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21/06/2018 | FRANCE | N°16-28.615

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 21 juin 2018, 16-28.615


SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 juin 2018




Rejet non spécialement motivé


M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10851 F

Pourvois n° J 16-28.615
K 16-28.616 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu les pou

rvois n° J 16-28.615 et K 16-28.616 formés par la société C... Y..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , représentée par M. Stéphane Y..., agissant en qualité de liqui...

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 juin 2018

Rejet non spécialement motivé

M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10851 F

Pourvois n° J 16-28.615
K 16-28.616 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu les pourvois n° J 16-28.615 et K 16-28.616 formés par la société C... Y..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] , représentée par M. Stéphane Y..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Seafrance,

contre des arrêts rendus le 28 octobre 2016 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, 14e chambre), dans des litiges l'opposant :

1°/ à Mme Michèle Z..., domiciliée [...] ,

2°/ à M. Philippe A..., domicilié [...] ,

3°/ à l'AGS-CGEA d'Ile-de-France Ouest, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Intervenante : La SNCF mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , (défenderesse aux pourvois incidents des salariés),

Les salariés ont formé des pourvois incidents contre les mêmes arrêts ;

Vu la connexité, joint les pourvois n° J 16-28.615 et K 16-28.616 ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme B..., conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société C... Y..., ès qualités, de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de la SNCF Mobilités, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. A... et de Mme Z... ;

Sur le rapport de Mme B..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation commun aux pourvois principaux et les moyens de cassation communs aux pourvois incidents annexés, qui sont invoqués à l'encontre des décisions attaquées, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyen commun aux pourvois principaux produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société C... Y..., ès qualités.

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement des salariés défendeurs aux pourvois, d'AVOIR fixé, au profit de chacun des salariés défendeurs aux pourvois, une créance de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la liquidation judiciaire de la société SEAFRANCE ;

