SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10922 F
Pourvoi n° Q 16-22.456
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Stéphane Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 21 juin 2016 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Chassere de maintenance industrielle, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Dumont, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Chassere de maintenance industrielle ;
Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR dit le licenciement de M. Y... justifié par une faute grave et d'AVOIR par conséquent débouté le salarié de ses demandes tendant à ce que la SARL SCMI soit condamnée à lui payer les sommes de 17 788 euros à titre d'indemnité de préavis outre 1 778,80 euros au titre des congés payés afférents, 2 637 euros à titre d'indemnité de licenciement et 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement notifiée le 7 mai 2013 à M. Stéphane Y... rappelle qu'un an auparavant, celui-ci avait été alerté de divers fonctionnements sur le plan comportemental et professionnel (comportement totalement inadapté lors d'une altercation avec des collaborateurs du client de la SARL SCM3, lacunes techniques en particulier dans le suivi des opérations), qu'il avait été demandé à M. Stéphane Y... de remédier définitivement à son comportement, que le 12 avril 2013, la société NOVASEP FINORGA chez qui M. Stéphane Y... travaillait avait cependant adressé à la SARL SCMI une lettre recommandée rapportant diverses fautes graves dont elle avait été témoin de la part de celui-ci ; que M. Stéphane Y... s'est vu reprocher : d'avoir maintenu un comportement inadapté voire agressif malgré des consignes du responsable maintenance de la société NOVASEP FINORGA, des lacunes persistantes dans le suivi des opérations, d'avoir à plusieurs reprises réalisé des travaux personnels sans rapport avec la prestation de maintenance du site dans les locaux et pendant les heures de travail (fabrication entre autres d'une barrière personnelle), de ne pas avoir respecté les horaires de travail, d'avoir été souvent en retard sur son lieu de travail, d'utiliser son téléphone portable au sein de l'entreprise la société NOVASEP FINORGA au mépris de la stricte interdiction compte tenu de la réglementation en vigueur dans cette société, un comportement inadmissible de dénigrement à la limite du harcèlement moral envers sa secrétaire, Madame Z..., allant notamment jusqu'à la traiter d'incompétente de façon agressive devant le client, la société NOVASEP FINORGA, qui a été particulièrement choquée par la manière dont il lui parlait, d'avoir mis en péril, par ce comportement grave, la SARL SCMI dès lors que la société NOVASEP FINORGA est l'un de ses plus importants clients ; qu'examinant chacun des griefs ainsi formulés, les premiers juges ont « reconnu qu'il existait des difficultés relationnelles entre M. Stéphane Y... et M. Ludovic A... » considérant qu'il « n'en demeurait pas moins que le comportement et les propos des représentants de la société NOVASEP FINORGA, traduits dans les échanges de mail n'étaient pas de nature à rendre le climat de travail serein » ; que M. Pierre B... atteste que l'importance du différend entre les deux salariés avait pris de telles proportions qu'ils avaient tous deux dû être rappelés à l'ordre. Le témoin précise cependant que M. Stéphane Y... avait transmis à l'assurance qualité des documents contrefaits, qu'il avait maintenu des rapports conflictuels en direct avec les techniciens de la société NOVASEP FINORGA, menacé directement M. A... ; que M. Stéphane Y... a contesté l'allégation de faux formulé à son encontre et la société NOVASEP FINORGA a présenté ses excuses pour la formulation et la diffusion de cette accusation non vérifiée. M. Stéphane Y... a cependant également convenu, dans un mail du 26 juin 2012, d'une erreur non excusable de la part de ses services ; que le faux reproché à l'intimé est insuffisamment démontré et le grief relatif à « des lacunes techniques persistantes » a été justement écarté, en l'absence d'autre signalement que celui relatif à l'incident du mois de juin 2012 précédemment rappelé ; que Madame Z..., secrétaire de M. Stéphane Y..., a d'autre part attesté que ce dernier lui avait, jusqu'au 5 avril 2013, reproché des erreurs à plusieurs reprises, précisant que « le langage et le ton utilisé pour ces reproches était agressif et non constructif, ce qui mettait les autres employés de la SARL SCMI et de la société NOVASEP FINORGA mal à l'aise poux elle, ce qui l'avait conduite à ne pas renouveler son contrat ». Elle précise avoir travaillé avec un autre responsable de la SARL SCMI après avoir formé sa remplaçante, dans une ambiance normale et sereine retrouvée ; qu'aucun élément de nature à corroborer les affirmations du témoin ne sont produits aux débats de sorte que le reproche d'un comportement inadmissible de dénigrement à l'égard de Mme Z... a été à bon droit écarté ; que la lettre de licenciement fait encore état de ce qu'au cours de l'entretien préalable, M. Stéphane Y... a menacé M. René C..., gérant de la SARL SCMI, de divulguer des informations et documents de l'entreprise s'il ne répondait pas favorablement à ses exigences financières le soir même soit le 24 avril avant 18 heures ; qu'aucun élément objectif ne permet de valider le grief ainsi énoncé ; que plusieurs témoins attestent d'autre part que M. Stéphane Y... a clairement contrevenu à l'interdiction d'utiliser des portables dans l'enceinte de l'entreprise de la société NOVASEP FINORGA classée site SEVESO II ; que pour autant, ces manquements quoique caractérisés ne sont pas datés. Etant rappelé qu'aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales, les premiers juges ont justement écarté le grief formulé à ce titre ; que l'employeur a d'autre part fait grief au salarié de ne pas avoir respecté ses horaires de travail et d'avoir été souvent en retard sur son lieu de travail ; que si le contrat de travail de M. Stéphane Y... précise en effet les horaires de ce dernier, aucun élément n'est versé à l'appui du reproche de retards récurrents, lequel ne peut par conséquent être validé ; que M. Ludovic A... a cependant attesté le 26 juin 2013 avoir été menacé à plusieurs reprises par M. Stéphane Y... après des échanges de mail du 8 au 10 avril 2013 dans les termes suivants : « je t'aurais tu n'as pas intérêt à te promener sans ton fusil » ; que si M. Stéphane Y... conteste avoir proféré ces propos, M. Patrice F... confirme l'avoir entendu menacer clairement M. A... dans les termes ainsi et précisément rapportés ; qu'aucun élément sérieux ne permet d'invalider ce témoignage qui démontre la réalité des menaces proférées, de tels propos étant inexcusables même dans un contexte de différend entre salariés ; que le grief relatif aux comportement agressif de M. Stéphane Y... à l'égard du personnel de la société NOVASEP FINORGA sera dès lors considéré comme établi ; que la lettre de licenciement d'autre part fait grief au salarié d'avoir « fait réaliser des travaux personnels sans rapport avec la prestation de maintenance exécutée au profit de la société NOVASEP FINORGA (fabrication entre autres une barrière personnelle...)» ; que M. Stéphane Y... conteste cette allégation soutenant que le grief de « commande passée auprès d'un fournisseur de la SARL SCMI », développé dans les écritures de cette dernière, n'est pas visée par la lettre de licenciement ; qu'il soutient en outre que le procès-verbal d'huissier produit par la SARL SCMI constitue un mode de preuve illicite dès lors que les photographies qui y sont jointes auraient été prises à l'intérieur de sa propriété ; que la SARL SCMI produit aux débats une facture n° 0 118 960 du 31 mars 2013 de son fournisseur la société STTC, relative à une commande mail du 8 mars 2013 intitulée «SY... FINORGA PROJET PLIAGE 1» pour un montant de 712,51 euros hors-taxes ; qu'elle soutient que cette commande ne correspond à aucune prestation facturée par elle et qu'elle a été passée par M. Stéphane Y... pour son compte personnel pour la fabrication d'un escalier et d'une barrière pour son domicile ; que M. Stéphane Y... ne peut prétendre que cet élément correspondrait à un grief non formulé par la lettre de licenciement dès lors qu'il étaye précisément le reproche énoncé à son encontre d'avoir fait réaliser pour son compte des travaux sur son temps de travail et sur les moyens de son employeur ; que M. Stéphane Y... ne produit aucune explication sur le fait que cette commande du 8 mars 2013 a été passée à son propre nom ; que M. Carlo D... d'autre part atteste avoir procédé à la réalisation de travaux d'escalier pour le compte personnel de M. Stéphane Y... sur les années 2010 2011 et 2012, « en grande partie pendant son temps de travail passé sur le site de la société NOVASEP FINORGA » ; que M. Stéphane Y... soutient que les dates portées sur l'attestation ont été complétées par l'employeur. Cette affirmation est insuffisamment étayée ; qu'il invoque l'invraisemblance de ce témoignage, soutenant que le témoin n'aurait pu consacrer l'essentiel de son temps de travail aux travaux litigieux « sans que personne ne s'en rende compte et sans qu'aucune sanction ne soit mise en oeuvre à son encontre » ; que ce scepticisme n'est cependant pas suffisant à contredire l'affirmation dénuée d'ambiguïté du témoin qu'il a travaillé pour le compte personnel de M. Y... pendant son temps de travail et sur le site de la société NOVASEP FINORGA ; qu'un constat d'huissier daté du 23 décembre 2014 établit en outre la présence à l'adresse personnelle de M. Stéphane Y... d'un escalier, de barrières dont la SARL SCMI soutient qu'ils procèdent des travaux précédemment relatés ; que M. Y... invoque l'illicéité des photographies figurant au constat au motif qu'elles auraient été prises à l'intérieur de sa propriété, ce qui ne ressort nullement de l'examen des dites photographies ; que s'il fait d'autre part observer à bon droit que la photographie d'un escalier n'est pas de nature à étayer le grief formulé à son encontre, il se contente, en présence des éléments convergents que constituent l'attestation de M. D..., la facture de la société STTC, et les photographies produites, de procéder par dénégation sans produire le moindre élément contraire. La production pourtant à sa portée de factures ou attestations susceptibles de contredire les affirmations et preuves adverses et d'établir l'origine, le financement et les modalités des travaux litigieux, faisant défaut, le grief sera considéré comme fondé ; que les menaces proférées à l'encontre d'un salarié de la société NOVASEP FINORGA dont il est justifié qu'elle est un client principal de l'appelante et le fait d'avoir exécuté pour son compte personnel une prestation étrangère à la prestation de maintenance à laquelle il était affecté seront jugés, par voie d'infirmation, comme établis, caractérisant la faute grave reprochée à M. Stéphane Y... et justifiant pour ce motif le licenciement de celui-ci ; que M. Stéphane Y... sera par conséquent débouté de ses demandes pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
1°/ ALORS QUE la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur et le salarié n'a rien à démontrer ; que pour dire le licenciement de M. Y... justifié par une faute grave la cour d'appel a retenu que le salarié ne produisait aucun élément de nature à contredire les allégations de l'employeur relatives à la réalisation de travaux pour son compte personnel et à établir l'origine, le financement et les modalités des travaux de l'escalier de son domicile ; que, ce faisant, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié et violé les articles 1315 du code civil et L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant que M. Y... pouvait se voir reprocher une telle faute sans rechercher si les manquements qui lui étaient imputés rendaient impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ ALORS subsidiairement QUE la faute grave s'apprécie in concreto au regard notamment du contexte dans lequel sont survenus les manquements imputés au salarié ; que ne commet pas une faute grave le salarié qui tient des propos menaçants dans un contexte de vives tensions ; qu'en retenant que les propos menaçants que M. Y... aurait proféré à l'encontre de M. A... caractérisait une faute grave sans prendre en compte le contexte dans lequel ces propos litigieux avaient été tenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L.1234-9 du code du travail