CIV. 2
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10464 F
Pourvoi n° J 17-21.190
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Jean-Marie Y..., domicilié [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Constructeurs du Sud,
contre l'arrêt rendu le 10 mai 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (14e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), dont le siège est [...] , venant aux droits de l'URSSAF de Toulon,
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Ortscheidt, avocat de M. Y..., ès qualités, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé la contrainte du 11 octobre 20012 délivré par l'Urssaf à la SARL Les Constructeurs du Sud pour les années 2011 et 2012 pour la somme de (423.456 euros + 75.026 euros = 498.482 euros), au titre des cotisations et contributions, somme augmentée des majorations de retard de la même période soit la somme de (55896 + 9052 = 64 948 euros) et fixé la créance de l'Urssaf sur la SARL Les Constructeurs du Sud à la somme de 563.430 euros ;
AUX MOTIFS QUE sur la nullité de la procédure, la cour constate que la lettre d'observation du 19 avril 2012 est signée par les deux inspecteurs de l'Urssaf ayant procédé aux opérations de contrôle et qu'il n'y a donc pas motif à annulation ; que concernant la mise en demeure du 4 septembre 2012, la cour constate qu'elle présente, de la manière suivante, le motif de la mise en recouvrement : « contrôle-chefs de redressement notifiés le 19 avril 2012 - art. R. 243-59 du code de la sécurité sociale », puis : « nature des cotisations : régime général » ; que la contrainte du 11 octobre 2012 mentionne : « mise en demeure du 4 septembre 2012 - contrôle-chefs de redressement précédemment communiqués - art. R.243 » ; que les périodes concernées et les sommes dues sont clairement indiquées dans les deux documents ; que la contrainte est signée par M. A..., directeur de l'Urssaf, dont la délégation de signature a été fournie par l'Urssaf ; que ce document est daté du 16 juin 2011 et rien ne permet de douter que M. A... était encore en poste le 11 octobre 2012, la procédure pénale le concernant étant postérieure (novembre 2015 : voir article de presse versé aux débats) ; que la mise en demeure et la contrainte sont motivées, et, se référant à la lettre d'observation du 19 avril 2012 permettent à la société contrôlée de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations ; que ces deux documents, examinés séparément l'un de l'autre, n'encourent aucune annulation ; que les demandes tendant à faire annuler la procédure de redressement sont rejetées ; qu'à la demande de l'appelant, l'Urssaf a justifié avoir déclaré sa créance à la date du 11 août 2014 ; que le jugement de liquidation judiciaire est daté du 14 novembre 2013 ; la juridiction sociale n'a pas compétence pour apprécier si la déclaration de créance est recevable ; que la demande de sursis à statuer que présente l'appelant, mandataire liquidateur de la société, n'est pas justifiée ; que le tribunal était fondé à « rejeter ces demandes » ;
1°) ALORS QUE la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ; qu'en l'espèce, la lettre de mise en demeure du 4 septembre 2012 se bornait à indiquer « Contrôle – chefs de redressement notifiés le 19 avril 2012 – art. R. 243-59 du code de sécurité sociale » puis « nature des cotisations : régime général », de sorte qu'elle ne permettait pas à la personne contrôlée d'avoir une connaissance parfaite de la nature, de la cause et de l'entendue de son obligation ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 244-2, R. 244-1 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable ;
2°) ALORS QUE la mise en demeure doit être signée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que la mise en demeure du 4 septembre 2012 était signée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige ;
3°) ALORS QUE la contrainte délivrée à la suite d'une mise en demeure restée sans effet doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, elle doit mentionner de façon précise, à peine de nullité, la nature des cotisations réclamées, leur montant, la période à laquelle elles se rapportent, ainsi que la cause du redressement ; que la contrainte du 1er octobre 2012 décernée par l'Urssaf indiquait seulement « Motif : contrôle , chefs de redressements précédemment communiqués article R. 243 » ; qu'en se bornant à affirmer que la contrainte était motivée, sans constater qu'y étaient également mentionnées la nature des cotisations réclamées et la cause du redressement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 244-2, R. 244-1 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors applicable ;
