronique en donnant des éléments nécessaires à l'une ou à l'autre et en les portant à la connaissance de leur client, n'a aucune incidence et ne permet pas de considérer qu'il y a un engagement commun entre elles vis à vis de leur client ; que dans l'opération, la SA BNP Paribas n'a été que prêteur et aucun grief n'est articulé sur un manquement de la banque dans l'octroi de ce prêt ; qu'en conséquence, les appelants ne prouvent aucune faute de la SA BNP Paribas à leur égard. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'il ressort des pièces que le premier objectif de Mr et Mme X... était la défiscalisation qu'il n'est pas démontré que leur priorité était la rentabilité du projet, cette rentabilité n'apparaissant dès lors que comme étant secondaire, juste une éventualité économique, mais pas une condition essentielle à la réalisation de l'achat ; qu'en créant la société X..., qui acheta le bien immobilier et le mit en location, les époux X... ont atteint cet objectif fiscal ; qu'à ce titre le tribunal dit que BNP Paribas et BNPP IRTC ont parfaitement conseillé les époux X... ; que, pour asseoir sa position, le tribunal constate que X... a pour objet la « location meublée professionnelle », et dit que Mr et Mme X... ne peuvent pas raisonnablement soutenir qu'ils ignoraient qu'une telle activité puisse comporter des risques économiques ; que d'ailleurs Mr et Mme X... ont été destinataires de suffisamment d'informations relatives à leur investissement pour en mesurer les opportunités mais aussi les risques ; que ces informations étaient certainement suffisantes, puisque Mr et Mme X... ne justifient pas avoir investigué davantage pour mesurer ces risques, à tel point qu'ils ne justifient même pas avoir demandé conseil à leur expert comptable, la société Fiducys, quant à la pertinence économique de cet investissement ; par ailleurs, que l'économie générale du projet a permis à X... de toucher normalement ses loyers jusqu'à ce que Merigest subisse de plein fouet la crise économique, ce qui ne saurait être reproché à BNP Paribas et BNPP IRTC ; enfin, qu'aucune obligation de résultat quant à d'éventuels gains économiques espérés par un investisseur immobilier ne saurait peser sur l'agent immobilier nt sur la banque qui ont accompagné cet investisseur dam son projet ; qu'il résulte de tout cela que le tribunal dit que les sociétés BNP Paribas et BNPP IRTC n'ont à aucun moment manqué à leur devoir de conseil et d'Information ;
1° ALORS QUE l'établissement de crédit qui finance une opération immobilière est tenu de mettre en garde son client contre les risques de l'opération projetée ; qu'en retenant, pour débouter les consorts X... de leur demande tenant à ce que soit retenue la responsabilité de la société BNP Paribas, que celle-ci n'était pas tenue solidairement avec sa filiale, quand une telle circonstance n'est pas de nature à décharger la banque de son devoir de mise en garde, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, une banque qui a conclu avec son client une convention patrimoniale l'obligeant à lui fournir des conseils afin d'optimiser la gestion de ses actifs est tenue d'exécuter ses obligations contractuelles indépendamment de l'intervention, dans une opération, d'une de ses filiales ; qu'en retenant, pour écarter toute responsabilité de la banque, qu'elle n'avait été que prêteur dans l'opération litigieuse, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la convention patrimoniale de banque privée qu'elle avait conclue avec les époux X... n'impliquait pas qu'elle fût elle aussi contractuellement tenue à un devoir de mise en garde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
3° ALORS QUE l'établissement de crédit qui finance une opération immobilière est tenu de mettre en garde son client contre les risques de l'opération projetée ; qu'en retenant que les consorts X... ne pouvaient raisonnablement soutenir qu'ils ignoraient que l'opération projetée puisse comporter des risques économiques, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les informations tronquées transmises par les professionnels n'étaient pas de nature à fausser l'appréciation des risques de l'opération qu'ils avaient pu porter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
4° ALORS QU'est causal tout manquement à un devoir de mise en garde ou à une obligation d'information sans lequel le créancier ne se serait pas engager dans l'opération projetée ; qu'en jugeant que la rentabilité économique de l'opération n'était que secondaire et n'était pas une condition essentielle de sa réalisation pour les consorts X..., sans rechercher si, mis en garde ou informés des risques que l'opération soit déficitaire et ne procure aucun gain aux investisseurs, ils se seraient engagés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
5° ALORS QU'en toute hypothèse, les consorts X... soutenaient, dans leurs conclusions d'appel, que la société devait réaliser plus de 23 000 euros TTC de recettes annuelles pour bénéficier du statut de loueur meublé professionnel et que, faute d'avoir perçus des loyers suffisants, elle ne pouvait plus bénéficier de ce statut ni des avantages fiscaux qui en découlaient (conclusions, p. 27, dernier § et p. 28, §1er) ; qu'en jugeant que les consorts X... poursuivaient un objectif essentiellement fiscal qu'ils avaient atteint, tandis que la rentabilité économique n'était pas essentielle pour eux, sans répondre au moyen tiré de ce qu'ils n'avaient pas pu bénéficier en l'espèce de l'avantage fiscal recherché en raison de la rentabilité trop faible de l'opération, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.