CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10406 F
Pourvoi n° B 17-13.432
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Alternative automobiles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre les arrêts rendus les 10 septembre 2015 et 15 décembre 2016 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant à M. Nicolino X..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 mai 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Alternative automobiles, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre des décisions attaquées, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alternative automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Alternative automobiles.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF aux arrêts du 10 septembre 2015 et 15 décembre 2016 d'avoir condamné la société Alternative Automobiles à payer à M. X... une somme de 38.120 € ;
AUX MOTIFS QUE la cour relève que, dans son arrêt du 10 septembre 2015, elle avait partiellement sursis à statuer et renvoyé l'affaire pour les observations des parties sur le moyen de la perte de chance, en précisant dans les motifs que l'ordonnance de clôture n'était pas révoquée et qu'aucune demande ni aucun moyen nouveau autres que ces seules explications ne sauraient être recevables (arrêt du 15 décembre 2016, p. 6 § 1) ;
ET AUX MOTIFS QU' à titre subsidiaire, M. X... demande paiement de [la somme de 47.650 €], « en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information et de conseil du vendeur professionnel quant à l'application d'une TVA belge en ce cas » ; que le vendeur professionnel a l'obligation de renseigner l'acheteur sur la chose vendue, en lui communiquant les informations utiles dont il a connaissance et que l'acheteur ne peut lui-même connaître ; que cette obligation porte bien évidemment sur le prix de la chose, et notamment sur les éléments de ce prix comme sur les dépenses accessoires ou complémentaires ; que ce principe a été consacré par la loi dans de nombreux domaines ; qu'ainsi, l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. En cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté cette obligation » ; qu'en l'espèce, il incombait à la société de donner à son client une information exacte et précise sur le prix qu'il allait supporter, y compris les taxes applicables à l'opération, et, s'agissant d'un vendeur professionnel de véhicules automobiles, elle devait connaître le régime fiscal applicable à cette vente, sauf à supporter les conséquences de son éventuelle ignorance ou de son erreur ; que dès lors que l'acquéreur était un résident belge, qu'il ne s'agissait pas d'un véhicule pouvant être qualifié d'occasion (au regard du kilométrage parcouru) et qu'il devait circuler sur le territoire belge, il s'agissait d'une vente intracommunautaire d'un véhicule neuf soumis au régime fiscal de l'État membre de destination ; que la société intimée a donc commis une faute en appliquant de manière erronée le dispositif français et a nécessairement manqué à son obligation d'information, en ne donnant pas à l'acheteur les renseignements exacts ; que la société ne saurait exciper des capacités financières de son acheteur pour en déduire qu'il était en mesure de connaître ou de se renseigner sur cette fiscalité ; qu'elle ne saurait non plus s'exonérer des éventuelles conséquences du manquement à son obligation d'information en prétendant qu'elle ne savait pas que le client allait utiliser le véhicule en Belgique et qu'il incombait à celui-ci de l'en prévenir, alors qu'il est de nationalité belge, résidant à Tournai (Belgique) et qu'à tout le moins, au vu de ces circonstances, elle aurait dû s'enquérir de la destination du bien vendu ; que ses supputations sur l'éventualité d'un usage du véhicule par le client dans le sud de la France sont à cet égard totalement inopérantes ; qu'il est ainsi établi que la société quoi ne connaissait pas les dispositions applicables en matière de TVA, a, en conséquence, et nécessairement manqué à son obligation contractuelle d'information en ne donnant pas à son client les renseignements pertinents sur le régime fiscal applicable et doit dès lors réparer les dommages qui ont pu en résulter (arrêt du 10 septembre 2015, p. 7) ;
1°) ALORS QUE le professionnel n'est tenu envers son client d'une obligation d'information, de conseil et de mise en garde qu'en considération de sa sphère de compétence ; que le revendeur de véhicules, qui n'est pas un professionnel de la fiscalité, n'a pas à informer l'acquéreur de l'un de ses véhicules, lorsqu'il est résident d'un autre État membre, de son obligation éventuelle d'acquitter la TVA applicable dans cet État pour l'hypothèse où il entendrait y immatriculer ce véhicule ; qu'en l'espèce, la société Alternative Automobiles faisait valoir, dans ses écritures signifiées le 11 mai 2015 (concl., p. 13), qu'elle n'était pas spécialisée en fiscalité européenne et n'avait dès lors aucune compétence lui imposant de renseigner M. X... sur l'éventualité d'avoir à régler la TVA en Belgique s'il entendait y immatriculer son véhicule ; qu'en jugeant, au contraire, que la société Alternative Automobiles était tenue envers M. X... d'une obligation d'information consistant à lui donner les renseignements pertinents sur le régime fiscal applicable, dès lors que l'acquéreur était un résident belge et que le véhicule devait circuler sur le territoire belge (arrêt du 10 septembre 2015, p. 7 § 3 et 5), la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable en la cause ;
2°) ALORS QUE, EN TOUTE HYPOTHÈSE, à supposer même que le revendeur professionnel de véhicules soit tenu d'informer un acquéreur potentiel, résidant dans un autre État membre de l'Union Européenne, de son éventuelle obligation d'acquitter la TVA dans cet État membre pour l'hypothèse où il entendrait y immatriculer ce véhicule, c'est à la condition qu'il ait été préalablement informé par cet acquéreur de son intention de faire immatriculer le véhicule dans cet autre État ; qu'en l'espèce, la société Alternative Automobiles faisait valoir que, lors de l'acquisition, son dirigeant M. Z... n'avait reçu aucune information de M. X... sur le sort du véhicule qu'il avait acheté (concl. signifiées le 11 mai 2015, p. 13) ; que, pour retenir que la société Alternative Automobiles avait manqué à son obligation de conseil en ne donnant pas à M. X... les renseignements pertinents sur le régime fiscal applicable, la cour d'appel a relevé que « l'acquéreur était un résident belge » et que le véhicule « devait circuler sur le territoire belge » (arrêt du 10 septembre 2015, p. 7 § 3), et a considéré que la société Alternative Automobiles devait « à tout le moins, au vu de ces circonstances [
] s'enquérir de la destination du bien vendu » (arrêt du 10 septembre 2015, p. 7 § 6) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il n'appartenait pas à la société Alternative Automobiles, revendeur de véhicules, de se renseigner sur la question de savoir si le véhicule, immatriculé en France, était destiné à être immatriculé dans un autre pays, mais à l'acquéreur M. X... de l'informer sur ce point pour lui permettre de lui donner des informations sur le régime fiscal applicable, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt du 15 décembre 2016 d'avoir condamné la société Alternative Automobiles à payer à M. X... une somme de 38.120 € ;
AUX MOTIFS QUE les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance dès lors qu'il n'est pas certain que mieux informé, le créancier de l'obligation d'information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse ; que la reconnaissance d'une perte de chance indemnisable suppose que celle-ci soit sérieuse afin de ne pas indemniser un préjudice purement hypothétique ; qu'en ce qui concerne la victime d'un manquement à une obligation de conseil, sa perte de chance de renoncer au contrat ou de contracter à des conditions différentes doit présenter une certaine probabilité : dès lors, pour exclure tout aléa dans la réalisation du dommage et, partant, toute réparation résultant d'une perte de chance, convient-il d'établir que, même mieux informé, le client aurait contracté aux mêmes conditions ; qu'en l'espèce, la cour retient d'abord que les éléments fournis par les parties n'établissent ni qu'il s'agissait d'un véhicule de collection justifiant l'achat d'un modèle d'occasion - le kilométrage fût-il aussi bas - à un prix équivalent voire supérieur à celui du modèle neuf, ni que M. X... aurait certainement acquis le véhicule nonobstant la perspective de payer un supplément de presque 48 000 € ; que le préjudice de M. X... s'analyse donc bien en une perte de chance de ne pas contracter ; que pour apprécier celle-ci, la cour retient que celui-ci se décrit comme un amateur de belles voitures, n'achetant un véhicule d'occasion que parce que le prix en est inférieur à un véhicule neuf et qui aurait préféré choisir la couleur et les finitions pour cette voiture d'usage quotidien ; que le « supplément fiscal » représente environ 21,33 % du prix initial de la Ferrari (225 000 euros) ; qu'à l'égard de tels biens d'exception il s'agit bien plus de « coups de coeur » et d'envie d'amateurs de « belles voitures » (comme l'appelant se décrit lui-même) que du simple achat d'un moyen de déplacement ; que M. X... a en outre acheté un « kit HGTE » (fait invoqué par Alternative automobiles et non contesté par l'appelant), pour un prix de 27.000 € lui ayant permis « d'individualiser le véhicule » et donc de le personnaliser, avec un surcoût non négligeable (suspensions abaissées, amélioration des performances de 85 millisecondes au démarrage, pot d'échappement supplémentaire, nouveau logo brillant mat), ce qui caractérise encore la notion de l'achat « coup de coeur » et diminue la probabilité de ne pas acheter en cas d'information sur un poste de dépense supplémentaire ; qu'au regard de ces éléments, la cour évalue à 80% la perte de chance en cause et donc à 38 120 euros le montant des dommages et intérêts dus par la société intimée (arrêt, p. 6 § 3 à 8) ;
1°) ALORS QUE seule la disparition actuelle et certaine d'une perspective favorable peut être indemnisée au titre de la perte de chance ; qu'en l'espèce, la société Alternative Automobiles faisait valoir que M. X... était un chef d'entreprise fortuné, amateur et collectionneur de voitures, et dès lors indifférent au régime de TVA applicable à un véhicule qu'il choisissait d'acquérir (concl. du 10 mai 2016, p. 14) ; que la cour d'appel s'est bornée, pour apprécier la perte de chance alléguée par M. X..., à s'interroger sur la question de savoir si ce dernier, même informé du risque de payer la TVA en Belgique, aurait néanmoins acquis ce véhicule, au regard d'un achat « coup de coeur » (arrêt, p. 6 § 7) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le patrimoine conséquent de M. X... le rendait indifférent au régime fiscal applicable à la TVA éventuellement au titre de l'achat d'un véhicule exceptionnel, dont il était amateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause ;
2°) ALORS QUE seule la disparition actuelle et certaine d'une perspective favorable peut être indemnisée au titre de la perte de chance ; qu'en l'espèce, la société Alternative Automobiles faisait valoir que la TVA réclamée à M. X... par l'administration fiscale belge, au titre de l'acquisition du véhicule Ferrari 599 GTB qu'elle lui avait vendu en France, correspondait à une taxation illégale, et que M. X... aurait pu contester la taxe qui lui était réclamée, en faisant notamment valoir que la TVA avait été acquittée en France (concl. du 10 mai 2016, p. 12) ; que la cour d'appel s'est bornée, pour apprécier la perte de chance alléguée par M. X..., à s'interroger sur la question de savoir si ce dernier, même informé du risque de payer la TVA en Belgique, aurait néanmoins acquis ce véhicule, au regard d'un achat « coup de coeur » (arrêt, p. 6 § 7) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la légalité de la taxation imposée par l'administration fiscale belge à M. X... pouvait être contestée, ce que M. X... n'avait pas fait, ce qui était de nature à influer sur l'appréciation de la perte de chance prétendument subie par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause.