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11/07/2018 | FRANCE | N°16-19.469

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 11 juillet 2018, 16-19.469


CIV. 1

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 juillet 2018




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10470 F

Pourvoi n° T 16-19.469







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société CBC Banque, société

anonyme de droit belge, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Crédit général, société anonyme de banque,

contre l'arrêt rendu le 10 mars 2016 par la cour d'appel de Douai (chamb...

CIV. 1

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 juillet 2018

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10470 F

Pourvoi n° T 16-19.469

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société CBC Banque, société anonyme de droit belge, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Crédit général, société anonyme de banque,

contre l'arrêt rendu le 10 mars 2016 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à la société Fonteyne Bosquillon de Jenlis Boudry Lesselin, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , venant aux droits de la X... ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société CBC Banque, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Fonteyne Bosquillon de Jenlis Boudry Lesselin ;

Sur le rapport de M. Truchot , conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société CBC Banque aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Fonteyne Bosquillon de Jenlis Boudry Lesselin la somme de 2 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société CBC Banque

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la SCP notariale a commis un manquement à son obligation de conseil et d'information de nature à engager sa responsabilité, dit que cette faute a causa à la CBC Banque une perte de chance de ne pas conclure l'acte authentique en date du 17 octobre 1997, débouté la CBC Banque de sa demande de réparation intégrale du préjudice financier subi, dit que la SCP notariale a également engagé sa responsabilité contractuelle du fait de son manque de diligences dans le suivi du dossier à la suite de la signature de l'acte authentique du 17 octobre 1997, et qu'il en est résulté une perte de chance pour la CBC Banque, débouté en conséquence cette dernière de sa demande de réparation intégrale du préjudice subi, dit que la CBC Banque a droit à une indemnisation pour les pertes de chance subies du fait des fautes du notaire, condamné celui-ci à payer à la CBC Banque la seule somme de 100 000 € de dommages-intérêts et débouté la banque du surplus de ses demandes de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE le notaire est tenu de s'assurer de la validité, de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours en fonction du but poursuivi par les parties, et doit, sauf s'il en est dispensé expressément par ces dernières, veiller à l'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l'exécution, quelles que soient les compétences personnelles de son client ; qu'il a également une obligation de conseil absolue, devant apporter tout conseil utile, même si l'acte est déjà parfait ; que néanmoins, la responsabilité du notaire peut être réduite partiellement ou écartée s'il est démontré que son client a contribué à la réalisation du préjudice qu'il invoque ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que le groupe Z... a rencontré en 1997 d'importantes difficultés financières ayant amené à la désignation judiciaire de Maître A... en qualité de mandataire ad hoc, avec pour objectif d'éviter une procédure collective, que dans ce cadre les biens immobiliers appartenant aux époux Z..., évalués à 7.000.000 francs ont été apportés à une SCI JCLC constituée le 17 octobre 1997 ; que pour ce faire et afin d'acquérir neuf immeubles, la banque Crédit Général, aujourd'hui CBC Banque a accordé à la SCI JCLC un crédit immobilier à remboursement unique du capital à échéance, d'un montant de 6 991 689 francs, aux termes d'une offre adressée le 6 août 1997 précisant que « l'offre est acceptée sous la condition résolutoire de la non conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé, le crédit devant être prélevé et les garanties constituées dans le même délai » ; qu'à l'article 5 de cette offre, il est stipulé que les fonds seront disponibles immédiatement sous réserve de la réalisation à cette date de trois conditions, dont la constitution de garanties comme indiqué au paragraphe « garanties » ; qu'à l'article 12 intitulé « garantie » il est stipulé : « Vos engagement au titre du contrat de crédit que nous proposons seront garantis par :
- une inscription hypothécaire à concurrence de 43.000.000 Francs Belges (6.991.869 Francs Français) à prendre par acte d'ouverture de crédit en premier rang sur la pleine propriété de vos immeubles situés :
. [...]
. Rue Holden Crothers 55 et 57 - [...]
. [...]
. [...]
. [...]
. [...]
. [...]
. [...]
. [...]
