SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme B..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10897 F
Pourvoi n° S 17-14.136
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Thierry X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2017 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Prometal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 mai 2018, où étaient présents : Mme B..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. X..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Prometal ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société et par conséquent de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société à lui verser la somme de 280 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS propres QUE en application des dispositions de l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, le salarié peut solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles ; que lorsque le licenciement intervient postérieurement à l'introduction de la demande de résiliation judiciaire formée par me salarié, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur est ou non justifiée avant de se prononcer sur le bien-fondé du licenciement ; que afin de fonder sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, M. X... met en avant le fait que la nomination de M. Z... a entraîné une modification de son contrat de travail. M. X... affirme qu'il était directeur d'exploitation quand bien même sur les bulletins de salaire étaient mentionnés une fonction de responsable d'exploitation ; que au soutien de son affirmation, M. X... produit des échanges de courriels validant un projet de cartes de visite ou des organigrammes qui le placent à la direction opérationnelle de la société PROMETAL et rapportant directement à M. A.... Il fournit des attestations de plusieurs salariés qui indiquent qu'ils travaillaient sous la direction de M. X.... Il n'est en revanche pas mentionné la fonction de directeur d'exploitation. Néanmoins, l'ensemble des bulletins de paie fournis et la délégation de pouvoirs signée entre M. X... et M. A... mentionnent que M. X... occupe un poste de responsable d'exploitation. À la lecture des pièces versées au dossier, il en découle que M. X... était le salarié hiérarchiquement le plus haut dans la société PROMETAL et qu'il en reportait directement à M. A.... Toutefois, la différence entre la fonction de directeur et celle de responsable d'exploitation, au regard du nombre de salariés dans la structure, n'est que formelle et n'a aucune conséquence sur les réelles fonctions occupées par M. X... ; que il convient en revanche d'examiner les fonctions de M. X... qui ressortent de la délégation de pouvoirs qu'il a signée avec M. A... afin de voir si ces dernières ont été modifiées par la nomination de M. Z.... Cette dernière nomination a en effet créé un échelon intermédiaire entre M. X... et M. A.... Si la création d'un échelon intermédiaire n'entraîne pas en soi un déclassement du salarié, c'est sous réserve qu'il n'ait pas vu ses responsabilités et ses attributions être sensiblement modifiées ; que l'employeur explique que des circonstances difficiles mais temporaires rencontrées par la société eu égard aux exigences de ses clients et aux nombreux courriers envoyés et produits devant la cour faisant état de nombreux retards lui imposaient de pourvoir en urgence au remplacement de M. X... en congé maladie puis en congés payés par M. Z.... Il lui imposait également de maintenir la désignation de ce dernier pour améliorer l'organisation de la société PROMETAL à la suite du retour de M. X... ; que il convient dès lors de comparer la délégation de pouvoirs signée entre M. X... et M. A... signée le 7 juin 2010 et la délégation de pouvoirs entre M. Z... nommé temporairement directeur d'exploitation par M. A... à compter du 1er août 2011 et celle soumise à M. X... mais que ce dernier a refusé de signer ; que l'examen de ces deux délégations de pouvoirs indique que des responsabilités identiques et un périmètre des attributions inchangés pour M. X.... La seule différence est que ce dernier se situe dans la hiérarchie en dessous de M. Z... qui a lui-même signé une délégation de pouvoirs plus étendue avec M. A... ; que afin de prouver que les fonctions qu'il occupait ont été modifiées, M. X... produit trois attestations de salariés de la société PROMETAL indiquant que M. Z... avait remplacé M. X... et qu'ils ne devaient traiter qu'avec ce dernier. Toutefois, ces attestations rédigées en 2015 et 2016, demeurent imprécises en termes de dates, de personnes, de faits et ne permettent pas de caractériser une modification des fonctions ou des attributions de M. X... ; que dans une lettre adressée à la société PROMETAL le 13 septembre 2011, M. X... affirme qu'un certain nombre de prérogatives lui ont été retirées, qu'il n'a plus « aucune autonomie ». Il énonce également dans une lettre du 6 octobre 2011 qu'il a été « mis dans un placard » ; que M. X... produit également des échanges de courriels qui démontrent qu'il est placé sous la responsabilité de M. Z... notamment pour l'organisation de réunions. Il fournit également une note de service qui l'oblige à noter ses déplacements à l'instar des autres salariés de l'entreprise. Toutefois, les différentes pièces produites au débat ne démontrent pas une modification des attributions de M. X... mais l'instauration d'une relation hiérarchique temporaire entre M. X... et M. Z..., ce dernier représentant M. A... dans les locaux de l'entreprise ; que l'instauration d'un échelon intermédiaire dans la société PROMETAL ne caractérise pas une modification du contrat de travail de M. X.... Ce dernier n'apporte pas la preuve de manquements graves pouvant justifier une résiliation judiciaire aux torts de l'employeur. Le jugement sera confirmé sur ce point ;
AUX MOTIFS adoptés QU'en l'espèce, le conseil constate parmi les pièces échangées de manière contradictoire, versées au débat et les faits débattus à la barre entre les parties, que Monsieur X... n'apporte pas la preuve des manquements graves de la société Prometal qui auraient pu justifier la résiliation judiciaire ; que Monsieur Z... a été placé dans une position hiérarchique intermédiaire avec des fonctions différentes de Monsieur X... ce qui ne constitue pas une modification dans l'essence même du contrat qui aurait justifié l'acceptation expresse de Monsieur X... ; que les motifs n'apparaissent pas fondés et qu'il y a lieu de considérer que la résiliation judiciaire ne doit pas être prononcée ;
1° ALORS QUE si la création d'un échelon hiérarchique intermédiaire n'entraîne en soi aucun déclassement du salarié et donc aucune modification de son contrat de travail, c'est à la condition que les fonctions et responsabilités du salarié ne soient pas modifiées ; qu'il incombe aux juges de rechercher si la création de cet échelon hiérarchique n'a pas eu pour conséquence de priver le salarié de ses attributions précédentes ; que tel est bien le cas lorsque le salarié nouvellement embauché se voit octroyer une délégation de pouvoir plus étendue que le salarié se prétendant déclassé ; qu'en affirmant que M. Z... avait signé une délégation de pouvoirs plus étendue avec M. A... sans rechercher si cette délégation ne réduisait pas à néant, de fait, les responsabilités qui étaient celles de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;
2° Et ALORS QUE l'employeur ne peut imposer un changement des conditions de travail dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé, si la nomination d'un salarié mis à disposition par une autre société à un échelon hiérarchique supérieur et le fait de lui confier les mêmes responsabilités que celles confiées à Monsieur X... ne vidaient pas ses attributions de toute réalité et ne révélaient pas la mauvaise foi dont était empreinte la décision de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1224-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et par conséquent de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société condamnée à lui verser la somme de 280 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS propres QUE M. X... a été licencié le 22 novembre 2011. La société PROMETAL lui a reproché depuis l'entrée en fonction de M. Z... d'avoir « adopté une position soit de contestation au travers par exemple de ses courriers des 13 septembre et 6 octobre 2011 soit d'absence d'exécution de ses missions de responsable d'exploitation ». La société cite plusieurs exemples : elle lui reproche de ne pas avoir signé la délégation de pouvoir émanant de M. Z...; d'avoir envoyé un message de contestation adressé à M. Z... sur la centralisation de l'accès internet en mettant en copie plusieurs salariés de la société ; d'avoir tardé à travailler sur la 2ème phase du document unique de prévention des risques professionnels ; de ne pas assumer ses responsabilités en se mettant « dans une position d'attente ou de simple courroie de transmission » ; de n'avoir pas pris en charge l'organisation concrète des plannings ; Sur le refus de signer sa délégation de pouvoirs ; que la société PROMETAL estime que le refus de signer de M. X... la délégation de pouvoirs correspond à un acte d'insubordination. Selon M. X..., ce refus est la manifestation de la contestation de la nomination de M. Z... à son poste de travail. Toutefois, il apparaît que M. X... n'a jamais accepté cette nomination et qu'il s'est opposé clairement aux décisions de réorganisation de sa direction en les remettant plusieurs fois en cause par le biais de courriers et de courriels produits aux débats. Le refus de signer la délégation de pouvoirs apparaît en ce sens abusif. Le grief est donc fondé ; Sur la centralisation de l'accès internet ; que si, dans le cadre de sa liberté d'expression, et sauf abus, un salarié peut adresser des critiques à son employeur, il ne peut pas refuser de se plier à ses directives ni inciter les autres salariés qu'il encadre à en faire autant ; que la société PROMETAL a décidé, à la suite d'abus dans l'utilisation d'internet, de centraliser l'accès internet sur un seul poste de