CIV.3
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10383 F
Pourvoi n° Z 17-23.159
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ la société Alba Serena, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
2°/ M. Jean-Pierre X..., domicilié [...] , agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société Alba Serena,
contre l'arrêt rendu le 14 juin 2017 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige les opposant à la société Farmarredi France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Bureau, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Alba Serena et de M. X..., ès qualités ;
Sur le rapport de M. Bureau, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alba Serena et M. X..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Alba Serena et de M. X..., ès qualités ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Alba Serena et M. X..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI ALBA SERENA de sa demande tendant à inviter l'expert à répondre aux observations qu'elle a présentées dans le cadre d'un dire ;
Aux motifs que « l'expert a transmis aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mars 2015 son pré- rapport et informé les parties qu'elles avaient jusqu'au 30 avril 2015 pour présenter leurs observations ou réclamations. Les parties n'ont pas déposé de dire dans le délai imparti mais ont à deux reprises sollicité un délai supplémentaire "pour des raisons techniques" et "pour "finaliser une transaction". L'expert qui n'était pas tenu par l'article 276 du code de procédure civile d'accorder de délai supplémentaire a cependant attendu près de trois mois avant de déposer son rapport le 20 juillet 2015. La SCI Alba Serena ne saurait dès lors reprocher à l'expert de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire. La cour rejettera donc sa demande de faire injonction à l'expert de "répondre aux observations de la SCI Alba Serena présentées dans le cadre d'un dire qui lui sera adressé" » ;
Alors, d'une part, que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent ; qu'il est constant en l'espèce que l'expert n'a pas répondu à la demande formée par la SCI ALBA SERENA avant l'expiration du délai pour présenter des observations et tendant au report de ce délai, demande à laquelle s'était associée la SARL FARMAREDDI ; qu'en énonçant que l'expert n'était pas tenu d'accorder un délai supplémentaire, la Cour d'appel, qui a méconnu que l'expert devait répondre aux observations présentées par les parties, a violé l'article 276 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Alors, d'autre part, que lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge ; qu'en s'abstenant de rechercher si la demande conjointe formée par les parties de report du délai, au regard d'une transaction en cours de négociation, ne constituait pas une cause grave qui devait conduire l'expert à surseoir au dépôt de son rapport pour permettre aux parties de présenter leurs observations après l'expiration du délai, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 276 du Code de procédure civile ;
Alors enfin que l'expert est tenu d'observer et de faire observer le principe de la contradiction tout au long des opérations ; qu'en l'espèce, l'expert a établi son rapport définitif et fixé le préjudice financier de la SARL FARMAREEDI sur la foi du bilan 2009 de cette société, lequel n'a pas été communiqué à la SCI ALBA SERENA ; qu'en énonçant qu'aucune atteinte au principe de la contradiction n'était à déplorer, la Cour d'appel a violé les articles 16, 160 et 276 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de la SARL FARMARREDI au passif de la SCI ALBA SERENA à la somme de 11.739,08 € en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2009, et d'avoir fixé la créance de la SARL FARMARREDI au passif de la SCI ALBA SERENA à la somme de 111.843 € à titre de dommages et intérêts ;
Aux motifs propres que « l'expert a répondu point par point aux questions posées par la cour.
Il s'est rendu sur les lieux et a dressé la liste des désordres subsistant au jour de l'expertise après les éventuelles corrections qui ont pu être apportées par la SARL Farmarredi à la suite des réunions de chantier, des comptes rendus de I'APAVE et de la seule réclamation du maitre d'ouvrage par lettre en date du 14 septembre 2009, étant précisé que les pièces versées aux débats (notamment les expertises Saretec Y... et Z... intéressant des litiges entre le promoteur et des acquéreurs) sont pour la plupart très antérieures.
Les parties n'ont au cours de l'accedit exprimé aucune contestation sur l'énumération des désordres et n'ont, après le dépôt du pré-rapport, présenté aucune observation sur l'appréciation par l'expert de leur gravité, de telle sorte que l'expert n'a pu s'en expliquer et que la cour ne peut maintenant écarter ni cette liste qu'elle doit considérer comme exhaustive ni cette appréciation. Selon l'expert les désordres qui affectaient alors les travaux réalisés, par la société Farmarredi étaient mineurs. Il en a chiffré le coût pour y remédier à la somme de 350 euros.
Il est constant que la SCI Alba Serena a rompu unilatéralement le contrat qui la liait à la SARL. Farmarredi et contracté avec une autre entreprise pour l'achèvement des travaux. Le tribunal de grande instance d'Ajaccio était dès lors bien fondé à prononcer la résolution du contrat liant les parties sur le fondement de l'article 1184 du code civil.
Il ressort de l'expertise, des devis versés aux débats et des factures émises par la SARL Farmarredi que les prestations facturés sous les factures n° 813, 546, 547, 911, 953 ont bien été effectuées et que la SCI Alba Serena ne rapporte pas la preuve de leur règlement conformément à l'article 1315 du code civil. La fixation de la créance de la SARL Farmarredi au passif à la somme de 11 739,08 euros au titre des prestations impayées, déduction faite des anomalies sur factures, des menues réparations et des frais bancaires, sera confirmée.
