CIV.3
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10329 F
Pourvoi n° C 16-10.347
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. X... Y..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2015 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Carole Y..., divorcée Z..., domiciliée [...] ,
2°/ à Mme Marie-Pierre Y..., divorcée A..., domiciliée [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 mai 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme B..., conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. X... Y..., de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme Carole Y... ;
Sur le rapport de Mme B..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... Y... ; le condamne à payer à Mme Carole Y... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision.
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X... Y....
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant déclaré recevable la demande de Mme Marie-Pierre A..., née Y..., jugé qu'elle bénéficie d'une servitude de passage tous usages sur les parcelles sises sur la commune de [...] cadastrées [...] , [...] et [...], pour accéder à sa parcelle [...] Lieudit Chez Loup, dit que l'assiette de cette servitude de passage est prescrite, condamné M. X... Y... à remettre en état et à rétablir le passage d'origine et à payer à Mme Carole Y... divorcée Z... la somme de 1.000 euros et celle de 600 euros à Mme Marie-Pierre A... née Y... en réparation de leur préjudice et d'avoir précisé que le rétablissement du passage d'origine le long des granges, auquel monsieur X... Y... est condamné, emporte nécessité de sa remise en état afin qu'il soit carrossable et libre de tout obstacle ;
AUX MOTIFS QUE, sur le fond, il est acquis aux débats que le passage pour rejoindre la propriété n° 7 appartenant à Mme Marie-Pierre Y..., se faisait selon plusieurs attestations, par un chemin carrossable et empierré, régulièrement entretenu, qui longeait « au plus près » le mur nord des granges (Philippe C..., Dominique D..., Hubert E..., Pascal F..., Guy G..., Albert H...) ; que cet accès est d'ailleurs clairement visible sur une image satellite du 5 mars 2006 sur laquelle on observe clairement en bord de route, une plate-forme empierrée et un chemin qui longe les granges, pour rejoindre après un virage, d'autres bâtiments de ferme plus au fond ; que M. X... Y... ne remet pas en cause cette réalité ; qu'il affirme seulement avoir obtenu l'accord de tous les propriétaires concernés pour déplacer l'accès et l'éloigner de son bâtiment dont la solidité et l'intégrité étaient affectées par le passage trop proche de tracteurs lourdement chargés ; qu'il lui revient donc de démontrer l'accord obtenu des trois propriétaires concernés, fonds dominants et fonds servants ; que plusieurs attestations, non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile en ce qu'elles n'évoquent pas leur communication en justice et les sanctions pénales encourues en cas de faux témoignages, relatent que lors de réunions et en particulier en mai 2008, Edmond et Carole Y..., ont donné leur accord au déplacement du passage (Laurent Y..., Laetitia I..., Didier Y..., Georgette Y..., Roland Y...) ; qu'aucun des rédacteurs cependant n'évoque le consentement donné par Mme Marie-Pierre A... née Y... ; qu'il ressort du courrier de cette dernière, du [...] , adressé à M. X... Y..., que le chemin qui passait le long de la grange pour rejoindre sa propriété était utilisé depuis plusieurs décennies, lorsque monsieur X... Y..., « subitement » au prétexte que les tracteurs endommageaient l'immeuble, a bouché l'accès ; qu'elle indique qu'un accord de la part de sa soeur, Carole Y... avait été donné un temps puis que cette dernière s'était rétractée ; qu'il convient de relever à ce stade que Mme Marie-Pierre A..., si elle évoque l'accord donné par sa soeur, sur lequel elle est revenue, ne fait aucune mention de son propre consentement, employant au contraire l'adverbe « subitement » qui indique plutôt que Mme Marie Pierre Y..., n'a pas participé à cette décision ; que M. Edmond Y... le 7 août 2010, a écrit au maire de la commune, monsieur A..., pour contester un prétendu accord au déplacement d'une servitude, plus que centenaire et qui constituait le plus court chemin pour desservir des parcelles enclavées ; que M. Pierre Y... qui affirme avoir des droits sur l'immeuble conteste également avoir consenti au déplacement, qui il faut bien le dire, est tout à fait défavorable à la parcelle [...] qui supporterait seule désormais la contrainte du passage ; que compte tenu des contradictions du dossier, du caractère réel du droit concerné, de la totale absence de preuve du consentement de Mme Marie-Pierre Y..., il convient de débouter monsieur X... Y... de ses prétentions et de confirmer sa condamnation à remettre en l'état le passage ancien ce qui exige l'enlèvement de tous les obstacles appuyés contre la grange (grillage, piquets, poteaux etc...) ou présents sur le chemin et un empierrement en l'état antérieur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la servitude de passage et la remise en état du passage d'origine, l'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ; que des dispositions des articles 682 et suivants du même code, il résulte que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, que ce passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique ou dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est raccordé, que l'assiette et le mode de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu ; que l'article 701 de ce code dispose enfin que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode, pas plus qu'il ne peut changer l'état des lieux ou transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée ; qu'il est constant que le passage vers la parcelle [...] appartenant à Mme A... s'est exercé, jusqu'à une période récente, le long de la grange édifiée sur la parcelle [...] de M. Y..., empruntant seulement la parcelle [...] dans le prolongement du chemin sis sur cette parcelle [...], dans le cadre d'une servitude de passage résultant de l'état d'enclave de la parcelle [...], non conventionnelle, mais non contestée par les parties ; qu'à ce titre, Mme A... est par conséquent bien fondée à voir juger qu'elle bénéficie d'une servitude de passage tous usages sur les parcelles sises sur la commune de [...] cadastrées [...] , [...] et [...], pour accéder à sa parcelle [...] Lieudit Chez Loup, et que son assiette est prescrite ; que pour justifier de la modification de ce passage, M. Y... invoque l'accord des parties concernées ce que celles-ci ne confirment pas : outre le fait que Mme Y... divorcée Z... conteste formellement avoir donné son accord à un moment quelconque à ce sujet, et ce d'autant que le courrier de son conseil adressé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 juillet 2011 à M. Y... rappelle le caractère unilatéral de ce déplacement et le met en demeure de remettre les lieux en l'état, sa soeur, Mme A..., n'affirme nullement avoir acquiescé à cette modification dans ses écritures, quoiqu'ayant écrit à M. Y... le 3 août 2011 que le semblant de chemin qu'il avait réalisé avait recueilli l'accord de la demanderesse pour le réfuter « à présent » (pièce 3 de M. Y...) ; que cependant, les trois attestations que verse M. Y... aux débats (7 à 9) n'établissent pas de façon indiscutable qu'il ait obtenu l'accord de Mme Y... divorcée Z... : celles-ci font état, pour la première, d'une discussion avec le père de la propriétaire ayant eu lieu le 24 mai 2010, sur les travaux à entreprendre pour mettre l'entrée du chemin au niveau de la route, pour la deuxième, d'une communication téléphonique qu'aurait eue M. Y..., fin mai 2008, avec Mme Y... divorcée Z..., au cours de laquelle il aurait entendu M. Y... dire à son interlocutrice « J... Carole, on fait comme ça, je vois avec ton père pour le passage du chemin », et la troisième des seules déclarations de M. Y... relatant un accord de « la propriétaire du champ derrière sa grange pour décaler le chemin qui passait près de sa grange » ; que par ailleurs, M. Y..., bien qu'invoquant le déplacement de ce chemin dans un souci d'amélioration, de protection et de sécurité, ne justifie nullement que l'assignation primitive de la servitude était devenue plus onéreuse ou l'empêchait de faire sur son fonds des réparations avantageuses, au sens de l'alinéa 3 de l'article 701 du code civil ; qu'aussi, dans ces conditions, les demandes de Mme Y... divorcée Z... ne peuvent-elles qu'être déclarées bien fondées, [et] de voir remettre en état et rétablir le passage d'origine sur la parcelle [...] lui appartenant ; que l'ancienneté de la situation en cause, ainsi que son acuité - résultant de l'arrachage de clôture et de panneaux d'interdiction de passer par le nouveau passage mis en place par Mme Y... divorcée Z... - justifie que ces mesures soient assorties d'une astreinte dont le montant est toutefois limité à 50 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ; Sur l'atteinte au droit de propriété de Mme Y... divorcée Z..., que celle-ci sollicite la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette situation qui dure depuis plusieurs années ; que M. Y... considère pour sa part que la demanderesse ne souffre d'aucun préjudice, pouvant toujours accéder à son fonds ; que cette dernière justifie sa demande en indiquant que sa parcelle est défigurée par un tuyau d'écoulement des eaux et que l'accès à sa parcelle, non empierré comme c'était le cas du passage initial, est devenu plus difficile, tout en mentionnant cependant qu'elle n'y a aucune activité agricole et ne procède à aucune exploitation ; que l'atteinte esthétique à sa parcelle n'étant pas démontrée, seul peut être retenu le préjudice résultant d'un accès plus difficile lié ponctuellement à l'état boueux du nouvel accès en cause, mais limité dans son importance par un usage non professionnel, notamment ; qu'il est alloué par conséquent la somme de 1.000 euros en réparation de ce préjudice ; Sur le préjudice de Mme A..., que celle-ci soutient qu'à la suite du déplacement du chemin d'accès à son fonds, Mme Y... lui a interdit tout passage, de telle sorte qu'il se trouve enclavé, et qu'elle ne peut de ce fait garantir à un exploitant sa jouissance paisible, situation constitutive d'une voie de fait ; que Mme Y... divorcée Z... estime qu'une telle réclamation ne peut être que dirigée contre M. Y..., qui est à l'origine de cette situation ; que ce dernier n'a formulé aucune observation sur ce point ; que dans son courrier du 3 août 2011, adressé à M. Y..., Mme A... indique se trouver dans l'impossibilité d'accéder à sa propriété par quelque chemin que ce soit depuis de nombreux mois, ce qui est préjudiciable pour la personne qui exploite sa propriété ; que cette situation d'enclave étant constituée par M. Y... du fait du déplacement du chemin d'accès sur le fonds de Mme Y... divorcée Z... sans avoir requis son assentiment préalable, justifiant ainsi le refus de cette dernière de voir passer Mme A... par ce nouveau chemin ; qu'il y a lieu du reste de constater que celle-ci n'a adressé aucune demande à l'encontre de la demanderesse avant la présente instance ; qu'ainsi donc, seul M. Y... doit être déclaré responsable de ce préjudice ; que pour autant, Mme A... ne justifie pas d'un bail d'où résulte une exploitation quelconque de son fonds ; que le préjudice qu'il invoque, par conséquent limité dans son importance, justifie que lui soit allouée la somme de 600 euros, au paiement de laquelle M. Y... est condamné ;
1/ ALORS QUE le droit de passage qui s'exerce sur un chemin d'exploitation est exclusif de l'application du droit des servitudes ; qu'en l'espèce, pour juger que Mme Marie-Pierre Y... bénéficie d'une servitude de passage tous usages sur les parcelles [...] , [...] et [...] et pour condamner M. X... Y... à remettre en état le passage d'origine sur ces parcelles, la cour a énoncé que, bien qu'invoquant le déplacement du chemin sur la parcelle [...] dans un souci d'amélioration, de protection et de sécurité, il ne justifie pas que l'assiette primitive de la servitude était devenue plus onéreuse ou l'empêchait de faire sur son fonds des réparations avantageuses, au sens de l'alinéa 3 de l'article 701 du code de procédure civile ; qu'en retenant une motivation qui la règlementation des chemins d'exploitation et celle des servitudes, sans statuer sur la qualification de chemin d'exploitation dont se prévalait M. X... dans ses écritures (Prod. 4) ni recherché si une telle qualification n'excluait pas l'application des dispositions relatives aux servitudes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 162-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2/ ALORS QUE, dans ses conclusions n° 2 du 26 août 2015 (Prod. 4), M. X... Y... faisait valoir que Mme Carole Y... lui avait tout d'abord donné son accord pour le déplacement du chemin litigieux et que, fort de cet accord, il avait entrepris les travaux de réalisation du nouveau tracé, mais qu'elle était ensuite revenue sur son accord, plus de trois ans après la réalisation des travaux ; qu'en omettant de répondre à ce moyen dont il résultait que Mme Carole Y... était revenue tardivement sur son accord initial qui avait produit ses effets, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE, après avoir énoncé qu'il revenait à M. X... Y... de démontrer l'accord obtenu des propriétaires concernés, fonds dominants et fonds servants, la cour a estimé que si Marie-Pierre Y... évoque dans son courrier du 3 août 2011 l'accord donné par sa soeur Carole Y..., pour le transfert de l'assiette de la servitude de passage sur sa parcelle [...] , elle ne fait aucune mention de son propre consentement ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (Prod. 4, p. 3 et 7), si Marie-Pierre Y... n'avait pas implicitement donné son accord au transfert d'assiette du chemin en indiquant dans son courrier que sa soeur avait « alors accepté de me laisser passer un temps puis s'est rétractée en clôturant l'entrée de sa parcelle », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 ancien du code civil.