SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10919 F
Pourvoi n° M 16-20.567
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Village ambassadeur des terroirs, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 31 mai 2016 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Vincent Y..., domicilié [...] , pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SARL Village ambassadeur des terroirs,
2°/ à M. Pierre Z..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. F... , conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Dumont, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me G... , avocat de la société Village ambassadeur des terroirs ;
Sur le rapport de M. F... , conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Village ambassadeur des terroirs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me G... , avocat aux Conseils, pour la société Village ambassadeur des terroirs.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, D'AVOIR dit le licenciement de M. Z... nul et en conséquence condamné la société Village ambassadeur des terroirs à verser au salarié 8 395 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul, 1 678,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 443,99 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la nullité du licenciement et ses conséquences ; que c'est par une exacte appréciation que les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, considéré que le licenciement de M. Pierre-Gauthier Z... est nul ; Qu'en effet, courant juin 2011, ce dernier a été victime d'un accident du travail sans pour autant avoir été l'objet d'une visite de reprise ; Qu'il s'ensuit que son licenciement est nécessairement intervenu alors que son contrat de travail était encore suspendu ; qu'en l'espèce, pour justifier la gravité de la faute reprochée au salarié, l'employeur produit aux débats des témoignages dont la précision ne permet pas de caractériser la réalité des griefs retenus ; Qu'il s'ensuit qu'en application de l'article L.1226-13 du code du travail, le licenciement de M. Pierre-Gauthier Z... est entaché de nullité ; Que les demandes formées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement doivent donc être accueillies ; Que le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ces points ; Sur les dommages-intérêts alloués à M. Pierre-Gauthier Z... pour licenciement nul ; que salarié victime d'un licenciement nul, qui ne demande pas sa réintégration, a droit, quel que soit son ancienneté et la taille de l'entreprise, à une indemnité au moins égale à six mois de salaire au titre du caractère illicite du licenciement ; Que dans ces conditions, la demande telle que formée par M. Pierre-Gauthier Z... doit être accueillie » ;
AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE « Sur la nullité du licenciement ;
qu'aux termes de l'article L1226-7 du Code du Travail, le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie ; que Monsieur Z... a été victime d'un accident du travail le 27 juillet 2011 et il a réintégré son poste à l'issue de son arrêt de travail le 25 septembre 2011 ; que l'examen par le médecin du travail est obligatoire après une absence d'au moins 8 jours consécutive à un accident du travail (article R4624-21 du Code du Travail version antérieure au 1er juillet 2012) ; que l'employeur étant tenu d'une obligation en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, il ne peut laisser un salarié reprendre le travail après une absence d'au moins 8 jours consécutive à un accident du travail sans le faire bénéficier d'une visite médicale de reprise effectuée par le médecin du travail qu'il lui appartient d'organiser ; que seule cette visite médicale de reprise met fin à la période de suspension du contrat de travail ;
qu' l'article L1226-9 du Code du Travail précise qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ; et que l'article L1226-13 énonce que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L1226-9 et L1226-18 est nulle ; que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (article L1232-1 du code du travail) ; que le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction utiles. Le doute profite au salarié (article L1235-1 du code du travail) ; que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ; que la lettre de licenciement du 24 janvier 2012, qui fixe le cadre du litige, est ainsi motivée : « Suite à votre comportement physique et verbal envers le dirigeant au sein de l'entreprise et devant les salariés, nous nous voyons dans l'obligation de mettre un terme à votre contrat pour faute grave. Dès votre arrivée en retard sur le planning, nous avons constaté que vous êtes arrivé à 9h45 au lieu de 9h30 et vous avez eu un comportement irrespectueux sur les explications données à ce retard qui ne concernait en rien l'entreprise. Nous vous avons demandé de bien vouloir quitter l'entreprise sur le champ compte tenu de la faute grave constatée et vous avez refusé de quitter votre poste prétextant vouloir téléphoner à votre père. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave. » ; que la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur seul ; que la SARL VILLAGE Ambassadeurs des Terroirs verse aux débats un procès-verbal de dépôt de plainte aux services de police du 22 décembre 2011 dans lequel Monsieur A... relate sa version des faits survenus le 21 décembre 2011 en ces termes : « Je prends acte des déclarations que Monsieur Z... a faite dans sa plainte. Je précise tout de suite qu'à aucun moment, je n'ai poussé Monsieur Z... et jamais il n'est tombé au sol. D'autres employés présents lors de mon altercation pourraient témoigner qu'il n'est jamais tombé au sol
