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13/06/2018 | FRANCE | N°17-12970;17-13588

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2018, 17-12970 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Z 17-12.970 et W 17-13.588 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... a été engagé le 6 novembre 2001 d'une part par la société Y... et fils et d'autre part par l'EARL Y... et fils par contrats séparés à durée indéterminée à temps partiel ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 17-12.970, ci-après annexé :

Attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient sou

mis par l'une et l'autre partie, la cour d'appel, sans statuer par un motif hypothétique, a est...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Z 17-12.970 et W 17-13.588 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... a été engagé le 6 novembre 2001 d'une part par la société Y... et fils et d'autre part par l'EARL Y... et fils par contrats séparés à durée indéterminée à temps partiel ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 17-12.970, ci-après annexé :

Attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis par l'une et l'autre partie, la cour d'appel, sans statuer par un motif hypothétique, a estimé que la preuve était rapportée par le salarié de l'accomplissement d'heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été payées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° Z 17-12.970, ci-après annexé :

Attendu qu'appréciant souverainement, hors toute dénaturation, les faits qui lui étaient soumis, la cour d'appel n'a fait qu'exercer son office en constatant au vu de ces éléments que la demande, non discutée dans son principe et son montant, était fondée au regard des dispositions applicables ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° Z 17-12.970, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel a souverainement apprécié le préjudice ayant résulté du manquement de l'employeur dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° W 17-13.588, ci-après annexé :

Attendu que, sous le couvert des griefs non fondés d'inversion de la charge de la preuve et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de preuve par les juges du fond qui ont estimé qu'il n'était pas justifié d'une retenue sur salaire ;

Sur le second moyen du pourvoi n° W 17-13.588, ci-après annexé :

Attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas établi que l'employeur avait intentionnellement mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° Z 17-12.970 :

Vu l'article 1153, alinéa 4, du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner les employeurs au paiement de dommages-intérêts pour non-paiement du salaire, l'arrêt retient que le salarié qui n'a pas disposé en temps réel de l'intégralité de la rémunération à laquelle il pouvait légitimement prétendre, a nécessairement subi un préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement du salaire et causé par la mauvaise foi des employeurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement la SARL Y... et fils et l'EARL Y... et fils à verser à M. Z... la somme de 800 euros nets de dommages-intérêts pour non-paiement des salaires, l'arrêt rendu le 13 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° Z 17-12.970 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la SARL Y... et fils et l'EARL Y... et fils

