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21/06/2018 | FRANCE | N°16-22804

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2018, 16-22804


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1321-4 et R. 1321-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 7 mars 1988 par la société Promoviandes, devenue la société Elivia Villers Bocage, occupait en dernier lieu la fonction d'opérateur d'abattage-découpe ; qu'il a été licencié pour faute grave le 25 janvier 2012 ;

Attendu que pour déclarer le règlement intérieur opposable au salarié, l'arrêt retient que ledit rè

glement spécifie lui même, en son titre IV, avoir été déposé au secrétariat greffe du conse...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1321-4 et R. 1321-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., engagé le 7 mars 1988 par la société Promoviandes, devenue la société Elivia Villers Bocage, occupait en dernier lieu la fonction d'opérateur d'abattage-découpe ; qu'il a été licencié pour faute grave le 25 janvier 2012 ;

Attendu que pour déclarer le règlement intérieur opposable au salarié, l'arrêt retient que ledit règlement spécifie lui même, en son titre IV, avoir été déposé au secrétariat greffe du conseil de prud'hommes de Caen, avoir été affiché à l'intérieur des locaux de travail ainsi qu'à l'endroit où se fait l'embauche, et être applicable de ce fait à compter du 1er mars 2005, que l'intéressé n'apporte pas la preuve du non respect de ces formalités de dépôt et de publicité, et donc de l'inopposabilité des articles II-3 et II-5 à son égard ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'employeur justifiait de l'accomplissement des formalités d'affichage et de dépôt au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Elivia établissement de Villers Bocage aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 1 500 euros à M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige est ainsi rédigée : « (
) nous avons le regret de vous signifier par la présente votre licenciement pour faute grave. Le motif invoqué (...) est le suivant : prises de pauses répétitives irrégulières avec défaut de badgeage. En effet, le jeudi 29 décembre 2011, vous avez quitté votre poste et le site pour fumer à l'extérieur sans badger sortie. En novembre 2009, vous avez été sanctionné pour une même faute. En avril 2010, une mise à pied disciplinaire avait sanctionné le fait d'avoir quitté l'entreprise sans y avoir été autorisé. Cette conduite met en cause le bon fonctionnement du service et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 17 janvier 2012, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis. Votre licenciement, sans indemnité de préavis ni de licenciement prend donc effet ce jour. La période de mise à pied conservatoire qui a débuté le 5 janvier 2012 ne vous sera pas rémunérée (...) ». ; que le règlement intérieur de la société Elivia dispose au titre II intitulé « Discipline », « article II-3, Entrées et Sorties : l'entrée et la sortie du personnel s'effectuent par les accès prévus à cet effet Si l'entreprise est équipée d'un système de saisie des heures de présence par pointage, toute entrée et sortie, ainsi que tout changement de situation au cours de la journée de travail, doivent donner lieu à pointage. Chaque salarié se doit de badger sur la badgeuse qui lui est affectée. Il est formellement interdit de badger pour une autre personne. Toute erreur de pointage doit être immédiatement signalée au chef de service. Toute fraude ou tentative de fraude au pointage est passible d'une sanction. Aucun salarié ne peut, sans autorisation préalable, sortir pendant les heures de travail » ; qu'il en résulte qu'outre son entrée et sa sortie au sein de l'établissement, le salarié est dans l'obligation de pointer pour tout changement de situation au cours de la journée de travail, l'article 11-5 du règlement intérieur, réglementant les horaires de travail, et précisant qu'aucun salarié ne peut sans autorisation ou motif légitime sortir, la durée du travail s'entendant du temps de travail effectif à l'exclusion du temps de