AUX MOTIFS QUE « le salarié se prévaut d'une violation par l'employeur de son obligation de reclassement du fait de la violation des dispositions légales mais aussi des dispositions conventionnelles. S'agissant de ces dernières dispositions, il fait valoir que l'employeur n'a pas respecté les règles édictées tant par l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 relatif à la sécurité de l'emploi, qui rendent obligatoire la constitution de commissions territoriales de l'emploi au niveau national ou local dans chaque branche professionnelle, que celles stipulées par la convention collective applicable à la situation du salarié, qui prévoient l'existence d'une commission paritaire de l'emploi. Si la méconnaissance par l'employeur ou le mandataire liquidateur de dispositions conventionnelles destinées à favoriser un reclassement par la saisine d'une commission, avant tout licenciement économique, prive celui-ci de cause réelle et sérieuse comme constituant une violation de l'obligation de reclassement, pour autant il convient de constater qu'en l'espèce Me Y... justifie de la saisine de la commission territoriale de l'emploi. Par ailleurs il ne peut pas lui être reproché d'y avoir procédé tardivement, et de ne pas avoir attendu l'intégralité des réponses à ses demandes, dès lors que cette saisine n'est pas intervenue postérieurement au licenciement, et qu'il doit être tenu compte du délai imparti au liquidateur par l'article L.3253-8 du code du travail pour que les créances des salariés puissent être garanties par l'AGS. En ce qui concerne les obligations légales de reclassement, aux termes des dispositions de l'article L 1233 -4 du code du travail, le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement sont écrites et précises. En application de l'article L 1233-61 du même code, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, et lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment ceux dont la réinsertion professionnelle serait particulièrement difficile. La bonne mise en oeuvre de cette obligation s'apprécie au regard des moyens du groupe. Il en résulte que l'employeur est tenu, pour éviter le licenciement, d'effectuer toute recherche de poste susceptible d'être proposé à l'intéressé, l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, dans l'hypothèse d'un licenciement collectif, n'exonérant par ailleurs nullement l'employeur de son obligation au titre de l'article L.1233-4. Ce dernier doit proposer au salarié, dont le licenciement est envisagé, un emploi de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification du contrat de travail en assurant au besoin son adaptation à une évolution de son emploi. Cette obligation doit s'exécuter dans le cadre des sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation, leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. L'inexécution de l'obligation de reclassement, dans la mesure où elle est à l'origine du licenciement, prive celui-ci de cause réelle et sérieuse. En l'espèce, Me Y..., en qualité de mandataire de la société SEAFRANCE, reproche au tribunal d'instance d'avoir à tort jugé que le plan de sauvegarde de l'emploi aurait dû contenir des postes de reclassement des filiales à l'étranger, et qu'il ne garantit pas de priorité d'embauche des salariés de SEAFRANCE par rapport à d'autres salariés du groupe SNCF ou par rapport à des candidatures extérieures, dès lors le salarié doit être reçu dans le cadre de son reclassement interne par la SNCF pour une candidature préalable après validation de sa candidature. Il soutient, s'agissant du périmètre de reclassement, qu'il ne peut y avoir de permutation lorsque les activités des sociétés du groupe ne sont pas similaires ou connexes, et qu'en l'espèce une "simple constatation objective "permet de considérer que le transport maritime, activité de la société SEAFRANCE, et le transport terrestre, activité des différentes entreprises du groupe SNCF, sont très différents, de sorte que la permutabilité est complexe voire impossible sur la plupart des métiers opérationnels. Il fait valoir à ce titre que seule la permutation du personnel sédentaire était envisageable à la différence de celle de la majorité du personnel navigant. Concernant les possibilités de reclassement à l'étranger, il argue de ce que le salarié n'a pas répondu à la demande de la société l'invitant à se déclarer conformément aux dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, de sorte que l'employeur n'avait aucune obligation en la matière, alors même qu'il a effectivement procédé à des recherches auprès de ces entités. Il fait valoir par ailleurs que s'agissant l'EPIC SNCF, les statuts et les dispositions réglementaires relatives à l'aptitude professionnelle exigée pour de nombreux postes ne permettent pas non plus la simple permutabilité du personnel, et que la nécessité de contrôle particulier du profil des candidats s'impose en la matière. Il soutient qu'un employeur est en droit de proposer simultanément un même poste à plusieurs salariés dès lors qu'il est adapté à la qualification et à la compétence de chacun, et argue de ce que le licenciement ayant été prononcé dans le cadre d'une procédure collective, il appartient au juge de tenir compte des délais impartis au mandataire judiciaire pour procéder au licenciement, et permettre la mise en jeu de la garantie due par l'AGS. Il fait valoir enfin qu'il appartient au salarié de prouver que des postes disponibles correspondant à son profil existaient au moment de son licenciement et ne lui auraient pas été proposées et démontrer la déloyauté des démarches réalisées, ce qui n'est pas le temps l'espèce. Toutefois cette argumentation méconnait la règle selon laquelle, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté son obligation de reclassement. La société SEAFRANCE devait à ce titre rechercher au sein des entreprises du groupe SNCF dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation, leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, les emplois disponibles susceptibles d'être proposés au salarié, même de catégorie inférieure, et caractériser, le cas échéant, l'impossibilité d'y parvenir. Or, si l'employeur, s'agissant des emplois éventuellement disponibles dans des filiales étrangères, n'a pas été utilement contredît en ce qu'il affirme que le salarié n'a pas manifesté son intérêt pour de tels postes, de sorte qu'il n'avait pas pour obligation en application des dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail d'en rechercher, pour autant relativement au périmètre de reclassement, et à la nature des postes permutables, il fait état de considérations générales pour justifier une limitation du nombre de postes pouvant être proposé, et un recours à un processus d'embauche par voie de sélection. En ce qui concerne le périmètre de reclassement, il convient tout d'abord de souligner que la permutabilité de l'ensemble du personnel n'est pas nécessaire pour qu'une entreprise du groupe soit incluse dans ledit périmètre, dès lors que la permutation peut porter sur tout ou partie du personnel, et que le détachement de salariés de la SNCF au sein de sa filiale pour occuper des postes administratifs constitue, à tout le moins pour ce type de postes, la preuve d'une permutabilité. La société SEAFRANCE, qui se démarque de la position adoptée par la SNCF, en ce qu'elle reconnaît la possibilité d'une permutation s'agissant des emplois à caractère sédentaire, soutient en revanche que les postes occupés par le personnel navigant, de par leur spécificité, ne permettaient pas une permutation. Pour étayer son positionnement, la société fait état d'une " constatation objective ", alors même que les activités de la SNCF et de ses filiales, qui comptaient au moment du licenciement environ 200000 salariés, s'exercent dans le domaine de la logistique, du transport de voyageurs et de marchandises, ainsi que la maintenance et de la maîtrise d'ouvrage, et que le mode de transport utilisé par ces différentes sociétés ne peut justifier à lui seul l'exclusion d'un nombre aussi important de postes de reclassement. En effet, ladite exclusion ne peut reposer que sur des éléments objectifs ayant trait notamment à la spécificité des emplois occupés au sein des différentes entités du groupe, dès lors que ces dernières ont toutes recours aux services de salariés exerçant des fonctions administratives, commerciales ou techniques inhérentes aux activités de transport et au fret, celles relatives à la maintenance et à la maîtrise d'ouvrage, en admettant qu'elle présentent des caractéristiques insurmontables, ne constituant qu'une partie des missions dévolues aux salariés des différentes entreprises. Par ailleurs l'employeur, en se référant à un tel postulat d'une permutation impossible s'agissant des emplois des salariés naviguants, fait abstraction de son obligation en matière de formation et d'adaptation, laquelle, sans devoir aboutir à la délivrance d'une formation qualifiante, doit tenir compte du parcours personnel et de l'expérience de chaque salarié. Dans la mesure où ces derniers éléments varient d'un salarié à l'autre, l'affirmation d'une impossibilité de permutation pour une catégorie complète de personnel constitue la preuve de l'absence de prise en compte de la spécificité des situations individuelles. En ce qui concerne les allégations de l'employeur quant à une absence de permutabilité liée aux règles applicables en matière de recrutement de salariés devant travailler au sein de l'EPIC SNCF, il convient tout d'abord de constater que 55 conventions de transfert au sein de cet établissement ont été proposées à des salariés, ce qui en soi constitue la preuve que cette spécificité n'est pas un obstacle insurmontable à ce type de reclassement. Par ailleurs il résulte d'une note de la SNCF que celle-ci tout en recrutant sur des postes à pourvoir au titre du " cadre permanent", offre également des emplois à des personnes bénéficiant du statut de contractuel. S'il n'est pas contestable que les règles de recrutement s'imposant à la SNCF pour l'EPIC prévoient notamment une vérification de l'aptitude professionnelle du candidat, l'obligation de se soumettre à un examen psychologique pour les salariés devant travailler dans le domaine de la sécurité, outre la nécessité pour certains de bénéficier d'un bulletin numéro deux du casier judiciaire vierge, pour autant l'employeur ne fournit aucune information sur les différentes possibilités d'embauche, voire leur combinaison, étant précisé que les documents de la SNCF font également référence à l'existence d'une procédure simplifiée. Il convient d'ailleurs de préciser que s'agissant de la vérification de l'aptitude professionnelle, dès lors que l'embauche s'opère dans le cadre de reclassement, doit être pris en compte le fait que ladite aptitude peut être acquise à la suite d'une période de formation. Une offre d'embauche formulée sous réserve du respect de la procédure et des modalités de recrutement au sein de l'EPIC de la SNCF pourrait constituer une proposition de reclassement si le salarié, à qui elle est faite, n'est mis en concurrence qu'avec d'autres salariés pouvant prétendre à un tel reclassement, et à l'exclusion de candidats ne relevant pas de ce processus. Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque le plan de sauvegarde de l'emploi mentionne " le cas échéant et si nécessaire, il sera procédé lors d'un entretien entre le salarié et un représentant de la structure ou de l'entreprise susceptible de l'accueillir, à la validation de certaines des compétences et aptitudes physiques voire psychologiques de ce salarié, par l'entreprise susceptible de l'embaucher". En effet ce plan n'opère pas de distinction entre l'EPIC SNCF et les autres entreprises du groupe, alors même que seul ce premier établissement est concerné, et il ne stipule pas que l'éventuelle embauche s'effectue dans le cadre d'un reclassement, et non dans celui d'un recrutement n'impliquant aucune priorité pour les salariés pouvant prétendre à un tel reclassement. S'il convient de tenir compte des délais impartis au mandataire liquidateur pour procéder au licenciement du salarié, comme l'a fait la cour s'agissant de la saisine de la commission territoriale de l'emploi, pour autant, d'une part la brièveté des délais n'ont pas empêché la formulation de conventions de transfert notamment au sein de l'EPIC SNCF, et d'autre part, la cessation effective d'activité est dans les faits bien antérieure au licenciement, et permettait à ce titre d'envisager plus tôt la nécessité d'un reclassement. Il convient d'ailleurs à ce titre de constater que dès le 12 janvier 2012 un courrier a été adressé au salarié pour l'informer de l'existence de postes de reclassement, et l'inviter à un entretien avec la structure ALTEDIA pour vérifier qu'aucune de ses compétences n'avait été oubliée, étant observé que cette tentative d'une recherche individuelle de reclassement n'a pas eu véritablement d'influence sur le positionnement de l'employeur. Ce dernier a en effet continué à raisonner en partie par catégories de personnel pour ne formuler pour l'essentiel que des offres de recrutement, et limiter les possibilités de permutation au personnel sédentaire, étant observé que même s'agissant de ces derniers la SNCF n'adopte pas le même raisonnement puisqu'elle affirme que c'est à titre purement volontaire qu'elle a proposé une trentaine de reclassements dans des délais très brefs. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris » ;

