SOC.
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10884 F
Pourvoi n° M 17-16.500
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Y... A... , domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 16 février 2017 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale-section B), dans le litige l'opposant à la société Stmicroelectronics (Grenoble 2), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme B..., conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme A... , de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Stmicroelectronics (Grenoble 2) ;
Sur le rapport de Mme B..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme A...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... A... de ses demandes tendant à voir dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral, dire et juger que la société ST Microelectronics (Grenoble 2) SAS n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi et a violé son obligation de sécurité, dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voir condamner la société ST Microelectronics (Grenoble 2) SAS au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour préjudice moral et pour rupture du contrat de travail imputable à l'employeur, et de l'avoir condamnée aux dépens ;
AUX MOTIFS QU'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; il résulte de la combinaison des articles L1231-1, L1237-2 et L1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ; aux termes de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; l'article L1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié qui se prétend victime de harcèlement doit établir la réalité de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; en l'espèce, la salariée invoque en premier lieu, à l'appui du harcèlement moral qu'elle reproche à l'employeur, l'absence de définition précise des fonctions attachées à son poste de travail ainsi que de ses objectifs ; elle fait valoir qu'elle a intégré le site de Grenoble en mai 2010 en qualité de technicienne process EWS et que les fonctions attachées au poste comprenaient celles de support sur les « maps prober » et des fonctions relatives au développement Web mais ne comprenaient pas les fonctions de création de « Set up » ; toutefois, elle ne produit aucun élément établissant ce fait alors qu'au contraire ses entretiens d'évaluation annuelle des 08 mars 2011 et 22 février 2012 comportent une description de ses tâches incluant expressément la fonction « set up » ; certes la mention « not applicable » a été portée à propos de cette fonction lors du premier entretien mais la salariée a elle-même mentionné : « n'ayant été formée à la création de setup que quelques jours avant cet entretien, cet objectif n'est donc pas applicable pour l'année écoulée mais concernera l'année suivante » ; lors du second entretien d'évaluation il a été indiqué « below expectations » soit « insuffisant » ce qui démontre encore que cette tâche entrait effectivement dans ses fonctions et a été exécutée puisque évaluée ; les seuls commentaires de la salariée afférents à cette évaluation ont porté sur ses fonctions d'informaticienne Web qu'elle souhaitait voir davantage prises en compte tant dans l'intitulé et la description de son poste et qu'au niveau salarial ; en revanche elle n'a rien mentionné s'agissant de ses fonctions setup ; il ressort par ailleurs des attestations de ses collègues et supérieurs hiérarchiques, établies lors de l'enquête interne mise en place par l'employeur, que l'activité « setup » faisait partie de son poste et que la salariée en avait parfaitement connaissance lors de son embauche mais qu'elle était réticente pour l'exercer voire même refusait de l'accomplir ; le seul souhait de la salariée de ne pas accomplir une des fonctions attachée à son poste ne permet pas d'en déduire une absence de définition précise de son poste ; la salariée se prévaut par ailleurs du fait que le médecin du travail, lors de la visite de reprise du 04 mars 2013, a indiqué qu'elle était « apte à l'essai sous réserve d'un définition précise des missions de l'intéressée » ; toutefois, du 04 au 06 mars 2013, la salariée a été dispensée d'activité ce qui empêchait toute nouvelle définition de son poste puis a été placée en arrêt de travail à compter du 05 mars et n'a pas repris son activité ; dans ces conditions, le fait que le CHSCT ait pu indiquer dans son rapport d'enquête suite à l'accident du travail du 05 mars 2013, que la salariée était en attente d'une définition de sa mission à six mois ne permet pas davantage d'établir la réalité du grief allégué étant précisé que le CHSCT n'a entrepris aucune action suite à son enquête ; la salariée invoque en deuxième lieu des pressions et des reproches injustifiés sur la qualité de son travail dans la mesure où elle a été notée en mars 2012 endessous des attentes sur le volet support TPP et support de salle setup alors qu'elle n'était pas en charge de ces tâches ; elle affirme qu'elle n'a eu la charge effective de la fonction Setup qu'en juin 2012, sans formation adéquate, suite au départ du collègue qui exécutait cette fonction ; cependant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, son entretien d'évaluation de mars 2012 comporte une évaluation de cette fonction qui faisait donc partie intégrante de sa mission ce qu'elle n'avait pas contesté à cette époque ; par ailleurs, il est démontré que Madame A... a participé à des formations « setup menu » en février 2011, « setup TEL » en mars2011, « formation Semics » en juin 2011, le mai l relatif à cette formation mentionnant la création de setup ; les échanges de mail entre Monsieur Z..., supérieur hiérarchique de la salariée, et elle même du 11 mai 2011 et des 1er et 2 octobre 2012 démontrent que la salariée a été encouragée à améliorer ses connaissances relatives à la fonction setup ; plusieurs témoignages de salariés confirment également que Madame A... a bénéficié de la formation adéquate mais qu'elle n'était pas intéressée par cette fonction ; le grief tiré de l'absence de formation et du caractère injustifié des reproches ne peut pas davantage être retenu ; enfin, la salariée reproche au service des ressources humaines d'avoir adopté une attitude brutale consistant à lui demander à plusieurs reprises de manière autoritaire de répondre au questionnaire d'enquête malgré ses demandes de lui laisser du temps pour ce faire ; il est établi que l'employeur a procédé à une enquête interne suite à l'intervention d'un délégué du personnel ayant fait part à la responsable des ressources humaines de la souffrance au travail ressentie par la salariée ; dans ce cadre, la responsable des ressources humaines a demandé à Madame A... comme aux autres salariés de répondre à un questionnaire ; la salariée produit le questionnaire qui lui a été remis le 04 mars 2013 qui mentionne qu'elle répondra plus tard aux diverses questions ; le simple fait pour l'employeur de mener une enquête interne ne caractérise pas une attitude brutale, laquelle n'est établie par aucun élément, étant observé que l'enquête a été menée par le service des ressources humaines conformément au process mis en place par la société ; enfin, l'existence d'un comportement brutal et agressif de l'employeur ne peut se déduire de la prise en charge au titre d'un accident du travail par l'organisme social du malaise de la salariée survenu le 05 mars ; en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée ; la demande relative au harcèlement doit par conséquent être rejetée de même que celle relative à la violation de l'obligation de sécurité de résultat fondée sur les mêmes faits ; dans ces conditions, en l'absence de manquement caractérisé de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte de la salariée doit produire les effets d'une démission ; il convient donc de débouter Madame A... de ses demandes et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
1° ALORS QUE le juge doit examiner l'intégralité des éléments dont le salarié se prévaut afin de rechercher si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la salariée a notamment soutenu que l'employeur avait toujours refusé que ses fonctions d'informaticienne Web soient prises en compte dans l'intitulé et la description du poste, qu'il n'avait pas mis sa classification et son salaire en adéquation avec ses fonctions, que le conflit lié au retard de rémunération incomplètement rattrapé avait dégradé ses relations de travail et son état psychologique, qu'au cours de ses arrêts de travail, l'employeur avait sollicité régulièrement des contrôles médicaux et qu'il n'avait pas exécuté les démarches administratives permettant son indemnisation par la caisse primaire d'assurance maladie ; que la cour d'appel, qui a rejeté la demande de la salariée tendant à voir juger qu'elle avait été victime de harcèlement moral sans examiner ces éléments, a violé les articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail ;
2° Et ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments invoqués, rechercher si les éléments matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ; que la cour d'appel a notamment constaté que la salariée avait fait l'objet d'une évaluation défavorable en 2012 concernant certaines tâches, que le 4 mars 2013, le médecin du travail l'avait déclarée apte à l'essai sous réserve d'une définition précises des missions de l'intéressée, qu'elle avait été placée en dispense d'activité du 4 au 6 mars 2013, que le CHSCT avait indiqué dans son rapport d'enquête que la salariée était en attente d'une définition de sa mission depuis 6 mois, que l'employeur avait procédé à une enquête interne suite à l'intervention d'un délégué du personnel ayant fait part de la souffrance au travail ressentie par la salariée, que la responsable des ressources humaines avait demandé à la salariée de répondre à un questionnaire, que la salariée avait été victime d'un malaise reconnu comme accident du travail le 5 mars 2013 et avait été placée en arrêt de travail à compter du 5 mars 2013 ; qu'en rejetant la demande de la salariée tenant à voir juger qu'elle avait été victime de harcèlement moral sans rechercher si ces éléments matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail ;
3° ALORS en outre QUE lorsque le salarié invoque un manquement de l'employeur aux règles de prévention et de sécurité à l'origine d'un accident du travail, il appartient à l'employeur de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat ; que la salariée a soutenu que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité était à l'origine de l'accident du travail dont elle avait été victime le 5 mars 2013 ; que la cour d'appel, qui a rejeté les demandes de la salariée, sans qu'il résulte de ses constatations que l'employeur avait démontré que la survenance de l'accident était étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité, a violé les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ;
4° Et ALORS QUE les réserves du médecin du travail concernant l'aptitude du salarié s'imposent à l'employeur lequel doit justifier avoir respecté ses préconisations ; que la cour d'appel, après avoir constaté que le médecin du travail, lors de la visite de reprise du 4 mars 2013, avait indiqué que la salariée était « apte à l'essai sous réserve d'une définition précise des missions de l'intéressée », a retenu que du 04 au 06 mars 2013, la salariée a été dispensée d'activité ce qui empêchait toute nouvelle définition de son poste puis avait été placée en arrêt de travail à compter du 05 mars et n'a pas repris son activité ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants, quand les réserves du médecin du travail concernant l'aptitude du salarié s'imposaient à l'employeur lequel devait justifier avoir respecté ses préconisations, tandis que l'absence de respect de ces obligations faisait obstacle à la poursuite de la relation de travail, la cour d'appel a violé les articles L4121-1, L 4121-2 et L 4624-1 du code du travail.