CIV.3
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10415 F
Pourvoi n° X 17-25.756
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Chicago Pizza Pie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 28 juin 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Southern Paris, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme X..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Chicago Pizza Pie, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Southern Paris ;
Sur le rapport de Mme Corbel , conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chicago Pizza Pie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Chicago Pizza Pie ; la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Southern Paris ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Chicago Pizza Pie
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de bail en date du 29 mai 2006 D'AVOIR ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quatre mois de la signification de l'arrêt, l'expulsion de la société Chicago pizza pie et de tous occupants de son chef des lieux, avec le concours, en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier et D'AVOIR condamné la société Chicago pizza pie à payer à la société Southern Paris une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer contractuel, taxe et charges en sus que la locataire aurait payé si le bail s'était poursuivi, à compter du jugement jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés;
AUX MOTIFS QUE l'article 9 des conditions particulières du bail stipule que « le bailleur consent au preneur la faculté de fermer l'établissement à 3 heures du matin en lieu et place de 2 heures du matin, étant précisé que cette condition particulière est consentie par le bailleur à M. Philippe Y... à titre personnel, en considération de ses besoins et modalités propres d'exploitation (...) » ; le preneur verse aux débats les arrêtés préfectoraux, régulièrement renouvelés lui donnant l'autorisation d'exploiter son établissement toute la nuit et lui rappelant que le classement actuel de son établissement en type N au titre de la sécurité préventive ne permet pas l'organisation d'activité de danse ; le bailleur établit par la tentative de sommation interpellative du 3 janvier 2016, que l'huissier a rencontré à 3H48 du matin cinq personnes qui sortaient du Titty Twister ; par ailleurs, la page Facebook de l'établissement indique une fermeture les dimanches, lundis et mardis, mais une ouverture les mercredis, jeudis, vendredis et samedis de 23 heures à 5 heures (pièce 59 de l'intimée) ; le preneur ne conteste d'ailleurs pas ne pas respecter la clause du bail, mais soutient qu'il ressort d'une attestation de son expert-comptable qu'il a perdu 92,64 % de son chiffre d'affaire pendant la période où il a été dans l'obligation de fermer à 2 heures du matin ; il soutient également que la clause du bail viserait simplement à permettre d'obtenir une dérogation administrative à l'obligation légale de fermer à deux heures concernant les établissements titulaires d'une licence 4 ; cependant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il n'apporte pas la preuve de ses dires, les autorisations préfectorales délivrées ne faisant aucune allusion aux clauses du bail ; la cour rappelle que les contrats doivent être exécutés de bonne foi et font la loi des parties ; le preneur ne peut s'affranchir des clauses de son bail, au motif qu'il aurait obtenu des autorités préfectorales l'autorisation d'ouvrir toute la nuit ; compte tenu des nuisances sonores résultant de l'ouverture d'un commerce toute la nuit, le bailleur, surtout comme au cas présent lorsqu'il est également propriétaire d'un établissement hôtelier voisin, peut exiger, sans mauvaise foi de sa part, que l'établissement exploité dans des locaux qu'il donne en location ne soit pas ouvert toute la nuit ; en conséquence, la société CHICAGO PIZZA PIE a commis une infraction aux clauses contractuelles, en restant ouvert au-delà de 3 heures du matin, alors que son bail visait expressément une fermeture de l'établissement à 3 heures ; le bail liant les parties stipule dans son article 4 IX que « le preneur (...) devra veiller à ce que la tranquillité et la bonne tenue de l'immeuble ne soient troublées en aucune manière par son fait ou celui de son personnel, ou de ses clients » ; la société bailleresse verse aux débats les nombreuses plaintes des clients de l'hôtel Warwick laissées sur le site Tripadvisor et booking relatives aux nuisances sonores provoquées par le Titty Twister ; la société locataire conteste la pertinence de ces commentaires comme celle des contrôles opérés par la préfecture de police ; la cour relève qu'il importe peu que l'hôtel Warwick soit contrôlé par les dirigeants de la