CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10457 F
Pourvoi n° C 17-20.632
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Peugeot Citroën automobiles, société anonyme, dont le siège est [...] , ayant un établissement zone industrielle B1, [...] , [...] , venant aux droits de la Société française de mécanique,
contre l'arrêt rendu le 28 avril 2017 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Karim Y..., domicilié [...] ,
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. PRÉTOT, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Cadiot, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Peugeot Citroën automobiles, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Peugeot Citroën automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Peugeot Citroën automobiles et la condamne à payer à M. Y... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, à chacun, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Peugeot Citroën automobiles
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle inscrite dont est atteint M. Y... est la conséquence de la faute inexcusable de la société Peugeot Citroën Automobiles, d'AVOIR fixé au maximum légal la majoration de la rente, d'AVOIR dit que cette majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'IPP qui lui est reconnu, d'AVOIR ordonné une expertise confiée au Dr A..., pneumologue, pour la détermination des préjudices subis, d'AVOIR alloué à M. Y... une provision de 2.500 €, d'AVOIR déclaré opposable à la société Peugeot Citroën Automobiles la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et d'AVOIR condamné la société Peugeot Citroën Automobiles à payer respectivement à M. Y... et à la CPAM les sommes de 1.200 € et de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en application des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, cette conscience étant appréciée in abstracto, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute ainsi définie ait été la cause déterminante de la maladie ; qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée ; que lorsque la maladie est due à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire ; que dès lors que la présomption de faute inexcusable ne peut pas jouer, il appartient au salarié en application des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 du code du travail de rapporter la preuve qu'il a été exposé à des aérosols d'huile de coupe contaminée par des bactéries alors qu'il travaillait au sein de la société appelante et dans des conditions constitutives de la faute inexcusable telle que définie ci-dessus ; que la société Peugeot Citroën Automobiles oppose seulement au salarié le fait qu'elle n'avait pas conscience du danger et qu'elle a pris les mesures nécessaires pour le préserver du risque, sans lui contester le caractère professionnel de sa maladie ; qu'il résulte du contrat de mission temporaire et du contrat de travail de Karim Y... qu'il était affecté au département D ; que son relevé de carrière montre qu'il a travaillé à l'usinage des culasses jusqu'au 22 octobre 2006 puis du 1er avril 2007 au 25 mai 2008, qu'entre le 23 octobre 2006 et le 31 mars 2007 il a été affecté à l'assemblage culasses et, du 26 mai 2008 au 17 mai 2009, à la section technique ligne flexible L3 et L7 ; que selon l'attestation de François X... produite par l'employeur, Karim Y... a travaillé entre les années 2001 et 2009 au bâtiment D sur les lignes culasses n° 3 et n° 7 et au centre de gestion des outils ; qu'il résulte des propres explications de la société sur l'usinage des culasses à laquelle Karim Y... a plus particulièrement travaillé que les pièces métalliques sont lubrifiées par un liquide de coupe composé notamment d'un concentré d'huile de coupe naturellement sujet au développement de bactéries ; que la société indique que les projections d'huile de coupe à l'intérieur des machines dans lesquelles s'effectuent les opérations de lubrification sont « pour l'essentiel » aspirées directement par les systèmes d'aspiration autonomes et que le liquide de coupe circule dans un circuit fermé entre les machines destinées à l'usinage des pièces et les cuves dans lesquelles l'huile est filtrée pour être réutilisée ; que la reconnaissance par l'employeur du fait que les projections d'huile de coupe ne sont pas intégralement aspirées par les systèmes d'aspiration des machines, les photographies produites et les attestations de Frédéric B..., Frédéric C..., Patrick D... et Charles D... démontrent que les machines et les caniveaux n'étaient pas étanches et qu'il y avait continuellement un brouillard provoqué par les fluides de coupe dans les ateliers d'usinage ; que par ailleurs, il résulte des analyses effectuées au sein du bâtiment D par le laboratoire Quaker entre janvier 2004 et juillet 2007 que l'huile de coupe présentait de façon récurrente une population bactérienne élevée ; qu'en outre selon les rapports de la société Houghton International, les prélèvements effectués au sein du bâtiment D aux fins de détection de la bactérie Mycobacterium immunogenum se sont révélés positifs les 25 février 2008, 13 mai 2008 et 9 juin 2008 ; que Charles D... indique qu'il était chargé d'intervenir sur la composition des fluides de coupe qui alimentaient les machines des lignes d'usinages flexibles des culasses 3 et 7 et qu'il faisait de nombreux ajouts d'agents chimiques tels que des biocides pour tenter de lutter contre les bactéries et les champignons ; qu'il est donc établi que Karim Y... a été exposé à des aérosols d'huile de coupe contaminée