COMM.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme Z..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10397 F
Pourvoi n° S 17-21.703
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Securitifleet, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 27 avril 2017 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige l'opposant :
1°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [...] ,
2°/ au directeur général des finances publiques, ministère de l'action et des comptes publics, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 mai 2018, où étaient présents : Mme Z..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. X..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP François-Henri Briard, avocat de la société Securitifleet, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques et du directeur général des finances publiques ;
Sur le rapport de M. X..., conseiller référendaire, l'avis de Mme Y..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Securitifleet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour la société Securitifleet.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 10 juin 2013 par le tribunal de grande instance de Rouen en ce qu'il a dit que la procédure d'imposition était régulière ;
Aux motifs que « la proposition de rectification rappelle quels sont les véhicules par nature soumis à la taxe différentielle par application de l'article 317 nonies de l'annexe II au CGI, la liste des exonérations prévues par l'article 317 dexies de la même annexe, et précise que les véhicules de Securitifleet compte tenu de leurs caractéristiques entrent tous dans le champ d'application de la taxe ; que la proposition de rectification expose de façon détaillée les motifs pour lesquels elle retient que les véhicules devaient être immatriculés dans les départements où ils ont été mis à disposition du locataire au titre de leur premier contrat de location pour un usage effectif ; que la proposition de rectification rappelle les modalités de liquidation de la taxe, et comporte en annexe un Cd-rom contenant le détail des véhicules triés par code départemental puis puissance fiscale, auxquels a été appliqué le barème de la vignette publié par le bulletin officiel des impôts (BOI) 7-M-2-04 du 19 juillet 2004 ; que ce BOI présente au titre de la vignette 2005 pour la période comprise entre le 1er décembre 2004 et le 30 novembre 2005 l'ensemble détaillé des tarifs en vigueur dans chaque département, les tarifs spécifiques applicables aux véhicules non polluants immatriculés dans les départements dans lesquels les véhicules non polluants bénéficient d'une exonération totale ; que l'ensemble de ces éléments communiqués à Securitifleet comporte ainsi les informations suffisant à satisfaire à l'obligation de motivation, si bien que celle-ci ne peut valablement prétendre ne pas avoir été en mesure de vérifier l'existence d'éventuelles exonérations facultatives votées par les conseils généraux en application de l'article 1599 F bis du CGI ; qu' elle sera en conséquence déboutée de sa demande d'annulation de la proposition de rectification » ;
1° Alors qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : « L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; qu' il est de principe que la proposition de rectification doit être motivée en droit ; que le défaut de visa des délibérations des conseils généraux des différents départements français, sur la base desquels les rectifications en matière de taxe différentielle sur les véhicules à moteur ont été calculées, entache d'irrégularité la procédure d'imposition ; que l'absence de visa des délibérations des conseils généraux ne permet pas au contribuable de formuler utilement ses observations, dès lors que l'administration ne l'a pas mis en mesure de vérifier que les taux qu'elle a appliqués correspondent bien à ceux qui ont été votés par les conseils généraux des différents départements concernés, l'existence d'éventuelles exonérations facultatives votées par les conseils généraux en application de l'article 1599 F bis du code général des impôts et que les délibérations en question ont été régulièrement adoptées ; qu' ainsi, le fait pour l'administration fiscale de motiver les rectifications par la mention des taux d'impositions figurant dans les bulletins officiels des impôts ne saurait suppléer la production desdites délibérations, lesdits bulletins ne visant pas eux-mêmes les délibérations fixant les taux et étant du reste dépourvus de valeur légale, et, par suite, entache d'irrégularité la procédure d'imposition ; qu' ainsi, en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 10 juin 2013 par le tribunal de grande instance de Rouen en ce qu'il a dit que la taxe différentielle sur les véhicules à moteur correspondante devait être acquittée dans le département de l'établissement où les véhicules ont été matériellement mis à disposition d'un locataire client, au titre de leur premier contrat de location, en vue d'une utilisation effective, et non dans celui de la Seine-Maritime ;
Aux motifs qu'« il sera observé que l'interprétation de l'article R. 222-1 du code de la route que critique Securitifleet ayant conduit à la cassation, correspond à la jurisprudence constante du Conseil d'Etat (24 juin 2013, n°359904 et 3 mars 2014 n°370046) dans des hypothèses de fait identiques ; qu' elle a également été retenue par la cour administrative d'appel de Douai dans sa décision rendue le 28 novembre 2013 sur la contestation de Securitifleet du redressement sur la période postérieure au 1er mars 2005, après arrêt du Conseil d'Etat du 4 juin 2012, ainsi que par la cour administrative d'appel de Versailles dans une décision du 8 octobre 2015 après arrêt du Conseil d'Etat du 3 mars 2014, rejetant la contestation de la société Parcoto procédant également à une succession de sous locations au sein du groupe Europcar ; que l'article R. 222-1 du code de la route en sa rédaction alors en vigueur sur la période concernée par le litige est la reprise de l'article 63 de la loi du 2 juillet 1998, adoptée pour mettre fin à la pratique du choix d'immatriculation dans un département offrant les taux de taxe les plus bas ; que se rapportant à la première immatriculation, il impose des critères ayant pour objet d'empêcher tout choix d'immatriculation dans un département offrant les taux de taxe