1. ALORS QUE le périmètre de reclassement comprend les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie de leur personnel ; que les juges doivent caractériser la permutabilité du personnel au sein du groupe de reclassement dont ils retiennent l'existence ; que ni l'existence de liens capitalistiques, ni l'exercice d'activités présentant certaines similitudes, ni l'existence de fonctions communes à toutes les entreprises ne suffisent à caractériser une permutabilité du personnel, laquelle doit découler des relations concrètes entre les entreprises concernées ; qu'en l'espèce, la société SEAFRANCE soutenait qu'elle était spécialisée dans le transport maritime et employait, à ce titre, essentiellement du personnel navigant, qu'aucune des autres entreprises du groupe SNCF n'exerce une activité comparable offrant des postes similaires et que ses relations avec les autres sociétés du groupe SNCF, dont la SNCF elle-même, ne permettaient pas d'opérer des transferts de personnel entre elles ; qu'en retenant cependant que le périmètre dans lequel la société SEAFRANCE devait rechercher le reclassement s'étendait à l'ensemble du groupe SNCF, dès lors que les sociétés de ce groupe, qui comptait environ 200.000 salariés au moment du licenciement, interviennent dans le domaine de la logistique et du transport de voyageurs et de marchandises, sans que les différences dans le mode de transport utilisé puissent justifier l'exclusion d'un nombre aussi important de postes de reclassement et que toutes les entreprises du groupe ont recours aux services de salariés exerçant des fonctions administratives, commerciales ou techniques inhérentes aux activités de transport et au fret, la cour d'appel qui s'est fondée sur des motifs inopérants, sans caractériser une permutabilité effective du personnel découlant des relations entre ces différentes entreprises, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

2. ALORS, EN OUTRE, QUE la permutabilité du personnel, qui détermine le périmètre de reclassement, implique la possibilité de permuter les salariés d'une entreprise au sein des autres et inversement ; qu'en conséquence, la circonstance qu'une entreprise ait mis certains de ses salariés à disposition d'une autre entreprise, sans que les salariés de cette dernière aient jamais été pareillement mis à disposition ou affectés, même temporairement, au sein de la première ne caractérise pas une permutabilité du personnel ; qu'en l'espèce, la société SEAFRANCE soutenait que la SNCF, qui détenait l'intégralité de son capital, avait mis à sa disposition certains salariés pour exercer des fonctions administratives, mais qu'elle n'avait en revanche jamais opéré le moindre transfert de ses salariés et particulièrement des membres du personnel navigant au sein de la SNCF ou d'une filiale de la SNCF ; qu'en retenant encore qu'une permutabilité du personnel était attestée par la seule mise à disposition d'une cinquantaine de salariés de la SNCF auprès de sa filiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