par des bactéries ; que la reconnaissance officielle du risque lié à la contamination par des micro-organismes aéroportés, notamment des bactéries, dans les ateliers pollués par des aérosols d'huile de coupe contaminée est intervenue par le décret du 11 février 2003 créant le tableau n° 66 bis des maladies professionnelles relatif à la bronchoalvéolite aiguë ou subaiguë avec syndrome respiratoire ; que de ce fait, tout entrepreneur avisé était dès cette date informé ou aurait dû être informé de la dangerosité de l'huile de coupe et tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans son usage ; que par ailleurs, la société Peugeot Citroën Automobiles fait valoir qu'elle a mis en oeuvre les mesures de surveillance et de neutralisation des mycobactéries nécessaires à la protection des salariés, ce qui implique qu'elle avait conscience du danger ; que de plus, il résulte d'un courrier du médecin du travail du 21 mai 2008 que l'entreprise avait eu à déplorer plusieurs cas de pneumopathies d'hypersensibilité sur la ligne 3 usinage flexible de l'atelier sur laquelle travaillait Karim Y... ; que l'employeur ne pouvait d'autant moins ignorer le risque auquel était exposé ce salarié qu'il a été destinataire à plusieurs reprises d'avis du médecin du travail comportant des réserves d'aptitude le concernant ; qu'ainsi, le médecin du travail a indiqué le 21 mai 2008 qu'une affection médicale en cours contre indiquait l'exposition au risque d'usinage et que Karim Y... pouvait reprendre sur une fonction exempte de contact avec des irritants pulmonaires pendant un mois ; que le médecin du travail a préconisé le 16 avril 2009 d'exclure toute exposition de Karim Y... aux irritants/allergisants poumon en indiquant le 21 avril 2009 que l'état de santé de Karim Y... était incompatible avec une exposition à des brouillards d'huile ainsi qu'à des contacts cutanés répétés avec l'huile ; qu'il appartenait donc à l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver Karim Y... du risque ; qu'en application de l'article R. 4222-10 du code du travail, dans les locaux à pollution spécifique, les concentrations moyennes en poussières alvéolaires de l'atmosphère inhalée par un travailleur, évaluées sur une période de huit heures, ne doivent pas dépasser 5 milligrammes par mètre cube d'air ; que la valeur limite moyenne d'exposition recommandée par l'INRS pour les brouillards d'huile s'élève à 0,5 milligramme/m3 ; que les mesures ponctuelles d'évaluation de la qualité de l'air des lieux de travail effectuées en mai 2006, juillet 2007 et octobre 2008 ont montré plusieurs dépassements de la valeur limite recommandée par l'INRS ; que le département D n'était pas épargné puisque les quelques prélèvements effectués ont révélé des valeurs de 0,90 et 0,52 au niveau de la galerie technique entre D 11 et D 12 et au niveau de la ligne 3 OP 330 en mai 2006 et que la valeur 2,13 a été retrouvée au niveau de l'arbre à cames OP 170/3 du secteur usinage en juillet 2007 ; qu'aucune mesure n'a été réalisée au niveau de la machine OP 390 sur laquelle Karim Y... a plus particulièrement travaillé selon les attestations de Frédéric B... et Patrick D... ; que selon les articles R. 4222-12 et R. 4222-13 du code du travail, des installations de captage des émissions des substances dangereuses pour la santé doivent être réalisées au fur et à mesure de leur production, au plus près de leur source d'émission et aussi efficacement que possible ; que des installations de ventilation doivent être réalisées pour les polluants résiduels ; qu'il résulte du procès-verbal de réunion du CHSCT du 28 novembre 2005 qu'il a été constaté lors de la visite des lignes flexibles culasses du bâtiment D, outre le manque d'étanchéité des machines provoquant un mauvais état du sol, le non-fonctionnement des extracteurs en toiture ; que la CFDT a fait part à la société le 14 février 2006 d'un problème d'odeurs dans le secteur des culasses D4 et dénoncé le fait que la seule mesure de remédiation proposée consistait à laisser les fenêtres ouvertes ; que la CFTC s'est insurgée contre le fait que le responsable de la ligne 3 (D4) ait fait travailler le personnel avec des masques les 13 et 14 novembre 2007 pour ne «pas perdre une miette de la production », beaucoup de salariés ayant ressenti des irritations au niveau de la gorge, des piqûres aux yeux, des mauvaises odeurs et ayant du mal à respirer ; que Frédéric B... témoigne que les extracteurs étaient régulièrement en panne ou bien à l'arrêt par oubli de mise en service ; que Patrick D... précise qu'il existait des systèmes de mise hors service automatique des équipements lorsque la qualité de l'air dépassait certains seuils et que lorsque ces systèmes d'alerte se déclenchaient trop souvent, empêchant alors la production, les chefs les désactivaient pour pouvoir produire ; qu'il ressort des pièces produites que la société a pu traiter avec retard des problèmes de contamination ; qu'ainsi, en mars 2007, le syndicat FO indiquait que des salariés de la ligne 7 de l'usinage l'avaient interpellé suite à des problèmes cutanés et d'irritations, que les responsables n'avaient pas immédiatement réagi et qu'il avait fallu attendre plusieurs jours pour que d'autres responsables prennent le problème en compte, admettent que « le bain était pollué » et fassent procéder au remplacement du bain et au nettoyage de l'installation ; qu'il résulte des annotations du médecin du travail dans le dossier médical de Karim Y... qu'il y a eu un problème de contamination de la ligne 3 le 10 avril 2008 mais