- la mise en gage à notre profit des droits découlant du contrat d'assurance sur la vie souscrit par Monsieur Jean Z... auprès de la compagnie OMNIVER sur sa tête et dont le capital assuré s'élèvera à l'échéance du contrat à 36.000.000 Francs Belges.
- la mise en gage à notre profit des droits découlant du contrat d'assurance sur la vie souscrit par Monsieur Jean Z... auprès de la compagnie OMNIVER sur sa tête et dont le capital assuré s'élèvera à l'échéance du contrat à BEF 7.000.000 »; que cette offre, rédigée par la société Crédit Général, en dehors de toute présence du notaire, a été acceptée le 20 août 1997 par les époux Z..., représentant la SCI JCLC, ces derniers accordant en outre leur caution solidaire et indivisible à concurrence du montant du prêt à savoir 6.991.869 francs, la mise en gage des droits découlant du contrat d'assurance -vie souscrite par Jean Z... auprès de la compagnie OMNIVER prévoyant un capital à échéance de 36.000.000 francs belges, ainsi que la mise en gage des droits découlant du contrat d'assurance vie souscrit par Jean Z... auprès de la compagnie OMNIVER prévoyant un capital échéance de 7.000.000 francs belges ; que par courrier du 3 septembre 1997, la société Crédit Général a confié à Maîtres B... et C..., notaires, la rédaction de l'acte de crédit immobilier en précisant « une inscription hypothécaire de 6 991 869 francs en premier rang devra être prise » sur les immeubles mentionnés dans l'offre, la banque en donnant une description exacte et ajoutant « les clauses et conditions reprises à notre dit acte ne resteront d'application que pour autant que l'acte soit signé avant le 6 août 1997 et que vous puissiez vous conformer à toutes nos instructions ci annexées »; que par courrier du 15 octobre 1997 adressé à Maître Didier C..., la Banque Joire Pajot Martin a accepté de donner mainlevée des inscriptions grevant à son profit les immeubles sis [...], [...], [...], [...] , [...], [...], [...], [...], [...], et [...] », aux conditions suivantes ainsi mentionnées :
« a- Contre versement en nos caisses de la somme de 1.300.000 Frs (198.183 €) correspondant au prix de vente de l'immeuble de la [...], pourvu que celui-ci intervienne au plus tard le 31 Octobre 1997 (la date initiale comprise dans notre accord du 29 Septembre 1997 étant le 15 Octobre 1997).
b- Contre la prise d'une inscription hypothécaire conventionnelle sur des immeubles commerciaux situés à [...] n° 63 et 65 dans lequel est exploité un hôtel et contre le nantissement préalable en faveur de notre banque des parts que Monsieur M. détient de la G... HOTEL DES FLANDRES, outre l'ordre irrévocable donné à Maître Philippe C., Notaire, de nous verser 380.000 Frs (57.930 €) sur le prix de cession de celle-ci, ladite vente devant intervenir au plus tard le 31 Décembre 1997.
c- Contre l'inscription préalable d'une hypothèque conventionnelle en premier rang sur les lots 2, 38 et 39 du [...] et l'ordre irrévocable donné à Maître M., Notaire, de virer au profit de notre banque le produit de la vente à concurrence de 676.198 Frs TTC (103.085 €) ce règlement devant intervenir au plus tard le 31 Décembre 1997.
En outre, l'ensemble des conditions et modalités précitées devront préalablement, à leur mise en oeuvre, recueillir l'accord de Maître Jean Luc A... agissant en qualité de mandataire ad hoc de la G... Z... F... 59 et de Monsieur Jean Z... en vertu de l'ordonnance rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Lille en date du 13 Mai 1997.
A ce jour, nous demeurons dans l'attente de l'accord de Maître A....
Concernant les autres conditions, elles devront être remplies préalablement à la mainlevée de nos inscriptions(') » ; que l'acte authentique de prêt a été conclu entre la société CREDIT GÉNÉRAL et la société JCLC le 17 octobre 1997, la première échéance étant fixée au 17 novembre 1997 ; qu'aux termes de l'article 3 de cet acte authentique, il est mentionné « les crédités déclarent hypothéquer au profit de la banque (...) la pleine propriété des biens suivants (...) », la liste des biens visés dans l'offre de crédit étant reprise ; que les pages 10 à 14 de l'acte authentique de prêt, d'une part, détaillent la situation hypothécaire des biens immobiliers et notamment l'existence sur les immeubles susvisés, d'une inscription de privilège de vendeur et d'une inscription d'hypothèque conventionnelle au profit de la Banque Joire Pajot et Martin, d'autre part, stipulent que « les inscriptions susmentionnées seront radiées dans les meilleurs délais » et que « le notaire s'engage par conséquent à délivrer au Crédit Général les certificats de radiation desdistes inscriptions dès que possible » ; qu'il en résulte qu'aux termes de l'acte authentique, le notaire a bien attiré l'attention des parties et notamment de la société Crédit Général sur le fait qu'au jour de la signature de l'acte authentique les inscriptions hypothécaires, détenues par la Banque Joire Pajot et Martin n'étaient pas encore levées ; qu'ainsi, c'est en toute connaissance de cause, et de son propre fait que la société Crédit Général a conclu l'acte de prêt, alors que les mainlevées d'hypothèque n'avaient pas encore été obtenues ; que même si l'offre de prêt avait été acceptée dès le 20 août 1997, le notaire aurait néanmoins dû, dans le cadre de sa mission d'information et de conseil, quelles que soient les compétences de sa cliente ainsi que sa connaissance de la situation, attiré son attention sur les risques résultant de l'absence de mainlevée d'hypothèque inscrites par les autres créanciers, au jour de la signature de l'acte, d'autant que la société Crédit Général avait bien insisté, aux termes de l'offre de prêt et du courrier adressé au notaire le chargeant de rédiger l'acte authentique, sur sa volonté d'obtenir une inscription d'hypothèque de premier rang sur les immeubles appartenant à la SCI ; qu'or, il ne résulte pas des éléments de la procédure que cette mise en garde ait été faite ; qu'il est par ailleurs stipulé en page 15 au premier paragraphe de l'acte authentique de prêt : « ils garantissent que dans les quinze jours de la signature des présentes l'hypothèque au profit de la Banque, sera inscrite en PREMIER RANG au bureau des hypothèques, et que aussi longtemps que la date (dette) n'aura pas été intégralement remboursée, aucun privilège ou droit réel quelconque ne primera cette inscription hypothécaire » ; que le pronom « ils » utilisé en tête de ce paragraphe, qui dans la logique de l'acte correspond « aux crédités », c'est à dire aux époux Z... représentant la SCI JCLC, révèle que la garantie d'inscription de l'hypothèque de premier rang dans un délai de quinze jours a été contractée par ces derniers, le notaire devant quant à lui veiller à l'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place de cette hypothèque de premier rang, notamment en adressant rapidement les certificats de radiation à sa cliente ; que c'est au regard de ces stipulations de l'acte authentique que doivent être interprétées les dispositions du document intitulé « bon pour grosse », aux termes duquel le notaire indique qu'il prendra toute diligence, toutes dispositions, pour que l'inscription soit prise dans les quinze jours de l'acte ; que par courrier du 11 décembre 1998 la X... a indiqué à Maître A... en sa qualité d'administrateur ad hoc, que les fonds dégagés par la SCI JCLC lors de l'emprunt consenti par la société Crédit Général avaient permis notamment d'affecter la somme de 1 300 000 francs au remboursement de la Banque Joire Pajot Martin, créancier hypothécaire , et 75 000 francs aux frais de mainlevée des diverses hypothèques ; qu'il en résulte que le notaire a fait le nécessaire pour que la première condition exigée par la Banque Joire Pajot Martin aux termes de son courrier du 15 octobre 1997 soit réalisée ; qu'afin d'assurer l'efficacité de l'acte rédigé par lui, le notaire aurait dû s'enquérir de la mainlevée d'hypothèques acceptée par la Banque Joire Pajot Martin, et s'informer sur la réalisation ou non des autres conditions exigées pour ce faire par cette dernière, aux fins de recueillir le certificat de radiation en lien, étant précisé que la réalisation des autres conditions exigées par la Banque Joire Pajot Martin dépendait non de la X... , mais de Maître Philippe D..., de Maître E..., notaires, et de Maître Jean-Luc A... ès-qualités de mandataire ad hoc de la G... Z... F... 59 et de monsieur Jean Z... ; qu'or, ce problème a manifestement été délaissé, car il n'y a aucun échange entre les parties à ce propos avant 2003, époque à laquelle la société Crédit Général s'est souciée du problème, compte tenu de la liquidation judiciaire de la SCI JCLC, prononcée le 24 avril 2002, aux termes d'un jugement du tribunal de commerce de Lille, qui a considéré que la SCI JCLC avait été constituée en période suspecte dans le seul but de prévenir le dépôt de bilan du groupe Z..., objet de procédures collectives dès le 16 février 1998 ; que si le notaire n'avait aucun mandat lui permettant d'obtenir la réalisation des autres conditions exigées par la Banque Joire Pajot Martin, pour la mainlevée de l'hypothèque, de sorte qu'on ne peut lui reprocher leur non réalisation, en revanche, un suivi assidu du dossier aurait permis une intervention plus rapide auprès de cette dernière, et éventuellement de trouver une solution avant la liquidation judiciaire de la SCI JCLC ; qu'en effet, il résulte d'un courrier du 4 octobre 2004 adressé par la X... que si la plupart des mainlevées d'hypothèques ont été obtenues, certaines inscriptions hypothécaires bénéficiant à la Banque Joire Pajot et Martin, devenue Flandres Contentieux, ont subsisté, malgré le versement à cette dernière de la somme de 1 300 000 euros le 24 octobre 1997, car l'une des autres conditions, à savoir une prise de garantie sur un autre bien appartenant à monsieur Z..., n'a pu être obtenue par Maître D..., notaire mandaté pour ce faire ; qu'il résulte de ce qui précède que le notaire a commis une faute, d'une part, en ne mettant pas en garde la société Crédit Général sur le risque encouru du fait de l'absence de mainlevée des hypothèques détenues par la Banque Joire Pajot Martin, et de l'incertitude sur la réalisation de toutes les conditions posées par elle pour lever son inscription d'hypothèque, d'autre part, en négligeant le suivi de ce dossier jusqu'en 2003 ; que ces fautes ont nécessairement un lien de causalité avec le préjudice invoqué par la société Crédit Général, dès lors que, n'ayant pas obtenu la mainlevée de certaines hypothèques inscrites au profit de la Banque Joire Pajot Martin, elle n'a pas eu d'inscription d'hypothèque de premier rang sur les immeubles concernés, et n'a pu bénéficier de ce privilège dans le cadre de la liquidation des actifs de la SCI JCLC ; que la SCP Fonteyne Bosquillon de Jenlis Boudry Lesselin venant aux droits de la X... ne peut prétendre que l'hypothèque, si elle avait été obtenue, aurait été nulle et inopposable, compte tenu de la constitution de la SCI JCLC en période suspecte, dès lors que la validité du prêt accordé par la société Crédit Général à cette dernière n'a manifestement jamais été remise en cause, pas plus que celle des hypothèques obtenues par la banque en garantie de ce prêt ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la X... a commis un manquement à son obligation de conseil et d'information de nature à engager sa responsabilité ; qu'il y sera par ailleurs ajouté que la X... a également engagé sa responsabilité contractuelle du fait de son manque de diligences dans le suivi du dossier à la suite de la signature de l'acte authentique du 17 octobre 1997 ; que la responsabilité du notaire étant ainsi engagée, le préjudice en résultant s'analyse en une perte de chance de ne pas avoir contracté ou d'avoir contracté à des conditions différentes, ainsi qu'en une perte de chance de se retourner plus rapidement vers la Banque Joire Pajot Martin, sans garantie néanmoins d'obtenir la mainlevée de son hypothèque; que dans ces conditions et s'agissant d'un préjudice résultant de la perte d'éventualités, la société Crédit Général ne peut réclamer une indemnité égale à la totalité du gain espéré, mais une indemnité représentant une fraction de l'avantage espéré, plus ou moins forte selon la probabilité de sa réalisation ; qu'ainsi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la faute commise a causé au Crédit Général une perte de chance, et a débouté cette dernière de sa demande de réparation intégrale du préjudice financier subi ; que la faute contractuelle par ailleurs retenue à l'égard de la SCP X... au titre du manque de suivi ayant également causé une perte de chance à l'égard de la société Crédit Général, elle sera déboutée de sa demande de réparation intégrale de ce chef ; qu'il a été précédemment rappelé qu'aux termes de l'offre de prêt du 7 août 1997 acceptée le 20 août 1997, qu'elle a établie, la société Crédit Général avait stipulé à l'article 5 que les fonds ne seraient disponibles immédiatement que sous réserve de la réalisation à cette date de trois conditions, dont une inscription hypothécaire à concurrence de 43.000.000 Francs Belges (6.991.869 Francs Français) à prendre par acte d'ouverture de crédit en premier rang sur la pleine propriété de plusieurs immeubles appartenant aux époux Z... ; qu'or, la société Crédit Général a finalement décidé d'octroyer le prêt à la SCI JCLC aux termes de l'acte authentique du 17 octobre 1997, alors que le notaire l'avait informée des conditions exigées par la Banque Joire Pajot Martin pour la levée de ses hypothèques, et a, aux termes de cet acte, clairement attiré son attention, sur le fait que les immeubles sur lesquels elle souhaitait inscrire une hypothèque de premier rang étaient encore grevés d'hypothèques inscrites par d'autres créanciers, dont la Banque Joire Pajot Martin, le détail de ces dernières étant mentionné expressément en page 10 à 14 de l'acte authentique ; qu'il s'ensuit que la société Crédit Général a décidé de prendre ce risque en toute connaissance de cause et de la situation économique des époux Z..., diminuant par la même d'au moins 50 % ses chances d'obtenir, d'une part, la mainlevée des hypothèques de la Banque Joire Pajot Martin, d'autre part, une hypothèque de premier rang sur tous les immeubles, puisqu'il demeurait un aléa sur la réalisation des différentes conditions exigées par cette dernière ; que compte tenu des impasses faites par la société Crédit Général sur les conditions initialement exigées, en toute connaissance de cause, et des autres garanties obtenues par elle des époux Z..., il peut être considéré qu'il y avait peu de chance pour qu'elle décide finalement de ne pas contracter ou de contracter à des conditions différentes avec la SCI JCLC, si elle avait été dûment informée des conséquences éventuelles du risque pris, cette perte de chance pouvant être évaluée à 20 % ; que par ailleurs, compte tenu de la procédure collective qui a rapidement concerné le groupe Z..., et des multiples aléas autour de la mainlevée des inscriptions d'hypothèque de la Banque Joire Pajot Martin, la perte de chance d'obtenir cette mainlevée, du fait des négligences de la SCP X...

dans le suivi du dossier, peut être évaluée à 20% ; que par courrier du 20 novembre 2003 la société Crédit Général a déclaré au passif de la SCI JCLC une créance privilégiée de 1.099.349, 09 euros au titre du prêt dont s'agit ; que la société Crédit Général affirme que, grâce aux hypothèques que la Banque Joire Pajot Martin devenue Flandres Contentieux a conservé sur cinq immeubles, cette dernière a pu récupérer la somme de 848.750 euros lors de la réalisation des actifs de la SCI JCLC, mais elle ne fournit aucune pièce pour étayer ses dires ; qu'elle indique avoir perçu la somme de 425.553,14 euros les 12 et 16 mai 2004, grâce à la réalisation de la garantie issue des contrats d'assurance-vie souscrits par monsieur Z... auprès D'OMNIVER, et en justifie ; qu'elle indique également avoir pu, grâce aux hypothèques inscrites sur quatre immeubles, bénéficier d'un versement par le liquidateur judiciaire de la SCI JCLC d'une somme de 462.400 euros le 19 juillet 2010 ; qu'elle estime ainsi qu'il lui reste encore dû au 20 juillet 2013 la somme de 497 943, 55 euros, compte tenu des intérêts de retard depuis le 17 février 2003 au taux de 4, 1688+0, 5 % ; que dès lors qu'il a été retenu que la société Crédit Général avait elle-même diminué ses chances de bénéficier d'une inscription d'hypothèque de premier rang sur tous les immeubles d'au moins 50 %, et compte tenu du taux de perte de chance de 40 % retenu du fait des fautes commises par le notaire, le préjudice subi par la société Crédit Général sera évalué à 100.000 euros ; qu'en conséquence, par voie d'ajout au jugement déféré, la SCP Fonteyne Bosquillon de Jenlis Boudry Lesselin venant aux droits de la X... sera condamnée à payer à la société Crédit Général la somme de 100.000 euros de dommages-intérêts, cette dernière étant déboutée du surplus de ses demandes ;

1°) ALORS QUE le notaire est tenu d'assurer l'efficacité pratique et juridique des actes qu'il instrumente et doit, sauf dispense des parties, veiller à l'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l'exécution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté d'une part, que « la société Crédit Général avait bien insisté, aux termes de l'offre de prêt et du courrier adressé au notaire le chargeant de rédiger l'acte authentique, sur sa volonté d'obtenir une inscription d'hypothèque de premier rang sur les immeubles appartenant à la SCI » (arrêt p. 7 § 3) et, d'autre part, que, par la faute du notaire, la banque « n'a pas eu d'inscription d'hypothèque de premier rang sur les immeubles concernés » (arrêt p. 8 § 6) ; qu'il résultait ainsi des propres constatations de l'arrêt que le notaire avait failli à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte du 17 octobre 1997 et que ce manquement avait entraîné, pour la CBC banque, l'absence de « privilège [de premier rang] dans la liquidation des actifs de la SCI JCLC » (arrêt p.8 § 6) ; que ce préjudice, d'ores et déjà réalisé, était certain et résultait directement de la faute commise par le notaire et dument constatée par l'arrêt ; qu'en retenant dès lors que le préjudice « résultait de la perte d'éventualités »(arrêt p. 9§ 3), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;

2°) ALORS QUE le notaire, qui a l'obligation d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il instrumente, ne peut se réfugier derrière les obligations incombant aux autres notaires pour échapper à sa responsabilité ; qu'en l'espèce, en relevant que « la réalisation des autres conditions exigées par la banque Joire Pajot Martin [pour la mainlevée de l'hypothèque] dépendait de Me D... et de Me E..., notaires, et de Me A..., mandataire ad hoc (arrêt p. 8 § 1), la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°) ALORS QUE le notaire est tenu d'une obligation d'information et de conseil à l'égard de ses clients ; que ce manquement au devoir de conseil est sanctionné par la réparation intégrale du préjudice si la certitude est acquise que le client dument informé aurait pris la décision de ne pas contracter, évitant ainsi la réalisation du préjudice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « la société Crédit Général avait bien insisté, aux termes de l'offre de prêt et du courrier adressé au notaire le chargeant de rédiger l'acte authentique, sur sa volonté d'obtenir une inscription d'hypothèque de premier rang sur les immeubles appartenant à la SCI » relevant qu'elle avait ainsi fait de l'existence d'inscriptions hypothécaires de premier rang une condition déterminante et substantielle de son engagement ; qu'en décidant dès lors qu'« il peut être considéré qu'il y avait peu de chance pour qu'elle décide finalement de ne pas contracter ou de contracter à des conditions différentes avec la SCI JCLC, si elle avait été dûment informée des conséquences éventuelles du risque pris, cette perte de chance pouvant être évaluée à 20 % » pour refuser d'indemniser la CBC Banque de l'intégralité de son préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;

4°) ALORS QU'il résultait, par ailleurs, du document intitulé « bon pour grosse », régularisé par le notaire le 17 octobre 1997, soit simultanément à l'acte de prêt et établi dans le cadre de la régularisation de celui-ci, que le notaire avait attesté que la SCI JCLC avait « affecté en hypothèque à concurrence de 43.000.000 FB soit 6.991.869 FF (1.065.903 €) au profit du Crédit Général en premier rang les biens suivants : les biens plus amplement décrits dans votre projet du 6 octobre 1997 (
) » ; que dès lors, la banque Crédit Général avait, lors de l'acte notarié, reçu de la part de son notaire, Me C..., la certitude de ce qu'une hypothèque avait été inscrite à son profit en premier rang sur les immeubles indiqués dans l'acte notarié, condition étant déterminante de son engagement ; qu'en considérant dès lors que la société Crédit Général savait que les hypothèques accordées à la banque Joire Pajot Marin n'avaient pas été levées mais « a décidé de prendre ce risque en toute connaissance de cause », la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 16-19.469
Date de la décision : 11/07/2018
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : cour d'appel de Douai CHAMBRE 2 SECTION 1


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 11 jui. 2018, pourvoi n°16-19.469, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.19.469
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