travail. Dans un mail adressé à M. Z... mais également en copie à plusieurs salariés de l'entreprise, M. X... a estimé que cette décision était « n'importe quoi » la qualification « d'abus de pouvoir » ; la fin de son courrier énonçait « je pense pas que c'est comme ça que tu vas gagner la confiance des employés » ; que les propos tenus par écrit par M. X... caractérisent un abus de sa liberté d'expression dès lors qu'il dénigrait une décision de sa hiérarchie en adressant son courriel à plusieurs salariés. Le grief est fondé ; Sur le document unique de prévention ; Que la société PROMETAL reprochait dans sa lettre d'avertissement du 30 août 2011, le manque d'action de M. X... sur la mise en oeuvre de la phase 2 du document unique de prévention. Elle lui intimait l'ordre, dans cette même lettre, de procéder rapidement à son élaboration ; que par ses éléments produits aux débats, il en ressort que le salarié ne s'est préoccupé que partiellement de son élaboration le 28 septembre 2011, soit un moins plus tard, et que M. Z... lui a encore reproché par mail du 27 octobre 2011 le caractère incomplet de ce document. M. X... met en avant l'absence de caractère urgent de ce document depuis 2007 et qu'il lui était difficile d'agir dessus en 2010 en raison de manque de personnel. Toutefois, M. X... ne démontre pas pourquoi il n'a pas avancé sur l'élaboration de ce document en septembre et octobre 2011 alors même que la société PROMETAL lui en avait fait plusieurs fois la demande. Le grief est don fondé ; Sur les diverses demandes non réalisées par M. X... ; Que au vu des pièces produites au débat, il apparaît que M. X... n'a fait qu'après plusieurs relances un compte-rendu que lui demandait M. Z... les 18 et 19 octobre 2011, de ne s'être pas occupé du recrutement du personnel intérimaire les 13 septembre 2011 et de ne pas avoir validé un planning le vendredi 29 septembre 2011. Les différents éléments reprochés témoignent d'un manque de diligence dans l'exécution du travail de M. X... postérieurement à l'avertissement qu'il lui avait été notifié le 30 août 2011. Le grief est donc fondé ; que après examen des différents griefs qui lui sont reprochés, le licenciement de M. X... doit être jugé comme reposant sur une cause réelle et sérieuse.
Et AUX MOTIFS adoptés QUE vu les articles L 1232-6 et suivants du code du travail, le licenciement doit être prononcé pour des motifs réels et sérieux ; qu'en l'espèce, le conseil constate parmi les pièces échangées de manière contradictoire, versées au débat et les faits débattus à la barre entre les parties, que la société apporte la preuve que Monsieur X... n'a pas rempli sa fonction comme elle était en droit de l'attendre et qu'il a commis des actes de dénigrements, allant jusqu'à des actes d'insubordination ou remettant en cause le pouvoir de direction de l'employeur ; qu'en conséquence les motifs apparaissent fondés et qu'il y a lieu de dire et juger qu'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
1° ALORS QUE le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que l'exercice de la liberté d'expression ne peut constituer une faute qu'à la condition d'avoir dégénéré en abus, lequel est caractérisé par la diffamation, l'injure ou bien encore l'excès ; que pour dire que le salarié avait abusé de sa liberté d'expression, la cour d'appel a retenu qu'il avait adressé un mail à Monsieur Z... en mettant en copie plusieurs salariés dans lequel il dénigrait une décision de sa hiérarchie ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser la diffamation, l'injure ou l'excès, la cour d'appel a violé l'article L 1121-1 du code du travail ;
2° Et ALORS QUE la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse d'un licenciement repose sur les deux parties et que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; que le salarié mettait en avant le sous-effectif rendant l'exécution de ses missions ainsi que l'élaboration du document unique difficiles ; que pour retenir la faute, la cour d'appel a considéré que le salarié ne démontrait pas pourquoi il n'avait pas avancé sur l'élaboration de ce document en septembre et octobre 2011 ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait de rechercher, au vu des éléments apportés par chacune des parties, si le manque d'effectifs ne constituait pas un élément de nature à rendre difficile l'élaboration d'un tel document et, dans le doute, de ne pas retenir de faute à l'encontre du salarié, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1 et L 1235-1 du code du travail ;
3°) ALORS enfin QUE dans ses conclusions d'appel, le salarié faisait valoir à plusieurs reprise la situation de sous-effectif de l'entreprise, l'impossibilité pour lui de mener à bien les missions qui lui étaient imparties, et l'absence de faute en découlant ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à établir que l'incapacité à exécuter correctement ses missions ne lui était pas imputable, la cour d'appel n'a pas satisfait à l'obligation de motivation de son arrêt, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.