société SOUTHERN PARIS, compte tenu des réclamations formulées par les clients de l'hôtel ; certes, il existe sur internet de faux commentaires, mais l'hôtel n'a pas intérêt à émettre de faux commentaires sur la tranquillité des chambres qu'il donne en location ; surtout, ces plaintes sont confortées par les constats d'huissier qu'a fait établir l'hôtel le 17 novembre 2012 et le 9 février 2015 ainsi que par les procès-verbaux de contravention de 5ème classe dressés le 2 décembre 2013 et 16 juin 2014, à l'encontre du gérant du Titty Twister ; bien que la société locataire ait fait réaliser des travaux dans les lieux loués afin de limiter les nuisances sonores, la société bailleresse justifie que celles-ci persistent ; c'est ainsi qu'un nouveau contrôle a été opéré par la préfecture de Police le 17 décembre 2016 entre 1 heure et 2 heures ; les relevés sonométriques enregistrés sur place dans la chambre n° 111 de l'hôtel, ont relevé une émergence de bruit de 10db(A), alors que « compte tenu de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier, supérieure à 8 heures, l'émergence tolérée en période nocturne est de 3dB(A) en niveau global » ; le courrier de transmission du procès-verbal établi par l'inspecteur de salubrité M. Z... vise expressément les nuisances sonores causées par la diffusion de musique amplifiées de l'établissement à l'enseigne « Titty Twister » et indique que l'exploitant n'a pas été en mesure de présenter au technicien une étude finalisée de l'impact des nuisances sonores sur l'environnement immédiat de son établissement requise par la réglementation en vigueur » ; ce procès-verbal ne fait pas état de nuisances sonores provenant d'autres établissements diffusant également de la musique amplifiée mais vise expressément la musique provenant de Titty Twister ; il importe peu que la Préfecture ait délivré le 24 janvier 2017 à la société CHICAGO PIZZA PIE une nouvelle autorisation d'ouvrir toute la nuit, tous les jours, des nuisances sonores provenant de son établissement ayant été constatées dans une chambre de l'hôtel voisin, ce qui constitue un trouble anormal de voisinage ; dans ces conditions, les nuisances sonores répétées ainsi que le non-respect des clauses du bail relatives à la fermeture de l'établissement à trois heures du matin, sont suffisamment graves pour entraîner la résiliation du bail ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il ressort de la rédaction de cette condition particulière que l'autorisation donnée de fermeture à 3 heures au lieu de l'horaire habituel de 2 heures l'a été de façon restrictive et que cette stipulation doit donc être interprétée strictement ; la Sté CHICAGO PIZZA PIE soutient que cette clause viserait simplement à permettre d'obtenir une dérogation administrative à l'obligation légale de fermer à deux heures concernant les établissements titulaires d'une licence 4 ; elle n'en rapporte cependant pas la preuve ; la circonstance que la Sté SOUTHERN PARIS ait pu être informée des autorisations données par la préfecture de police pour une ouverture de nuit sans y réagir n'est pas démontrée et n'est pas de nature à démontrer une renonciation expresse au respect de la clause contractuelle liant les parties ; Il apparaît, au contraire, que par lettres recommandées avec accusé de réception des 8 octobre 2012 et 15 avril 2013, la bailleresse reprochait à sa locataire l'ouverture de nuit en violation des clauses du bail ; il ressort des nombreuses pièces produites, notamment des publicités, des constats d'huissier, des autorisations administratives d'ouverture de nuit et de la décision du juge des référés du tribunal administratif ayant enjoint au Préfet de réexaminer la demande d'ouverture de nuit du TITTY TWISTER en lui délivrant une autorisation d'ouverture provisoire jusqu'à 5 heures, qu'exceptée une courte période de fermeture à deux heures du matin durant laquelle le constat de Maître A... a été effectué, cet établissement est habituellement ouvert toute la nuit, la locataire ne peut se prévaloir des autorisations administratives obtenues pour cette activité de nuit car elles ne sont pas de nature à faire échec à la clause du bail liant les parties concernant les horaires d'ouverture des locaux ; il est tout aussi inopérant de la part de la Sté CHICAGO PIZZA PIE de faire valoir l'incidence très préjudiciable qu'aurait sur son chiffres d'affaires une fermeture à deux heures du matin ; en effet, le locataire est tenu de respecter l'horaire expressément fixé au contrat de bail faute d'avoir obtenu de son bailleur l'autorisation d'y déroger ;
1°) ALORS QUE les conventions doivent être exécutées loyalement ; que la violation d'une clause d'un bail ne saurait, sans mauvaise foi, être invoquée à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire pour manquements graves du preneur à ses obligations contractuelles si le bailleur a toléré pendant plusieurs années la violation reprochée ; qu'en l'espèce, la société Chicago pizza pie soulignait que la bailleresse était parfaitement informée que la Préfecture de police avait autorisé, dès le mois de décembre 2007, l'ouverture de nuit de l'établissement exploité dans les locaux sans qu'elle n'émette la moindre contestation pendant plusieurs années et que ce n'est qu'en juin 2014, postérieurement au litige qui les a opposés sur le prix du loyer que la bailleresse avait introduit une demande en résiliation du bail en invoquant la violation de la clause relative à l'horaire de fermeture ; qu'en relevant que le bailleur pouvait exiger, sans mauvaise foi, que l'établissement exploité dans les locaux qu'il donne en location ne soit pas ouvert la nuit sans s'expliquer sur le fait que la bailleresse avait toléré, pendant plusieurs années, l'ouverture de l'établissement au-delà de l'heure de fermeture figurant au bail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1184 devenus 1104,1124,1127 et 1129 du code civil ;
2°) ALORS, à tout le moins, QU'en ne caractérisant pas en quoi la violation de la clause relative à l'horaire de fermeture serait d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de bail compte tenu de la connaissance, qu'avait la bailleresse, dès 2007, de l'autorisation préfectorale obtenue par la preneuse de maintenir son établissement ouvert la nuit sans qu'elle ne forme la moindre contestation pendant plusieurs années sur l'horaire de fermeture pratiquée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1184 du code civil devenu1124,1127 et 1129 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que par lettre AR daté du 8 octobre 2012, la bailleresse aurait reproché à sa locataire l'ouverture de nuit en violation des clauses du bail quand il ne résulte ni des conclusions des parties, ni des bordereaux de communication de pièces que cette lettre, non visée dans les écritures, ait été régulièrement versée aux débats, la cour d'appel a violé l'article 16, alinéa 2 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Chicago pizza pie indiquait que pour mesurer l'émergence sonore imputée à l'établissement qu'elle exploite, il fallait mesurer le bruit ambiant (BA) et le bruit résiduel ou bruit habituel de l'environnement (BR), le même jour, à la même heure et dans les mêmes conditions afin de ne pas fausser le résultat, ce que n'avait pas fait l'inspecteur de salubrité lors du contrôle réalisé en décembre 2016 puisque pour établir la mesure de l'émergence sonore, il avait pris en compte une mesure du bruit résiduel réalisée en juin 2016 par un tiers, la société 3dB, dans des conditions radicalement différentes de celles dans lesquelles il a mesuré le bruit ambiant le jour de son contrôle ; qu'en ne s'expliquant pas, ainsi qu'elle était invitée à le faire, sur le manque de fiabilité de la mesure de l'émergence sonore réalisée le 17 décembre 2016 sur laquelle elle s'est pourtant exclusivement fondée pour retenir que les nuisances sonores auraient persisté postérieurement aux importants travaux d'insonorisation réalisés par la société Chicago pizza pie, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1184 du code civil devenu1124,1127 et 1129 du code civil ;
5°) ALORS QUE pour apprécier si les manquements du preneur sont suffisamment graves pour justifier la résolution du bail, les juges doivent prendre en compte toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de la décision ; que dans ses conclusions d'appel, la société Chicago Pizza indiquait que postérieurement aux mesures effectuées le 17 décembre 2016, la préfecture de police avait renouvelé pour une durée d'un an l'autorisation d'ouverture de nuit de l'établissement aux termes d'un arrêté daté du 24 janvier 2017 pris au visa de la réglementation du code de l'environnement sur les activités bruyantes et des rapports d'enquête des services de police ; qu'en refusant de prendre en compte cette nouvelle autorisation intervenue postérieurement au contrôle effectué par la préfecture de police le 17 décembre 2016, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1184 du code civil devenu1124,1127 et 1129 du code civil ;
6°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la société Chicago pizza pie a produit aux débats différentes pièces établissant que l'hôtel Warwick, situé rue de Berri au-dessus d'une galerie marchande, était exposé à des sources de musiques amplifiées diverses et variées, provenant entre autres d'une discothèque karaoké de la galerie marchande ouverte la nuit ; qu'en s'abstenant d'examiner ces éléments de preuve, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.