pause ; que ce dernier correspond donc au « changement de situation » visé à l'article II-3 cidessus rappelé, et impose au salarié le devoir de pointer, alors au demeurant que M. Y... ne conteste pas l'existence d'une badgeuse à l'entrée de l'établissement et d'une autre au niveau de l'atelier où il était affecté ; que s'agissant de l'opposabilité du règlement intérieur, il résulte d'une part, des procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise du 2 février 2005 et du CHSCT du 19 janvier 2005, que conformément aux exigences de l'article L. 1321-4 du code du travail, ces deux institutions ont été préalablement consultées puisqu'elles ont respectivement « donné un avis favorable au règlement intérieur » et « adopté le règlement intérieur » ; que d'autre part, la société Elivia démontre avoir adressé le 12 avril 2005, un exemplaire de ce règlement intérieur à l'inspecteur du travail ; qu'enfin, alors que ledit règlement, adopté comme il vient d'être dit par les institutions représentatives du personnel spécifie lui-même en son titre IV, avoir été déposé au secrétariat greffe du conseil des prud'hommes de Caen, avoir été affiché à l'intérieur des locaux de travail ainsi qu'à l'endroit où se fait l'embauche, et être applicable de ce fait à compter du 1er mars 2005, M. Y... n'apporte pas la preuve du non-respect de ces formalités de dépôt et de publicité, et donc de l'inopposabilité des articles II-3 et II-5 à son égard ; que quant aux faits reprochés, il résulte de la lettre de licenciement qu'ils tiennent aux prises de pauses répétitives irrégulières avec défaut de badgeage, illustration étant donnée de ce grief par référence à la journée du jeudi 29 décembre 2011, au cours de laquelle M. Y... a quitté son poste et le site sans avoir badgé sa pause, l'employeur évoquant à l'appui de la décision prise, des actes de même nature mais déjà commis et sanctionnés en novembre 2009 et en avril 2010 ; qu'or, l'examen du relevé de pointage du 29 décembre 2011 tel qu'explicité par l'employeur selon lequel la mention de la lettre « M » dans la colonne « badgé » révèle une erreur et une correction manuelle nécessitée par l'absence de badgeage, démontre que M. Y..., après être sorti de son atelier sans avoir badgé à 8 heures, a été identifié comme sortant de l'entreprise à 8h01 par son passage au tourniquet d'entrée puis à 8h12 comme y rentrant, son retour de pause à 8h20 au sein de l'atelier n'ayant de nouveau donné lieu à aucun badgeage ; que ce relevé, non autrement décrypté par le salarié, établit que ce dernier ne s'est pas conformé à l'obligation qui lui était faite de badger à chaque changement de situation et en particulier au sortir de l'atelier pour prendre sa pause ; que le grief tel qu'évoqué dans la lettre de licenciement est ainsi suffisamment caractérisé ; que M. Y... a déjà été sanctionné le 29 septembre 2009, pour s'être abstenu de badger une sortie pause par un avertissement, 2ème sanction dans l'échelle du règlement intérieur qui en compte neuf, puis une nouvelle fois le 13 avril 2010 pour avoir quitté l'entreprise au prétexte que le poste affecté ne lui convenait pas, par une par mise à pied disciplinaire, 4ème sanction du règlement intérieur ; qu'il ne conteste pas avoir été prévenu à cette dernière occasion du risque encouru en cas de renouvellement de faits de même nature, sur la pérennité du contrat de travail, alors qu'il ne remet pas en cause devant la cour le bien fondé des sanctions ainsi prononcées ; que dès lors, tant au regard de l'obligation incombant à l'employeur sur le décompte du temps de travail que des conséquences qui en résultent au plan de la rémunération et de la sécurité des salariés, la répétition des faits dans un délai assez bref, démontre une insubordination persistante constituant une faute d'une gravité telle qu'elle ne permettait pas le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que le jugement entrepris sera donc infirmé et M. Y... débouté de l'ensemble de ses demandes, la faute grave commise justifiant la privation de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement ;

