CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10449 F
Pourvoi n° Q 17-21.264
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [...] , ayant un établissement ZUP de la Rode, [...] ,
contre l'arrêt rendu le 26 avril 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (14e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Potentialis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] 07 SP,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Potentialis ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur et la condamne à payer à la société Potentialis la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du contrôle et du redressement ayant fait l'objet de la lettre d'observations du 11 octobre 2013 et d'avoir prononcé la nullité de la contrainte du 29 janvier 2014 décernée par l'urssaf PACA suite à la mise en demeure notifiée le 23 décembre 2013 à la société Potentialis ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la cour rappelle qu'en application des articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, l'employeur est tenu de présenter aux agents de l'urssaf les documents nécessaires à l'exercice du contrôle et que ces documents, qui lui appartiennent, doivent être consultés sur place, sauf à en dresser inventaire avec décharge donnée par l'employeur si l'agent contrôleur demande à les emporter. Il ressort du dossier que, dès sa lettre du 12 novembre 2013, la société Potentialis a reproché à l'inspecteur d'avoir emporté sans y avoir été autorisé par le représentant légal dde l'entreprise des photocopies de documents comptables (bulletins de salaires et relevés d'heures de présence des salariés) que la secrétaire, qui n'est pas habilitée à représenter la société, n'avait pas retrouvés après son passage (attestation de Mme Z...), et que, dans sa réponse du 29 novembre 2013, l'agent de l'urssaf n'a pas contesté avoir emporté ces documents sans aucune autorisation et sans inventaire préalable avant d'établir sa lettre d'observations. La cour tient cet élément de fait pour établi. Par ailleurs, le dossier révèle que les pièces emportées n'ont pas été visées dans un bordereau de pièces émargé par le dirigeant de l'entreprise et n'ont pas fait l'objet d'un débat contradictoire avec lui : les relevés d'heure ne figurent pas dans la liste des documents consultés où ils sont pourtant. Cette irrégularité qui prive le représentant légal de la société d'un débat contradictoire et porte atteinte aux droits de la société, doit être sanctionnée par la nullité du contrôle et du redressement qui a suivi » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société expose que l'urssaf n'a pas respecté le principe du contradictoire ; au soutien de cette prétention, la société invoque le fait que, lors de ses interventions dans les locaux de l'entreprise, le contrôleur a procédé à l'examen de divers documents sociaux (livre et fiches de paie, DADS et tableaux récapitulatifs annuels, états justificatifs des aides et allègements liés à la réduction du temps de travail) et obtenu communication, auprès d'un membre du personnel administratif présent, de diverses fiches de présence de salariés et documents comptables qu'il a emportés aux fins d'examen hors la présence du représentant légal de la société et sans son autorisation. Elle se prévaut de l'attestation régulière de Mme Martine Z..., secrétaire, non habilitée à représenter légalement la société envers les tiers, en date du 2 décembre 2013 qui précise : « Je soussignée Z... Martine atteste, lors du contrôle urssaf, avoir mis à la disposition de l'inspecteur, Mme A..., les dossiers des agents dont a extrait des bulletins de salaires ainsi que des relevés d'heures pris aux archives dont elle a fait photocopies. Ces photocopies ne m'ont pas été restituées à l'issue du contrôle et ne les ai pas retrouvées lors du rangement du bureau qui lui avait été alloué ». Elle fait valoir que, dans sa réponse à la lettre d'observations du 12 novembre 2013, elle a soulevé ce point en ces termes : « Pour parvenir à cette conclusion, vous avez (
) obtenu communication, auprès d'un membre du personnel administratif présent, de diverses fiches de présence de salariés et documents comptables, que vous avez emportés aux fins d'examen ». Elle tire pour conséquence le fait que ces documents obtenus et emportés hors des locaux de l'entreprise pur être analysés, n'ont pas été visés dans un bordereau de pièces émargé par le dirigeant, et n'ont en conséquence pas pu faire l'objet d'un débat contradictoire avec ce dernier et dès lors demande de prononcer la nullité du contrôle et des redressements dont a fait l'objet la société Potentialis, et par voie de conséquence, la nullité de la contrainte du 29 janvier 2014, signifiée le 3 février 2014. L'urssaf conteste le fait que l'inspecteur ait emporté des pièces originales et elle estime que le contradictoire a été respecté en l'état de la lettre d'observation, des réponses de la société et de celles de l'inspecteur. L'inspecteur n'a pas répondu au grief tiré de l'emport de documents, qui se révèlent