CIV. 2
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10436 F
Pourvoi n° T 17-21.106
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. André Y..., domicilié [...] ,
contre l'ordonnance rendue le 22 juin 2017 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. Jean-Philippe Z..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme B... Dauphin, conseiller rapporteur, M. Besson, conseiller, Mme Mainardi, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. Y..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. Z... ;
Sur le rapport de Mme B... Dauphin, conseiller, l'avis de M. A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Z... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir condamné M. Y... à verser à Me Z... la somme de 8.200 euros HT ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Le 13 janvier 2016, Maître Z... a adressé à Messieurs Y... une facture n° 5759 s'élevant à 10.450 € HT outre 2 090 € de TV A et 110,17 € de débours soit, après déduction de 2.700 € d'ores et déjà réglée, un solde de 9.950,17 € TTC ; que cette facture, qui chiffre les honoraires HT et y ajoute la TVA applicable, est régulière ; que c'est à juste titre que la facture récapitule les honoraires pour la période du 18 novembre 2014 au 13 janvier 2016 ; qu'en effet, la convention étant inapplicable, il s'agit de déterminer l'ensemble des diligences accomplies par l'avocat depuis la saisine par le client afin d'en évaluer le coût global, avant d'en déduire l'ensemble des acomptes réglés ; que les diligences mentionnées ne sont pas imprécises, mais au contraire très détaillées puisqu'elles énumèrent plus de 80 diligences accomplies dans le cadre de ce dossier (étude des pièces, points internes, contacts avec les confrères, l'huissier de justice, et avec Monsieur Y..., actes de procédure, conclusions et étude des conclusions adverses, audiences diverses, négociation avec le conseil de la société AD DSP et étude de la proposition de celle-ci etc.) ; qu'il s'agissait d'un dossier complexe concernant plus de 200 photographies ; que de plus, alors qu'un incident de nullité de l'assignation était en cours lorsque Maître Z... a été saisi, l'avocat a dû argumenter, avec succès, pour obtenir le rejet de l'exception de nullité, notamment en concluant au fond afin de régulariser les éventuelles irrégularités de l'assignation ; que s'il est vrai que les conclusions au fond n'ont pas emporté la conviction du tribunal, leur lecture révèle malgré tout l'existence d'un travail d'étude très important et minutieux, l'ensemble des diligences étant parfaitement compatible avec les 55 heures facturées ; que, par ailleurs, c'est à juste titre que le délégué du bâtonnier a relevé que la responsabilité civile de l'avocat échappait à sa compétence et ne pouvait être évoquée que devant le juge du droit commun ; qu'en effet, le bâtonnier, et sur recours de sa décision, le Premier Président de la cour ou le magistrat délégué par lui, n'ont compétence que pour statuer sur le montant des honoraires dus par le client, et n'ont pas le pouvoir de statuer sur les demandes tendant à la réparation des fautes professionnelles éventuellement commises par l'avocat, que ce soit par le biais de dommages et intérêts ou d'une réduction d'honoraires ; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner les griefs émis par Monsieur Y... relativement au non-respect de ses consignes ou à la qualité intellectuelle ou matérielle du travail réalisé ; qu'enfin, le tarif horaire sur la base duquel est établie la facture n'est nullement excessif pour ce type d'affaire, même si une partie du travail a été accomplie par un stagiaire, étant précisé que Monsieur Y... ne peut à la fois soutenir que l'affaire ne présentait "aucune difficulté" pour un avocat spécialisé en droit d'auteur, et que l'expertise particulière de l'avocat n'est pas démontrée ; que, dans ces conditions, les honoraires doivent être chiffrés à la somme de 55 heures x 190 € HT = 10 450 € HT ; que, sur ce point, la décision déférée doit être confirmée ; qu'il convient de donner acte à Maître Z... de ce qu'il précise, en page 6 de ses conclusions, qu'il ne demande pas le paiement de la somme de 110,17 € correspondant à la facture des huissiers de justice Benichou-Legrain-Berruer ; que sur ce point, la décision, qui a condamné Monsieur Y... au paiement de cette somme, doit être infirmée ; que Monsieur Y... à réglé la somme totale de 2.700 €, correspondant à 2.250 € HT ; qu'il n'y a pas lieu d'y ajouter la facture d'huissier réglée par lui, qui n'est pas un acompte sur les honoraires d'avocat, mais une dépense annexe qui doit rester à sa charge. En conséquence il reste à régler la somme de : 10.450 € HT – 2.250 € HT = 8.200 € HT ; que cette somme sera augmentée de la TVA au taux de 20 %, et des intérêts au taux légal à compter de ce jour ; que, sur ces points, la décision doit être infirmée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Ces critiques portant d'une part sur cette fameuse autorisation de prélèvement CARPA de la somme de 1.500 €, il convient de constater que cette hypothèse est prévue de manière non ambiguë dans l'article 1.2 de la convention qui s'appliquait encore alors, puisque l'avocat n'était pas dessaisi ; qu'au surplus, ce sont les consorts Y... eux-mêmes qui versent aux débats une pièce qui révèlent une date et leur signature comme valant autorisation de prélèvement de cette somme ; que bien évidemment cette autorisation à réception par Maître Z... a été également paraphée par lui, ce qui a précisément permis à la CARPA de se dessaisir sans ambiguïté de la somme de 1.500 € ainsi convenue. ; que s'agissant maintenant des diverses considérations sur le caractère indu ou léonin de la convention d'honoraires initiale, il doit être noté que ce débat est aujourd'hui dépourvu du moindre intérêt puisque Maître Z... ayant été dessaisi avant la fin de sa mission, cette convention n'a plus vocation à s'appliquer ; que la jurisprudence de la Cour de Cassation étant constante sur la caducité dans un tel cas d'espèce, les honoraires doivent donc être fixés selon les critères de droit commun tels que la notoriété de l'avocat, la complexité du dossier, la situation de fortune du client et les diligences réelles et utiles accomplies ; qu'il est donc clair que dans ce périmètre ne rentre pas une quelconque appréciation du bien-fondé des choix tactiques de l'avocat ou du traitement en général par celui-ci du dossier, lesquels pouvant faire ressortir une très éventuelle responsabilité civile professionnelle de celui-ci échappent donc juridiquement totalement à la compétence du bâtonnier et ne peuvent être s'il y a lieu évoqués que devant le Juge du droit commun ; que par contre dans la mission d'une fixation des honoraires et de sa seule compétence, le Bâtonnier doit donc vérifier la crédibilité des heures de diligence revendiquées ; que contrairement à ce qu'indiquent les consorts Y..., le fait qu'un copyright soit reconnu à leur père sur un peu plus de la moitié des photos, s'ils dispensaient l'avocat de devoir faire une démonstration juridique sur la partie de paternité de ces oeuvres précises ne le dispensait absolument pas du débat sur l'originalité, lequel conditionne la recevabilité de la demande au titre d'une oeuvre protégeable ; que les pièces versées aux débats par Maître Z... démontrent notamment par les écritures produites devant le Tribunal que cette démonstration a été entreprise, ce qui est parfaitement logique, photo par photo ; qu'il est certes regrettable que le Tribunal ne l'ait pas retenu et la déception des consorts Y... est parfaitement compréhensible sur ce point ; qu'elles ne les autorisent cependant pas à caricaturer le travail de l'avocat en considérant que l'ensemble des diligences accomplies - conclusions au fond, conclusions devant la mise en état, plaidoiries devant la mise en état avec succès, plaidoirie au fond, étude des pièces et arguments adverses - pourrait être en tout et pour tout limité à 10 heures L'étude approfondie du dossier permet au contraire de considérer que les 55 heures revendiquées par Maître Z... sont suffisamment justifiées ; que par contre, le calcul du solde d'honoraires qui se déduit de la somme réclamée, 10.450 € HT et de celles encaissées 1.000 + 1.500 €, parait erroné puisque le solde ainsi constaté ne peut pas être de 8.200 € mais de 7.950 € ; que c'est donc dans cette limite qu'il sera fait droit à la demande ainsi qu'à celle présentait au titre du remboursement de la somme de 110,17 € au titre des débours et, partiellement du moins, à celle faite sur le fondement sur l'article 700 » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE Le juge de l'honoraire est tenu de procéder à une évaluation concrète des honoraires dus à l'avocat au regard des critères objectifs tenant notamment aux frais exposés, aux diligences accomplies, à la difficulté de l'affaire ou à la situation de fortune du client ; qu'en fixant à 10.450 euros HT les honoraires dus par M. Y... au titre du recours en contrefaçon formé devant le tribunal de grande instance de Paris par Me Z..., sans toutefois rechercher, comme il en était requis (conclusions d'appel, pages 8 et 9), si les diligences de ce dernier avaient été réalisées loyalement et avec l'objectif d'obtenir un résultat positif, le premier président de la cour d'appel a entaché son ordonnance d'un manque de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, telle que modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE Les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des conventions qui leur sont soumises ; que M. Y... et Me Z... avaient prévu, dans une convention d'honoraires en date du 20 novembre 2014, qu' « en sus des honoraires forfaitaires tels que prévu à l'article 1.1, HugotAvocats percevra un honoraire dit de résultat équivalent à 30 % HT du montant global de la transaction obtenue ou de l'ensemble des sommes de toute nature prononcées par le tribunal ainsi que l'article 700 du code de procédure civile » ; qu'ainsi, un pourcentage des sommes récupérées par l'avocat devait lui être attribué, l'assiette comprenant également les montants obtenus au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en considérant cependant que la convention de résultats comprenait le versement, à l'avocat, de la totalité des sommes obtenues au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel a dénaturé la convention d'honoraires du 20 novembre 2014, en violation du principe lui interdisant de dénaturer les clauses claires et précises des contrats qui lui sont soumis.