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20/06/2018 | FRANCE | N°17-20.681

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 20 juin 2018, 17-20.681


SOC.

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 juin 2018




Rejet non spécialement motivé


M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président



Décision n° 10881 F

Pourvoi n° F 17-20.681








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la socié

té La Halle, société anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'ordonnance rendue en la forme des référés le 23 février 2017 par le tribunal de grande instance de Paris, dans le litige l...

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 juin 2018

Rejet non spécialement motivé

M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président

Décision n° 10881 F

Pourvoi n° F 17-20.681

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société La Halle, société anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'ordonnance rendue en la forme des référés le 23 février 2017 par le tribunal de grande instance de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail magasins périmètre Nord, dont le siège est [...] ,

2°/ au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail magasins périmètre Sud, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Y..., conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société La Halle, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail magasins périmètre Nord et du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail magasins périmètre Sud ;

Sur le rapport de Mme Y..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Halle aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société La Halle à payer la somme globale de 1 000 euros au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail magasins périmètre Nord et au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail magasins périmètre Sud ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société La Halle.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté la société La Halle de ses demandes tendant à voir annuler les délibérations du 4 juillet 2016 adoptées par le CHSCT Magasins périmètre Nord et le CHSCT Magasins périmètre Sud désignant le cabinet Sésame Ergonomie en qualité d'expert ;