dépisté le 15 avril 2008 et traité le 15 avril ; qu'il résulte du procès-verbal de réunion du CHSCT du 2 avril 2009 et des explications de l'employeur qu'au mois de mars 2009, une attaque de bactéries a été traitée avec un léger retard parce que la personne destinataire de l'alerte se trouvait en formation à cette date ; qu'il apparaît ainsi qu'aucune mesure n'avait été prévue pour remplacer la personne normalement destinataire de l'alerte pendant son absence ; qu'il n'est pas établi que pendant cette période Karim Y... était occupé au secteur habillage moteur, sa fiche de poste ne mentionnant son affectation au secteur habillage qu'à compter du 18 mai 2009 ; qu'enfin, il n'est pas établi que l'affectation de Karim Y... à la section technique ligne flexible L3 L7 du département D du 26 mai 2008 au 17 mai 2009 répondait aux préconisations du médecin du travail alors que la confrontation des différents plans de l'entreprise produits par l'employeur montre que la ligne flexible ligne 3 et 7 se trouve bien dans le secteur de l'usinage du bâtiment D, que la fiche de sécurité au poste montre que la ligne CGO culasses se trouve à l'atelier D usinage et que le médecin du travail a relevé dans le dossier médical de Karim Y... la proximité du centre du CGO vilebrequins assemblage et de l'usinage ; qu'au regard de ces éléments et notamment des défaillances de la société dans les procédures de captage des substances dangereuses et de décontamination, l'employeur qui ne pouvait ignorer les risques liés à l'utilisation des huiles de coupe et qui n'a pas pris l'ensemble des mesures nécessaires pour en protéger Karim Y..., a commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société avait commis une faute inexcusable ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. II suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur puisse être engagée alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire que le travail habituel soit la cause unique ou essentielle de la maladie. Le terme d'habitude renvoie non pas à la durée, mais à la fréquence, à l'exclusion des notions de permanence et d'occasion. Il convient d'interpréter le terme « habituel » au sens d'une certaine régularité et d'une certaine durée dans l'exposition au risque. Il incombe au salarié de rapporter la preuve de ce que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. 1- Sur les conditions de travail de Monsieur Karim Y... et son exposition au risque : La SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE est une entreprise spécialisée dans la production de moteurs destinés à l'industrie automobile. Dans le cadre de ces activités de production, il n'est pas contesté que la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE a recours à des liquides de coupe utilisés lors des opérations de contrôle, d'usinage, et d'assemblage des pièces destinées à la fabrication de différents types de moteurs (EP, DV, TU, EB, D). Ces liquides de coupe composés d'eau industrielle et de concentré d'huiles de coupe solubles, sont projetés sur les pièces afin de réduire les frottements, évacuer les copeaux et abaisser la température des machines-outils et des pièces. Jusqu'à son licenciement pour inaptitude physique le 12 Juin 2012, Monsieur Karim Y... a occupé plusieurs postes au sein de la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE :
[tableau]
La SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE conteste toute exposition de Monsieur Karim Y... à un risque découlant d'une surexposition à ces liquides de coupe ou d'une exposition à la contamination bactérienne de ces liquides. Elle indique qu'au sein de ses ateliers, l'exposition directe aux liquides de coupe est inexistante car ces derniers circulent exclusivement en circuit fermé, que les pièces sont usinées automatiquement dans des machines (dénommées « URANE ») et qu'un système d'aspiration approprié garantit l'évacuation des brouillards d'huile de coupe avant la mise en contact avec les opérateurs. En l'espèce, l'argumentation de la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE est infirmée par de nombreux éléments versés aux débats. Les analyses de la qualité de l'air effectuées par un cabinet spécialisé au sein des différents bâtiments de l'entreprise font apparaître des dépassements réguliers de la valeur moyenne recommandée d'exposition aux brouillards d'huile de coupe, fixée à 0,50 mg/m3
[tableau]
Ces mesures renforcent la crédibilité des constatations empiriques de plusieurs salariés du département D ayant exercé avec Monsieur Karim Y... au sein du bâtiment 3 de l'entreprise. Monsieur Frédéric C..., ouvrier au sein du département D jusqu'en 2004, indique : « je croisais régulièrement Monsieur Karim Y... dans l'atelier ou en salle repas. Il se plaignait souvent des douleurs ORL il toussait beaucoup et avait des lésions au mains, comme d'autres personnes d'ailleurs. Je l'ai vu cracher du sang. Nous alertions nos responsables respectifs. Rien ne bougeait. J'atteste qu'il y avait continuellement un brouillard dans les ateliers d'usinage provoqué par les fluides de coupe notamment des lignes flexibles culasses 3 e et 7 et que l'odeur était irritante. Les responsables nous disaient qu'il n'y avait aucun danger pour la santé. (...) » Monsieur Frédéric B..., ouvrier au sein du même département et ancien membre du CHSCT fournit une description similaire : « il y avait régulièrement des brouillards dans l'atelier causés par ces fluides de coupes et que cela occasionnait des problèmes ORL sur de nombreux opérateurs dont Monsieur Karim