CIV.3
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10358 F
Pourvoi n° G 17-25.789
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Marcel X...,
2°/ Mme Mireille Y..., épouse X...,
tous deux domiciliés [...] ,
contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2017 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant à Mme Camille Z..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 mai 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme A..., conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme X..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme Z... ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller, l'avis de M. B..., avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure, rejette la demande de M. et Mme X... ; les condamne à payer la somme de 1 500 euros à Mme Z... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a rejeté la demande de Monsieur et Madame X... tendant à enjoindre à Madame Z... de justifier les dispositions qu'elle a prises pour garantir le bon usage et la pérennité d'écoulement des eaux usées et la pérennité des regards préexistants aux travaux, ensemble la demande sollicitant la condamnation de Madame Z... à procéder à l'exécution de tout ouvrage autorisant la visite de la canalisation d'évacuation d'eaux usées et à défaut tendant à voir ordonner la destruction de l'ouvrage au droit du regard ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le tribunal dans des motifs complets et précis a analysé clairement les situations de fait et juridiques, en observant que la stipulation manuscrite de laisser écouler les eaux usées de la maison voisine n'a constitué qu'une simple autorisation pour permettre le raccord au tout-à-l'égout, avec un regard qui ne figure pas sur le plan (au niveau du coude), sans pour autant permettre ni un contrôle permanent ni même un droit de pénétrer sur la propriété débitrice de la servitude, alors qu'il n'est pas démontré que l'accès à ce regard soit un impératif "à son usage, étant précisé que le constat d'huissier (pièce 7 appelants) établit l'existence d'un regard au niveau de l'accès sur la rue manifestement toujours accessible ; que Madame Z..., qui se prévaut de ses pièces 3 et 24, admet l'existence du 2e regard se trouvant actuellement dans le vide sanitaire créé lors des travaux d'extension, en soulignant qu'il est accessible au moyen d'une porte donnant sur vide sanitaire, la situation étant améliorée puisque l'ancien regard était enterré à 1 m de profondeur ; qu'en tout état de cause les époux X... qui prétendent en cause d'appel que la canalisation aurait été bouchée à 4 reprises sans le démontrer, n'établissent pas en quoi l'extension de construction aurait modifié ou rendu incommode l'usage de la servitude ;que d'ailleurs il ne contestent pas l'affirmation de Madame Z... comme quoi ils disposent sur leur propre terrain d'un 3ème regard ; qu'il s'ensuit que la demande tendant à la condamnation de leur voisine à procéder à l'exécution de tout ouvrage leur permettant de visiter la canalisation, et à défaut à la destruction des ouvrages créés aux droits du regard, doit d'autant plus être rejetée que la servitude acceptée par Monsieur C... n'allait pas jusqu'à permettre à leur voisin de pénétrer chez eux à tout moment pour contrôler les regards » (arrêt, p. 3, § 3) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « Il s'agit d'une servitude acquise par convention. Il appartient aux défendeurs de prouver l'usage et l'étendue de leur servitude par titre, comme le prévoient les articles 686 et 691 du code civil. En l'espèce, ils produisent une autorisation manuscrite de M. René C..., ancien propriétaire de l'immeuble de Mme Z..., apposée sur le plan de son fonds qui a été annexé à la minute d'un acte notarié le 26 octobre 1983 (pièce X... n°1). Le document est sommaire et vise une simple autorisation donnée afin que le fonds voisin puisse être raccordé au tout à l'égout qui courait sur le fonds C.... Le plan mentionne deux regards, un de chaque côté de la maison, En revanche, rien n'est précisé quand à une éventuelle autorisation pour les propriétaires du fonds dominant d'accéder et d'user de ces