3. ALORS QUE la permutabilité du personnel, qui détermine le périmètre de reclassement, implique non pas seulement qu'aucun obstacle ne s'oppose à la mutation d'un salarié d'une entreprise au sein d'une autre entreprise, mais aussi que les relations entre ces entreprises assurent la possibilité de permuter leur personnel ; qu'en conséquence, l'existence d'une réglementation impérative qui limite les facultés de recrutement d'un salarié par une entreprise, même si elle n'interdit pas toute possibilité de mutation au sein de cette entreprise, s'oppose à la caractérisation d'un groupe de reclassement comprenant cette entreprise ; qu'en l'espèce, la société SEAFRANCE soutenait que les règles de recrutement qui s'imposent à la SNCF, comprenant notamment le contrôle du casier judiciaire des candidats, mais aussi des tests d'aptitudes professionnelles et psychologiques, s'opposent à toute permutabilité de leur personnel ; qu'en écartant cette objection pourtant dirimante à la caractérisation d'un groupe de reclassement comprenant la SNCF, aux motifs inopérants que l'existence de conventions de transfert au sein de la SNCF proposées à certains salariés démontre que cette spécificité n'est pas un « obstacle insurmontable » à un reclassement au sein de cette entreprise, qu'il existe, au sein de la SNCF, des possibilités d'embauche sous statut contractuel selon une procédure simplifiée et que la condition de vérification de l'aptitude professionnelle peut être contournée par l'obligation d'adaptation des salariés menacés de licenciement, la cour d'appel a dénaturé le critère de la permutabilité du personnel et violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

4. ALORS QUE le périmètre à l'intérieur duquel l'employeur doit mettre en oeuvre son obligation individuelle de reclassement doit être apprécié au regard de la catégorie d'emplois à laquelle appartient le salarié ; qu'en l'espèce, à supposer même que l'existence de fonctions administratives, commerciales ou techniques inhérentes aux activités de transport et de fret au sein des différentes entreprises du groupe SNCF permette de caractériser une permutabilité du personnel affecté à de telles fonctions, il n'en résulte pas pour autant que le personnel navigant de la société SEAFRANCE, qui composait l'essentiel de ses effectifs, était lui-même permutable avec le personnel des autres entreprises du groupe SNCF et que l'employeur devait en conséquence rechercher son reclassement au sein de ce groupe ; qu'en invoquant de manière artificielle l'obligation d'adaptation, qui ne peut avoir pour effet de fournir une qualification nouvelle au salarié, pour retenir que la société SEAFRANCE aurait manqué à son obligation de reclassement en s'abstenant d'envisager de manière individuelle le reclassement des personnels navigants, qui occupaient des emplois sans équivalent dans les autres sociétés du groupe et qui avaient des qualifications sans rapport immédiat avec les emplois des autres sociétés, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

5. ALORS QUE l'obligation de l'employeur ne prime pas sur les règles de recrutement qui s'imposent aux autres entreprises du groupe auquel il appartient ; qu'en conséquence, il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir subordonné une offre de reclassement définitive au respect de ces règles de recrutement ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait que « le cas échéant, il sera procédé, lors d'un entretien entre le salarié et un représentant de la structure ou de l'entreprise susceptible de l'accueillir, à la validation de certaines des compétences et aptitudes physiques, voire psychologiques, de ce salarié, par l'entreprise susceptible de l'embaucher » et qu'une fois « validée » la solution de reclassement, une offre de reclassement, sous forme d'une convention tripartite de transfert, serait proposée au salarié ; que le plan ménageait ainsi l'obligation de reclassement de la société SEAFRANCE avec les règles impératives de recrutement au sein de la SNCF, sans prévoir systématiquement l'organisation d'un tel entretien, ni une mise en concurrence des salariés de la société SEAFRANCE avec des candidats autres ; qu'en affirmant que cette disposition du plan avait pour effet de transformer la procédure de reclassement en procédure de recrutement mettant les salariés en concurrence avec d'autres candidats, sans leur accorder aucune priorité, ni se limiter à l'hypothèse d'un reclassement au sein de l'EPIC SNCF, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 et L. 1233-61 du Code du travail ;

6. ALORS QUE selon l'article L. 3253-8 du code du travail, en cas de liquidation judiciaire, l'employeur dispose d'un délai de 15 jours à compter de la fin du maintien d'activité pour prononcer le licenciement des salariés ; que si cette contrainte ne dispense pas l'employeur de son obligation individuelle de reclassement à l'égard de chacun des salariés concernés, elle doit en revanche être prise en compte dans l'appréciation de la mise en oeuvre, par l'employeur, de cette obligation ; qu'en particulier, l'obligation de prononcer le licenciement dans un délai de 15 jours doit être prise en compte pour apprécier les démarches de reclassement à l'égard des salariés qui occupent des emplois sans équivalent dans les autres sociétés du groupe et dont les qualifications ne sont pas immédiatement compatibles avec les emplois offerts par les autres sociétés du groupe ; qu'en l'espèce, la société SEAFRANCE soutenait qu'elle avait été dans l'incapacité matérielle, dans le délai extrêmement bref qui lui était imparti, de proposer aux salariés appartenant au personnel navigant, dont les emplois et qualifications étaient sans équivalent dans le groupe, un reclassement immédiat dans le groupe, la mise en oeuvre d'une formation dans un délai aussi court s'avérant tout simplement impossible, sans compter les exigences liées aux conditions réglementaires d'embauche s'agissant des postes offerts par la SNCF ; qu'en considérant néanmoins que ce délai extrêmement court n'interdisait pas à la société SEAFRANCE de proposer un reclassement à tous les salariés, quelles que soient leurs qualifications professionnelles, au motif inopérant que la brièveté de ce délai n'avait pas interdit la formulation de conventions de transfert notamment au sein de l'EPIC SNCF, sans rechercher si ces conventions avaient été proposées dans le délai de 15 jours et si elles ne concernaient pas uniquement des salariés occupant des emplois sédentaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-4 et L. 3258-3 du code du travail ;