A la lecture des documents comptables régulièrement versés aux débats par la société Farmarredi le 16 mars 2016, du taux de marge brut 2008 de 45 % et 2009 de 20 %, il apparaît que le premier juge a fait une juste appréciation du préjudice financier subi par cette société à 30 °/0 du chiffre d'affaires qui était espéré au terme du contrat, soit la somme de 111 843 euros.
Les sommes ci-dessus porteront intérêt au taux légal, pour la première à compter du 30 novembre 2009, date de la lettre recommandée qui constitue une interpellation suffisante, et à compter du prononcé du jugement déféré pour la seconde.
La capitalisation des intérêts sera confirmée conformément à l'article 1154 du code civil » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « Sur la résolution judiciaire du contrat liant les parties
Attendu qu'aux termes de l'article 1184 du Code Civil :
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit, La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Attendu qu'il est produit aux débats un devis daté du 7 septembre 2006 décrivant en détail des prestations de menuiseries sur différentes villas de la SCI ALBA SERFNA ; que la lettre jointe du 11 septembre 2006 concernant ce devis est signée par les deux parties ; que dès lors la convention conclue doit recevoir application pour la chose et pour le prix objet de cet accord Attendu que la SCI ALBA SERENA soutient l'existence d'un certain nombre de désordres et malfaçons affectant les biens vendus et posés pour justifier de la suspension de ses paiements ; qu'il convient tout d'abord de constater que maigre la mention de diverses pièces justificatives portée au pied des conclusions de la SCI ALBA SERENA, celle-ci n'a versé au dossier du Tribunal aucun bordereau de communication desdites pièces ni aucune côte de plaidoirie contenant ces documents ; qu'il convient donc d'en déduire que la défenderesse ne procède que par voie d'affirmation en invoquant l'existence de désordres et malfaçons ;
Que toujours sur ce point et en l'absence de tout élément justificatif, il ne saurait être fait droit à la mesure d'expertise sollicitée, laquelle n'est pas destinée à. suppléer la carence de la SCI ALBA SERENA dans l'administration de la preuve tel qu'énoncé par les dispositions de l'article 146 du Code de Procédure Civile ;
Qu'en revanche, la SARL FARMARREDI France justifie par production des devis, factures, relances et pièces comptables déjà évoquées de la réalité de la fourniture des menuiseries objet du devis accepté du 11 septembre 2006 et de l'absence de paiement, pour partie, de ces matériaux et prestations fournis ; qu'il est également invoqué la reprise de ce lot de l'opération immobilière par une autre société, laquelle a terminé ledit chantier
Que les conditions de la demande de résolution judiciaire du contrat étant réunies et justifiées, il y a lieu d'y faire droit.
Sur les prestations déjà effectuées
Attendu qu'aux termes de l'article 1134 du Code Civil :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Attendu que la SCI ALBA SERENA ne conteste pas la réalité des premières livraisons facturées par la SARL FARMARREDI France mais soutient l'existence de désordres sans pouvoir en justifier ni verser aux débats aucun document de nature à meure en cause la qualité des huisseries livrées et la pose de celles-ci ;
Que faute de rapporter cette preuve et au vu de la réalité de la fourniture et de la pose par la demanderesse, il y a lieu de faire droit à sa demande et de fixer au passif de la SCI ALBA SERENA la somme de 14.818,51€ en principal au titre des prestations fournies et non réglées à ce jour ;
Attendu que s'agissant de l'intérêt au taux légal sollicité à compter de l'envoi d'un courriel du 17 septembre 2009 ainsi rédigé « Nous sommes toujours dans l'attente du règlement envoyé le 14 », ce document ne saurait être assimilé à une mise en demeure en ce qu'il ne comporte pas cette expression, ni aucune autre de nature à permettre une interpellation suffisante de la débitrice et ne fixe aucun délai pour le règlement invoqué ;
Que ces éléments étant en revanche contenus dans la lettre recommandée du 26 novembre 2009 portant accusé de réception du 30 novembre 2009, date à laquelle ledit intérêt légal commencera à courir.
Sur les dommages et intérêts
Attendu que les parties au présent procès étaient liées par un contrat sur devis accepté de fournitures de menuiseries pour un montant total dudit devis de 593.958,56 euros TTC ;
Que ce contrat e rapporte à un devis estimant la totalité du chantier objet de la convention et est un contrat unique ;
Que sur ce montant restait à exécuter des travaux pour la somme de 372.810,06E représentant une marge de 111.843€ le constituant le préjudice financier subi par la demanderesse » ;
Alors, d'une part, que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ; qu'en estimant que les parties n'avaient au cours de l'accedit exprimé aucune contestation sur l'énumération des désordres et n'ont, après le dépôt du pré-rapport, présenté aucune observation sur l'appréciation par l'expert de leur gravité, de telle sorte qu'elle ne pouvait écarter ni cette liste qu'elle devait considérer comme exhaustive ni cette appréciation, la Cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif en violation de l'article 246 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ; qu'en prononçant cumulativement la résolution du contrat et la condamnation de la SCI ALBA SERENA à exécuter la convention par l'inscription de la créance correspondant aux échéances impayées au passif de la procédure, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.