4°) ALORS QUE lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que la contrainte doit donc être signée par le directeur de l'Urssaf et que le directeur par intérim de l'Urssaf doit justifier qu'au moment de la délivrance de la contrainte il était bénéficiaire d'une délégation de signature ou qu'il était en poste en intérim ; qu'en affirmant que la contrainte était régulière, motif pris de ce que rien ne permettait de douter que M. A... était encore en poste le 11 octobre 2012, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l'article L. 8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés ; qu'en jugeant que la mise en demeure et la contrainte étaient motivées et qu'elles n'encourraient aucune annulation sans avoir constaté, comme il lui était demandé, si le procès-verbal pour travail dissimulé avait été communiqué à la société Les Constructeurs du Sud, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable ;
6°) ALORS QUE le délai de déclaration fixé en application de l'article L. 622-26 est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ; qu'en l'espèce, l'exposant soutenait que le jugement du tribunal de commerce de Nice ayant prononcé l'ouverture d'une liquidation judiciaire de la société les constructeurs du Sud avait été publié au Bodacc sous la référence n°20130230 le 30 novembre 2013, de sorte que l'Urssaf avait deux mois à compter de cette date pour déclarer sa créance et qu'en ayant déclaré celle-ci le 11 août 2014, cette déclaration était tardive et donc irrecevable ; qu'en refusant de constater l'absence de déclaration de créance valable et en jugeant que la demande de sursis à statuer n'était pas justifiée, après avoir constaté que le jugement de liquidation judiciaire était daté du 14 novembre 2013 et la déclaration de créance du 11 août 2014, la cour d'appel a violé l'article R. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé la contrainte du 11 octobre 20012 délivré par l'Urssaf à la SARL Les Constructeurs du Sud pour les années 2011 et 2012 pour la somme de (423.456 euros + 75.026 euros = 498.482 euros), au titre des cotisations et contributions, somme augmentée des majorations de retard de la même période soit la somme de (55896 + 9052 = 64 948 euros) et fixé la créance de l'Urssaf sur la SARL Les Constructeurs du Sud à la somme de 563.430 euros ;
AUX MOTIFS QUE sur le redressement proprement dit ; qu'il résulte de la lettre d'observations que, lors du contrôle sur un chantier situé [...] , le 21 février 2012 à 10h30, les agents de l'Urssaf accompagnés par des policiers de Cannes ont constaté la présence de deux ouvriers occupés à des travaux de maçonnerie, tous deux déclarant être nés en Bulgarie (MM. B... et Salim) ; que le gérant de la société Les Constructeurs du Sud, M. C..., a déclaré qu'il s'agissait de deux salariés d'une société bulgare, (sté BUL-FA) dont il était le gérant et que ces salariés étaient détachés auprès de la société Les Constructeurs du Sud ; que vérification faite après ce contrôle, les agents de l'Urssaf ont constaté qu'aucune déclaration préalable à l'embauche n'avait été faite pour cette société qui était immatriculée depuis le 10 janvier 2011 ; que les service de police de Cannes auraient dressé une procédure pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié après avoir découvert que 24 personnes étaient logées dans un hôtel à Villeneuve Loubet et auraient déclaré travailler pour M. C... depuis des durées allant d'un mois à trois ans, pour un salaire de 100 euros net par jour, sans contrat de travail et sans bulletins de salaires ; que la DIRRECTE n'aurait reçu aucune demande de détachement pour des salariés bulgares concernant les deux société impliquées ; que mention des résultats de cette enquête de police a été portée dans la lettre d'observations ; que l'appelant rappelle que la société Les Constructeurs du Sud actuellement en liquidation judiciaire, a été créée le 10 janvier 2011, et il fait valoir que le procès-verbal des services de police ne lui a jamais été communiqué, pas plus que le rapport de contrôle de l'Urssaf ; qu'il a fait valoir que la procédure ne respectait pas le principe du contradictoire et il a contesté tant les éléments relevés par les services de police que les sommes retenues dans le redressement, notamment en ce qu'il avait couvert une période antérieure à la date de création de la société ; que l'Urssaf a contesté ces arguments ; qu'il convient de rappeler que les procès-verbaux de l'Urssaf font foi jusqu'à preuve du contraire et que la règle du secret de l'enquête pénale lui interdisait de communiquer le procès-verbal des services de police tant que l'enquête était en cours (article 11 du code de procédure pénale) ; que la cour constate que les agents de l'Urssaf ont résumé le procès-verbal de police duquel il résulte que 24 personnes ont été entendues dans l'hôtel où elles étaient hébergées, qu'elles ont déclaré travailler pour M. C..., et que le gérant et le comptable de la société ont bien été entendus puisqu'il y est indiqué qu'ils n'ont pas été en mesure de fournir les certificats de détachement : il ne pouvait donc s'agir que