Aux motifs que selon l'article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté dans l'établissement, ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8 du code du travail ; qu'il ressort de articles L. 4614-13 et L. 4614-20 du même code, que l'employeur qui entend contester la nécessité de contester l'expertise doit saisir le président du TGI statuant en la forme des référés ; que la délibération du CHSCT est ainsi libellée : « depuis plusieurs mois, les salariés de nombreux magasins sollicitent régulièrement les membres du CHSCT pour les alerter sur la dégradation importante de leurs conditions de travail et sur les impacts sur leur santé physique et mentale. Le 27 août 2015, la direction a engagé une restructuration avec un PSE et une réduction de 1 600 postes de travail sur 4 500 postes qui existaient. Ce projet a entraîné la fermeture de 240 magasins (Halles aux vêtements, et Halles aux enfants). Les départs des salariés sont progressifs. La majorité des salariés est toujours son contrat, et engagé dans le cadre des projets de reclassement prévus dans le PSE. Le terme est prévu fin décembre 2016. Les répercussions liées à cette restructuration sont nombreuses et mettent en grandes difficultés quotidiennes les salariés de tous les magasins quelle que soit sa taille. Les problématiques rencontrées sont liées à : l'instauration de budgets d'heures qui sont contraignantes pour chaque magasin ; un absentéisme récurrent. Le non remplacement des heures prévues ou imprévues alors que les salariés sont en flux tendu. Il s'ensuit des charges de travail et des risques d'accidents. Les manutentions, le port de charges, le levage qui accroît la pénibilité au travail et entraîne des accidents du travail et l'apparition de pathologies (canal carpien, dorsalgies
). Le climat de travail s'est fortement dégradé et fait état de présence de facteurs de risques psychosociaux (stress, tensions relationnelles
). Du fait de la fermeture de certains points de vente, certains salariés ont été mutés sur d'autres magasins. Des tensions se sont développées au sein d'équipes de travail. De nombreux salariés font état d'une mauvaise intégration dans leurs nouvelles équipes de travail. Pour les membres du CHSCT, la direction n'a pas respecté ses engagements d'accompagnement de ces salariés suite au PSE. Les membres du CHSCT ont signifié à plusieurs reprises à la direction les difficultés rencontrées par les salariés. Force est de constater qu'aucune mesure n'a été mise en place pour anticiper, prévenir ces risques, mais aussi aucune mesure d'amélioration n'a été engagée depuis les alertes. Enfin, les membres du CHSCT, constatent qu'en moins de 2 ans, six directeurs des ressources humaines se sont succédés. Cette situation créée de l'instabilité à plusieurs niveaux. Elle met en évidence en partie les dysfonctionnements récurrents de l'organisation devenue pathogène et à risque pour la santé et la sécurité des salariés » ; que les CHSCT ont donc entendu recourir à un expert sur le fondement du 1° de l'article L.4614-12, en raison d'un risque grave ; que le risque grave est un risque mettant en péril la sécurité ou la santé tant physique que mentale des salariés, avéré au sein de l'entreprise à la date de la désignation de l'expert et non seulement potentiel ou hypothétique, l'objectif de l'expertise n'étant pas d'établir la réalité du risque mais de l'analyser et de proposer des solutions au HSCT ; que ce risque doit être actuel, suffisamment déterminé, présenter un caractère aigu et reposer sur des éléments objectifs patents ; qu'au soutien de sa demande, la société La Halle fait valoir que les CHSCT ne produisent aucun document, ni aucune pièce susceptible de caractériser un risque grave touchant la collectivité des salariés ; qu'il n'y a pas d'aggravation de l'absentéisme, ni des accidents du travail ; que ceux-ci sont au contraire en baisse depuis le début 2016 ; que des sommes sont consacrées à la prévention et à l'amélioration des conditions de travail et de sécurité et qu'elle a mis en place un dispositif de soutien psychologique dont peuvent bénéficier tous les salariés outre un dispositif spécifique en cas d'agression ; qu'en réplique, les CHSCT soutiennent que les budgets d'heures de fonctionnement attribués par magasin ne sont pas en adéquation avec les besoins réels ; qu'il en résulte une surcharge de travail pour les salariés les exposant à un risque grave ; qu'il existe ainsi un risque accru de chutes et d'accidents de manutention ; que les salariés sont en outre davantage exposés aux violences du public ; qu'ils sont démotivés ; qu'il existe des tensions entre eux ; que les risques psychosociaux sont accrus ; que les accidents et arrêts de travail sont en augmentation et qu'ils ont à plusieurs reprises alerté la direction mais en vain ; que si la société La Halle fait grief à la délibération litigieuse de viser des points totalement différents de ceux que les CHSCT avaient demandé à voir inscrits à l'ordre du jour comme étant susceptibles d'avoir des conséquences graves sur la santé des salariés, elle ne sollicite toutefois pas sa nullité pour ce motif ; qu'en tout état de cause, l'ordre du jour de la réunion du 4 juillet 2016 mentionne expressément : « Mandat d'expertise – Délibération pour une expertise » et le fait que dans leur délibération, les CHSCT justifient le recours à l'expertise par des motifs pour partie différents de ceux sur lesquels portaient leurs demandes d'amélioration des conditions de travail également inscrites à l'ordre jour est indifférent, étant observé que la délibération évoque « les manutentions, le port de charges, le levage qui accroît la pénibilité au travail » et que certaines demandes concernaient précisément le port de charges et la manutention ; que la délibération est donc parfaitement régulière sur ce point ; qu'au cours de 2015, la société La Halle, confrontée à d'importantes pertes, a élaboré un plan de redressement prévoyant : - la fermeture de 169 points de vente présentant une situation économique critique sans perspective de redressement et/ou dont le format n'était pas compatible avec le concept de magasins qu'elle souhaitait développer dans l'avenir ; - la fermeture de 21 autres points de vente sauf solution viable de reprise par une autre enseigne du groupe ; - le transfert de 47 points de vente et des équipes associées au point de vente avoisinant ; - l'optimisation de l'organisation des magasins restant en fonction du chiffre d'affaires ; que ces mesures impliquaient la suppression de 1 555 postes au sein des magasins ; qu'un accord collectif fixant le contenu du PSE et les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements collectifs pour motif économique a été signé le 27 août 2015, puis validé par le Directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France par décision du 04 septembre 2015 rectifiée le 15 septembre 2015 ; qu'une restructuration d'une telle ampleur est à l'évidence source d'inquiétudes et de stress pour l'ensemble des salariés de la société et notamment pour ceux travaillant au sein des magasins puisqu'à une période d'incertitude sur l'avenir de leur emploi a succédé une période de forte contrainte budgétaire où il leur a été demandé de fournir des efforts importants afin d'améliorer les résultats des points de vente ; qu'alors qu'à la fin du mois de décembre 2015, 3.227 salariés en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) travaillaient dans les magasins de la société La Halle, à la fin du mois de mai 2016, ils n'étaient plus que 1.814 répartis sur 354 magasins ; qu'il ressort du rapport de la société SECAFI, désignée par le comité central d'entreprise (CCE) dans le cadre de son droit d'alerte économique, qu'au mois de mai 2016, 180 magasins sur les 354, soit 51% du parc, n'atteignaient pas l'objectif prévu par le PSE en terme de CDI, ce qui met en évidence une situation de souseffectif récurrente ; que les effectifs manquant par rapport à l'effectif cible concernent essentiellement l'encadrement (directeurs adjoints et directeurs) et représentent 140 emplois à temps plein ; que ces calculs sont effectués par rapport à l'effectif cible fixé par le PSE ; que la société ADDHOC Conseil, désignée en qualité d'expert par l'instance de coordination des CHSCT, temporairement constituée dans le cadre de la procédure d'information/consultation sur le projet de réorganisation, avait, dans son rapport déposé le 28 juillet 2015, d'une part, remis en cause l'hypothèse de sureffectif sur laquelle reposait la suppression d'un certain nombre de postes faisant au contraire le constat d'un sous-dimensionnement généralisé et d'autre part, critiqué les critères retenus pour déterminer la composition et la taille des nouvelles équipes, critères basés uniquement sur la surface des magasins et leur chiffre d'affaires sans tenir compte d'autres facteurs tels que l'état et la configuration des magasins ou le matériel mis à la disposition des salariés et conclu que cela risquait d'aboutir à des équipes sousdimensionnées et donc à une surcharge de travail ou à une aggravation de la surcharge existante ; que le rapport SECAFI met également en évidence que 17% du parc, soit 33 magasins, a un ratio heures travaillées/heures d'ouverture du magasin inférieur à 2,3, seuil minimum de taille d'équipe défini par la société La Halle afin d'éviter le travail isolé ; que 8% du parc, soit 27 magasins, se situe entre 2,3 et 2,6, soit au total 60 magasins qui se retrouvent en dessous d'un seuil critique de taille d'équipe selon la société SECAFI, étant observé au surplus que la direction reconnaît que ce ratio ne tient pas compte de la charge de travail, ni de la configuration du magasin et ne correspond pas au nombre de salariés nécessaire au fonctionnement d'un point de vente ; que les besoins en effectifs permanents sont en partie compensés par le recours aux contrats précaires car même si le rapport de la société SECAFI relève une baisse du recours à l'intérim au cours du mois de mai 2016, le taux d'utilisation des contrats précaires tous types confondus (intérim, contrats à durée déterminée et stagiaires) reste stable et à un niveau élevé de 21% ; que cependant, cette compensation n'est que partielle puisque le rapport indique qu'en heures tous contrats confondus (CDI et contrats précaires), 3% du parc, soit 12 magasins, se situe sous la limite de 2,3, 18% du parc, soit 62 magasins, se situant entre 2,3 et 2,6, soit au total 74 magasins qui se retrouvent en dessous d'un seuil critique de taille d'équipe ; que le personnel employé en contrat précaire doit être formé par