Y... (. . .) que j'ai vu présenter à plusieurs reprises des lésions cutanées aux mains et avant-bras, se plaindre régulièrement de problèmes ORL, notamment de maux de gorge, tousser beaucoup et cracher du sang et des expectorations purulentes ». Ces éléments permettent d'établir que les salariés du département D étaient exposés régulièrement à des brouillards émanant de l'utilisation des liquides de coupe. Or il n'est pas contesté que ces brouillards de liquide de coupe sont sujets à des contaminations bactériennes qui constituent un risque pour la santé. La SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE a ainsi relevé dans ses écritures que « les liquides de coupe sont naturellement sujets au développement de possibles contaminations bactériennes et fongiques », et précise même que les odeurs irritantes constituent des « repères olfactifs » de prolifération bactérienne. Le procès-verbal d'une réunion extraordinaire en date du 2 avril 2009 du Comité d'hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail fait ainsi état d'une importante attaque bactérienne survenue le 19 mars 2009 au sein du bâtiment 6 sur le bain de la centrale D17, en ligne 7. Cette attaque bactérienne signalée le 19 mars 2009 n'a été traitée que le 26 mars 2009 et le relevé d'infirmerie des accidents du travail du 27 mars 2009 révèle que six personnes ont ensuite souffert de gêne respiratoire et de troubles ORL. Cet incident n'est pas contesté par la défenderesse qui indique dans ses écritures qu'« à l'exception de cet incident notable, l'entreprise n'a eu à déplorer aucun autre incident » et que « l'ensemble des contrôles réalisés ces dernières années s'est révélé conforme aux obligations réglementaires ». Pourtant le demandeur verse aux débats plusieurs documents qui font état d'autres incidents de contamination : - le dossier médical de Monsieur Karim Y... rempli le 28 avril 2008 par le médecin du travail révélant un « problème de contamination de la ligne 3 le 10/04 mais dépisté le 15/4 et traité le 15/4. Nettoyage de la ligne ce week-end » ; - un courrier de la CFDT adressé le 14 février 2006 aux membres CHSCT, sollicitant une réunion extraordinaire sur la qualité de l'air compte tenu de « mauvaises odeurs dans le secteur des culasses D4 » ; - un courrier de la CFTC adressé le 4 décembre 2007 aux membres du CHSCT réclamant des explications sur un incident de contamination du 13 et 14 novembre 2007 en produisant le compte-rendu de l'intervention des représentants syndicaux CFDT lors d'une réunion du Comité d'Entreprise du 30 novembre 2007 : « montage ligne 3 (04) : afin de ne pas perdre une miette de la production le 13/11/07 et le 14/11/07 jusqu'à 20 heures, le responsable de cette chaîne s'est permis de faire travailler le personnel avec des masques. Irritation au niveau de la gorge, brûlures à l'estomac, piqûres aux yeux, mauvaises odeurs. Il est demandé une sanction et exigé qu'une prise de sang soit effectuée pour l'ensemble du personnel car beaucoup de salariés ont aujourd'hui du mal à respirer » ; - un tract du syndicat FO daté du mois de mars 2009 faisant état d'un incident de contamination du bain au secteur d'usinage D4 de la ligne 7 « samedi dernier » ; Le caractère répété des incidents de contamination bactérienne des huiles de coupe au sein du bâtiment 6 est également confirmé par plusieurs analyses chimiques fournies à la demande de l'entreprise : - le 23 mars 2007, le Dr Gabriel E..., ingénieur hospitalier au service de parasitologie et de mycologie du CHU de Besançon a transmis au Dr Brigitte F..., médecin du travail coordinateur du service Santé au Travail de l'entreprise, un rapport d'analyse révélant la présence de la bactérie mycobacterium immunogenum dans des prélèvements d'huile de coupe effectués au mois de novembre 2006 sur les lignes 3 et 7 où Monsieur Karim Y... était alors affecté :
[tableau]
- En 2004 et 2006, le fabricant d'huile de coupe QUAKER, alors fournisseur de l'entreprise, a également transmis des rapports d'analyse sur la présence bactérienne dans les huiles de coupe, faisant état de « concentrations élevées » quasiment continues sur les lignes D13, D14 et D18 - et un peu moins régulières sur la ligne D19 - entre le 5 janvier 2004 et le 16 décembre 2006 au sein du bâtiment 6 auquel était alors affecté Monsieur Karim Y.... - En 2008, le fabricant d'huile de coupe HOUGHTON, devenu fournisseur de l'entreprise, a également détecté la présence répétée de la bactérie mycobacterium immunogenum dans les huiles de coupe de la centre D13 du bâtiment 6 où Monsieur Karim Y... était alors affecté :
[tableau]
Dès lors, il convient de constater au vu des différents éléments versés aux débats que Monsieur Karim Y... a bien été exposé de façon habituelle à des brouillards d'huiles de coupe contaminées par la microbactérie mycobacterium immunogenum, lors de ses différents postes occupés dans le bâtiment 6 au sein de la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE ; 2 - Sur la conscience du danger Il convient de rappeler que la conscience du danger n'exige pas la connaissance effective de la situation créée mais la conscience que l'employeur devait ou aurait dû avoir raisonnablement du danger, laquelle s'apprécie en fonction de l'expérience et des connaissances techniques de son auteur, de son importance, de son organisation et de la nature de son activité. En l'espèce, la société FRANCAISE DE MECANIQUE ne conteste pas qu'elle employait Monsieur Karim Y... depuis environ 2 ans lorsque la loi du 21 novembre 2003 a ajouté au tableau des maladies professionnelles, les