SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10875 F
Pourvois n°s U 17-11.355
et C 17-11.892 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
I - Statuant sur le pourvoi n° U 17-11.355 formé par M. Thierry Y..., domicilié [...] ,
contre un arrêt rendu le 30 novembre 2016 par la cour d'appel de Douai, dans le litige l'opposant à la société Coopérative du syndicat général des vignerons, société coopérative agricole, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
II - Statuant sur le pourvoi n° C 17-11.892 formé par la société Coopérative du syndicat général des vignerons,
contre le même arrêt rendu entre les mêmes parties ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme A..., conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme B..., avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Z..., avocat de M. Y..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Coopérative du syndicat général des vignerons ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la connexité, joint les pourvois U 17-11.355 et C 17-11.892 ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que chacun des moyens de cassation annexés, invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision.
Moyen produit au pourvoi n° U 17-11.355 par Me Z..., avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 94.867,92 brut le montant de l'indemnité que la société coopérative du syndicat général des vignerons (CSGV) a été condamnée à payer à M. Y... pour violation du statut protecteur ;
AUX MOTIFS QU' en vertu des articles L.2411-5 et L.2421-3 du code du travail, le licenciement d'un délégué du personnel ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il n'est pas contesté que lorsqu'il a formé une demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail devant la cour d'appel de Reims, M. Y... avait été élu depuis le 7 octobre 2010 aux fonctions de délégué du personnel suppléant ; que les dispositions de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Reims qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail sont définitives ; que dès lors que cette résiliation a été prononcée aux torts de l'employeur et au bénéfice d'un salarié protégé, elle produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, ouvrant donc droit au profit de M. Y... au paiement d'une indemnité pour violation du dit statut ; que cette indemnité est égale à la rémunération que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la demande de résiliation judiciaire, laquelle inclut la période de protection courant à compter de l'expiration du mandat ; que la résiliation ayant pris effet au jour de son prononcé, soit le 5 mars 2014 et M. Y... bénéficiant d'une protection qui expirait le 7 avril 2015 (fin du mandat : 7 octobre 2014 + 6 mois), il lui est dû une indemnité égale à 13 mois et 2 jours, soit la somme de 94.867,92 € brut [(7.260,30 x 13) + (7.260,30 x 2/30)] que la société CSGV sera condamnée à lui payer ;
ALORS QUE lorsque la nullité du licenciement est consécutive à une demande du salarié tendant à la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, le point de départ du calcul de l'indemnité forfaitaire est fixé au jour de la demande de résiliation du contrat de travail et non au jour de la décision ayant prononcé cette résiliation ; que pour évaluer le montant de l'indemnité forfaitaire due à M. Y..., la cour d'appel a fixé le point de départ du calcul de cette indemnité à la date du 5 mars 2014, soit à la date à laquelle la cour d'appel de Reims avait prononcé la résiliation du contrat de travail du salarié ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle aurait dû retenir la date du mois de janvier 2013, date à laquelle M. Y... a saisi le la cour d'appel de Reims d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en la cause et les articles L.2411-5 et L.2421-3 du code du travail. Moyen produit au pourvoi n° C 17-11.892 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative du syndicat général des vignerons.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la CSGV à payer à Monsieur Y... la somme de 16.115,73 € à titre de rappel de prime exceptionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « La délivrance par l'employeur d'un bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées et l'employeur est tenu, en cas de contestation, de prouver le paiement des salaires. En l'espèce, le bulletin de paie du mois de janvier 2010 mentionne un paiement de 16.115,73 euros sous l'intitulé « RAG - Prime exceptionnelle ». Le bulletin de paie du mois de février 2010 annule le paiement susvisé sous l'intitulé « Annulation prime exceptionnelle » et mentionne le paiement d'une somme distincte de 17.782,20 euros sous l'intitulé « RAG – Commissions ». Il a été définitivement jugé que Monsieur Y... était mal fondé en sa demande en paiement d'un rappel de commissions au titre des années 2007 à 2009, dans la mesure où l'intéressé avait admis pour les années 2007 et 2008 que les sommes versées sous l'intitulé « Prime exceptionnelle » couvraient en réalité le paiement de ses commissions et que le paiement susvisé effectué par l'employeur en février 2010, constituait la régularisation du paiement des commissions dues au titre de l'année 2009. La Société CSGV soutient que le paiement effectué sous l'intitulé « Prime exceptionnelle » au mois de janvier 2010 apparaît précisément correspondre à l'application de la clause contenue dans l'avenant contractuel du 12 décembre 2009 relative au calcul des commissions. Toutefois, hormis le bulletin de paie litigieux qui ne mentionne aucune base de calcul mais uniquement le montant de la prime allouée, il n'est produit par l'employeur aucun détail de calcul et aucun élément comptable de nature à justifier de ce que le paiement effectué en janvier 2010 sous l'intitulé d'une prime exceptionnelle corresponde non pas au paiement d'une gratification à caractère exceptionnel mais au paiement d'un pourcentage sur la marge brute des ventes ayant la nature d'une commission constitutive d'un élément du salaire, alors de surcroît que le montant versé à titre de commission en février 2010 diffère de celui alloué à titre de prime exceptionnelle en janvier 2010 et qu'il n'est pas justifié des vicissitudes informatiques alléguées qui auraient motivé un changement de dénomination des salaires versés au titre de la part variable de rémunération entre janvier et février 2010. Il ne résulte ainsi d'aucun élément probant que les commissions versées à raison de 17.782,80 euros au mois de février 2010 aient été versées une première fois sous le libellé « Prime exceptionnelle » pour un montant de 16.115,73 euros, la somme payée à ce dernier titre ayant le caractère d'une gratification autonome du salaire, versée comme sa qualification indiquée au bulletin de paie l'indique à titre inhabituel, en dehors de tout usage ou engagement unilatéral. La Société CSGV ne pouvait donc par le biais d'une compensation effectuée de façon unilatérale, annuler au mois de février 2010 et alors que Monsieur Y... venait de saisir le Conseil de prud'hommes de différentes demandes, le paiement d'une gratification versée le mois précédent. Elle sera donc condamnée à payer à l'appelant la somme de 16.115,73 euros à titre de rappel de prime exceptionnelle » ;
1. ALORS QUE l'employeur qui a versé, par erreur, une somme d'argent au salarié est fondé à opérer une compensation sur les salaires dus à ce dernier ; que l'existence d'une gratification suppose que l'intention libérale de son auteur soit établie ; qu'en l'espèce la société CSGV faisait valoir que la somme versée en janvier 2010 2 sous le libellé « RAG prime exceptionnelle » n'était pas due au salarié dès lors qu'en raison d'une erreur de calcul au regard des stipulations contractuellement prévues, son montant avait été rectifié avant d'être reversé en totalité en février 2010 et qu'elle pouvait donc régulièrement opérer une compensation entre la somme indument perçue en janvier 2010 par le salarié et les commissions versées en février 2010 ; qu'en se bornant à affirmer sur ce point que la somme payée en janvier 2010 sous le libellé « RAG prime exceptionnelle » avait « le caractère d'une gratification autonome du salaire, versée comme sa qualification indiquée au bulletin de paie l'indique à titre inhabituel, en dehors de tout usage ou engagement unilatéral », sans relever le moindre élément de nature à caractériser l'existence d'une intention libérale de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des exigences des articles L. 1221-1 du Code du travail, 1131, 1134 et 1376 du Code civil dans leur rédaction applicable au litige ;
2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui demande le versement d'une somme d'apporter la preuve que celle-ci lui était effectivement due ; qu'au cas présent, il appartenait à M. Y... d'établir que la prime exceptionnelle versée en janvier 2010 correspondait à une gratification sans aucun lien avec les commissions stipulées au contrat ; qu'en reprochant à l'employeur de ne produire « aucun détail de calcul et aucun élément comptable de nature à justifier de ce que le paiement effectué en janvier 2010 sous l'intitulé d'une prime exceptionnelle corresponde non pas au paiement d'une gratification à caractère exceptionnel mais au paiement d'un pourcentage sur la marge brute des ventes ayant la nature d'une commission constitutive d'un élément de salaire » et en dispensant le salarié d'apporter le moindre élément de nature à établir que le versement de la somme de 16.115,73 euros correspondait à un droit ou à une intention libérale de l'employeur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 1353, anciennement 1315, du Code civil.