7. ALORS QUE l'employeur n'est tenu de rechercher le reclassement du salarié qu'à partir du moment où il envisage son licenciement ; qu'en cas de liquidation judiciaire avec maintien provisoire d'activité, l'adoption d'un plan de cession, qui emporte transfert des contrats de travail, a pour effet d'éviter la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement à l'égard des salariés concernés ; qu'en l'espèce, par jugement du 16 novembre 2011, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société SEAFRANCE, avec maintien d'activité jusqu'au 28 janvier 2012, afin de permettre le dépôt de nouvelles offres de reprise de la part notamment des salariés ayant constitué une SCOP ; qu'en cas d'adoption d'une offre de reprise, les contrats de travail de tout ou partie des salariés auraient été transférés au repreneur ; que, néanmoins, anticipant l'hypothèse d'une absence de reprise totale, le liquidateur judiciaire de la société SEAFRANCE avait profité de cette période de maintien d'activité pour commencer à collecter les postes disponibles dans le groupe SNCF et procéder au rapprochement des qualifications des salariés de l'entreprise avec les profils des postes existant au sein du groupe SNCF, avec l'aide de la SNCF et du cabinet ALTEDIA ; qu'en retenant encore, pour refuser de tenir compte du délai imparti au mandataire liquidateur pour procéder aux licenciements dans l'appréciation de ses efforts de reclassement, que la cessation effective d'activité est dans les faits bien antérieure au licenciement et permettait à ce titre d'envisager plus tôt la nécessité d'un reclassement, sans rechercher si le liquidateur n'avait pas précisément engagé ses recherches dès le prononcé de la liquidation judiciaire, sans pouvoir néanmoins individualiser ses recherches et ses offres avant que le tribunal de commerce se prononce sur les éventuelles offres de reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-4 et L. 3253-8 du code du travail ;

8. ALORS, ENFIN, QUE l'employeur peut tenir compte de la position du salarié dans ses recherches et ses offres de reclassement ; que la société SEAFRANCE soulignait encore que de nombreux salariés, qui avaient constitué une société coopérative ouvrière de production en vue de reprendre l'exploitation des navires, avaient manifesté la volonté de ne pas être reclassés dans le groupe et d'investir leurs indemnités de licenciement dans le projet de reprise de leur SCOP ; qu'à l'occasion de la présentation du plan de sauvegarde de l'emploi, les partenaires sociaux, appuyés par les autorités étatiques, avaient ainsi négocié le versement d'une indemnité d'un montant de 25.000 euros par salarié ayant un intérêt direct (participation au capital) et indirect (contrat de travail) dans la SCOP, en cas de reprise par cette dernière de l'exploitation des navires sur ordonnance du juge commissaire ; que les salariés ayant d'ores et déjà adhéré à cette SCOP n'avaient en conséquence aucune volonté d'être reclassés dans le groupe et n'avaient, de fait, manifesté aucun intérêt pour les postes disponibles dans le groupe SNCF, dont la société SEAFRANCE leur avait communiqué la liste lors de l'entretien organisé avec le cabinet ALTEDIA avant leur licenciement ; qu'en s'abstenant de tenir compte, dans l'appréciation de la mise en oeuvre de l'obligation de reclassement, de la position prise par les salariés quant à un éventuel reclassement dans le groupe, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.

Moyens communs aux pourvois incidents produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme Z... et M. A....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leur demande de condamnation de la SNCF à payer des dommages et intérêts au titre de leur licenciement nul, de la violation de l'obligation de reclassement, et de la discrimination dans les mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi et d'AVOIR débouté les salariés de leur demande de condamnation de la SNCF à les garantir de l'éventuelle condamnation de remboursement des sommes perçues via les AGS ;

AUX MOTIFS propres QUE sur le co-emploi, hors le cas où un co-emploi est caractérisé par un lien de subordination direct entre un salarié et une autre entité que l'employeur avec lequel celui-ci a contracté, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre société de ce même groupe que s'il existe entre elles une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière société ; qu'en l'espèce, le salarié, à qui il appartient de rapporter la preuve de l'existence de cette deuxième relation de travail, se prévaut essentiellement du fait que la SNCF détient 100 % du capital social de la société SEAFRANCE, de ce qu'elle est l'unique décideur de l'avenir de sa filiale, qu'elle a financé l'option d'achat d'un navire et permis de convertir des taux d'emprunt variable en taux fixe, qu'il existe une intégration fiscale, qu'elle a piloté la gestion sociale ayant pour partie conduit à la déconfiture et que les cadres dirigeants de la société SEAFRANCE n'était en réalité que des cadres supérieurs de la SNCF ce qui permettait à cette dernière société par l'intermédiaire de diriger dans la réalité cette filiale et qu'elle dictait à sa filiale sa politique d'achat ; que le salarié soutient également que la SNCF a financé et s'est trouvée partie prenante dans les transactions individuelles passées avec les salariés de SEAFRANCE ; que toutefois la détention de la totalité du capital social d'une de ses filiales par une société mère, en l'espèce la SNCF, ne démontre en rien l'existence d'un quelconque co-emploi, qui ne découle pas de seuls liens capitalistiques, mais doit résulter d'agissements et de décisions imputables à la société à l'égard de qui la qualité de salarié est revendiquée ; que par ailleurs, le salarié, tout en tirant argument de l'existence d'un groupe de sociétés, et de la nature de filiale de la société SEAFRANCE, ne prend pas en compte l'incidence d'une telle situation sur le fonctionnement de cette dernière société, en se prévalant du soutien financier de la SNCF apporté à la société SEAFRANCE et son implication dans l'établissement des différents plans de restructuration ou nouveaux plans industriels ; qu'en effet l'appartenance à un groupe implique nécessairement une coordination des actions économiques entre les différentes sociétés le composant, une domination économique par la société mère du fait de cette appartenance ne pouvant être exclue, sans que cette situation ne caractérise l'existence d'un co-emploi ; que la notion de confusion d'intérêts ne doit pas être confondue avec l'existence d'une communauté d'intérêts, qui impose la prise de décisions cohérentes au niveau du groupe ; qu'il convient par ailleurs de constater que certaines orientations prises par la SNCF lui ont été imposées par l'Etat en sa qualité d'actionnaire, et sont en partie justifiées par les contraintes liées à la réglementation européenne, et sont donc d'autant moins la marque d'une volonté d'immixtion dans la gestion de la société SEAFRANCE ; que l'implication de la SNCF dans des recherches de solutions de reprise ne constitue pas la marque d'une immixtion, dans la mesure où ladite reprise pouvait avoir des conséquences pour cette société détentrice du capital de la société SEAFRANCE, une cession de capital, en tant que solution de reprise, ne pouvait être exclue ; que par ailleurs, aucun élément de la procédure n'est de nature à établir une immixtion de la SNCF dans la gestion commerciale de sa filiale, cette dernière disposant d'une clientèle propre et indépendante, et les prestations de la société SEAFRANCE n'étant que de manière très exceptionnelle intégrées à l'offre de services de la SNCF, de sorte qu'aucune politique commerciale commune n'a véritablement vu le jour ; qu'en outre, s'il est exact qu'une partie du personnel de la société SEAFRANCE bénéficiait d'un détachement de la part de la SNCF, en ce compris certains dirigeants, pour autant de telles opérations sont beaucoup plus réduites que ne le soutient le salarié, et n'ont pas fait obstacle à la mise en oeuvre d'une gestion du personnel commune, le statut des salariés de la filiale étant autonome et distinct de celui des employés de la SNCF, dont certains bénéficient de ce qui est qualifié de cadre permanent ; que le fait qu'une partie des dirigeants de SEAFRANCE aient bénéficié d'un détachement de la part de la SNCF, outre la présence en nombre d'autres dirigeants présentant un profil différent, ne constitue pas à lui seul la preuve de l'existence d'un co-emploi ; qu'en ce qui concerne la contribution financière de la SNCF au financement des mesures prévues dans les différents plans de sauvegarde de l'emploi, et plus particulièrement le dernier, le salarié ne peut pas s'en prévaloir comme une preuve d'un co-emploi, dans la mesure où elle est la conséquence de l'appréciation du caractère suffisant d'un plan de sauvegarde de l'emploi au niveau non pas des seuls moyens dont l'employeur dispose, mais aussi au niveau de ceux du groupe auquel il appartient ;

qu'il en est de même des mesures que la maison mère a pu consentir à sa filiale pour lui permettre d'absorber la charge de ses emprunts, ce qui relève de mesures non anormales de soutien à une filiale en difficulté ; qu'il convient au regard de l'ensemble de ces éléments de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'un co-emploi et par voie de conséquence débouté le salarié de sa demande à l'encontre de la SNCF ;