pneumopathies d'hyper sensibilité provoquées notamment par des travaux en milieu contaminé par des micro-organismes aéroportés (bactéries, moisissures, algues...). En outre, compte tenu de la taille, de l'organisation et de la spécialisation de son activité, qui implique l'emploi massif d'huiles de coupe aux fins d'usinage des pièces fabriquées, l'usine de la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE, dotée d'un comité d'entreprise et d'un Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, et d'un service Santé au Travail sur site ne pouvait raisonnablement ignorer le danger lié à l'exposition habituelle des salariés à des huiles de coupe contaminées. Enfin, le demandeur verse aux débats des éléments qui établissent que les membres du CHST, du Comité d'entreprise, et du service Santé au Travail avaient été directement alertés sur les risques liés à l'exposition à des huiles de coupes contaminées par des microbactéries. En effet, Monsieur Karim Y... produit un document du CHSCT intitulé « Pas de Question Sans Réponse sur la qualité de l'air des lignes flexibles culasses de juillet 2006 à juin 2007 » contenant des comptes-rendus d'échanges en comité d'entreprise au sujet de ce risque : - lors du comité d'entreprise du 27 avril 2007 : « au cours de l'année 2005, dans le secteur d'usinage du département D, nous avons eu à déplorer quelques cas d'hypersensibilité pulmonaire recensés à ce jour » (...) « les recherches plus approfondies d'un laboratoire extérieur, le laboratoire de mycologie du Centre Hospitalier Régional de Besançon (...) ont permis d'identifier la mycobactérie responsable de ces maladies ». - lors du comité d'entreprise du 29 juin 2007 : « 9 salariés du D ont présenté de 2004 à 2006 des pathologies en rapport avec une exposition aux fluides de coupe par une microbactérie. Parmi eux, 6 ont fait l'objet d'un reclassement professionnel, 2 salariés au D ont bénéficié d'une reconnaissance en MP 66 bis Pneumopathie par hypersensibilisation aux fluides de coupe. » Le rapport technique du service Santé au Travail de l'année 2008 indique d'ailleurs en p. 11 au chapitre 3.2 que 1.758 salariés constituent un « effectif soumis à un risque de maladie professionnelle » du type pneumopathie d'hypersensibilité. Par ailleurs, le Service Santé au Travail de l'entreprise était coordonné par le Dr Brigitte F..., un médecin du travail qui semble s'être particulièrement investi au sein de la communauté scientifique dans l'évaluation du risque de déclenchement de « pneumopathie d'hypersensibilité » par les salariés de l'industrie. En effet, le demandeur produit différents documents relatifs à des interventions publiques sur ce sujet dispensés par le Dr Brigitte F... en sa qualité de médecin du travail. Le 8 juin 2007, au cours d'un colloque médical, le Dr F... a ainsi participé à une intervention collective intitulée "dix cas groupés de pneumopathies d'hypersensibilité liées à l'exposition des huiles de coupe contaminées par mycobacterium immunogenum ». Cette intervention a donné lieu à la présentation d'un diaporama, produit par le demandeur qui, outre la synthèse de la littérature médicale produite entre 1993 et 2005 sur les « pneumopathies d'hypersensibilité des mécaniciens », fait état d'un étude médicale menée sur « 10 cas de PHS liés à une exposition aux fluides de coupe, d'une même entreprise (secteur automobile), diagnostiqués au CHU de Lille entre 2001 et 2005 » et qui précise qu'au sein de cette entreprise « la bactérie mycobacterium immunogenum était présente dans plus de la moitié des huiles usagées » prélevées. Le contenu de cette présentation confirme que le Dr F... était parfaitement informée du risque sanitaire que représentait la contamination bactérienne des huiles de coupe. Au mois d'août 2010, le Dr Brigitte F... a d'ailleurs co-signé un article anglophone paru dans une revue médicale européenne, au sujet des pneumopathies d'hypersensibilité et de l'exposition aux huiles de coupe contaminées par les microbactéries, qui référence 39 publications médicales sur cette problématique et qui fait état d'une étude médicale menée sur des situations très similaires à celle des salariés de la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE. En effet, les auteurs de cet article font état du cas de 13 salariés d'une entreprise mécanique implantée dans les environs de Lille qui ont été exposés de façon chronique à des huiles de coupe durant une période d'exposition moyenne de 9 années. Les auteurs précisent que parmi ces 13 salariés, 12 d'entre eux travaillaient sur des lignes d'assemblage en manipulant des pièces recouvertes d'huile de coupe semi-synthétiques. Les auteurs indiquent que ces 13 salariés sont atteints de PHS et ont été pris en charge par le CHU de LILLE entre les mois de janvier 2004 et septembre 2007. Si le caractère restreint de la publicité de ces travaux scientifiques est incontestable, le degré d'implication du Dr F... dans leur réalisation permet d'en déduire que le, médecin coordinateur du Service Santé au travail de la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE avait un accès certain aux connaissances scientifiques accessibles à l'époque de l'exposition de Monsieur Karim Y.... La SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE pouvait donc avoir conscience du danger de l'exposition de ses salariés à des huiles de coupe contaminées. Au-delà de la conscience du danger général pour ses salariés, la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE disposait également d'éléments d'informations relatifs au danger spécifique auquel Monsieur Karim Y... était exposé dans le cadre de ses différents postes au sein de l'entreprise. En effet, dès les premières années de sa carrière au sein de la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE, Monsieur Karim Y... a été régulièrement suivi par les médecins du Service Santé au Travail qui ont inscrit dans son dossier médical les éléments suivants :