être des photocopies selon l'attestation d'une salariée non habilitée pour remettre des documents et il n'a pas fait mention de ces documents photocopiés dans sa lettre d'observation. Si, en vertu de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, les employeurs sont « tenus de présenter » aux agents de contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 dénommés inspecteurs du recouvrement tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle, cette « présentation » doit avoir lieu dans les locaux de l'entreprise et l'inspecteur ne peut emporter les documents à consulter, y compris en photocopies, sans qu'un inventaire soit dressé et qu'une décharge en soit donnée par l'employeur qui en est propriétaire, sauf sans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. Cette irrégularité qui porte atteinte aux droits de la société doit être sanctionnée par la nullité du contrôle et du redressement subséquent qui en a été la conséquence » ;
1°) ALORS QUE si l'inspecteur en charge du contrôle ne peut emporter les documents originaux de la comptabilité de l'entreprise contrôlée sans l'accord préalable de l'employeur, rien ne s'oppose à ce qu'il en prenne photocopie au vu et au su de l'employeur afin de les étudier dans les locaux de l'urssaf ; qu'en l'espèce la cour d'appel a tenu pour établi le fait que l'inspecteur de l'urssaf avait emporté les photocopies des documents qu'il avait consultés sur place et qui lui avaient été remis par une secrétaire de l'entreprise chargée de répondre aux questions de l'inspecteur ; qu'en considérant que cette prise de photocopies sans accord préalable et écrit de l'employeur contrôlé constituait une violation du contradictoire, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QUE le juge doit lui-même respecter le principe du contradictoire et inviter les parties à s'expliquer sur les moyens qu'il relève d'office ; qu'en l'espèce la société Potentialis n'a aucunement soutenu dans ses conclusions d'appel qu'elle aurait été empêchée lors de la procédure de contrôle de s'expliquer sur les documents dont l'inspecteur de l'urssaf avait prétendument emporté la photocopie ; qu'en affirmant que la société Potentialis n'avait pu contradictoirement débattre avec l'urssaf du sens et de la portée des documents photocopiés et emportés par l'inspecteur, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS subsidiairement QUE l'emport irrégulier de documents ne peut justifier l'annulation de la procédure que s'il est certain que le redressement a été décidé sur le fondement desdits documents et non des seules constatations opérées sur place par analyse des documents mis à disposition ; qu'en l'espèce, s'agissant du chef de redressement « Assiette minimum des cotisations : Majorations pour heures supplémentaires », seul chef concerné par l'emport des documents litigieux, la société Potentialis admettait que, lors de ses visites dans les locaux de l'entreprise, l'urssaf avait, d'une part et principalement, procédé sur place à l'examen de divers documents sociaux (livres et fiches de paie, DADS, et tableaux récapitulatifs annuels, états justificatifs des aides et allègements liés à la réduction du temps de travail), d'autre part et accessoirement, obtenu communication, auprès d'un membre du personnel administratif présent, de diverses fiches de présence de salariés et documents comptables emportés aux fins d'examen ; que, de fait, dans sa lettre d'observations (p. 7), l'urssaf exposait que « l'examen des documents sociaux [documents consultés sur place] fait apparaître que toutes les heures supplémentaires sont majorées à 25% », ce dont il résultait que le chef de redressement avait été décidé sur la base des seuls documents consultés sur place et non de ceux prétendument saisis ; que cette lettre précisait encore que « les assiettes de régularisation sont déterminées sur la base des extractions de la paye produites par la société », la liste des documents consultés mentionnant précisément « livres et fiches de paie » ; qu'en décidant cependant d'annuler la procédure de contrôle et le redressement subséquent, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ; ;
4°) ALORS en tout état de cause QUE l'emport irrégulier de documents n'entraîne la nullité du contrôle et du redressement subséquent que du seul chef de redressement concerné ; qu'en l'espèce, la société Potentialis, dès sa lettre du 12 novembre 2013, admettait que l'emport reproché à l'urssaf ne concernait que le chef de redressement « Assiette minimum des cotisations : Majorations pour heures supplémentaires », soit un seul des treize chefs de redressements retenus, pour un montant de 36 349 euros sur un total de 377 828 euros ; qu'en prononçant la nullité de l'entier contrôle et, partant, de l'entier redressement pris en l'ensemble de ses chefs, y compris ceux n'étant pas concernés par l'incident, sans constater que les douze autres chefs de redressements avaient pu être décidés en fonction des documents emportés, la cour d'appel a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale.