CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10412 F
Pourvoi n° G 17-23.765
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Roland X..., domicilié [...] ,
contre deux arrêts rendus les 31 janvier 2017 et 21 juin 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant à Mme Delphine Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 mai 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Teiller, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. X..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme Teiller, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre des décisions attaquées, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée du 31 janvier 2017 d'AVOIR dit que la liste des délégués dressée par le bâtonnier correspond à la liste objet de la délibération du conseil de l'ordre du 11 février 2014 régulièrement publiée le 18 février 2014, et à la décision attaquée du 21 juin 2017 d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en nullité de la décision du bâtonnier en date du 13 juin 2014 et renvoyé les parties à poursuivre l'instance devant le délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris pour l'examen au fond du litige ;
AUX MOTIFS QUE « M. X... soutient en premier lieu que la désignation du délégué du bâtonnier Francis Z... serait irrégulière et entacherait la décision par lui rendue de nullité en l'absence de publication ou de notification régulière de la liste des délégataires pour l'année 2014 et de notification à M. X... de la désignation de M. Z... en remplacement de M A.... Mme Y... fait valoir que la délégation de compétence au profit de M Z... est régulière, ce dernier figurant bien sur la liste des délégataires adoptée à l'unanimité par le conseil de l'ordre le 11 février 2014 et publiée au bulletin de l'ordre n° 3 du 18 février 2014 sans qu'une notification à M. X... en soit nécessaire dès lors que l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 portant sur les relations entre le public et l'administration n'est pas applicable en la matière ; qu'en outre M. X... a été parfaitement informé de la désignation de M. Z... en application des dispositions de l'article 7.4 du règlement intérieur par la voie électronique autorisée. La modification par l'article 5 du décret n° 2011-1985 du 28 décembre 2011 des dispositions de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et selon laquelle le bâtonnier ne peut déléguer ses pouvoirs aux anciens membres du conseil de l'ordre que si ces derniers sont inscrits sur une liste que le bâtonnier dresse chaque année après délibération du conseil de l'ordre a bien été respectée en l'espèce et il n'est pas contestable, ni contesté, que M. Francis Z... figure sur cette liste, laquelle a été adoptée conformément au texte susvisé le 11 février 2014 et publiée au bulletin n° 3 du mardi 18 février 2014 en permettant ainsi la prise de connaissance par l'ensemble des avocats au barreau de Paris. M. X... soutient que la liste des délégués "potentiels" adoptée par le conseil de l'ordre et publiée au bulletin des avocats de Paris pourrait ne pas être celle finalement arrêtée par le bâtonnier laquelle ne lui aurait pas été notifiée. Mais à défaut par l'appelant de justifier de la différence alléguée, il y a lieu de considérer que la liste des délégués dressée par le bâtonnier correspond à la liste objet de la délibération et de la publication susvisées » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLMENT ADOPTES QUE « Aux termes de l'article 7, dernier alinéa, de la loi 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, "Les litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail ou de la convention de rupture, de l'homologation ou du refus d'homologation de cette convention ainsi que ceux nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier, à charge d'appel devant la cour d'appel. En ces matières, le bâtonnier peut, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, déléguer ses pouvoirs aux anciens bâtonniers ainsi qu'à tout membre ou ancien membre du conseil de l'ordre". Les modalités de cette procédure sont définies aux articles 142 à 153 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat. Ces textes législatifs et réglementaires attribuent donc une compétence exclusive au bâtonnier du barreau au tableau duquel l'avocat collaborateur est inscrit pour connaître en première instance de tout litige né à l'occasion d'un contrat de collaboration, libérale ou salariée, conclu entre avocats. Il ne s'agit donc pas d'une procédure arbitrale au sens juridique du terme mais d'une procédure particulière devant une juridiction d'exception dans laquelle seuls des avocats, ès qualités, donc des professionnels du droit et de la procédure judiciaire, sont parties. Il ressort de l'article 7, alinéa 2, du décret susvisé, que "Le bâtonnier peut également déléguer les pouvoirs qu'il tient du dernier alinéa de l'article 7 et du troisième alinéa de l'article 27 de la loi du 31 décembre 1977 précitée aux anciens bâtonniers de l'ordre et aux anciens membres du conseil de l'ordre inscrits sur une liste qu'il dresse chaque année après délibération du conseil de l'ordre." Le conseil de l'ordre des avocats de Paris a, en sa séance du 11 février 2014, adopté à l'unanimité la liste des délégataires du bâtonnier, conformément aux dispositions de l'article 7 susvisé. Cette liste a été publiée au bulletin n° 3 du mardi 18 février 2014, page 2. Le soussigné figurant sur cette liste, sa délégation est régulière » ;
1) ALORS QU'il résulte de l'article 7 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat (tel que modifié par l'article 5 du décret n° 2011-1985 du 28 décembre 2011) que le bâtonnier peut déléguer ses pouvoirs en matière d'arbitrage des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale « aux anciens bâtonniers de l'ordre et aux anciens membres du conseil de l'ordre inscrits sur une liste qu'il dresse chaque année après délibération du conseil de l'ordre » ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que si la délibération du conseil de l'ordre avait été publiée, en revanche, l'existence, et a fortiori la publication, de la liste dressée par le bâtonnier après cette délibération ne résultait d'aucun élément ; que la cour d'appel a seulement constaté l'existence de la délibération du conseil de l'ordre puis elle a retenu qu'en l'absence de preuve de différence entre les deux listes apportée par M. X..., il y avait lieu de considérer que la liste des délégués dressée par le bâtonnier correspondait à la liste objet de la délibération du conseil de l'ordre qui avait été publiée ; qu'en statuant ainsi par des motifs ne caractérisant pas l'existence d'une liste dressée par le bâtonnier après délibération du conseil de l'ordre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
2) ALORS QU'un acte administratif n'est opposable que s'il a fait l'objet d'une publicité appropriée ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que la liste des anciens bâtonniers de l'ordre et des anciens membres du conseil de l'ordre, à qui le bâtonnier peut déléguer des pouvoirs qu'il tient du dernier alinéa de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971, n'avait été portée à sa connaissance par aucun moyen, seule la délibération préalable du conseil de l'ordre ayant été publiée ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que faute de preuve de différence entre les deux listes apportée par M. X..., il y avait lieu de considérer que la liste des délégués dressée par le bâtonnier correspondait à la liste objet de la délibération du conseil de l'ordre qui avait été publiée ; qu'en omettant de rechercher si la liste des délégués dressée par le bâtonnier avait elle-même été portée à la connaissance de M. X... par un moyen adapté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 21 juin 2017 d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en nullité de la décision du bâtonnier en date du 13 juin 2014 et renvoyé les parties à poursuivre l'instance devant le délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris pour l'examen au fond du litige ;
AUX MOTIFS QUE « M X... considère que la nomination de M. Z... ne peut produire d'effet qu'à compter du 14 mars 2017, date de sa communication à l'intéressé et qu'il n'était pas compétent pour connaître du contentieux diligenté par Mme Y... de sorte que la décision du 13 juin 2014 qui est illégale doit être annulée. Mais la désignation du bâtonnier Z... en date du 7 mai 2014 n'est pas un acte réglementaire de sorte que M X... ne peut invoquer les dispositions de l'article L.221-2 du code des relations entre le public et l'administration pour soutenir que la désignation du 7 mai 2014 ne pouvait produire ses effets qu'à compter de sa notification à M. X... le 14 mars 2017. En outre M. Z... a été nommé de manière régulière par un acte de délégation signé par le bâtonnier Pierre-Olivier B... et il a bien été désigné en qualité de délégué du bâtonnier en remplacement de M. A..., nomination dont M. X... a été informé dès le 9 mai 2014 comme il l'a reconnu tout en contestant en vain les formes de cette notification. M. X... soutient que le courrier recommandé du 18 février 2014 arrêtant le calendrier de la procédure signé "pour ordre" par une personne qui n'indique ni son nom ni sa qualité, ni la possibilité pour M. X... de se faire assister d'un avocat est nulle tout comme la convocation du 23 mai 2014. Si seuls le bâtonnier ou son délégataire peuvent signer les convocations et fixer le calendrier de procédure, la mention d'une signature "pour ordre" ne peut être invoquée par M. Roland X... pour contester la validité des dites convocations dès lors que les délégués du bâtonnier successivement désignés ne contestent pas la matérialité des lettres signées pour eux » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Par ailleurs, il ressort de l'article 7.4 du Règlement de la Juridiction du bâtonnier (annexe XX du règlement intérieur du barreau de Paris) que "...Le Secrétariat du Centre communique aux parties le nom du ou des Délégués du bâtonnier désignés..." Or, il n'est contesté par aucune des parties que le délégué général du Centre de règlement des litiges professionnels a porté à la connaissance de celles-ci la désignation du soussigné par courrier électronique, moyen de communication expressément visé par les dispositions de l'annexe XX susvisée. Dès lors M. X..., avocat émérite, ne saurait se fonder sur des textes visant à la protection de néophytes en matière judiciaire pour soulever, tardivement, la nullité de la désignation du soussigné, ni son inopposabilité » ;
1) ALORS QU'il résulte de l'article L.221-7 du code des relations entre le public et l'administration que « L'entrée en vigueur des décisions ni réglementaires ni individuelles est régie par les dispositions des articles L. 221-2 et L. 221-3 » ; qu'en affirmant que la désignation du bâtonnier Z... en date du 7 mai 2014 n'est pas un acte réglementaire de sorte que M. X... ne peut invoquer les dispositions de l'article L.221-2 du code des relations entre le public et l'administration pour soutenir que la désignation du 7 mai 2014 ne pouvait produire ses effets qu'à compter de sa notification à M. X... le 14 mars 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2) ALORS en tout état de cause QU'un acte administratif n'est opposable que s'il a fait l'objet d'une publicité appropriée ; que tel n'est pas le cas lorsque la délégation par le bâtonnier de ses pouvoirs, en matière d'arbitrage des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale, a fait l'objet d'une simple information par courriel, sans être accompagnée de la copie de la décision du bâtonnier portant sa signature ; qu'en l'espèce précisément, l'exposant se plaignait de n'avoir reçu qu'un simple courriel ne reproduisant pas la décision du bâtonnier désignant M. Z..., ni d'ailleurs les déclarations d'acceptation et d'indépendance de ce dernier ; qu'en affirmant cependant qu'il suffisait que M. X... ait été informé de la nomination de M. Z... le 9 mai 2014, peu important ses contestations quant à la forme qu'elle avait prise, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 21 juin 2017 d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en nullité de la décision du bâtonnier en date du 13 juin 2014 et renvoyé les parties à poursuivre l'instance devant le délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris pour l'examen au fond du litige ;
AUX MOTIFS QUE « M. X... soulève à titre subsidiaire l'incompétence du délégué du bâtonnier pour statuer le 13 juin 2014 alors que saisi dans le cadre de l'urgence il devait eu application de l'article 149 alinéa 2 du décret du 27 novembre 1991 statuer dans le mois de sa saisine soit le 28 février 2014 et en l'absence de décision de report constater son dessaisissement au profit de la cour d'appel. La saisine de la juridiction arbitrale effectuée par Mme Y... par LRAR du 27 janvier 2014 vise expressément l'urgence et les dispositions de l'article 149 alinéa 2 du décret du 27 novembre 1991 de sorte que le délégué du bâtonnier devait statuer dans le mois de sa saisine. Cependant le calendrier de procédure mis en place le 18 février 2014 et accepté par Mme Y... comme le démontre son mémoire en première instance qui ne vise plus l'urgence, permet de considérer que cette dernière a renoncé à s'en prévaloir. En outre M. X... a déposé sa requête en récusation le 6 mai 2014 soit antérieurement à son mémoire du 9 mai 2014 dans lequel il soulevait pour la première fois le non-respect des dispositions de l'article 149 al. 2 susvisé. C'est donc à juste titre que le délégué du bâtonnier s'est déclaré compétent pour statuer, l'exception tenant au cas de la récusation visée à l'alinéa 1er de ce texte ne concernant pas le cas d'urgence » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Quant à l'expiration invoquée du délai pour statuer, l'article 149, alinéa 2, du décret susvisé édicte que "En cas d'urgence, il [le bâtonnier ou son délégué] est tenu de rendre sa décision dans le mois de sa saisine, à peine de dessaisissement au profit du premier président de la cour d'appel." Dès lors que le dispositif de la saisine ne vise pas expressément ce texte, le bâtonnier ou son délégué dispose d'un délai de 4 mois, éventuellement renouvelable, pour statuer. Au surplus, seul le défendeur a soulevé en cours de procédure la question du délai prévu à l'article 149, alinéa 2, par un mémoire en date du 9 mai 2014, soit bien au-delà du délai d'un mois de la saisine du bâtonnier. La demande de récusation, déposée le 6 mai 2014 qui ne fait aucune référence à la prétendue expiration du délai pour statuer, puis l'incident de procédure soulevé par M. X..., ont contraint le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, à proroger, par une décision motivée, le délai initial pour statuer. Cette décision a également été notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception imprimée sur papier à en-tête de l'ordre des avocats de Paris mentionnant ce service et signé par son responsable, salarié cadre supérieur dûment habilité pour ce faire. La demande de dessaisissement au profit du premier président de la cour d'appel de Paris ne pourra donc qu'être rejetée » ;
1) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire ; qu'en retenant en l'espèce que Mme Y... aurait renoncé à invoquer l'urgence au prétexte que son mémoire en première instance ne vise plus l'urgence, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2) ALORS QUE l'article 149, al. 2, du décret du 27 novembre 1991 dispose qu'« En cas d'urgence, il est tenu de rendre sa décision dans le mois de sa saisine, à peine de dessaisissement au profit du premier président de la cour d'appel », l'article 146 du même décret précisant « Le bâtonnier statue sur les contestations relatives à l'étendue de sa saisine » ; que les délais dans lesquels M. X... a formulé une demande de récusation avant d'invoquer l'article 149, al. 2, du décret du 27 novembre 1991, au-delà du délai d'un mois spécifié par ce texte, n'autorisait pas le délégué du bâtonnier à passer outre les effets de son dessaisissement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.