[tableau]
L'ensemble de ces éléments permet non seulement d'attester du suivi par la médecine du travail de l'entreprise de problèmes de santé du salarié mais également du lien établi avec l'exposition à des brouillards d'huile de coupe. Le Dr F... a même été destinataire d'un courrier daté du 22 juin 2009 émanant du Dr G..., pneumologue au CHRU de Lille qui indiquait au sujet de M. Y... : « la symptomatologie s'aggrave avec la diminution de la rapidité d'amélioration lors des intervalles libres en dehors du travail. Elle est clairement liée aux heures de travail et le patient est malheureusement toujours en contact avec les produits incriminés. (...) au total, patient présentant une pneumopathie d'hypersensibilité (poumons de mécaniciens) avec une symptomatologie aggravée dans le lieu de travail et pour laquelle une amélioration ne pourrait survenir qu'avec un changement de poste du patient ; l'éviction du contact au mycobacterium immunogenum est nécessaire pour éviter toute destruction parenchymateuse ou évolution vers une pathologie interstitielle chronique et irréversible » ; Le Dr F... était donc parfaitement informée tant de l'exposition de Monsieur Karim Y... à la microbactérie mycobaterium immunogenum au sein de l'entreprise SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE que du lien établi par le corps médical entre cette microbactérie et la pathologie dite « poumon du mécanicien » déclenchée par le salarié. Or, la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE ne peut se limiter à considérer que seul le Service Santé au Travail était en mesure d'avoir conscience d'un danger pour la santé de ses salariés. En effet, la mission d'un service Santé au Travail consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des travailleurs. Pour ce faire, les médecins du travail au sein des services Santé au travail ont un rôle de conseil mais également de coordination avec les employeurs. La SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE ne saurait pas d'avantage se prévaloir du secret médical pour expliquer qu'elle n'était pas en mesure d'avoir conscience d'un quelconque danger pour Monsieur Karim Y.... En effet, si le secret médical faisait obstacle à la transmission directe à l'employeur par les médecins du travail des données collectées sur l'état de santé de Monsieur Karim Y..., le service de Santé au Travail gardait la possibilité d'alerter l'employeur sur l'existence du « risque usinage » qu'elle avait identifié ; Les médecins du travail ont d'ailleurs rempli des fiches d'aptitude de poste de Monsieur Karim Y... en révélant des informations non couvertes par le secret médical faisant clairement état d'un « risque usinage » et d'un lien entre la santé et l'exposition aux huiles de coupe :
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Enfin, il ressort d'un échange de courriers versé aux débats que le Dr F... a été informée au mois de décembre 2012 du risque que constituait spécifiquement pour Monsieur Karim Y... une exposition à des quantités même minimes de micro bactéries ; Dans un courrier du 1er décembre 2012, le Dr F... interrogeait en ces termes le Dr G..., pneumologue du CHRU de LILLE : « Vous allez voir ce jour Monsieur Karim Y... qui pose le problème d'une toux spasmodique irritative dès qu'il entre dans son atelier alors même qu'il est considéré sans irritants respiratoires. Il y a sans doute quelques effluves venant de l'usinage mais sans conséquences sur d'autres salariés asthmatiques. Qu'en pensez-vous ? » Le Dr G..., lui a répondu le 7 décembre 2012 : « je pense personnellement que le lien entre la symptomatologie et le lieu de travail est très suggestif (même après réaffectation). Il suffit parfois d'une charge antigénique très faible pour être à l'origine des réactions d'hypersensibilité. Je pense qu'on ne devrait pas courir de risque puisque contrairement à l'asthme, la PH peut mener à une destruction tissulaire à moyen et long terme (...) » Le danger grave que constituait l'exposition à des huiles de coupe contaminée par la microbactérie mycrobacterium immunogenum pour la santé des salariés et spécifiquement celle de Monsieur Karim Y... était donc parfaitement identifié. Dès lors, compte tenu de la taille et de la spécialisation de l'entreprise et au vu de l'ensemble des éléments recueillis par l'intermédiaire des membres de son CHST, de son Comité d'Entreprise, de son service SANTE au TRAVAIL, la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE disposait d'éléments d'informations suffisants lui permettant d'avoir conscience du danger auquel elle exposait ses salariés et spécifiquement Monsieur Karim Y.... 3 - Sur l'existence de protections efficaces - Sur l'existence de systèmes de protections collectives efficaces La SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE indique que les opérateurs ne sont pas exposés directement aux projections d'huile de coupe qui s'effectuent à l'intérieur des machines « Urane » et qui pour l'essentiel sont aspirées directement par les systèmes d'aspiration et de captation appropriés. Elle ajoute que des systèmes de ventilation assurent un renouvellement de l'air ambiant 2,5 fois par heure. Elle indique qu'une ou deux fois par an, en fonction des nécessités (suivant le type d'usinage des centrales/cuves), les cuves, les machines et les canalisations sont nettoyées pour limiter le développement des contaminations bactériennes. En outre, elle précise que l'entreprise surveille les éventuelles contaminations bactériennes et fongiques de ses huiles de coupe et qu'en cas d'alerte, elle déclenche une procédure de neutralisation des bactéries. En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats que les systèmes d'aspiration des huiles de coupe n'empêchent pas des projections importantes dans l'environnement de travail des salariés. Le compte-rendu de la visite du CHSCT au sein du département D effectuée le 12 septembre 2011 révèle un « sol gras avec de nombreuses tâches d'huile, bac de rétention plein d'huile avec débordement aux sol », et « beaucoup de remarques sont de l'ordre du 5S, rangement et nettoyage. Un gros travail reste à faire ». Les différentes photographies produites par les parties confirment la présence de nombreuses traces de projection d'huile de coupe dans l'environnement de travail des salariés ; S'agissant des systèmes de ventilation, plusieurs salariés ayant exercé avec Monsieur Karim Y... au sein des ateliers du département D rapportent l'existence de défaillances régulières : - Monsieur Frédéric B... indique que « le circuit de récupération des liquides de coupe utilisés n'était pas étanche » que « les extracteurs étaient régulièrement en panne ou à l'arrêt par oubli de mise en service » ; - Monsieur Patrick D..., qui déclare avoir travaillé au sein des ateliers d'usinage mais également de la galerie technique pour traiter les liquides de coupe, indique : « il existait des systèmes de mise hors service automatique des équipements lorsque la qualité de l'air dépassait certains seuils et lorsque ces systèmes se déclenchaient trop souvent, empêchant alors la production, les chefs désactivaient ces systèmes d'alerte pour pouvoir produire » ; - Monsieur Charles D..., qui déclare avoir travaillé au sein des ateliers du département D (bâtiment 6) entre 1995 et 2007, sur les lignes de culasses n° 3 et 7 et avoir fait l'objet d'une prise en charge d'une maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, atteste qu'« il y avait dans les ateliers en permanence un brouillard d'huile (fluide de coupe) et que les caniveaux dans lesquels les fluides de coupe circulent à haut débit ne sont absolument pas étanches ». Enfin, il ressort du procès-verbal d'une réunion du CHSCT du 25 avril 2012 que le Dr F..., interrogée par des représentants syndicaux, a indiqué que la formulation des liquides de coupe avait été modifiée pour limiter le développement des micro-bactéries mais que « des personnes étaient toujours exposées aux microbactéries ». L'efficacité des mesures de protection collective mises en oeuvre par la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE ne saurait donc être considérée comme suffisante. Dès lors il ressort de ce qui précède que Monsieur Karim Y... rapporte la preuve qui lui incombe de l'insuffisance des moyens de protection collectifs mis en place afin de préserver les salariés des microbactéries aéroportées dans les brouillards d'huile de coupe. - Sur la mise en place de moyens de protection individuels La SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE fait valoir qu'au sein du secteur de l'usinage, des gants anti-coupures en tissus d'usage quotidien, des lunettes de sécurité et des protections auditives sont mises à la disposition des salariés. Les fiches de sécurité des postes sur les lignes d'usinage et d'assemblage des culasses du département D où Monsieur Karim Y... a exercé pendant plus de huit années, confirment la mise à disposition de ce type d'EPI mais également l'absence de recommandation relative au port de protection respiratoire. La SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE a d'ailleurs produit une photographie d'un pupitre d'usinage qui révèle l'absence de port de protection respiratoire par l'opérateur. Enfin, il ressort du procès-verbal d'une réunion du CHSCT du 25 avril 2012 évoqué infra que le Dr F..., interrogée sur le port du masque lors des traitements des huiles de coupe avec des biocides, avait répondu « ce n'est pas nécessaire » et « les protections cutanées sont suffisantes ». Dès lors, il ressort de ces documents, que la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE n'a pas pris toutes les mesures nécessaires afin de protéger ses salariés des risques d'exposition à des huiles de coupe contaminés par des microbactéries, en ne mettant pas à leurs dispositions efficaces afin de leur éviter d'être en contact avec lesdites bactéries. En conséquence, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir que la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE, entreprise de plus de 4.000 salariés, ne pouvait raisonnablement ignorer les risques liés à l'exposition de son salarié Monsieur Karim Y... à des huiles de coupe contaminées par la microbactérie mycobacterium immunogenum et qu'elle n'a pas pris les mesures appropriées pour l'en protéger. Ce faisant, la SOCIETE FRANCAISE DE MECANIQUE a commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
1. - ALORS QUE la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur implique que soit caractérisée l'exposition habituelle du salarié au risque prévu au tableau ; que pour prévenir la survenue de pathologies d'origine professionnelle dues à l'exposition à un produit dangereux, le législateur définit des niveaux de concentration dans l'atmosphère de travail à ne pas dépasser ; que pour les brouillards d'huile de coupe, la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) réglementaire est fixée à 5 mg/m3 ; que dans ses conclusions, la société PCA exposait que si les analyses de la qualité de l'air effectuées au sein de l'entreprise avaient fait apparaître des dépassements de la valeur moyenne d'exposition recommandée par la CRAM/INRS à 0,50 mg/m3, elles ne dépassaient jamais les valeurs réglementaires fixées à 5 mg/m3 (conclusions d'appel p. 21), de sorte qu'elle avait respecté les obligations réglementaires concernant l'exposition des salariés aux huiles de coupe ; que la Cour d'appel a constaté des dépassements de la seule valeur limite recommandée par l'INRS (arrêt p. 7 § 7) ; qu'en jugeant néanmoins l'exposition du salarié aux brouillards d'huile de coupe comme établie, quand la valeur limite d'exposition réglementaire n'a jamais été dépassée, la Cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 461-2 du Code de la sécurité sociale ;
2. – ALORS QUE la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur implique que soit caractérisée l'exposition habituelle du salarié au risque prévu au tableau ; que pour prévenir la survenue de pathologies d'origine professionnelle dues à l'exposition à un produit dangereux, le législateur définit des niveaux de concentration dans l'atmosphère de travail à ne pas dépasser ; que pour éviter la contamination par bactéries pouvant se développer dans les huiles de coupe, la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) réglementaire est fixée à 108 ; que la société PCA exposait que les seuils limites d'exposition réglementaire n'avaient jamais été dépassés au cours des années litigieuses, le seuil critique de 104 annonçant une pollution bactérienne n'ayant même été atteint qu'une fois en mars 2009 (conclusions d'appel p. 25) ; qu'en retenant que le salarié avait été exposé à des huiles de coupes contaminées par des bactéries, sans rechercher, comme l'y invitait l'employeur, si la contamination des huiles de coupe avait dépassé le seuil critique réglementaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et L. 461-2 du Code de la sécurité sociale ;
3. – ALORS QU'en vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la société PCA exposait que si depuis mai 2008, les avis d'aptitude délivrés à M. Y... avaient comportés des réserves, elle avait toujours respecté les restrictions imposées par le médecin du travail, de sorte qu'elle n'avait pu avoir conscience de l'exposer à un quelconque risque (conclusions d'appel p. 31) ; que pour dire que la société n'avait pu ignorer le risque auquel était exposé ce salarié, la Cour d'appel a relevé que l'employeur avait été destinataire, à plusieurs reprises, depuis mai 2008, d'avis du médecin du travail comportant des réserves d'aptitude le concernant ; qu'en statuant ainsi, sans examiner, comme l'y invitait l'employeur, si les différents avis du médecin du travail n'avaient pas été scrupuleusement respectés par l'employeur de sorte qu'il n'avait pu avoir conscience d'exposer le salarié à un quelconque danger, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale ;
4. – ALORS QU'en vertu du contrat de travail, l'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que l'employeur qui a pris les précautions préconisées par les publications scientifiques en l'état des connaissances techniques acquises pour protéger la santé de ses salariés ne peut se voir opposer un manquement à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la société PCA avait exposé qu'aux termes des études scientifiques publiées en 2006 et 2007, les auteurs avaient suggéré, pour prévenir les pneumopathies d'hypersensibilité en milieu professionnel, et en particulier celles liées à l'exposition à des huiles de coupe contaminées par Mycobacterium immogenum, le changement régulier des huiles de coupe, le nettoyage des carters, l'utilisation de biocides et la décontamination des cuves ; qu'elle exposait encore que toutes ces mesures de prévention étaient mis en oeuvre dans l'entreprise (conclusions d'appel p. 36-37), ce qu'a constaté la Cour d'appel ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait pas pris l'ensemble des mesures nécessaires pour protéger le salarié sans s'expliquer sur toutes les actions préventives suggérées par les études scientifiques en l'état des connaissances de l'époque, et mis en oeuvre par l'employeur et sans préciser quelles mesures auraient dû s'y ajouter, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale ;
5. – ALORS QUE, conformément à l'article R. 4623-1 du code du travail, le médecin du travail a un rôle de conseiller du chef d'entreprise en matière de prévention des maladies professionnelles ; que la Cour d'appel a relevé que lors d'une réunion du CHSCT du 25 avril 2012, le médecin du travail avait indiqué que le port du masque respiratoire lors des traitements des huiles de coupe avec des biocides n'était pas nécessaire et que les protections cutanées étaient suffisantes ; qu'elle a pourtant reproché à la société PCA de ne pas avoir imposé le port de protection respiratoire par l'opérateur, sur les lignes d'usinage et d'assemblage des culasses du département D ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le port d'un tel équipement de protection individuel n'avait pas été jugé nécessaire par le médecin du travail, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 452-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale ;