CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10461 F
Pourvoi n° U 17-22.165
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 avril 2017.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ Mme Y... X... , domiciliée [...] ,
2°/ l'UDAF de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 24 juin 2016 par la cour d'appel de Nancy (3e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ au procureur général près de la cour d'appel de Nancy, domicilié [...] ,
2°/ au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Z... , conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme X... et de l'UDAF de Meurthe-et-Moselle, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle ;
Sur le rapport de Mme Z... , conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... et l'UDAF de Meurthe-et-Moselle aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme X... et l'UDAF de Meurthe-et-Moselle.
Madame X... fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR constaté que Madame Y... X... s'était désintéressée de son enfant Joyce depuis plus d'un an avant l'introduction de la requête, D'AVOIR, en conséquence, déclaré judiciairement abandonné l'enfant Joyce et délégué les droits d'autorité parentale sur l'enfant au président du conseil département de Meurthe-et-Moselle ;
AUX MOTIFS QU' « attendu qu'il ressort des dispositions de l'article 350 du Code civil que lorsque les parents se sont manifestement désintéressés de leur enfant pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, l'enfant recueilli est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance ; que sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant, les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs ; qu'attendu qu'il ressort des éléments du dossier que Madame X... présente une pathologie psychiatrique de type schizophrénie ; qu'après la naissance de l'enfant, Joyce va rapidement être placé et orienté en décembre 2011 à la pouponnière, en raison de la dégradation de l'état psychique de Madame X... ; que Madame X... va être à peu près régulière dans les rencontre autorisées avec Joyce jusqu'en janvier 2013, période où les visites vont devenir totalement ingérables au regard de ses comportements incohérents et agressifs, amenant le juge des enfants à en prononcer la suspension ; que Madame X... a donné naissance à un autre enfant Warry, le [...] ; qu'alors qu'elle a pu rencontrer le juge des enfants et les services éducatifs à l'occasion du placement de ce dernier, elle n'a formulé aucune demande pour Joyce et n'a pas demandé de ses nouvelles ; que si elle a été hospitalisée de décembre 2013 à mai 2014, en hospitalisation sous contrainte, à l'issue de cette hospitalisation, elle n'a pas plus formulé de demande à l'égard de Joyce ; que les services éducatifs ont évoqué avec elle, en octobre 2014 puis en mars 2015, la situation de Joyce, mais ses demandes sont restées égocentriques, et non fondées sur l'intérêt portée à l'enfant ; qu'en outre, elle n'a concrétisé aucune demande auprès du juge des enfants ; qu'attendu que les visites organisées initialement à l'égard de Joyce ont généré des manifestations particulièrement inquiétantes de cet enfant, comportement qui ont cessé lors de l'arrêt des rencontres avec sa mère ; qu'attendu que Joyce, âgée de 4 ans et demi, ne pourra jamais vivre un jour auprès de sa mère, au regard de sa pathologie et de sa personnalité qui demeure narcissique et peu ouverte sur les besoins d'un enfant ; que seul un projet d'adoption peut permettre à Joyce de bénéficier d'un cadre affectif stable ; qu'ainsi, au regard du désintérêt manifeste depuis plus d'une année et de l'intérêt de l'enfant qui est de se projeter dans un autre cadre de vie, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Nancy. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « aux termes de l'article 350 du Code civil « L'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa. La demande en déclaration d'abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant à l'expiration du délai d'un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant. » ; que sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs ; que la simple rétractation du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention exprimée mais non suivie d'effet de reprendre l'enfant n'est pas une marque d'intérêt suffisante pour motiver de plein droit le rejet d'une demande en déclaration d'abandon ; que « ces démarches n'interrompent pas le délai figurant au premier alinéa » ; que l'abandon n'est pas déclaré si, au cours du délai prévu au premier alinéa du présent article, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette demande est jugée conforme à l'intérêt de ce dernier ; que lorsqu'il déclare l'enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits d'autorité parentale sur l'enfant au service de l'aide sociale à l'enfant, à l'établissement ou au particulier « qui a recueilli l'enfant ou à qui ce dernier a été confié » ; que la tierce opposition n'est recevable qu'en cas de dol, de fraude ou d'erreur sur l'identité de l'enfant ; qu'en l'espèce, l'absence de contacts entre Joyce et sa mère depuis janvier 2013 s'explique par le déni de cette dernière de sa pathologie psychiatrique ; qu'en effet, le refus de celle-ci d'être suivie et de prendre un traitement adapté l'a amené à adopter un comportement totalement contraire à l'intérêt de l'enfant, plaçant celui-ci en insécurité permanente, ce qui lui a occasionné des troubles psychologiques ; que depuis la suspension de ses droits en janvier 2013, Madame Y... X... n'a pas demandé de nouvelles de son fils, ni sollicité de droits ; que si aujourd'hui, elle tient par sa présence à assurer un intérêt pour Joyce, celui-ci doit nécessairement passer par une prise en charge psychiatrique et une évolution positive et durable de son état de santé, ce qu'elle ne démontre pas, son unique revendication s'inscrivant dans une démarche narcissique lui permettant de se valoriser à travers le statut de mère ; qu'en outre, la simple demande de droits ne peut à elle seule suffire pour démontrer l'engagement de Madame Y... X... dans la vie de son fils, en dehors de tout autre élément de stabilité visant à garantir le fragile équilibre qu'a pu enfin trouver Joyce ; qu'il convient donc de constater que depuis le 17 janvier 2013, Madame Y... X... s'est désengagée de la vie de son enfant ; qu'ainsi, les conditions édictées par l'article 350 du Code Civil notamment de désintérêt volontaire et manifeste dans l'année précédent l'introduction de la requête se trouvent caractérisées en l'espèce ; qu'il convient dès lors, dans l'intérêt exclusif de l'enfant, de faire droit à la présente requête et de déclarer Joyce judiciairement abandonné » ;
1°/ ALORS QUE la loi n°2016-297 du 14 mars 2016, qui abroge l'article 350 du code civil, pour y substituer de nouvelles dispositions, est d'effet immédiat ; qu'en appliquant, pour constater l'abandon de l'enfant, les dispositions de l'article 350 ancien du code civil, qui avaient été abrogées à la date où elle statuait, et qui ne pouvait plus produire effet, la cour d'appel a violé la loi n°2016-297 du 14 mars 2016, ensemble l'article 2 du code civil ;
2°/ ALORS QUE, la loi n°2016-297 du 14 mars 2016, qui abroge l'article 350 du code civil pour y substituer les nouveaux articles 381-1 et 381-2 du Code civil, est d'effet immédiat ; qu'en s'abstenant d'appliquer, fut-ce d'office, la loi nouvelle et les conditions qu'elle pose, la cour d'appel a violé la loi n°2016-297 du 14 mars 2016, ensemble l'article 2 du code civil ;
3°/ ALORS QUE, subsidiairement, l'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré abandonné ; que le manque d'intérêt doit découler d'un comportement volontaire et conscient ; qu'en retenant le désintérêt manifeste de Mme X... sans rechercher si la circonstance qu'elle était atteinte de schizophrénie n'excluait pas le caractère volontaire et conscient du manque d'intérêt à l'enfant, qui lui était reproché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 350 ancien du code civil ;
4°) ALORS QUE, subsidiairement, l'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré abandonné ; que le manque d'intérêt doit découler d'un comportement volontaire et conscient ; que la cour d'appel a relevé que la requête d'abandon était datée du 25 mars 2015 ; qu'en retenant le désintérêt manifeste de Mme X... pour une période débutant en janvier 2013, sans rechercher, comme cela lui était demandé, s'il ne convenait pas d'exclure tout désintérêt pour la période courant de décembre 2013 à mai 2014, période durant laquelle Mme X... avait fait l'objet d'une hospitalisation d'office, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 350 ancien du code civil ;
5°) ALORS QUE la déclaration d'abandon constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie familiale des parents ; qu'elle n'est nécessaire que si elle se fonde sur un besoin social impérieux et qu'elle est proportionnée au but recherché ; que la cour d'appel a relevé que Mme X... souffrait de schizophrénie, et il résultait des pièces du dossier qu'elle avait été hospitalisée d'office de mai 2013 à mai 2014 ; qu'en constatant l'abandon de l'enfant pour la période courant de mai 2014 à mai 2015, sans rechercher, si au regard de ces circonstances, une telle mesure était proportionnée à son but, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.