AUX MOTIFS adoptés QUE [le salarié] invoque l'existence d'un co-emploi entre les sociétés SEAFRANCE et S.N.C.F. pour solliciter la nullité de son licenciement du fait de l'absence de mise en place d'un plan de sauvegarde pour l'emploi par le co-employeur, et pour arguer de l'absence de cause économique à son licenciement ; qu'il sollicite ainsi une condamnation solidaire des deux défenderesses ; qu'à ce sujet, il convient de rappeler que la charge de la preuve de l'existence d'un co-emploi pèse sur le demandeur ; que le co-emploi suppose l'existence d'un lien de subordination à l'égard du co-employeur qui se manifesterait dans le cadre d'une confusion d'activités, d'intérêts et de direction entre deux sociétés juridiquement distinctes ; qu'il s'agit donc pour (le demandeur) d'établir l'absence d'autonomie d'une des deux sociétés qui serait entièrement sous le contrôle de l'autre en termes de gestion du personnel, d'exercice du pouvoir; qu'un simple partenariat économique entre deux entités distinctes sur le plan juridique, ne saurait suffire à caractériser un lien de co-emploi ; qu'il ressort des éléments du dossier que (le salarié) n'a·jamais été liée à la S.N.C.F. par un contrat de travail ; qu'en ce qui concerne la gestion des ressources humaines, qu'il résulte d'un document intitulé "Annexe A - Statut collectif de Seafrance ", une liste d'accords collectifs signés en 2010 sur la rémunération ou la durée du temps de travail, ainsi qu'un certain nombre d'engagements de la direction ou même, de notes d'information destinées au personnel ; que ces différents accords ou engagements révèlent la réalité d'une politique de gestion du personnel propre à SEAFRANCE, dans laquelle n'intervenait pas la S.N.C.F. ; qu'à ce sujet également que (le salarié) fait état d'un extrait du rapport de la Cour des Comptes de 2009, dans lequel il serait indiqué que la moitié des "responsables de pôle" étaient des salariés de la S.N.C.F. ; que toutefois, la lecture de l'entier paragraphe relatif aux personnels mis à disposition par la S.N.C.F. révèle que le nombre de ces salariés mis à disposition étaient en diminution sur la période considérée, et avait vocation à disparaître ; que s'agissant des organes dirigeants de SEAFRANCE, la demanderesse ne prouve pas l'existence d'une confusion de directions entre les deux sociétés, d'autant qu'en ce qui concerne les ressources humaines en particulier, l'organigramme produit révèle que le directeur général adjoint ainsi que le directeur des ressources humaines étaient des cadres de la société SEAFRANCE ; qu'il n'y avait donc aucune immixtion anormale de la société S.N.C.F. ou du groupe S.N.C.F. dans la politique de gestion des ressources humaines de SEAFRANCE ; que sur le plan commercial, le conseil relève que bien qu'étant une filiale du groupe S.N.C.F., la société SEAFRANCE exerçait une activité maritime, plus précisément dans le transport maritime de personnes entre CALAIS et DOUVRES, tandis que la S.N.C.F. exerce une activité de transport ferroviaire; qu'il n'est pas établi qu'en matière de politique ou de stratégie commerciale, la société SEAFRANCE aurait été sous le contrôle total de la société mère S.N.C.F. ; que par ailleurs que s'il est vrai que la S.N.C.F. était l'actionnaire unique de SEAFRANCE, cette qualité ne suffit pas à elle seule à établir un lien de co-employeur entre l'actionnaire unique et les salariés de SEAFRANCE ; qu'en effet, le statut d'actionnaire unique ne privait pas SEAFRANCE de sa personnalité juridique propre ; qu'en l'absence de gestion du personnel commune, cette dernière conservait pour autant toute son autonomie ; qu'en outre, les relations financières ayant existé entre la société mère et sa filiale SEAFRANCE ne peuvent être considérées que comme des relations normales liant une filiale et son actionnaire unique ; que les liens financiers ayant existé entre ces deux sociétés ne peuvent caractériser l'existence d'un co-emploi ; qu'en dernier lieu qu'il ressort des pièces et des débats que la S.N.C.F. a contribué au financement du plan de sauvegarde pour l'emploi au sein de la société SEAFRANCE, à hauteur de 32 millions d'euros; qu'il y a lieu de rappeler qu'un tel plan doit être proportionné aux moyens du groupe ; que l'intervention de la S.N.C.F. s'inscrivait tout naturellement dans le cadre des liens juridiques existants entre elle et sa filiale dont elle était l'actionnaire unique ; que ce financement a permis de mettre en place des mesures d'accompagnement dans l'intérêt même des salariés de la société SEAFRANCE, bien au-delà des minima légaux ; que la contribution de la S.N.C.F. ne saurait caractériser un statut de co-employeur à l'égard des salariés de SEAFRANCE ; qu'enfin, la demanderesse ne démontre pas qu'elle aurait subi un préjudice, d'autant qu'elle a pleinement bénéficié d'un plan de sauvegarde proportionné aux moyens du groupe S.N.C.F. auquel appartenait son employeur ; que dans ces conditions, compte tenu de ce qui précède, qu'il convient de rejeter la thèse de l'existence d'un co-emploi, et par voie de conséquence, de débouter (le salarié) de toutes ses demandes tendant à voir reconnaître l'existence d'un co-emploi et à voir constater la nullité de son licenciement du fait de l'absence de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde par la S.N.C.F. ; que toutes les demandes dirigées à l'égard de la S.N.C.F. seront donc rejetées; que la S.N.C.F. sera de ce fait mise hors de cause ;

1° ALORS QUE hors existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe peut être considérée comme co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale ; qu'en décidant que le fait qu'une partie des dirigeants de la société Seafrance aient bénéficié d'un détachement de la part de la SNCF, outre la présence en nombre d'autres dirigeants présentant un profil différent, ne constitue pas à lui seul la preuve de l'existence d'un co-emploi sans rechercher comme elle y était invitée, si la SNCF s'immisçait dans la nomination et la révocation des plus hauts dirigeants de la société Seafrance, tels que le président et le directeur général, qui pourtant étaient des salariés de la SNCF et partant dans les choix stratégiques de cette société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 1221-1 du code du travail ;

2° Et ALORS QU'en écartant toute immixtion de la SNCF dans la gestion commerciale de sa filiale et en retenant qu'aucune politique commerciale commune n'a véritablement vu le jour, sans répondre au moyen des salariés qui faisaient valoir, au visa d'une pièce soumise au débat contradictoire, que la SNCF dictait les processus achats et l'organisation sociale du service achats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° ALORS enfin QUE pour écarter toute immixtion, l'arrêt attaqué a retenu que certaines orientations prises par la SNCF lui ont été imposées par l'Etat en sa qualité d'actionnaire, sont en partie justifiées par les contraintes liées à la réglementation européenne et sont donc d'autant moins la marque d'une volonté d'immixtion dans la gestion de la société Seafrance ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, quand la SNCF a conclu que l'Etat n'est intervenu que pour permettre le financement des salariés d'une SCOP et qu'il s'évince des débats que la réglementation européenne n'a été une entrave qu'à l'aide financière de la filiale sans rapport avec les difficultés déjà stigmatisées par la Cour des comptes en 2009, la cour d'appel a violé l'article L 1221-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
subsidiaire