des documents concernant ces 24 personnes interpellées dans leur hôtel à Villeneuve Loubet ; que l'appelant critique, par ailleurs l'absence de communication de l'enquête pénale, mais ne remet pas en cause formellement l'existence de 24 ouvriers ayant travaillé pour la société ; que concernant le montant du forfait calculé par l'Urssaf, la cour constate que l'appelant n'a pas contesté le fait qu'il a été réalisé à partir des déclarations des ouvriers devant les services de police (100 euros net par jour) et non dans le respect des dispositions de l'article R. 242-5 du code de la sécurité sociale ; qu'au surplus, il admet que les deux ouvriers contrôlés le 21 février 2012 par l'Urssaf étaient en situation irrégulière puisqu'il ajoute qu'une régularisation était en cours ; qu'or, tout employeur établi hors de France détachant des salariés en France doit transmettre, avant le début de son intervention, une déclaration préalable de détachement à l'inspection du travail dont dépend le lieu de sa prestation et désigner un représentant en France ; qu'il est soumis au respect des dispositions du droit du travail français applicables en France ; que de l'aveu même de l'appelant, la procédure de détachement n'était donc pas engagée au jour du contrôle, ce qu'a confirmé la DIRRECTE interrogée par les services de police ; que l'absence de communication de la réponse de cet organisme est donc sans incidence au regard du principe du contradictoire ; que néanmoins, l'appelant a exactement rappelé que la société Les Constructeurs du Sud n'avait été immatriculée que le 10 janvier 2011 et qu'étant seule concernée par le redressement, l'Urssaf ne pouvait pas procéder au redressement pour les années 2009 et 2010 ; qu'il prétend que le gérant n'est entré en fonction qu'en octobre 2011 et qu'il n'est pas responsable de la période antérieure, mais cet argument est inopérant puisque le redressement concerne la société ; que la synthèse de ces éléments de fait permet de dire que l'appelant n'est pas fondé à remettre en cause l'existence de 24 ouvriers travaillant pour la société sans aucune déclaration préalable à l'embauche et alors que la procédure du détachement des ouvriers étrangers n'avait pas été mise en oeuvre (articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du code du travail ), ni à contester le calcul du forfait sur 24 personnes au tarif de 100 euros net par jour ; que toutefois, l'appelant est fondé à faire valoir que ce calcul ne pouvait être fait que sur la période du 10 janvier 2011 au 21 février 2012, soit 12 mois et 11 jours ; que l'appelant n'a pas contesté subsidiairement le montant du redressement calculé pour 2012 sur une base de 126. 651 euros, qui correspondrait à 1 mois et 21 jours calendaires ; que la cour valide donc le redressement pour 2011 soit 423.456 euros et pour 2012 soit 75.026 euros, soit le total de 498.482 euros, augmenté des majorations de retard soit, d'après la contrainte, la somme de (55.896 + 9.0527) 64.948 euros ; que la cour infirme partiellement le jugement sur ce point et ramène la créance de l'Urssaf à la seule somme de (498.482 + 64.948 =) 563.430 euros ;
1°) ALORS QUE le principe de l'égalité des armes doit offrir à chaque partie à un procès une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que le droit à une procédure équitable impose notamment à l'Urssaf de communiquer à l'employeur le rapport de police sur la base duquel elle a établi son redressement ainsi que son propre rapport de contrôle ; qu'en validant la contrainte de l'Urssaf pour les années 2011 et 2012, sans avoir constaté que le rapport de contrôle de l'Urssaf ainsi que le rapport de police avaient été transmis à Maître Y..., la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité des armes et a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui même le principe de la contradiction ; que dans ses conclusions d'appel, Maître Y... faisait valoir que le procès-verbal de police ne lui avait pas été communiqué, pas plus que le rapport de contrôle de l'Urssaf, que la mise en demeure et la contrainte ne comportaient pas suffisamment d'éléments pour déterminer les motifs du redressement, que face à l'absence de tout justificatif valable susceptible de justifier de l'ampleur du contrôle et du redressement, la société les Constructeurs du Sud était dans l'impossibilité de se défendre dans un dossier qui ne comportait aucune pièce et ne faisait état que de deux salariés en cours de régularisation et déclarés et que la procédure ne respectait pas le principe du contradictoire ; qu'en se bornant à affirmer que la règle du secret de l'enquête pénale interdisait à l'Urssaf de communiquer le procès-verbal des services de police tant que l'enquête pénale était en cours, sans avoir recherché si le rapport de contrôle avait bien été communiqué à l'exposant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 16 du code de procédure civile.