COMM.
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10363 F
Pourvoi n° F 16-26.496
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Emmanuel Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2016 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] ,
2°/ à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, Mme A..., avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. Y..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit lyonnais ;
Sur le rapport de M. Z..., conseiller, l'avis de Mme A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action du Crédit Lyonnais visant à faire condamner M. Y... au paiement de la somme de 214.287,59 euros outre intérêts au taux de 4,87% l'an à compter du 22 avril 2014 au titre du prêt d'un montant de 200.000 euros accordé le 14 novembre 2007 avec capitalisation des intérêts de retard et d'AVOIR fait droit à cette demande, condamnant M. Y... à payer les sommes dues à ce titre, et au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « devant la juridiction de première instance, la société Crédit Lyonnais avait sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de M. Y... à lui payer la somme de 214.287,59 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,87% l'an à compter du 22 avril 2002, au titre d'un prêt consenti le 14 novembre 2007 ; qu'elle a été déboutée de ce chef de demande au motif qu'elle ne démontrait pas avoir prononcé la déchéance du terme et ne prouvait pas en conséquence l'exigibilité de la somme réclamée. Attendu que dans ses conclusions déposées le 5 novembre 2013 devant les premiers juges, la banque a prononcé la déchéance du terme au titre de ce crédit ; que M. Y... ne conteste pas avoir été destinataire desdites écritures ; qu'il s'ensuit que la somme, dont la banque réclame le paiement, était devenue exigible à la suite de la signification de ces conclusions. Attendu qu'à hauteur de cour, M. Y... soutient que cette demande est irrecevable en application de l'article L137-2 du code de la consommation ; qu'il prétend en effet que la prescription énoncée par cette disposition légale a commencé à courir à compter du 15 février 2002, et n'a pas été interrompue dans le délai de deux ans, les conclusions déposées le 5 novembre 2013 ne contenant pas de demande en paiement. Attendu que dans les écritures visées par M. Y..., la banque indiquait que si elle n'avait jusqu'alors pas enjoint M. Y... de s'acquitter des sommes dues au titre de ce prêt, elle entendait aujourd'hui le mettre en demeure de le faire ; qu'il échet de considérer que cette mise en demeure constituait une demande en paiement et ce, malgré la formulation adoptée par le rédacteur dans le dispositif des conclusions ; qu'il s'ensuit que la demande de la banque est recevable. Attendu qu'au vu des pièces produites, M. Y... reste redevable au titre du crédit litigieux de la somme réclamée ; qu'il convient de relever que celui-ci ne formule aucune critique à l'encontre du décompte produit par la banque ; qu'il convient en conséquence d'infirmer sur ce point le jugement querellé et de condamner M. Y... à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 214.287,59 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,87% l'an à compter du 22 avril 2014 ».
1) ALORS QU'une simple mise en demeure de payer n'est pas interruptive de la prescription acquisitive ; qu'en considérant que la « mise en demeure de payer » invoquée par le Crédit Lyonnais dans les motifs de ses conclusions de première instance du 5 novembre 2013 avait interrompu la prescription biennale, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.
2) ALORS QUE les juges ne sont saisis que par le dispositif des conclusions et non pas par leurs motifs ; qu'en considérant que le tribunal de grande instance de Vesoul avait pu être saisi d'une mise en demeure invoquée exclusivement dans les motifs des conclusions du 5 novembre 2013 du Crédit Lyonnais, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.
3) ALORS QUE l'interruption de la prescription résultant d'une demande en justice, suppose que le juge soit saisi d'une demande de condamnation du défendeur au paiement de la créance litigieuse ; qu'une demande de «donné acte » de ce que le créancier entend pour l'avenir obtenir le remboursement des sommes qui lui sont dues ne constitue pas une demande en justice interruptive de la prescription ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions du 5 novembre 2013 le Crédit Lyonnais se bornait à demander au tribunal de « lui donner acte de ce qu'il entendait voir condamner M. Y... au paiement de l'intégralité des sommes (non définies) qui lui étaient encore dues » ; qu'en affirmant que cette demande de donner acte au demeurant non chiffrée valait demande en justice interruptive de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.
4) ALORS QUE si le juge peut donner aux faits leur exacte qualification, il lui est interdit de changer l'objet ou le fondement de la demande qui sont la chose des parties ; qu'en considérant qu'une demande de donner acte devait être requalifiée en demande de condamnation immédiate du débiteur, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de sa demande de condamnation de la société Crédit Lyonnais au versement de dommages-intérêts et au remboursement du coût de la garantie d'un prêt, facturée 2.100 euros, au titre du manquement à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde à l'occasion de la souscription des prêts litigieux :
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les premiers juges ont estimé à juste titre, que M. Y... devait être considéré comme un emprunteur averti de sorte que la banque n'était pas tenue envers lui d'un devoir de mise en garde particulier ; que pour retenir cette qualification ils ont pris en compte sa qualité de négociateur immobilier, activité qu'il exerce depuis 1995 ; qu'il y a lieu en effet de juger que son expérience professionnelle lui permettait de prendre la mesure des risques financiers attachés aux différentes acquisitions immobilières réalisées par lui. Attendu que s'agissant plus précisément des deux crédits litigieux, les éléments produits aux débats démontrent que M. Y... a déclarés des revenus mensuels, toutes origines confondues, supérieurs à 5.000 euros et un patrimoine constitué de sa résidence principale estimée à 500.000 euros et de résidences locatives, d'une valeur de 250.000 euros pour le premier prêt et de 580.000 euros pour le second, qu'il n'a fait mention d'aucune charge. Attendu que l'encours mensuel des prêts consentis antérieurement par la banque s'élevait à la somme de 896 ?03 euros ; qu'à la suite de la souscription des deux évoqués plus haut, celui-ci est passé à la somme de 2.990 euros ; qu'eu égard aux revenus et patrimoines déclarés, il échet de juger que la banque n'a pas commis de faute en consentant lesdits prêts ; qu'il convient d'ajouter que M. Y... s'est abstenu dans ses déclarations de patrimoine d'informer la société Crédit Lyonnais de la souscription de prêts auprès de deux autres établissements bancaires pour un montant total de 190.000 euros. Attendu que les constatations et observations qui précèdent conduisent à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de dommages-intérêts ».
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il ressort des conclusions du Crédit Logement et du Crédit Lyonnais que M. Y... était salarié dans le domaine de l'immobilier depuis 1995, ce que ce dernier ne conteste pas, précisant avoir été négociateur immobilier et n'être titulaire de sa carte d'agent immobilier que depuis 2009. Les offres de prêts émises par le Crédit Lyonnais indiquent toutes que le défendeur était salarié de l'agence immobilière saônoise depuis 2001. Ainsi, à la date de souscription des prêts litigieux, c'est-à-dire en 2003 3 pour le premier prêt accordé par le Crédit Lyonnais et en 2005 s'agissant des prêts pour lesquels le Crédit Logement sollicite le remboursement des sommes versées en sa qualité de caution, M. Y... disposait d'une expérience d'une dizaine d'années dans le domaine de la vente des biens immobiliers. Egalement, il ressort de sa déclaration de revenus fonciers 2005 que M. Y... était déjà propriétaire à cette date de quatre biens immobiliers à usage locatif. Ainsi, en souscrivant un prêt d'un montant de 80.000 euros auprès du Crédit Lyonnais le 8 octobre 2005 aux fins d'acquérir un nouveau bien immobilier à usage locatif, M. Y... effectuait un opération qu'il avait déjà réalisée par le passé – puisqu'au moins un prêt avait été souscrit pour l'achat du bien locatif situé à Mailley-et-Chazelot – et était tout à fait en capacité de mesurer le risque pris. A fortiori, c'est en parfaite connaissance de ses capacités financières de remboursement et des risques d'endettement mesurés pris que M. Y... a souscrit deux prêts de montants relativement peu élevés les 4 juillet 2005 et 15 février 2006 pour l'exécution de travaux dans sa résidence principale située à Chatenois. M. Y... doit donc être considéré comme un client averti, et il l'était à plus forte raison lors de la souscription des prêts ayant servi à l'acquisition de nouveaux biens à usage locatif situés à Mailley-et-Chazelot, Ovanches et Vesoul en 2006 et 2007. Or M. Y... ne démontre pas que le Crédit Lyonnais ait disposé à l'occasion de l'octroi des différents prêts litigieux, d'informations sur ses capacités de remboursement ou sur les risques des opérations financées que lui-même aurait pu ignorer. Ce faisant, M. Y... ne rapporte pas la preuve que le Crédit Lyonnais ait manqué à son devoir d'information et de mise en garde à son égard, en sa qualité d'emprunteur averti. Egalement, M. Y... n'explique pas en quoi le Crédit Lyonnais aurait été tenu d'un devoir de conseil à son égard. En conséquence, M. Y... sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts à l'encontre du Crédit Lyonnais ».
1) ALORS QUE le professionnel du crédit est tenu d'un devoir d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard d'un emprunteur spécialement lorsqu'il s'agit d'un emprunteur non averti ; qu'en déduisant de ce que M. Y... aurait été « négociateur immobilier », qu'il était un emprunteur averti, sans rechercher concrètement quelles étaient les connaissances de l'emprunteur en matière de crédit, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
2) ALORS QUE le professionnel du crédit est tenu d'un devoir d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard d'un emprunteur profane comme averti ; qu'il appartient au professionnel du crédit de justifier de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde ; qu'en retenant toutefois que société Crédit Lyonnais n'avait pas manqué à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde, sans rechercher si la société Crédit Lyonnais démontrait y avoir satisfait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1315 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
3) ALORS QUE le professionnel du crédit est tenu d'un devoir d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard d'un emprunteur profane comme averti ; qu'il appartient au professionnel du crédit de justifier de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde ; qu'en retenant, par des motifs adoptés, « que M. Y... ne rapporte pas la preuve de ce que le Crédit Lyonnais ait manqué à son devoir d'information et de mise en garde à son égard » ni « n'explique en quoi le Crédit Lyonnais aurait été tenu d'un devoir de conseil à son égard », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les dispositions des articles 1147 et 1315 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.