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes tendant à la condamnation de la SNCF à leur payer des dommages et intérêts réparant le préjudice lié à la perte de leur emploi et à les garantir de l'éventuelle condamnation de remboursement des sommes perçues via les AGS ;

AUX MOTIFS QUE sur les prétendues fautes, [le salarié] qui n'articule aucun grief précis, ne démontre pas qu'en sa qualité de maison mère la SNCF aurait commis intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions lui incombant en tant qu'actionnaire ; que l'existence de négligences ou de légèretés blâmables n'est pas non plus établie par le salarié, qui s'en tient à des allégations, dans ce qui relevait du fonctionnement courant de la filiale avant le redressement judiciaire ; qu'il n'est pas non plus établi que la SNCF, qui a rempli son rôle d'actionnaire sans précipiter la chute de sa filiale ni retarder sa liquidation de manière inconséquente, ait commis des fautes postérieurement à l'ouverture de la procédure collective d'autant qu'elle s'est vu interdire d'aider substantiellement à la restructuration de sa filiale par décision de la Commission européenne du 24 octobre 2011 ;

1° ALORS QUE les salariés avaient fait valoir que, dans son rapport 2009 relatif à la période 2004-2007, la Cour des comptes avait stigmatisé l'attentisme de la SNCF seul actionnaire de la société Seafrance ayant une responsabilité vis-à-vis de la stratégie de sa filiale, à l'origine d'un manque de visibilité de moyen terme pour cette dernière en sorte que dans un contexte très concurrentiel du marché transmanche et des enjeux sociaux et d'investissement de moyen terme, il était devenu indispensable que la SNCF explicite sa stratégie, qu'il s'agisse de son positionnement sur le trafic transmanche ou de sa politique d'investissement ; qu'en énonçant que les salariés n'articulent aucun grief précis et s'en tiennent à des allégations sans examiner ce rapport au soutien du moyen tiré du manque de positionnement stratégique de la SNCF qui n'a pris aucune mesure pour endiguer les difficultés de sa filiale malgré l'injonction de la Cour des comptes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2° ALORS subsidiairement QU'en énonçant que la SNCF a rempli son rôle d'actionnaire sans précipiter la chute de sa filiale ni retarder sa liquidation de manière inconséquente sans étayer cette affirmation ni se prononcer sur le rapport de la Cour des comptes 2009 et le moyen tiré du manque de positionnement stratégique de la SNCF laissant sa filiale sans stratégie économique réelle dans un contexte difficile, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 anciennement 1382 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leur demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour discrimination dans les mesures d'accompagnement du PSE ;

AUX MOTIFS propres QUE [le salarié] soutient que les mesures d'accompagnement des salariés licenciés prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, impliquant tant SEAFRANCE que la SNCF, présentent un caractère discriminatoire dans la mesure où les critères retenus sont liés à l'âge et à la catégorie de personnel à laquelle les salariés appartiennent ; que cette position ne pourra être retenue, le plan de sauvegarde de l'emploi ayant institué des mesures financières égalitaires, forfaitaires et applicables à tous les salariés sans distinction ; [le salarié] ne fournit par ailleurs aucun élément laissant présumer l'existence d'une discrimination à son détriment tenant, selon lui, à l'octroi par la SNCF d'avantages discriminatoires à d'autres salariés placés dans une situation identique à la sienne, la Cour ne pouvant rechercher l'existence d'une différence de traitement sur la base d'allégations non détaillées ; que par ailleurs, s'il est allégué l'existence de transactions entre certains salariés et la SNCF il n'est fourni aucun élément permettant d'une part d'en accréditer l'existence, d'autre part de laisser présumer qu'à situation égale il en serait résulté une différence de traitement dont (le salarié) aurait été victime ;

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE [le salarié] invoque une discrimination en ce que le principe retenu, consistant à prévoir un maximum d'indemnisation pour tous les salariés, conduirait à une réduction de l'indemnité complémentaire au plan de sauvegarde pour l'emploi pour les salariés les plus âgés et les cadres ; que pour autant, la demanderesse n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité d'une discrimination à l'égard de certaines catégories de salariés, ni en quoi elle aurait été personnellement victime d'une telle discrimination; que sa demande indemnitaire formulée à ce titre sera donc rejetée ;

1° ALORS QU'une inégalité de traitement dans l'attribution d'un avantage prévu par un plan de sauvegarde de l'emploi et dans ses mesures d'accompagnement ne peut être admise que si elle est justifiée par des éléments précis, objectifs et pertinents ; que l'inégalité de traitement peut résulter de l'octroi d'un avantage forfaitaire et identique à des salariés placés dans une situation différente liée à l'âge et à la catégorie d'emploi ; qu'en déboutant la salariée au motif erroné qu'elle ne fournit aucun élément laissant présumer l'existence d'une discrimination à son détriment tenant, selon elle, à l'octroi par la SNCF d'avantages discriminatoires à d'autres salariés placés dans une situation identique à la sienne, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2° ALORS encore QU'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L 1132-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 16-28.615
Date de la décision : 21/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 21 jui. 2018, pourvoi n°16-28.615, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.28.615
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