regards qui se situent sur le fonds d'autrui. Or, la servitude étant conventionnelle, cette autorisation est nécessaire, d'autant que la servitude s'exerce par l'écoulement des eaux usées au moyen le biais du tout à l'égout et qu'il n'est pas évident que l'accès sans aucune condition au regard située sur une autre propriété découle nécessairement de l'octroi de cette servitude et en soit un accessoire impératif à son bon usage. Les demandeurs s'appuient sur un constat d'huissier duquel il est difficile de tirer des conclusions dans la mesure où le procès-verbal relate les affirmations des consorts X..., l'huissier n'ayant effectué aucune constatation personnelle pouvant réellement faire foi (pièce X... n°7). Les photographies annexées démontrent qu'il existe deux plaques de béton pouvant être des regards et correspondant aux regards apposés sur le plan précédemment mentionnés. Néanmoins, aucune certitude n'est établie, d'autant que Mme Z..., qui ne conteste pas l'existence de la servitude, fait remarquer, photo à l'appui, que le regard dont se prévalent les demandeurs, n'est pas accessible car enterré. Par ailleurs, les consorts X... ont déclaré à leur huissier que la construction passait au-dessus de leur canalisation. Il n'est nullement mentionné par ces derniers, ou constaté par l'huissier que le regard qui, permettrait l'accès à leur canalisation est inaccessible du fait de la construction. Les consorts X... n'établissent ainsi pas en quoi la construction aurait modifié ou rendu incommode l'usage de la servitude, étant précisé qu'au vu de la nature de la servitude, l'usage principal est l'écoulement de l'eau usée par une canalisation, ce qui est tout à fait possible en l'espèce. En outre, Mme Z... justifie de l'installation de plusieurs regards permettant le cas échéant, l'accès aux canalisations. Pour mémoire, il est intéressant de souligner que les consorts X... ne démontrent aucunement avoir usé du regard pour visiter les canalisations depuis leur installation, soit le 26 octobre 1983 (pièce X... n°1). La question de la perte de cet accessoire de la servitude par non usage trentenaire se pose. Les consorts X... ne démontrent aucunement une atteinte à la servitude rattachée à leur fonds. Ils seront donc déboutés de leur demande relative à la réalisation de travaux permettant la visite des canalisations. » (jugement, p. 3, § 4 et s. et p. 4, § 1 et 2) ;
ALORS QUE, premièrement, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée, réserve faite du cas où l'assignation primitive serait devenue plus onéreuse pour le fonds assujetti ou si elle l'empêchait de faire des réparations avantageuses ; qu'en l'espèce, les juges du second degré ont constaté qu'il existait un regard au niveau du coude, puis que Madame Z... admettait l'existence de ce regard se trouvant désormais dans un vide sanitaire, créé lors de l'extension des travaux, et soulignait qu'il était accessible au moyen d'une porte donnant sur le vide sanitaire et que la situation était améliorée puisque l'ancien regard était enterré à un mètre de profondeur (conclusions de Madame Z... du 16 janvier 2017, p. 5, § 1 et 5) ; qu'en s'abstenant de rechercher si Madame Z..., en tant que propriétaire du fonds servant, n'avait pas changé l'état des lieux ou transporté l'exercice de la servitude en dehors des cas légalement prévus, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 701 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que Monsieur et Madame X... se bornaient à demander que l'état préexistant de la servitude soit pérenne, il était indifférent de savoir s'il y avait droit de pénétrer dans la propriété du fonds servant, ou si l'accès au regard était impératif à l'usage de la servitude, ou si d'autres regards, l'un situé sur la propriété de Monsieur et Madame X..., l'autre à l'entrée de la propriété de Madame Z..., permettaient d'accéder à la canalisation ; qu'en se fondant sur des motifs inopérants comme étant impuissants à conférer au propriétaire du fonds servant le droit de modifier l'état des lieux et de déplacer l'assiette de la servitude, les juges du fond ont violé l'article 701 du code civil ;
ALORS QUE, troisièmement, vainement objecterait-on que les juges du fond auraient légalement justifié leur décision en relevant que la situation était améliorée ; que faute d'avoir recherché, ainsi qu'ils y étaient invités (conclusions de Monsieur et Madame X..., p. 5, in medio), si le nouveau regard créé par Madame Z..., pour n'être pas situé au niveau du coude de la canalisation, là où existe le risque d'obstruction, ne présentait pas une utilité moindre que le regard initial, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 701 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a rejeté les demandes de Monsieur et Madame X... tendant à ce qu'il soit ordonné à Madame Z... de procéder à l'enlèvement des matériaux apposés sur le mur séparatif des propriétés contiguës leur appartenant exclusivement et à la démolition des constructions édifiées sur ledit mur ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Les époux X... soutiennent qu'entre l'ancien garage et leur maison, le mur qui a été surélevé leur appartient en propre et ils invoquent leur acte de propriété au terme duquel les vendeurs ont précisé « que les murs Nord et Ouest dépendant de l'immeuble présentement vendu » leur appartenaient. Ils invoquent l'atteinte à leur droit de propriété. L'intimée soutient que la preuve n'en est pas rapportée, et que la présomption de mitoyenneté doit jouer, en précisant que la surélévation s'est faite sur sa moitié du mur (sans s'y appuyer) dont elle soutient que l'édification a été faite par son grand-père en 1965, en sorte qu'il lui appartient en propre. La cour remarque que la pièce 16 de l'intimée qui correspond à une facture ou à un devis de 1965 ne permet pas de distinguer la construction du mur en question par M. C..., et que le caractère privatif de celui-ci au profit de Madame Z... n'est pas établi. À l'inverse, la cour observe que la mention sur le seul acte des époux X... de ce que le mur ouest (en fait nord-ouest) en jeu ici ferait partie intégrante de leur propriété correspond à une déclaration unilatérale de leurs vendeurs qui ne fait pas preuve à l'encontre des voisins. D'ailleurs la vente précédente à leurs propres vendeurs en date du 8 octobre 1964 ne fait état que des pignons est et ouest, ce qui est différent des murs non intégrés à leur maison. Par ailleurs les photographies, notamment la pièce 9 (intimée) ne permettent pas d'apercevoir un retrait du mur vers la propriété X.... Le cadastre n'est ici d'aucun secours puisque l'absence de marquage de la mitoyenneté n'est pas une preuve d'absence de mitoyenneté. Il est ajouté que les époux X... reconnaissent que la tête du mur incliné de leur côté en 2006 n'a correspondu qu'à une volonté de protéger le sommet du mur des infiltrations d'eau. Madame Z... invoque à raison l'absence d'appui de son extension sur ce mur puisque les photographies qu'elle produit montre que l'extension repose sur des piliers et poutres, c'est-à-dire sur une structure autonome, supportant la nouvelle toiture, sans que l'argumentation adverse relative à une absence de semelle des poteaux soit étayée par des éléments de preuve. Quant aux fissurations alléguées, rien ne vient démontrer leur caractère récent, les 2 "témoins" posés ne pouvant faire preuve à cet égard, puisqu'ils ont été placés non pas sur la partie de mur exhaussée, mais sur l'ancien mur du garage, sans qu'un lien de cause à effet soit démontré par le changement de la toiture de celui-ci, manifestement légère comme le montrent les photos. On doit donc admettre que ce mur est mitoyen. Force est de constater que les constructions additionnelles opérées par Madame Z... ne surplombent que la moitié du mur se trouvant du côté de sa propriété, en sorte que la demande d'enlèvement de matériaux sur ce mur doit être rejetée, d'autant que rien ne vient démontrer un appui des adjonctions de l'intimée sur ce mur » (arrêt, pp. 4-5) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « L'article 653 du code civil home que dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'herbage, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen, s'il n'y a titre ou marque du contraire. Ces dispositions établissent une présomption de mitoyenneté pour certains types de mur, qui s'applique dans le cas présent. Il incombe de ce fait aux consorts X..., qui certifient être propriétaires exclusifs du mur côté Z..., de renverser cette présomption. M.et Mme X... se fondent sur leur acte notarié de propriété, lequel mentionne que les vendeurs déclarent que les murs nord et ouest dépendent de leur immeuble (pièce X... n°1). Cette simple affirmation, même contenue dans un acte notarié, n'a pas la valeur probatoire de l'acte en lui-même et doit être étayée par d'autres éléments probatoires afin de renverser la présomption sus mentionnée. Pour corroborer ces déclarations, les consorts X... soulignent que sur ce mur, se trouve apposé une tête inclinée vers leur propriété. L'article 654 du code civil prévoit effectivement qu'il y a marque de non mitoyenneté lorsque la sommité du mur est droite et à plomb de son parement d'un côté, et présente de l'autre un plan incliné. Néanmoins, cette partie inclinée du mur n'est pas d'origine mais a été apposée de l'initiative des consorts X..., comme cela ressort des pièces adverses, ce que ces derniers ne dénient d'ailleurs pas. Ce rajout a été effectué au cours de l'année 2006 (pièces Z... n°12 et 13). Mme Z... n'a manifestement pas émis d'objection à l'époque alors qu'elle soutient aujourd'hui que le mur lui appartient en propre. La date d'édification du mur n'est pas connue. L'acte le plus ancien produit par les parties date de 6 mars 1964 et porte sur l'acquisition de la propriété par M. C... (actuellement propriété Z...). Cet acte ne contient aucune déclaration s'agissant de l'existence ou de la propriété des murs nord et ouest (pièce Z... n°19). Au contraire l'acte, qui précise en revanche les abornements de la propriété, indique que l'immeuble existe, s'étend et se poursuit sans aucune exception ni réserve. Le vendeur déclarait n'avoir créé ou laisser créé aucune servitude. Il peut se déduire de ce constat que les deux murs n'étaient probablement pas édifiés, D'ailleurs, Mine Z... verse à la procédure une liste de travaux envisagés par M. C... au cours de l'année 1965) prévoyant des travaux de clôture côté rue et à droite de la maison (donc du côté de la propriété des consorts X...) (pièce Z... n'l 6). Plusieurs acomptes ont été versés en règlement de ces travaux, ce qui laisse penser qu'ils ont bien été réalisés (pièce Z... n°22). Un certificat de conformité a été délivré par la mairie le 7 janvier 1966 (pièce Z... n°17). Le mur pourrait donc tout à fait avoir été édifié par M. C... et donc appartenir à sa petite fille, Mme Z..., ce que cette dernière affirme d'ailleurs, sans solliciter que le tribunal se prononce sur ce point. Ces éléments contrebalancent les éléments probatoires avancés par M. et Mme X..., qui ne démontrent ainsi pas que le mur leur appartient en propre. Dès lors, il importe peu que les travaux d'extension effectués par Mme Z... s'appuient contre le mur, qui appartient au moins pour moitié à cette dernière, en application de la présomption de mitoyenneté, l'appui se faisant de son côté et sans débordement du côté de la propriété X.... M. et Mme X... seront donc déboutés de leur demande d'enlèvement des matériaux apposés sur ce mur. » (jugement, pp. 4-5) ;
ALORS QUE, premièrement, l'article 653 du code civil n'exige pas que les titres, dont il appartient aux juges du fait d'interpréter le sens et la portée, soient communs aux deux propriétaires voisins ; qu'en estimant que les mentions de l'acte d'acquisition de Monsieur et Madame X..., puisqu'elles procédaient d'une déclaration unilatérale de l'auteur de ces derniers, ne pouvaient faire preuve à l'encontre des voisins, les juges du fond ont violé l'article 653 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, faute d'avoir recherché, en procédant à un examen groupé des indices et présomptions mises en avant par Monsieur et Madame X..., si les mentions de l'acte d'acquisition de ces derniers, dès lors qu'elles étaient corroborées par les mentions de l'acte d'acquisition de leur auteur et les indications figurant sur le cadastre, n'établissaient pas que le mur litigieux était privatif, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 653 du code civil.