1°) ALORS QUE le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise et, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que l'avis de ces deux institutions représentatives du personnel ne peut résulter que d'une décision prise à l'issue d'une délibération collective ; qu'en retenant dès lors qu'« il résulte des procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise du 2 février 2005 et du CHSCT du 19 janvier 2005 que (...) ces deux institutions ont été préalablement consultées puisqu'elles ont respectivement « donné un avis favorable au règlement intérieur » et « adopté le règlement intérieur » », pour le déclarer opposable à M. Y... et dire le licenciement disciplinaire fondé sur le non-respect de ses dispositions en matière de pointage des temps de pause justifié, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les avis donnés par ces deux institutions représentatives du personnel procédaient d'une décision prise à l'issue d'une délibération collective, donc d'un vote, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1321-4 et L. 1321-5 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QUE l'opposabilité au salarié du règlement intérieur de l'entreprise est subordonnée, d'une part, à son affichage à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l'embauche, d'autre part, à son dépôt au greffe du conseil des prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement ; qu'en jugeant dès lors que « ledit règlement, adopté comme il vient d'être dit par les institutions représentatives du personnel spécifie lui-même en son titre IV, avoir été déposé au secrétariat greffe du conseil des prud'hommes de Caen, avoir été affiché à l'intérieur des locaux de travail ainsi qu'à l'endroit où se fait l'embauche, et être applicable de ce fait à compter du 1er mars 2005 », la cour d'appel, qui s'est déterminée sur le seul fondement des dispositions du règlement intérieur et à l'exclusion de tout élément de preuve démontrant l'effectivité de son affichage dans les locaux de l'entreprise et de son dépôt au conseil des prud'hommes, a statué par des motifs inopérants, violant les articles L. 1321-4, L. 1321-5, R. 1321-1 et R. 1321-2 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS QUE le règlement intérieur, qui doit être déposé au greffe du conseil des prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement, est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l'embauche ; qu'il appartient à l'employeur, qui se prévaut de l'opposabilité au salarié du règlement intérieur de l'entreprise, de rapporter la preuve de l'exécution de ces formalités ; qu'en énonçant dès lors que « M. Y... n'apporte pas la preuve du non-respect de ces formalités de dépôt et de publicité, et donc de l'inopposabilité des articles II-3 et II-5 à son égard », la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 1321-4, L. 1321-5, R. 1321-1 et R. 1321-2 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

4°) ALORS, subsidiairement, QUE seul un manquement volontaire ou délibéré du salarié est de nature à justifier son licenciement disciplinaire ; qu'il s'ensuit que l'oubli, par un salarié soumis à une obligation de pointer lors de ses allées et venues dans l'entreprise, de badger à trois reprises seulement sur une période de plus de deux années consécutives ne revêt aucun caractère fautif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

5°) ALORS, plus subsidiairement, QUE l'absence de pointage, à trois reprises seulement sur une période de plus de deux ans, ne rend pas impossible le maintien d'un salarié comptant de plus de vingt-trois ans d'ancienneté dans l'entreprise ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.

6°) ET ALORS, très subsidiairement, QUE selon l'article II-3 du règlement intérieur de la société Elivia, « toute fraude ou tentative de fraude au pointage est passible d'une sanction » ; qu'aux termes de l'article 46.7 de la convention collective des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes du 20 février 1969 « tout salarié affecté aux opérations d'abattage sur chaînes mécanisées ou tributaire d'un poste de saignée fonctionnant à part, ou effectuant dans les différents ateliers de l'entreprise ou de l'établissement des opérations ou travaux qui se déroulent suivant un rythme et une cadence imposés collectivement, a droit à un temps de pause calculé sur la base de 3 minutes par heure de travail effectivement accomplie. Cette pause est rémunérée au taux normal sans majoration » ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait que son défaut de badgeage lors de son départ en pause le 29 décembre 2011 ne revêtait aucun caractère frauduleux dès lors que, sa pause étant rémunérée, il n'en retirait aucun bénéfice ; qu'en jugeant le licenciement du salarié justifié, sans caractériser la fraude ou la tentative de fraude du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 46.7 de la convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes du 20 février 1969 et l'article II-3 du règlement intérieur de la société Elivia.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22804
Date de la décision : 21/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 24 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jui. 2018, pourvoi n°16-22804


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22804
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