COMM.
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10371 F
Pourvoi n° Q 16-24.250
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Lorraine, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 23 juin 2016 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. François Y...,
2°/ à Mme Lucette Z..., épouse Y...,
tous deux domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation ;
M. et Mme Y... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme C..., conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, Mme A..., avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. et Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme C..., conseiller, l'avis de Mme A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation des pourvois principal et incident, annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ce point infirmatif, attaqué D'AVOIR débouté la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine de ses demandes en paiement dirigées contre M. et Mme François Y... des sommes de 150 000 euros au titre du prêt d'un montant de 300 000 euros en date du 9 novembre 2009 ;
AUX MOTIFS QUE « l'erreur commise par la caution sur l'étendue des garanties fournies au créancier ayant déterminé son consentement constitue une cause de nullité de l'acte de cautionnement. / En l'espèce, le contrat de prêt de 300 000 euros conclu le 9 novembre 2009 comporte l'indication de trois types de garanties : - les cautionnements solidaires de Mme Caroline B..., de M. Arnaud B..., de M. François Y... et de Mme Lucette Y..., chacun dans la limite de 150 000 euros, - la " caution Siagi pour une quotité de 50 % " (sic), - le nantissement du fonds de commerce dont l'acquisition est financée par le prêt. / Les époux Y... font valoir qu'ils ne se seraient pas engagés comme ils l'ont fait, en qualité de cautions solidaires, s'ils avaient été informés par le crédit agricole que la garantie offerte par la Siagi n'était pas un cautionnement comme le leur, mais une simple garantie en risque final, qui ne peut être mise en oeuvre que subsidiairement, une fois exécutée l'obligation des cautions solidaires. / Il est exact que le caractère subsidiaire de l'engagement de la Siagi ne résulte pas des documents contractuels produits aux débats : - le contrat de prêt mentionne la " caution Siagi pour une quotité de 50 % ", sans autre précision, alors même que ce contrat comporte un paragraphe explicatif dédié aux cautionnements solidaires et un paragraphe explicatif dédié au nantissement du fonds de commerce, - l'attestation faite le 1er octobre 2009 par le directeur du crédit agricole précise que " ce financement est accordé aux conditions de taux actualisés au moment de la signature des contrats et sous réserve de l'accord de cautionnement Oséo ou Siagi à hauteur de 50 % et de l'obtention de la caution solidaire des deux co-gérants à hauteur de 50 % dudit financement ", sans davantage de précisions, - l'attestation faite le 9 octobre 2009 par le directeur du crédit agricole indique, au titre des garanties du prêt : " caution Siagi à hauteur de 50 % ", sans davantage d'explications, - la fiche intitulée " Détail des prestations ", qui est signée par MM. Arnaud B... et François Y... en qualité de co-gérants de la Sarl G2M, porte uniquement sur le montant des commissions facturées à l'emprunteur pour le prix de l'octroi de la garantie de la Siagi, mais sans aucune précision sur la nature et l'étendue de cette garantie. / En outre, le document de la Siagi intitulée " conditions générales d'intervention - règlement intérieur " qui aurait dû être annexé au contrat et qui aurait dû être signé par l'emprunteur n'est revêtu d'aucune signature et le contrat de prêt ne fait aucune mention de ce document. Le crédit agricole ne rapporte donc pas la preuve que ce document a bien été remis aux époux Y.... / Le crédit agricole soutient qu'il n'avait pas d'obligation d'information à l'égard des époux Y... sur les modalités de la réalisation de la garantie de la Siagi, car elles sont des cautions averties dans la mesure où M. Y... est consultant auprès de Bnp Paribas Real Estate depuis novembre 2000 et a même été administrateur de la Crcam de Lorraine et dans la mesure où Mme Y... a une formation juridique et est " responsable juridique d'une banque ". Toutefois, il ne résulte pas de ces éléments que les époux Y... avaient nécessairement acquis une expertise en matière de prêts aux entreprises ou d'intervention d'organismes de garantie tels que la Siagi. / Il apparaît ainsi que les seuls documents que le crédit agricole a remis aux époux Y... et leur rédaction pouvaient laisser penser à ces derniers que l'objet de la garantie de la Siagi, en cas de défaillance de la Sarl G2M, était de couvrir 50 % des sommes dues, tandis que leur cautionnement porterait seulement sur l'autre moitié des sommes dues. / Cette erreur commise par les époux Y... sur l'étendue des garanties fournies au créancier ayant déterminé leur consentement constitue une cause de nullité de l'acte de cautionnement qu'ils ont signé le 9 octobre 2009. / Par conséquent, l'action en paiement formée par le crédit agricole contre les époux Y... au titre du prêt de 300 000 euros sera rejetée. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point » (cf., arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
ALORS QUE, de première part, selon les dispositions de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, la cour d'appel n'est saisie que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel des parties ; qu'en retenant, par conséquent, pour débouter la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine de ses demandes en paiement dirigées contre M. et Mme François Y... des sommes de 150 000 euros au titre du prêt d'un montant de 300 000 euros en date du 9 novembre 2009, que l'erreur commise par M. et Mme François Y... sur l'étendue des garanties fournies à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine ayant déterminé leur consentement constituait une cause de nullité de l'acte de cautionnement qu'ils avaient signé le 9 octobre 2009, quand, dans le dispositif de leurs dernières conclusions d'appel, M. et Mme François Y... ne lui avaient demandé de constater la nullité des cautionnements qu'ils avaient souscrits que « pour réticence dolosive au sujet du cautionnement Siagi », et non en raison de l'existence d'une erreur qui aurait vicié leur consentement, et quand, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, elle a statué sur des prétentions dont elle n'était pas saisie, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de deuxième part, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant, par conséquent, pour débouter la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine de ses demandes en paiement dirigées contre M. et Mme François Y... des sommes de 150 000 euros au titre du prêt d'un montant de 300 000 euros en date du 9 novembre 2009, que l'erreur commise par M. et Mme François Y... sur l'étendue des garanties fournies à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine ayant déterminé leur consentement constituait une cause de nullité de l'acte de cautionnement qu'ils avaient signé le 9 octobre 2009, quand M. et Mme François Y... ne lui avaient pas demandé de constater la nullité des cautionnements qu'ils avaient souscrits en raison de l'existence d'une erreur qui aurait vicié leur consentement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de troisième part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en soulevant, d'office, pour débouter la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine de ses demandes en paiement dirigées contre M. et Mme François Y... des sommes de 150 000 euros au titre du prêt d'un montant de 300 000 euros en date du 9 novembre 2009, le moyen tiré de l'existence d'une erreur ayant vicié le consentement de M. et Mme François Y... aux cautionnements garantissant le remboursement du prêt du 9 novembre 2009 qu'ils avaient souscrits, sans inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, de quatrième part, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que dans la mesure où elle est excusable ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour retenir que l'erreur commise par M. et Mme François Y... sur l'étendue des garanties fournies à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine ayant déterminé leur consentement constituait une cause de nullité de l'acte de cautionnement qu'ils avaient signé le 9 octobre 2009 et pour débouter en conséquence la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine de ses demandes en paiement dirigées contre M. et Mme François Y... des sommes de 150 000 euros au titre du prêt d'un montant de 300 000 euros en date du 9 novembre 2009, qu'il ne résultait pas de ce M. François Y... était consultant auprès de la société Bnp Paribas real estate depuis le mois de novembre 2000 et avait même été administrateur de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine et de ce que Mme François Y... avait une formation juridique et était responsable juridique d'une banque que M. et Mme François Y... avaient nécessairement une expertise en matière de prêts aux entreprises ou d'intervention d'organismes de garantie tels que la société Siagi, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine, si, compte tenu notamment des fonctions, des formations et de l'expérience de M. et Mme François Y..., l'erreur qu'ils auraient commise n'était pas inexcusable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ce point infirmatif, attaqué D'AVOIR limité la condamnation de M. et Mme François Y... au profit de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine, au titre de la clause pénale stipulée par le contrat de prêt du 31 mars 2010, à la somme de 500 euros, augmentée des intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QUE « le crédit agricole sollicite en outre, à titre de clause pénale, une indemnité calculée à hauteur de 7 % des impayés. La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette. Les époux Y... soutiennent que ce taux de 7 % est manifestement excessif. Cette exception tirée de l'excès de la clause pénale est inhérente à la dette et n'a rien de personnel au débiteur. Les époux Y... sont donc fondés à se prévaloir de cet excès manifeste qui, en l'occurrence, découle du cumul de l'augmentation du taux d'intérêt contractuel de cinq points avec la réclamation de cette indemnité calculé à un taux de 7 %. / Afin de réduire cet excès manifeste, l'indemnité, réclamée à hauteur de 1 644, 94 euros, sera réduite à 500 euros » (cf., arrêt attaqué, p. 8) ;
ALORS QUE le juge ne peut réduire le montant d'une clause pénale, sans caractériser la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi par le créancier et le montant conventionnellement fixé ; qu'en réduisant, dès, lors, à la somme de 500 euros l'indemnité qu'elle a condamné M. et Mme François Y... à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine, au titre de la clause pénale stipulée par le contrat de prêt du 31 mars 2010, sans caractériser la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Lorraine et le montant conventionnellement fixé, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les époux Y... à payer au CRCAM une somme de 23 587,79 € en principal, et celle de 500 € au titre de la clause pénale, avec intérêts à compter du 25 mai 2012 au taux de 8,69 % l'an sur la première somme et au taux légal pour la seconde somme, dans la limite d'un montant de 37 700 € ;
AUX MOTIFS QUE «sur l'obligation d'information de la banque concernant le cautionnement B... : qu'un établissement de crédit peut fournir à un client qui en formule la demande des renseignements d'ordre général et économique sur la solvabilité d'un autre de ses clients ; qu'en l'espèce, les époux Y... ne justifient, ni même ne soutiennent, avoir demandé au Crédit Agricole des renseignements sur la solvabilité de leurs cofidéjusseurs, les époux B..., avant de se porter cautions solidaires avec eux du prêt de 29 000 euros ; qu'or, le prêteur n'a pas l'obligation de communiquer d'office à une caution la situation financière exacte des cofidéjusseurs que par conséquent, les époux Y... seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour « défaut d'information » imputable au prêteur» ;
ALORS QUE la banque, tenue de contracter de bonne foi, a l'obligation d'informer la caution de la situation irrémédiablement compromise ou lourdement obérée de son cofidéjusseur dès lors qu'elle en a connaissance ; que pour débouter les époux Y... de leur demande en nullité du cautionnement pour manquement de la banque à son obligation de l'informer de la situation de ses cofidéjusseurs, à savoir les époux B..., la cour d'appel a considéré que « le prêteur n'a pas l'obligation de communiquer d'office à une caution la situation financière exacte des cofidéjusseurs » (arrêt, p. 7, dernier alinéa) ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la banque d'informer spontanément les époux Y... de la situation irrémédiablement compromise des époux B..., dès lors qu'elle en avait connaissance, la cour d'appel a violé les articles 1116, dans sa rédaction applicable en la cause, et 2288 du code civil.