SOC.
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10909 F
Pourvoi n° S 17-17.839
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Jean-François Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 8 mars 2017 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Alvea, société en nom collectif, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mai 2018, où étaient présents : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Alvea ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de ses demandes au titre du paiement des heures supplémentaires et en dommages et intérêts pour privation de la contrepartie obligatoire en repos et de sa demande tendant à voir la société Alvea condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens et frais d'exécution éventuels et d'AVOIR condamné M. Y... à verser à la société Alvea la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens et frais éventuels d'exécution ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur les heures supplémentaires
Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en matière de preuve des heures supplémentaires, l'employeur doit fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et ce dernier doit apporter les éléments de nature à étayer sa demande.
Ainsi la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties. Cependant il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.
M. Y... soutient qu'il a effectué des heures supplémentaires à hauteur de 541,75 heures sur 2009/2010, 559,25 heures sur 2010/2011 et 541,75 heures sur 2011/2012.
M. Y... produit les bordereaux annuels de décompte des jours de travail qui se présentent sous forme de calendrier, et qui, s'ils justifient des jours travaillés qui se trouvent être supérieurs à la convention de forfait en jours, déclarée nulle, ne permettent pas d'apprécier les heures réellement effectuées, ni l'amplitude réelle des journées de travail.
Il produit des tableaux de synthèse qu'il a élaboré, dans lesquels il répartit les jours travaillés selon ses tâches, exprimées en pourcentage, pour en déduire le nombre d'heures supplémentaires. Ces tableaux ne fournissent aucune information sur les horaires de travail réellement effectués ni sur l'amplitude de ses horaires.
Aucun des éléments produits par M. Y... ne permet d'étayer de manière suffisamment précise sa demande et de vérifier l'existence d'heures supplémentaires et leur nombre, et, par suite, le droit éventuel à un repos compensateur. La SNC Alvea se trouve dès lors dans l'impossibilité d'y répondre en fournissant ses propres éléments relatifs aux horaires effectivement effectués par le salarié.
En conséquence, la demande en paiement d'heures supplémentaires est rejetée, et par conséquent celle relative au repos compensateur.
La décision déférée est donc confirmée.
Sur les autres demandes
L'équité commande de condamner M. Y... à verser à la SNC Alvea la somme de 2.500,00€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens et frais éventuels d'exécution » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « en vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail:« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
Selon la jurisprudence, il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande; l'obligation pour l'employeur de verser des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié n'étant pas subordonnée à la production préalable par celui-ci d'un décompte précis des heures supplémentaires dont il réclame le paiement.
En l'espèce, M. Y... qui a travaillé 220 jours en 2009/2010, 227 jours en 2010/2011, et 220 jours en 2011/2012. prétend avoir effectué 2081,75 heures en 2009/2010, 2148,25 heures en 2010/2011 et à nouveau 2081,75 heures en 2011/2012; soit 541,75 heures supplémentaires en 2009/2010, 559,25 heures supplémentaires en 2010/2011 et à nouveau 541,75 heures supplémentaires en 2011/2012.
Toutefois, du fait de la nature des ses fonctions, de ses responsabilités et son degré d'autonomie, il ne produit aucun décompte journalier des heures de travail qu'il prétend avoir effectuées, aucun emploi du temps, ni même d'agenda, qui permettraient de procéder à une évaluation plus précise de ses heures de travail.
Il verse aux débats des estimations fondées sur des moyennes, des proratisations de ses périodes de travail : 55% à Chancelade, soit en moyenne 10,25 heures de travail par jour les journées passées en déplacement sur site qui représenteraient 30% de ses journées soit 8,75 heures de travail par jour, et celles passées au siège représenteraient 15% de ses journée travaillées,
Cette impossibilité à établir la réalité du nombre de ses heures travaillées est inhérente à la nature de ses fonctions de cadre dirigeant, et pourtant M. Y... expose, parce que les accords passés entre Alvea et les syndicats et l'avenant à son contrat de travail sont devenus de nul effet, qu'il est dès lors soumis au droit commun des 35 heures, applicables aux non cadres, et demande que son employeur lui paie
*2009/2010 : 22858,33 € bruts
*2010/2011 : 24057,60 € bruts
*201112012: 23912,63 € bruts
soit un rappel cumulé de 70 828,55 euros bruts, somme à majorer des congés payés y afférents.
Toutefois, M. Y..., en sa qualité de ‘cadre dirigeant, a bénéficié d'un salaire correspondant à la nature de ses fonctions, et même bien supérieur au minimum conventionnel pour un cadre.
Ainsi, pour 2009-2010, il réclame 22.858,33 euros au titre des heures supplémentaires:
- au titre du minima conventionnel, il aurait perçu 39 607,20 euros
- en 2009-2010, il percevait 55 281,72 euros
- soit un différentiel de 15 674,52 euros
Pour 2010-2011, le requérant demande 24 057,60 euros au titre des heures supplémentaires:
- au titre du minima conventionnel, il aurait perçu 40 476,72 euros
- en 2010-2011, il percevait 56 111,04 euros
- soit un différentiel de 15 634,32 euros
Pour 2011-2012, M. Y... sollicite le paiement de 23 912,63 euros au titre des heures supplémentaires:
- au titre du minima conventionnel, il aurait perçu 41 730,96 euros
- en 2010-2011, il percevait 57 345,60 euros
- soit un différentiel de 15 614,64 euros
Il résulte de ces éléments, que, alors que M. Y... ne peut établir le nombre des heures supplémentaires qu'il a effectuées au-delà des 35 heures hebdomadaires et donc qu'il ne peut fonder les calculs des rémunérations des heures supplémentaires qu'il revendique, il ne prend pas en compte dans ses calculs les salaires qu'il aurait dû percevoir en tant que non cadre dont il revendique le statut, mais se réfère à son salaire de directeur, donc cadre autonome non soumis aux 35 heures.
Il y a lieu de le débouter, dans ces conditions de ses demandes de rappel de rémunération au titre des heures supplémentaires.
- Dommages et intérêts pour repos non accordés
Se fondant sur la jurisprudence selon laquelle le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, M Y... estime avoir réalisé 401,75 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel pour la période 2009/2010; 419,25 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel pour la période 2010/2011 ; et enfin 401,75 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel pour la période 2011/2012 et demande alors la condamnation de la société Alvea à lui verser.
- 12 675,21 € pour la période 200912010
- 13 420,19 € pour la période 2010/2011
- 13 257,75 € pour la période 2011/2012
M. Y... ayant exercé des fonctions de cadre dirigeant pendant ces périodes et perçu une rémunération et des avantages en nature en contrepartie d'un nombre d'heures de travail supérieur à celles d'un non cadre, il n'établit pas que le paiement rétroactif des congés non pris est supérieur à la différence de ses rémunérations par rapport à un salarié soumis aux 35 heures. Il échet de rejeter également cette demande.
Sur l'article 700 du CPC et les dépens :
Aucune partie ne succombant totalement, il convient que chacune conserve ses frais tant répétibles qu'irrépétibles » ;
1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 14), oralement reprises (arrêt p. 3, dernier §), le salarié indiquait que ses journées de travail étaient de trois ordres, i.e. les journées passées à l'agence de Chancelade d'une part, (55% des journées travaillées), celles passées sur les différents sites de deuxième part (30%) et celles passées au siège, en tournée avec les commerciaux ou encore en rendez-vous avec les clients grands comptes, de troisième part (15%), les premières étant organisées selon les horaires suivants, 7h30- 12h30 et 13h30 -18h45 soit 10,25 heures de travail par jour, les deuxièmes selon les horaires 8h30-12h30 et 13H45-18h30 soit 8,75 heures de travail par jour et enfin, pour les troisièmes, 8h-12h et 14h-18 soit 8 heures de travail par jour ; qu'en se bornant à examiner les bordereaux de décompte annuel et autres tableaux de synthèse produits par le salarié, pour en déduire que faute de précision sur les horaires de travail réellement effectués par le salarié ou sur l'amplitude de ses horaires, ils ne permettaient pas d'étayer sa demande d'heures supplémentaires, sans s'expliquer sur les horaires précis figurant dans le corps des conclusions du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°) ALORS subsidiairement QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que lorsque le salarié dispose d'une large autonomie dans l'organisation de son temps de travail, l'évaluation de sa charge de travail annuelle comptabilisée par catégorie d'activités en nombre d'heures de travail constitue un élément suffisamment précis pour étayer la demande et permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Y... produisait, au soutien de sa demande d'heures supplémentaires, les bordereaux annuels de décompte des jours de travail présentés sous forme de calendrier justifiant des jours travaillés supérieurs à la convention de forfait en jours annualisée outre des tableaux de synthèse répartissant les jours travaillés selon les tâches du salarié exprimées en pourcentage ; que pour juger ces éléments insuffisants à étayer la demande d'heures supplémentaires du salarié, la cour d'appel a estimé qu'ils ne permettaient pas d'apprécier les heures réellement effectuées, ni l'amplitude réelle de ses journées de travail et a reproché, par motifs adoptés, au salarié de ne pas être mesure, du fait de la nature de ses fonctions, de ses responsabilités et de son degré d'autonomie, de produire aucun décompte journalier des heures de travail qu'il prétendait avoir effectuées, aucun emploi du temps, ni agenda permettant de procéder à une évaluation plus précise de ses heures de travail, cette impossibilité d'établir la réalité du nombre de ses heures travaillées étant inhérente à la nature de ses fonctions ; qu'en statuant ainsi, lorsque peu important les fonctions et l'autonomie du salarié, il ressortait de ses constatations que le salarié avait produit des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des horaires effectués sur le seul salarié, a violé l'articleL. 3171-4 du code du travail ;
3°) ALORS QUE le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents, bien qu'elle ait annulé la convention de forfait contenue dans son contrat de travail, la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, qu'ayant bénéficié d'un salaire correspondant à la nature de ses fonctions et même bien supérieur au minimum conventionnel pour un cadre, soit un différentiel de 15 674,52 euros pour 2009-2010, 15 634,32 euros pour 2010-2011 et 15 614,64 euros pour 2011-2012 le salarié ne pouvait se référer à son salaire de directeur, donc cadre autonome non soumis aux 35 heures, mais il devait prendre en compte dans ses calculs les salaires qu'il aurait dû percevoir en tant que non cadre dont il revendiquait le statut ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-22 dans sa rédaction applicable au litige et L. 3171-4 du code du travail.