les équipes en place et nécessite un suivi particulier ; qu'en définitive, la société SECAFI conclut que la situation s'est dégradée par rapport à l'avant PSE, la zone dite de « confort » (correspondant à un ratio de 2,6 à 4) n'étant plus la norme dans l'entreprise, que « le niveau des effectifs en magasins a été très tendu pour les salariés tout au long de cet exercice, par choix de maîtriser les frais de personnel (alors même que le recours aux emplois précaires a été important) » et que « les moyens pour recruter sur les postes créés (directeurs adjoints) et les postes vacants de conseiller de clientèle ont tardé » ; que si elle mentionne que la société La Halle a indiqué engager le recrutement de 85 postes couvrant ainsi 56% des écarts, elle souligne toutefois que le site internet de la société ne relaie pas cet engagement ; que cette situation de sous-effectif entraîne une augmentation de la charge de travail des salariés qui sont conduits à effectuer des taches supplémentaires, à occuper des postes qui ne sont pas les leurs et à faire face à des responsabilités accrues sans formation ce qui est source de stress et de fatigue morale et physique supplémentaires, de tensions et de conflits et partant de risque accru d'accidents du travail pour des salariés déjà fragilisés par le plan de restructuration ; que l'activité des salariés des magasins est physique, qu'ils effectuent des opérations de manutention avec des gestes répétitifs et le port de charges lourdes, qu'ils travaillent souvent en position debout, qu'ils ont également en charge la propreté des magasins et doivent ainsi nettoyer les sols sur des surfaces de plusieurs centaines de mètres carrés et que plus de 91% d'entre eux sont des femmes ; qu'il ressort des procès-verbaux des réunions ordinaires et extraordinaires des deux CHSCT que leurs membres ont, à plusieurs reprises, critiqué le taux de 2,3 précité et alerté la direction sur le fait que les budgets d'heures alloués aux magasins n'étaient pas suffisants, qu'il n'y avait pas de cohérence entre les différents magasins et que cette situation engendrait une dégradation des conditions de travail, des tensions au sein des équipes pour respecter les objectifs fixés, du stress, des situations de souffrance au travail et une augmentation inquiétante des accidents du travail notamment au sein de l'encadrement ; que des situations particulières ont été évoquées au cours de ces réunions sans être contestées par la direction ; qu'ainsi, est-til de la situation qualifiée de critique de la directrice du magasin de Briançon contrainte de travailler pendant 50 heures par semaine, de la situation de souffrance de l'équipe du magasin de Saint Martin Boulogne dont l'effectif est insuffisant (réunion extraordinaire des deux CHSCT du 17 juin 216) et de la situation de la directrice du magasin de Reims Neuvillette qui ne prend pas sa pause déjeuner pour ne pas laisser seule la conseillère de vente (réunion du CHSCT magasins périmètre Nord du 1er mars 2016) ; que lors de la réunion des CHSCT magasins périmètre Nord et Sud du 29 avril 2016, la direction s'est engagée à prendre en considération la situation de souffrance de la directrice du magasin de Gannat et a reconnu que les magasins sélectionnés pour participer au test consistant à créer des magasins-mixtes n'avaient pas reçu les moyens humains prévus et qu'en l'absence de directeur régional officiel sur la région, il était difficile pour la directrice du magasin de remonter directement l'information ; qu'il ressort par ailleurs du bilan social Magasins de 2015 et du rapport SECAFI que si le nombre d'accidents du travail rapporté au nombre de salariés est resté relativement stable entre 2014 et 2015 (le nombre d'accidents du travail est passé de 333 à 275 mais l'effectif a diminué de 16%), le nombre de jours d'absence pour accident du travail et accident de trajet rapporté au nombre d'équivalents temps plein et le taux de fréquence des accidents du travail avec arrêt ont augmenté passant de 1,6 à 2,5 pour le premier et de 22,02 à 25,19 pour le second ; qu'au vu des données chiffrées communiquées par la société La Halle (pièce n° 22), le nombre d'accidents du travail est de 245 pour les six premiers mois de 2016, hausse particulièrement importante par rapport à 2015 (275), qui concerne les mois d'avril, mai et juin alors qu'au cours des trois premiers mois de l'année, une évolution positive avait été notée, étant rappelé en outre qu'en parallèle, l'effectif en magasins a été réduit de façon significative ; que s'agissant plus précisément des magasins du périmètre Sud, la direction a reconnu, lors de la réunion du CHSCT du 2 février 2016, que le taux d'accident qui est passé de 1,81 en 2013 à 1,91 en 2015 doit interpeller et a confirmé que la hausse se poursuivait au cours des premiers mois de l'année 2016 avec un taux de 1,96 (réunion du 20 mai 2016) ; que les accident du travail sont majoritairement des accidents dits « de circulation, manutention, portage » (64% des accidents en 2015), le deuxième type d'accidents le plus fréquent étant « les accidents liés à l'existence de risques y compris agression » (18,18% en 2015) ; que la direction avait indiqué, lors de la réunion du CHSCT magasins périmètre Sud du 29 mai 2015, que l'essentiel des accidents étant liés à des problèmes de gestes et de postures, des actions seraient engagées en ce sens ; que cependant, il ressort de la lecture des procès-verbaux des réunions des 2 février et 1er mars 2016, qu'à cette date, aucune mesure générale préventive n'avait encore été mise en oeuvre ; qu'il apparaît en outre que les salariés ne disposent pas du matériel adapté pour la manutention et les travaux en hauteur ce qui augmente la pénibilité des tâches et le risque d'accident du travail, que le rapport de la société ADDHOC Conseil alertait déjà sur cette situation et que s'il est effectivement justifié de dépenses consacrées à la prévention, à l'amélioration des conditions de travail et à la sécurité et si certaines mesures ont été prises, elles sont intervenues tardivement et restent encore insuffisantes ; qu'ainsi lors de la réunion du CHSCT magasins périmètre Sud du 20 mai 2016, il a été indiqué, sans contestation de la direction, que deux ou trois accidents étaient dus à la vétusté des portants, vétusté déjà dénoncée lors de la réunion du 02 février 2016 ; que s'agissant des marchepieds, la direction a annoncé, lors de la réunion extraordinaire du 04 juillet 2016, que la dotation était en cours ; qu'elle a cependant reconnu qu'un marchepied par magasin n'était pas « satisfaisant, ni suffisant » et qu'elle n'avait pas, pour le moment, les moyens de doter l'ensemble des magasins de plusieurs exemplaires, ce qui conduit à l'utilisation de tabourets de type « pieds d'éléphant » qui ne sont pas adaptés et peuvent s'avérer dangereux ; que pour ce qui concerne les roulettes à installer sous les podiums afin de pouvoir les déplacer sans risque, le CHSCT magasins périmètre Sud a approuvé le dispositif au cours de l'été 2015, le CHSCT Nord l'a validé en mars 2016, et ce n'est que par courriel du 29 juillet 2016 qu'il a été indiqué que l'installation des roulettes débuterait au cours de la semaine 32 (soit la semaine du 08 au 12 août 2016) et ce, alors que ce problème a été à l'origine de plusieurs accidents du travail après la délibération du CHSCT Sud ; que par ailleurs, les situations de travail isolé dans lesquelles les salariés peuvent se trouver en raison du sous-effectif présentent des risques élevés en terme de sécurité et il ressort des pièces versées aux débats que les agressions sont importantes et en constante augmentation depuis 2013, dans les magasins du périmètre Nord, passant de 17 en 2013 à 28 en 2015 ; que des agressions dans les magasins de Brest 2, Lognes, Villebon et Fougères ont ainsi été évoquées lors de la réunion du CHSCT magasins périmètre Nord du 1er mars 2016 ; qu'il est précisé, s'agissant du magasin de Brest, que trois agressions ont eu lieu en à peine six mois, que seuls deux salariés sont présents dans le magasin le matin et l'après-midi et le CHSCT déplore que ses demandes concernant la mise en place d'un système de vidéosurveillance ou le recrutement d'un vigile à temps complet soient restées sans suite ; que le compte-rendu d'intervention de la société AGS du 25 mai 2016 met en évidence que lors de la tentative de vol commise au magasin de Saint Jean de Vedas, seules deux salariées étaient présentes dans le magasin, qu'il y a déjà eu d'autres tentatives de vol et agressions dans ce magasin, que la peur face à ces violences s'accroît à chaque nouvel événement et que les salariés déplorent qu'aucune démarche durable de surveillance n'ait été mise en place ; que certes, des agents de sécurité sont parfois embauchés mais la direction, qui reconnaît l'existence des risques d'agressivité, indique qu'afin de parvenir aux objectifs, elle est contrainte « d'opérer les arbitrages les plus judicieux en fonction des risques et du budget disponible » (réunion du CHSCT magasins périmètre Nord du 1er mars 2016) ; que si la société a également mis en place un certain nombre de dispositifs tels le dispositif AGS qui s'adresse aux salariés victimes d'agression, de violence ou de harcèlement, le dispositif PSYA, auquel les salariés peuvent avoir recours lorsqu'ils traversent une période difficile, ou la formation « gestion de l'agressivité », ces actions, qui pour deux d'entre elles interviennent a posteriori, ne sont pas suffisantes pour faire disparaître le risque grave auquel les salariés sont exposés ; que les CHSCT soutiennent, sans être contestés, qu'aucun programme annuel de prévention des risques ne leur a été présenté, qu'interpellée lors de la réunion du 2 février 2016 du CHSCT magasins périmètre Sud sur l'absence de plan de prévention des risques, la direction s'est contentée de répondre « nous devons y travailler » et qu'il n'existe pas de document unique d'évaluation des risques à jour, celui-ci étant en cours d'élaboration, ni de référent en santé et sécurité du travail ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que du fait des problèmes d'effectifs au sein des magasins de la société La Halle et de l'alourdissement de la charge de travail qui en résulte dans une période de contrainte budgétaire et de tensions liée à la mise en oeuvre du plan de restructuration, les salariés sont exposés à un risque grave pour leur santé tant physique que psychique ; que la société La Halle sera par conséquent déboutée de ses demandes tendant à voir annuler les délibérations adoptées par les CHSCT le 04 juillet 2016 ;

