CIV.3
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10408 F
Pourvoi n° D 17-17.229
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Bouteille Excelsior, société anonyme, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 7 mars 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Josette X..., épouse Y...,
2°/ à M. Jean-Louis Y...,
tous deux domiciliés [...] ,
3°/ à Mme Françoise Y..., épouse Z..., domiciliée 10 portail neuf chemin de la Farigoule, 84800 L'Isle-sur-La-Sorgue,
4°/ à M. Yves Y..., domicilié [...] ,
5°/ à Mme Marie-Paule Y..., divorcée A..., domiciliée [...] ,
6°/ à M. Jérôme Y..., domicilié [...] ,
7°/ à M. Pierre Y..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme B..., conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Bouteille Excelsior, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des consorts Y... ;
Sur le rapport de Mme B..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bouteille Excelsior aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bouteille Excelsior ; la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux consorts Y... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Bouteille Excelsior.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le loyer du bail renouvelé devait être fixé à la valeur locative, d'avoir fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 61.128 € hors taxes et hors charges par an à compter du 1er janvier 2013, avec intérêts au taux légal sur les loyers arriérés, d'avoir ordonné la capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, pour ceux correspondant aux loyers dus depuis plus d'un an, et d'avoir débouté la société Bouteille Excelsior de ses prétentions ;
Aux motifs que « aux termes de L. 145-33 du code de commerce, le loyer du bail à renouveler doit correspondre à la valeur locative déterminée, à défaut d'accord, par les caractéristiques des locaux, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués, l'article L 145-34 limitant toutefois sa variation à celle de l'indice national du coût de la construction, ou, s'il est applicable, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au premier alinéa de l'article L 112-2 du code monétaire et financier, sauf en cas de modification notable des quatre premiers éléments mentionnés par l'article L 145-33 ayant une incidence favorable sur le commerce considéré ; qu'en l'espèce, l'expert a considéré que les caractéristiques des locaux, la destination des lieux et les obligations respectives des parties n'avaient pas évolué au cours du bail précédent ; qu'en ce qui concerne les facteurs locaux de commercialité, l'expert a retenu pendant la durée du bail écoulée :
- une zone de chalandise correspondant au périmètre de la ville de Villeurbanne et du 3ème arrondissement,
- une augmentation de la population résidente très importante sur la période 1999 à 2007, + 9, 58% pour Lyon 3 ème et + 16,59% pour Villeurbanne,
- une augmentation de la population active très importante sur la période de 2003 à 2008 : 7% pour le 3ème arrondissement et 12% pour Villeurbanne (sur un total de 55 817 emplois),
- de nombreuses constructions réalisées sur la période du bail : Zac de la Buire qui a démarré en 2004,
- la mise en service le 4 décembre 2006, de la ligne T3 dont un arrêt est situé à environ 500 mètres,
- une augmentation des logements neufs remplaçant des logements anciens : + 4,83%
pour le 3ème arrondissement et +11,57% pour Villeurbanne,
- de nombreuses mises en chantier d'immobilier d'entreprise : 90 000 m2 entre 2006 et 2008 et 119 734m² en ce qui concerne Villeurbanne ; que l'expert a conclu à une évolution positive et notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité considérée et a proposé un prix du bail renouvelé à 61 128 € au vu de la valeur locative. Il convient de relever que l'expert a bien retenu une augmentation importante de la population sur une zone de chalandise étendue, correspondant à une activité de vente de véhicules neufs, à savoir un territoire de grande superficie couvrant la ville de Villeurbanne et le 3ème arrondissement de Lyon ; que la conclusion de l'expert judiciaire est par ailleurs justifiée par le fait que l'activité prévue au bail est une activité de vente de véhicules, mais également de « garage et de location de véhicules » ; que l'activité de garage et location de véhicules sont des activités qui ne peuvent que profiter directement et significativement de l'augmentation de la population résidente et de la population active, s'agissant d'activités pour lesquelles les clients potentiels apprécient de pouvoir se rendre au garage à pied ou en transport en commun depuis leur domicile ou leur lieu de travail, pour récupérer leur véhicule en fin de journée, dans secteur urbain où le stationnement se révèle très difficile ; que la décision du preneur de n'utiliser les lieux loués que partiellement (le premier étage d'une surface de 100 m² est à l'abandon) et seulement à usage de hall d'exposition de véhicules neufs de la marque Volkswagen, sans exploiter toutes les autres potentialités de la destination des lieux prévue au bail, ne peut être valablement opposée au propriétaire des lieux ; que la modification positive et notable des facteurs locaux de commercialité a donc eu une incidence sur l'activité exercée ; qu'enfin, les conclusions de l'expert vont dans le sens de celles du cabinet Boulez, expert judiciaire consulté par l'indivision Y... antérieurement à la présente instance et dont le rapport du 24 mai 2012, est produit aux débats ; qu'en conséquence, il convient de réformer le jugement déféré et de faire droit à la demande de l'indivision Y... tendant à l'homologation du rapport d'expertise, la valeur locative retenue par l'expert étant parfaitement justifiée et démontrée par les éléments de comparaison examinés » (arrêt, p. 5 et 6) ;
Alors 1°) que le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative ; que, toutefois, à moins d'une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, dont la durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel applicable au bail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il y avait lieu au déplafonnement du loyer dans la mesure où l'expert avait « conclu à une évolution positive et notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité considérée », en retenant une « augmentation importante de la population sur une zone de chalandise étendue, correspondant à une activité de vente de véhicules neufs, à savoir un territoire de grande superficie couvrant la ville de Villeurbanne et le 3e arrondissement de Lyon » (arrêt, p. 5 § 14 et 15) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 6 § 1), si l'activité de vente de véhicules de la société Bouteille Excelsior, qui n'était pas un commerce de proximité, n'avait pas une zone de chalandise beaucoup plus étendue que le 3e arrondissement de Lyon et la ville de Villeurbanne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33 et L. 145-34, ensemble l'article R. 145-6 du code de commerce ;
Alors 2°) que seules les modifications notables, notamment des facteurs locaux de commercialité, présentant un intérêt pour l'activité exercée dans les lieux par chacun des preneurs, peuvent être prises en considération par le juge des loyers commerciaux pour décider un déplafonnement du loyer ; qu'en l'espèce, la société Bouteille Excelsior faisait valoir que l'augmentation de la population résidente et active sur les communes de Lyon et Villeurbanne, relevée par l'expert judiciaire, n'avait pas eu d'incidence favorable sur son commerce, et qu'aucun déplafonnement du loyer commercial ne pouvait intervenir pour cette raison, tirée d'une simple statistique générale (conclusions, p. 6) ; que la cour d'appel a néanmoins décidé le déplafonnement du loyer après avoir relevé que l'expert avait « retenu une augmentation importante de la population sur une zone de chalandise étendue, correspondant à une activité de vente de véhicules neufs, à savoir un territoire de grande superficie couvrant la ville de Villeurbanne et le 3e arrondissement de Lyon » (arrêt, p. 5 § 15) ; qu'en se prononçant, par une considération d'ordre général tirée de l'augmentation de la population locale, sans caractériser en quoi cette augmentation avait eu incidence favorable sur l'activité de vente de voitures de la société Bouteille Excelsior, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33 et L. 145-34, ensemble l'article R. 145-6 du code de commerce ;
Alors 3°) que le caractère notable de la modification des facteurs locaux de commercialité doit s'apprécier in concreto, par référence à l'activité réellement exercée par le preneur et non par référence à la destination des lieux, telle qu'elle résulte des termes du bail commercial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le déplafonnement était justifié « par le fait que l'activité prévue au bail est une activité de vente de véhicules, mais également de garage et de location de véhicules », que « l'activité de garage et location de véhicules sont des activités qui ne peuvent que profiter directement et significativement de l'augmentation de la population résidente et de la population active, s'agissant d'activités pour lesquelles les clients potentiels apprécient de pouvoir se rendre au garage à pied ou en transport en commun depuis leur domicile ou leur lieu de travail, pour récupérer leur véhicule en fin de journée, dans secteur urbain où le stationnement se révèle très difficile », et que « la décision du preneur de n'utiliser les loués que partiellement [
] sans exploiter toutes les autres potentialités de la destination des lieux prévue au bail, ne peut être valablement opposée au propriétaire des lieux » (arrêt, p. 6 § 1 à 3) ; qu'en se prononçant par référence à la destination des lieux prévue dans le bail et non in concreto, au seul regard de l'activité effectivement exercée par la société Bouteille Excelsior, c'est-à-dire la vente de véhicules, la cour d'appel a violé les des articles L. 145-33 et L. 145-34, ensemble l'article R. 145-6 du code de commerce ;
Alors 4°) que la cour d'appel a considéré que la conclusion de l'expert, selon laquelle il existait une modification notable des facteurs locaux de commercialité, était justifiée « par le fait que l'activité prévue au bail est une activité de vente de véhicules, mais également de garage et de location de véhicules », observant que « l'activité de garage et location de véhicules sont des activités qui ne peuvent que profiter directement et significativement de l'augmentation de la population résidente et de la population active, s'agissant d'activités pour lesquelles les clients potentiels apprécient de pouvoir se rendre au garage à pied ou en transport en commun depuis leur domicile ou leur lieu de travail, pour récupérer leur véhicule en fin de journée, dans secteur urbain où le stationnement se révèle très difficile » et qu'il importait peu que le preneur n'ait pas utilisé les lieux loués en totalité, sans exploiter toutes les autres potentialités de la destination des lieux prévue au bail (arrêt, p. 6 § 1 à 3) ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs seulement relatifs à la possibilité de pallier les difficultés de stationnement en secteur urbain, tout en ayant constaté que le bail ne prévoyait que l'exercice des activités de vente de véhicules, de garage et de location de véhicules, c'est-à-dire des activités étrangères à celle de stationnement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 145-33 et L. 145-34, ensemble l'article R. 145-6 du code de commerce ;
Alors 5°) et subsidiairement que le juge méconnaît le principe de l'égalité des armes lorsqu'il se fonde exclusivement sur une expertise non contradictoire établie à la demande d'une des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que « les conclusions de l'expert vont dans le même sens de celles du cabinet Boulez, expert judiciaire consulté par l'indivision Y... antérieurement à la présente instance et dont le rapport du 24 mai 2012 est produit aux débats » (arrêt, p. 6 § 5) ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit fondée exclusivement sur ce rapport d'expertise non contradictoire pour retenir une modification notable des facteurs de commercialité, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.