Hier, il est arrivé en retard au travail. Vers 10h, je suis allé le voir pour l'informer qu'il était encore une fois en retard et que j'étais obligé de prévoir à son encontre un avertissement supplémentaire
Monsieur Z... s'est énervé, il a cherché à me provoquer avançant sur moi, le torse en avant, pour en arriver à venir au contact et déclarer qu'il allait me démolir. Il m'a alors saisi par la veste et ne connaissant pas ses intentions j'ai fait de même. A ce moment là , trois personnes de mon établissement étaient présents, Madame Josy B..., Marc C... et D... Dominique et la comptable Madame E... Corinne. Vu le comportement de Monsieur Z... je lui ai demandé de quitter l'établissement sur le champ, il a refusé déclarant que pour partir il fallait un papier... » ; que cette version des faits est contredite par Monsieur Z... qui déclare que vers 10H30, Monsieur A... est venu lui reprocher son retard et le menacer d'un avertissement, que Monsieur A... s'est énervé, a refusé qu'il se rende au vestiaire et l'a poussé pour lui interdire l'accès, qu'il est alors tombé sur le sol se blessant à nouveau à la main ; que le Centre Hospitalier d'Armentières a diagnostiqué une contusion de la main droite ; que la SARL VILLAGE Ambassadeurs des Terroirs, sur laquelle repose la charge de la preuve de la réalité des faits articulés dans la lettre de licenciement et de leur sérieux, produit aux débats deux attestations de témoins, celles de D... Dominique et de la comptable Madame E... Corinne ; que pour avoir force probante comme moyen de preuve, l'article 202 du Code de Procédure Civile énonce que l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a personnellement assisté ; que Monsieur D..., cuisinier, atteste en ces termes : « les conditions de travail se déroulent dans un climat harmonieux avec Monsieur A.... Pour avoir travaillé avec Monsieur Z..., je confirme qu'à partir du moment où il a reçu un avertissement pour avoir de l'alcool le matin, son comportement a changé, il est devenu agressif n'ayant plus de respect pour l'entreprise, son seul but étant de faire couler l'entreprise en négligeant toutes les consignes obligatoires et en provoquant en permanence Monsieur A... par des propos et des gestes déplacés. Je confirme qu'il ne s'est pas blessé à la main comme il le dit, en aucun cas il n'y a eu une forme de harcèlement ou de persécution vis à vis de Monsieur Z..., c'est plutôt l'inverse, je tiens à préciser dans cette attestation qu'il est absolument indispensable de rectifier les propos de Monsieur Z.... » ; que force est de constater que l'attestation de Monsieur D... se contente d'évoquer un certain comportement de Monsieur Z... mais qu'elle n'apporte aucun témoignage factuel précis sur l'altercation qui a eu lieu le 21 décembre 2011 au matin entre Monsieur A... et Monsieur Z..., seule cause de la rupture du contrat de travail invoquée dans la lettre de licenciement ; qu'il en est de même de l'attestation de Corinne E... qui est très imprécise sur les circonstances de l'altercation en cause, puisqu'elle indique simplement « lors d'un différent qui a opposé Monsieur Z... à Monsieur A..., Monsieur Z... a été verbalement et physiquement plus qu'incorrect envers Monsieur A... » ; que ce témoignage trop vague de Madame E... ne permet pas de caractériser l'incorrection évoquée et n'apporte donc aucun élément de preuve suffisant sur le « comportement physique et verbal irrespectueux » visé à la lettre de licenciement, contesté par Monsieur Z... ; qu'en conséquence et faisant application des règles de preuve applicables en l'espèce, il convient de déclarer nul le licenciement de Monsieur Z... à défaut pour la SARL VILLAGE Ambassadeurs des Terroirs d'établir la réalité et le sérieux de faute grave invoquée ; que Monsieur Z... ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, l'article L1235-5 du Code du Travail prévoit que les dommages et intérêts s'ordonne sur le préjudice subi dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue en fonction des éléments apportés aux débats ; que Monsieur Z... n'a versé aucun élément sur sa situation personnelle et financière postérieurement à son licenciement ; qu'au regard de son ancienneté et du salaire perçu, il convient de lui allouer une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ; qu'il convient également d'allouer à Monsieur Z... une somme de 1.678,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 167,90 euros de congés payés afférents, ainsi qu'une somme de 443,99 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement » ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que commet une faute grave le salarié manifestant un comportement violent dans le cadre de son contrat de travail ; que les attestations qu'elle avait versées aux débats ayant été jugées trop imprécises par le conseil de prud'hommes, la société Village ambassadeur des terroirs a produit en cause d'appel deux nouvelles attestations de deux salariés témoins des faits reprochés à M. Z..., le premier affirmant avoir « entendu », le 21 décembre 2011, une violente dispute, M. Z... ayant une « attitude menaçante » et tenant « des propos injurieux » et le second attestant avoir été témoin de « l'altercation » du 21 décembre 2011, soulignant avoir assisté à « un échange houleux » et « vu Mr Z... pousser Mr A... avec son torse » ; qu'en se contentant, pour dénier toute valeur probante à ces attestations, d'affirmer que la précision de ces témoignages « ne permet pas de caractériser la réalité des griefs retenus » (arrêt attaqué, page 3), sans préciser les faits relatés par ces attestations ni expliquer en quoi ils manquaient de la précision nécessaire à établir les griefs reprochés au salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.