Alors 1°) que le CHSCT ne peut valablement délibérer sur un projet de désignation d'un expert pour des risques différents de ceux précisément inscrits à l'ordre du jour ; qu'est nulle la délibération du CHSCT décidant d'une mission d'expertise sur un projet de restructuration évoqué lors d'une réunion mais qui n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour ; qu'il est acquis aux débats que les CHSCT ont été convoqués à une réunion extraordinaire par lettres du 22 juin 2016 sur l'ordre du jour suivant : « Demandes d'amélioration des conditions de travail en lien avec des réclamations et rapports du CHSCT : roulettes sur les podiums lourds, fixation des platines et clavettes sur les mannequins, moyens adaptés au port de charges (panneaux périphériques
), Dotation d'escabeaux 3 marches. Mandat d'expertise : délibération pour une expertise, délibération pour le choix du cabinet d'expertise, délibération pour validation du cabinet d'expertise » ; que l'ordonnance constate que la délibération adoptée le 4 juillet par le CHSCT est ainsi libellée : « depuis plusieurs mois, les salariés de nombreux magasins sollicitent régulièrement les membres du CHSCT pour les alerter sur la dégradation importante de leurs conditions de travail et sur les impacts sur leur santé physique et mentale. Le 27 août 2015, la direction a engagé une restructuration avec un PSE et une réduction de 1 600 postes de travail sur 4 500 postes qui existaient. Ce projet a entraîné la fermeture de 240 magasins (Halles aux vêtements, et Halles aux enfants). Les départs des salariés sont progressifs. La majorité des salariés est toujours sous contrat, et engagée dans le cadre des projets de reclassement prévus dans le PSE. Le terme est prévu fin décembre 2016. Les répercussions liées à cette restructuration sont nombreuses et mettent en grandes difficultés quotidiennes les salariés de tous les magasins quelle que soit la taille. Les problématiques rencontrées sont liées à : l'instauration de budgets d'heures qui sont contraignantes pour chaque magasin ; un absentéisme Un absentéisme récurrent. Le non remplacement des heures prévues ou imprévues alors que les salariés sont en flux tendu. Il s'ensuit des charges de travail et des risques d'accidents. Les manutentions, le port de charges, le levage qui accroît la pénibilité au travail et entraîne des accidents du travail et l'apparition de pathologies (canal carpien, dorsalgies
). Le climat de travail s'est fortement dégradé et fait état de présence de facteurs de risques psychosociaux (stress, tensions relationnelles
). Du fait de la fermeture de certains points de vente, certains salariés ont été mutés sur d'autres magasins. Des tensions se sont développées au sein d'équipes de travail. De nombreux salariés font état d'une mauvaise intégration dans leurs nouvelles équipes de travail. Pour les membres du CHSCT, la direction n'a pas respecté ses engagements d'accompagnement de ces salariés suite au PSE. Les membres du CHSCT ont signifié à plusieurs reprises à la direction les difficultés rencontrées par les salariés. Force est de constater qu'aucune mesure n'a été mise en place pour anticiper, prévenir ces risques, mais aussi aucune mesure d'amélioration n'a été engagée depuis les alertes. Enfin, les membres du CHSCT, constatent qu'en moins de 2 ans, six directeurs des ressources humaines se sont succédés. Cette situation créée de l'instabilité à plusieurs niveaux. Elle met en évidence en partie les dysfonctionnements récurrents de l'organisation devenue pathogène et à risque pour la santé et la sécurité des salariés » ; qu'en jugeant cette délibération régulière, après avoir constaté que la société La Halle lui faisait grief « de viser des points totalement différents de ceux que les CHSCT avaient demandé à voir inscrits à l'ordre du jour comme étant susceptibles d'avoir des conséquences graves sur la santé des salariés » et que la délibération des CHSCT justifiait le recours à l'expertise par des motifs pour partie différents de ceux sur lesquels portaient leurs demandes d'amélioration des conditions de travail inscrites à l'ordre jour, le président du tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 4614-8 et L. 4614-12 du code du travail ;

Alors 2°) que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en énonçant que si la société La Halle reprochait aux délibérations des CHSCT du 4 juillet 2016 de viser des points différents de ceux qu'ils avaient demandé à voir inscrits à l'ordre du jour comme étant susceptibles d'avoir des conséquences graves sur la santé des salariés, « elle ne sollicite toutefois pas sa nullité pour ce motif », cependant que la société, à l'appui de sa contestation de la désignation de l'expert, soutenait que « dans sa délibération pour la nomination d'un expert, le CHSCT magasins Périmètre Nord et le CHSCT Périmètre Sud ont visé des points totalement différents de ceux qu'ils avaient mis à l'ordre du jour » en invoquant les répercussions de l'engagement du PSE du 27 août 2015 et des réductions de postes, point qui « ne figurait aucunement à l'ordre du jour de la réunion extraordinaire » et demandait, dans le dispositif de ses conclusions, l'annulation des délibérations du 4 juillet 2014, ce dont il résultait que le président du tribunal devait se prononcer sur les conséquences légales de la discordance entre l'ordre du jour et la délibération adoptée, celui-ci a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu'un risque grave, identifié et actuel est constaté dans l'établissement lui-même ; qu'en analysant la restructuration de la société et en retenant « qu'une restructuration d'une telle ampleur est à l'évidence source d'inquiétudes et de stress pour l'ensemble des salariés de la société et notamment pour ceux travaillant au sein des magasins puisqu'à une période d'incertitude sur l'avenir de leur emploi a succédé une période de forte contrainte budgétaire où il leur a été demandé de fournir des efforts importants afin d'améliorer les résultats des points de vente », et « une augmentation de la charge de travail des salariés qui sont conduits à effectuer des taches supplémentaires, à occuper des postes qui ne sont pas les leurs et à faire face à des responsabilités accrues sans formation ce qui est source de stress et de fatigue morale et physique supplémentaires, de tensions et de conflits et partant de risque accru d'accidents du travail pour des salariés déjà fragilisés par le plan de restructuration » ce qui ne caractérisait aucun risque grave, identifié et actuel constaté dans l'établissement lui-même, d'autant qu'était par ailleurs relevé un « nombre d'accidents du travail (
) relativement stable », le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail ;

Alors 4°) qu'en se fondant sur des problèmes d'effectifs au sein des magasins de la société La Halle, l'alourdissement de la charge de travail en résultant dans une période de contrainte budgétaire et de tensions liées à la mise en oeuvre du plan de restructuration, ce qui était insusceptible de caractériser un risque grave, identifié et actuel au sein de l'établissement, le président du tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir condamné la société La Halle à payer aux CHSCT la somme de 7 000 € au titre de frais de procédure ;

Aux motifs que la société La Halle devra verser aux CHSCT, qui ne disposent pas de budget de fonctionnement et n'ont commis aucun abus dans l'exercice des prérogatives qu'ils tiennent de la loi, la somme de 7 000 € qu'ils justifient avoir exposée pour assurer leur défense à l'occasion de la présente instance ;

Alors que caractérise l'abus du CHSCT sa volonté délibérée de solliciter systématiquement des expertises sans fondement ; qu'en condamnant, dans ce contexte, la société La Halle à prendre en charge les honoraires d'avocat des CHSCT, l'ordonnance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 17-20.681
Date de la décision : 20/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 20 jui. 2018, pourvoi n°17-20.681, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.20.681
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