les plus bas ; qu' en son alinéa 3, il impose, comme critère exclusif de détermination du département de rattachement de tout véhicule soumis à taxe différentielle (vignette) destiné à la location de courte durée, le lieu de l'établissement où le véhicule doit recevoir son usage effectif par mise à disposition du premier locataire pour sa conduite ; que si l'alinéa 3 dispose que le propriétaire doit justifier de son identité parce qu'il est redevable de la taxe, et de l'adresse de l'établissement de mise à disposition pour déterminer le lieu d'immatriculation, il ne restreint pas son application à la seule hypothèse dans laquelle le propriétaire est lui même le loueur ; que la société Securitifleet prétend que cette interprétation de l'alinéa 3 serait contraire à l'interprétation contenue dans la propre doctrine de l'administration fiscale, se référant à la documentation de base 7 M 2133 § 33 et à l'instruction 7 M-2-05 ; que d'une part, la documentation de base 7 M 2133, telle que produite aux débats en extrait est datée du 1er septembre 1997, soit antérieurement à la loi du 2 juillet 1998 qui a conduit à la rédaction de l'article 322-1 du code de la route applicable au début de l'année 2005 ; que d'autre part, Securitifleet en cite un extrait de façon tronquée, « en règle générale, les véhicules appartenant à une société pratiquant la location de courte durée sont immatriculés au nom de cette société au lieu de son siège social », alors que doit être rajoutée la suite « et le redevable de la taxe différentielle est donc la société propriétaire du véhicule. Les entreprises en cause donnent leurs véhicules en location soit à des clients particuliers, soit à des sociétés qui mettent ensuite ces véhicules à la disposition de leur personnel dans toute la France » ; que la phrase ainsi reprise en son entier montre qu'est visée une hypothèse générale, sans rapport avec la situation de Securitifleet qui se trouve à la tête d'une chaîne de sous locations entre sociétés avant de parvenir à la location des véhicules à des utilisateurs réels ; que , par ailleurs, l'instruction 7 M-2-05 du 9 juin 2005 précise bien que « la notion de mise à disposition au sens du deuxième alinéa de l'article 63 précité doit s'entendre dans une acception matérielle, et non juridique, comme le lieu où le locataire prend matériellement possession du véhicules » ; (
) qu' en tout état de cause, le seul lien opéré par l'article 1599 J du CGI entre le paiement de la taxe différentielle sur les véhicules et les conditions d'immatriculation consiste uniquement à définir le département devant percevoir cette taxe ; que l'article 1599 J du CGI disposant que la vignette est acquise dans le département où le véhicule doit être immatriculé, et l'article R. 322-1 du code de la route imposant l'immatriculation des véhicules destinés à la location de courte durée dans le département de l'établissement où le véhicule est mis à disposition du locataire final pour son usage effectif, Securitifleet ne peut prétendre se prévaloir de l'organisation qu'elle a mise en place, consistant à immatriculer en son nom en qualité de propriétaire, dans le département de Seine Maritime assurant alors une faible taxation, des véhicules faisant ensuite l'objet d'une chaîne de sous locations avant d'être effectivement mis à disposition de locataires pour une utilisation effective, pour prétendre être dispensée de la taxation à laquelle elle est légalement tenue ; que le jugement sera en conséquence confirmé, en ce qu'il a débouté Securitifleet de l'ensemble de ses prétentions ».
Alors qu'aux termes de l'article 1599 J du code général des impôts « la vignette représentative du paiement de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur est acquise dans le département où le véhicule doit être immatriculé » ; qu' il résulte par ailleurs des dispositions du 3ème alinéa de l'article R. 322-1 du code de la route que « pour un véhicule de location, la demande de certificat d'immatriculation doit être adressée au préfet du département de l'établissement où le véhicule est mis à la disposition du locataire, au titre de son premier contrat de location » ; qu' il résulte de la structure même de l'article R. 322-1 du code de la route, de l'intention du législateur, des textes d'application ainsi que de la doctrine administrative que la notion d'établissement de mise à disposition du véhicule au profit du premier locataire, visée à l'alinéa 3 de l'article R. 322-1 du code de la route, doit nécessairement s'entendre comme le lieu de l'établissement du propriétaire du véhicule ; que , de plus, cette interprétation de la notion d'établissement de mise à disposition du véhicule est conforme à l'objectif de sécurité publique poursuivi par le code de la route et assure la cohérence du dispositif fiscal en créant une corrélation entre le lieu d'assujettissement à une taxe locale et le lieu où est établi le redevable de cette taxe , qu' en l'espèce, il résultait des constatations opérées par la cour d'appel que la société Securitifleet a valablement établi son siège social à Rouen et ne détenait pas d'autre établissement sur le territoire national ; que la flotte de véhicules détenue par la société Securitifleet était louée pour de courtes durées (toujours inférieures à deux ans) à la société Parcoto Services qui les sous-louait ensuite à Europcar France en vue de servir la clientèle finale ; que la préfecture de la Seine-Maritime a délivré pour l'ensemble de la flotte de véhicules des certificats d'immatriculation car l'établissement du propriétaire à partir duquel les véhicules ont été mis à la disposition du locataire, au titre du premier contrat de location, correspondait au siège social de la société Securitifleet localisé à Rouen ; que la société Securitifleet était le redevable de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur due lors de l'immatriculation de ses véhicules car les véhicules ont toujours été loués pour des durées inférieures à deux ans ; que , conformément aux principes rappelés, il résultait de ces constatations que la taxe différentielle sur les véhicules à moteur devait être acquittée dans le département de la Seine-Maritime ; qu' en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a dès lors violé les dispositions combinées des articles 1599 J du code général des impôts et R. 322-1 du code de la route.