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les sociétés au paiement de la somme de 6 432,70 euros au titre des heures supplémentaires et 643,27 euros au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QU'il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'il doit fournir des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'il résulte de l'article L. 3171-4 du Code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence m au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que n'existe en l'espèce aucun désaccord entre les parties sur le nombre total d'heures de travail effectuées par le salarié ; qu'il est en effet établi et non contesté par la partie adverse que Benoît Z... a travaillé 44 heures par semaine, à savoir 13 heures en vertu du contrat de travail l'ayant lié à la SARL Y... etamp; Fils et 31 heures en vertu du contrat l'ayant lié à l'Earl Y... etamp; Fils ; que Benoît Z... indique n'avoir en réalité jamais travaillé pour l'EARL : que selon le salarié, son activité aurait été exclusivement consacrée à la SARL ; que l'existence de deux contrats de travail distincts et la répartition de ses heures de travail entre deux employeurs différents n'avaient nul autre but que d'éviter à la SARL Y... etamp; Fils de devoir payer des heures supplémentaires majorées au-delà de la 35ème heure ; que selon les pièces versées aux débats, la SARL Y... etamp; Fils et l'Earl du même nom constituent deux entités différentes, répertoriées séparément au registre du commerce et exerçant des activités qui ne sont pas totalement identiques, la première exécutant des travaux agricoles pour des tiers et la seconde se consacrant à une exploitation viticole familiale ; que sont produits aux débats les contrats de travail et avenants conclus entre Benoît Z... et les deux sociétés ; que des bulletins de paie distincts ont bien été délivrés au salarié : que toutefois il n'est apporté aucun démenti aux allégations de Benoît Z... selon lesquelles il n'aurait travaillé que pour la Sarl ; que si le demandeur verse quelques pièces de nature à prouver son intervention sur différents domaines, ce qui par nature ne pouvait correspondre qu'à son activité au sein de la société susvisée, l'employeur, pour des raisons dont le bien-fondé n'est pas établi, n'a pas cru devoir fournir à la Cour quelque pièce que ce soit susceptible de prouver que l'activité du salarié était bien ventilée entre les deux sociétés ; qu'au surplus, cet employeur n'hésite pas à reconnaître dans ses conclusions que " la réputation de la société - à savoir la Sarl - a permis un développement de l'activité notamment auprès de marques de renom et l'embauche de salariés. Dans le cadre de ces embauches, il a été nécessaire d'équilibrer les charges salariales de chaque structure": que cette dernière phrase prête à confusion, laissant nettement à penser que l'équilibre recherché pouvait conduire à s'écarter de répartition effective des embauches entre les deux structures ; qu'il y a en conséquence tout lieu d'accorder du crédit aux allégations non contestées - du salarié selon lesquelles la SARL Y... etamp; Fils aurait été de fait son unique employeur, lequel devra verser au salarié les sommes correspondant a la majoration des heures effectuées au-delà de la 35ème heure ; que les calculs établis par le demandeur, et corroborés par les pièces du dossier, n'ont pas été spécifiquement contredits dans leur quantum ; que c'est une somme de 6 432,70 € assortie de 643,27 € de congés payés afférents que la SARL Y... etamp; Fils et l'Earl Y... etamp; Fils seront condamnées à verser à Benoît Z....

1° ALORS QUE le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'à supposer même que les employeurs n'aient « apporté aucun démenti aux allégations de Benoît Z... selon lesquelles il n'aurait travaillé que pour la Sarl », il ne pouvait s'en déduire aucune reconnaissance d'un travail exclusif du salarié pour la Sarl, ni a fortiori de l'accomplissement d'heures supplémentaires à son profit ; qu'en fondant sa décision sur la considération qu'aucun démenti n'aurait été apporté aux allégations du salarié, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil alors applicable ;

2° ALORS QU'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en retenant qu'il y a « tout lieu d'accorder du crédit aux allégations non contestées » quand il appartenait au salarié de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, la cour d'appel a violé l'article 9 code de procédure civile ;

3° ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en retenant que la phrase des conclusions des employeurs selon laquelle « la réputation de la société – à savoir la Sarl – a permis un développement de l'activité notamment auprès de marques de renom et l'embauche de salariés. Dans le cadre de ces embauches, il a été nécessaire d'équilibrer les charges salariales de chaque structure » « prête à confusion, laissant nettement à penser que l'équilibre recherché pouvait conduire à s'écarter de [la] répartition effective des embauches entre les deux structures », la cour d'appel a statué par un motif dubitatif en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les sociétés au paiement de la somme de 488 euros au titre de la prime de vendange et 48,80 euros au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE Benoît Z... fonde sa demande sur les dispositions de l'article 21 de la Convention collective des travaux agricoles qui institue une prime particulière rattachée au temps de la cueillette ; que la partie adverse n'ayant pas même répondu à cette demande spécifique, ne l'a combattue ni dans son principe ni dans son montant ; qu'il sera en conséquence fait droit à la demande du salarié ;

1° ALORS QUE les sociétés concluaient au débouté de la demande du salarié tendant au prime de vendanges, exposant à ce titre que les vendanges étaient toujours confiées à des travailleurs saisonniers pour préserver les employés à l'année ; qu'en affirmant que ces sociétés n'auraient pas répondu à cette demande et ne l'auraient combattu ni dans son principe ni dans son montant, la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel en violation de l'article 1134 alors applicable ;

2° ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se bornant à retenir que les employeurs n'auraient pas répondu à la demande du salarié quand il lui appartenait de dire si cette demande était fondée au regard des dispositions de l'article 21 de la convention collective nationale des travaux agricoles sur lesquelles elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les sociétés au paiement de la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts pour non-paiement des salaires ;

AUX MOTIFS QU'est établie l'absence de règlement des heures supplémentaires sur plusieurs années ainsi que de la prime de vendanges sur deux années ; que Bruno Z... qui n'a pas disposé en temps réel de l'intégralité de la rémunération à laquelle il pouvait légitimement prétendre, a nécessairement subi un préjudice qui sera entièrement réparé par le versement de la somme de 800 € ;

1° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent allouer des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l'existence, pour le créancier, d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par sa mauvaise foi ; qu'en allouant au salarié une indemnisation distincte de celle assurée par les intérêts moratoires au seul motif que le salarié n'avait « pas disposé en temps réel de l'intégralité de la rémunération à laquelle il pouvait légitimement prétendre », ce qui constitue précisément le préjudice réparé par les intérêts moratoires, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil alors applicable ;

2° ALORS en tout cas QUE les dommages-intérêts allouée l'ayant été à raison de « l'absence de règlement des heures supplémentaires sur plusieurs années ainsi que de la prime de vendanges sur deux années », la cassation à intervenir sur les deux précédents moyens de cassation relatifs à ces heures supplémentaires et primes, emportera l'annulation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les sociétés au paiement de la somme de 1 200 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale périodique ;

AUX MOTIFS QU'il n'est nullement contesté que Benoît Z... n'a jamais été soumis à quelque visite médicale que ce soit postérieurement à 2002 ; que n'a pas même été organisée la visite de reprise exigée par la loi après l'accident du travail de 2009 ; que même si le salarié avait la possibilité de se soumettre de sa propre initiative à un examen médical ou tout au moins d'en solliciter l'organisation, il n'en demeure pas moins que la carence des employeurs, telle que démontrée, a nécessairement causé à l'appelant un préjudice qui sera entièrement réparé par le versement de la somme de 1 200 € ;

ALORS QUE des dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle ; qu'en retenant que la carence des employeurs aurait nécessairement causé un préjudice au salarié quand il lui appartenait de caractériser le préjudice qui serait né de la faute des employeurs, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil alors applicable. Moyens produits au pourvoi n° W 17-13.588 par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Benoît Z... de ses demandes tendant à la condamnation de la société à responsabilité limitée Y... et fils, et, subsidiairement, solidairement la société à responsabilité limitée Y... et fils et l'exploitation agricole à responsabilité limitée Y... et fils, à lui payer la somme de 5 400 euros au titre de la retenue illégale sur le salaire pour la période du 1er avril 2007 au 30 septembre 2011, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012, et tendant à ce que ces intérêts soient capitalisés à compter du 18 juin 2012 conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause ;

AUX MOTIFS QUE « Benoît Z..., qui prétend avoir été payé en espèces, soutient que lui a été mensuellement retirée de son salaire la somme de 100 € correspondant à ses frais de repas ; que ses affirmations sont formellement contestées par la partie adverse ; / Attendu qu'outre le fait que le versement du salaire en espèces est formellement démenti par les extraits bancaires remis par le salarié lui-même, lesquels mentionnent des virements ou des remises de chèques, l'appelant ne verse aux débats pas le moindre élément susceptible d'étayer sa demande ; que cette dernière sera rejetée » (cf., arrêt attaqué, p. 7) ;

ALORS QUE, de première part, en cas de litige, c'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve qu'il a payé le salaire au salarié ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. Benoît Z... de sa demande fondée sur l'existence d'une retenue illégale sur son salaire effectuée par la société à responsabilité limitée Y... et fils, que M. Benoît Z... ne versait aux débats pas le moindre élément susceptible d'étayer sa demande, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, de deuxième part, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant, pour débouter M. Benoît Z... de sa demande fondée sur l'existence d'une retenue illégale sur son salaire effectuée par la société à responsabilité limitée Y... et fils, que le versement du salaire en espèces par la société à responsabilité limitée Y... et fils était formellement démenti par les extraits bancaires remis par le salarié lui-même, qui mentionnaient des virements ou des remises de chèques, quand il résultait des termes clairs et précis des relevés de compte bancaire (cf., pièce n° 61 produite par l'exposant) et des bulletins de paie (cf., pièces n° 23 à 27 et 56 produites par l'exposant) versés aux débats par M. Benoît Z..., que les virements et remises de chèques mentionnés sur ces relevés de compte bancaire correspondaient aux seuls salaires versés à M. Benoît Z... par l'exploitation agricole à responsabilité limitée Y... et fils, et non aux salaires versés à M. Benoît Z... par la société à responsabilité limitée Y... et fils, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des relevés de compte bancaire (cf., pièce n° 61 produite par l'exposant) et des bulletins de paie (cf., pièces n° 23 à 27 et 56 produites par l'exposant) versés aux débats par M. Benoît Z..., en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, de troisième part, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant, pour débouter M. Benoît Z... de sa demande fondée sur l'existence d'une retenue illégale sur son salaire effectuée par la société à responsabilité limitée Y... et fils, que M. Benoît Z... ne versait aux débats pas le moindre élément susceptible d'étayer sa demande, quand M. Benoît Z... versait aux débats, à l'appui de cette demande, l'attestation, par laquelle Mme Marie-Pierre D... avait témoigné que « compagne de M. Z... Benoît, je tiens sa comptabilité depuis près de 13 ans et comme le prouvent ses relevés de compte du crédit agricole, j'atteste que Benoît recevait la paie de la SARL Y... en liquide et que la somme de 100 euros lui était retenue tous tes mois », qui était mentionnée comme la pièce n° 81 de M. Benoît Z... dans le bordereau de pièces communiquées accompagnant ses conclusions d'appel, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel et du bordereau de pièces communiquées de M. Benoît Z..., en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. Benoît Z... de ses demandes tendant à la condamnation de la société à responsabilité limitée Y... et fils, et, subsidiairement, solidairement la société à responsabilité limitée Y... et fils et l'exploitation agricole à responsabilité limitée Y... et fils, à lui payer la somme de 14 619,84 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012, et tendant à ce que ces intérêts soient capitalisés à compter du 18 juin 2012 conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause ;

AUX MOTIFS QUE « n'existe en l'espèce aucun désaccord entre les parties sur le nombre total d'heures de travail effectuées par le salarié ; / qu'il en effet établi et non contesté par la partie adverse que Benoît Z... a travaillé 44 heures par semaine, à savoir 13 heures en vertu du contrat de travail l'ayant lié à la SARL Y... et fils et 31 heures en vertu du contrat l'ayant lié à la Earl Y... et fils ; / attendu que Benoît Z... indique n'avoir en réalité jamais travaillé pour l'Earl ; que selon le salarié, son activité aurait été exclusivement consacrée à la Sarl ; que l'existence de deux contrats de travail distincts et la répartition de ses heures de travail entre deux employeurs différents n'avaient nul autre but que d'éviter à la SARL Y... et fils de devoir payer des heures supplémentaires majorées au-delà de la 35ème heure ; attendu que selon les pièces versées aux débats, la SARL Y... et fils et l'Earl du même nom constituent deux entités différentes, répertoriées séparément au registre du commerce et exerçant des activités qui ne sont pas totalement identiques, la première exécutant des travaux agricoles pour des tiers et la seconde se consacrant à une exploitation viticole familiale ; que sont produits aux débats les contrats de travail et avenants conclus entre Benoît Z... et les deux sociétés ; que des bulletins de paie distincts ont bien été délivrés au salarié ; / attendu toutefois qu'il n'est apporté aucun démenti aux allégations de Benoît Z... selon lesquelles il n'aurait travaillé que pour la Sarl ; que si le demandeur verse quelques pièces de nature à prouver son intervention sur différents domaines, ce qui par nature ne pouvait correspondre qu'à son activité au sein de la société susvisée, l'employeur, pour des raisons dont le bien-fondé n'est pas établi, n'a pas cru devoir fournir à la cour quelque pièce que ce soit susceptible de prouver que l'activité du salarié était bien ventilée entre les deux sociétés ; qu'au surplus, cet employeur n'hésite pas à reconnaître dans ses conclusions que "la réputation de la société - à savoir la Sarl - a permis un développement de l'activité notamment auprès de marques de renom et l'embauche de salariés. Dans le cadre de ces embauches, il a été nécessaire d'équilibrer les charges salariales de chaque structure" ; que cette dernière phrase prête à confusion, laissant nettement à penser que l'équilibre recherché pouvait conduire à s'écarter de répartition effective des embauches entre les deux structures ; / qu'il y a en conséquence tout lieu d'accorder du crédit aux allégations - non contestées - du salarié selon lesquelles la SARL Y... et fils aurait été de fait son unique employeur, lequel devra verser au salarié les sommes correspondant à la majoration des heures effectuées au-delà de la 35ème heure ; / [
] Attendu qu'aux termes de l'article L. 8221-5 2° du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2 du même code relatif à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; /attendu cependant que la dissimulation d'emploi salarié prévue par ce texte n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; / attendu qu'en l'espèce il apparaît que les bulletins de paie délivrés au salarié n'ont en rien falsifié le nombre d'heures de travail effectivement revendiquées par l'intéressé ; qu'il n'y a manifestement pas eu dissimulation d'emploi salarié ; / qu'il convient dès lors de débouter M. Benoît Z... de sa demande formulée pour la première fois devant la cour de céans au titre du travail dissimulé » (cf., arrêt attaqué, p. 5 et 6 ; p. 7) ;

ALORS QUE le recours à deux contrats de travail distincts, dont l'un a un caractère fictif, sans mention, sur les bulletins de paie relatifs au contrat de travail ayant effectivement été exécuté, des heures supplémentaires effectuées par le salarié, constitue, parce qu'il caractérise que l'employeur réel a volontairement éludé les règles de majoration des heures supplémentaires et mentionné sur les bulletins de paie qu'il a délivrés un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, un montage, destiné à contourner les règles du droit du travail et ayant pour effet de priver le salarié des majorations au titre des heures supplémentaires auxquelles il avait droit, et caractérise une situation de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter M. Benoît Z... de sa demande tendant à l'octroi d'une indemnité pour travail dissimulé, qu'il apparaissait que les bulletins de paie délivrés à M. Benoît Z... n'avaient en rien falsifié le nombre d'heures de travail effectivement revendiqués par M. Benoît Z... et qu'il n'y avait manifestement pas eu dissimulation d'emploi salarié, quand elle relevait que M. Benoît Z... avait conclu deux contrats de travail distincts, l'un avec la société à responsabilité limitée Y... et fils, l'autre avec l'exploitation agricole à responsabilité limitée Y... et fils, et avait travaillé 44 heures par semaine, mais uniquement au service de la société à responsabilité limitée Y... et fils et, en conséquence, avait été privé des majoration des heures supplémentaires auxquelles il avait droit et quand, dès lors, elle constatait l'existence d'un montage ayant consisté à avoir recours à deux contrats de travail distincts, mais dont l'un était fictif, qui caractérisait que la société à responsabilité limitée Y... et fils avait volontairement éludé les règles de majoration des heures supplémentaires et mentionné sur les bulletins de paie qu'elle avait délivrés un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli et, partant, une situation de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles L. 8221-5, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 8223-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-12970;17-13588
Date de la décision : 13/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 13 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jui. 2018, pourvoi n°17-12970;17-13588


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.12970
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