CIV. 1
CGA
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10375 F
Pourvoi n° F 17-21.601
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Centrale d'assurances et de protection du patrimoine, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 25 avril 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Filhet Allard, société anonyme,
2°/ à la société Filhet Allard et cie, société par actions simplifiée,
ayant toutes deux leur siège [...] ,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. X..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Centrale d'assurances et de protection du patrimoine, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat des sociétés Filhet Allard et Filhet Allard et cie ;
Sur le rapport de M. X..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Centrale d'assurances et de protection du patrimoine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés Filhet Allard et Filhet Allard et cie la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Centrale d'assurances et de protection du patrimoine
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance ayant dit n'y avoir lieu à désignation d'un deuxième arbitre et d'AVOIR condamné l'exposante au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 1455 du code de procédure civile : « Si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, le juge d'appui dit n'y avoir lieu à désignation » ; que le protocole du 21 juillet 2008, par lequel l'Equité confiait à la SACAPP la commercialisation de divers produits d'assurance, stipulait une clause compromissoire dont la SACAPP entend se prévaloir dans ses relations avec la SAS Filhet Allard & Cie ; mais que cette dernière, tiers à ce contrat, a conclu avec l'Equité et la SACAPP un protocole entré en vigueur le 1er janvier 2011, portant sur la commercialisation par Filhet Allard & Cie de produits d'assurance loyers impayés dont la gestion était confiée à la SACAPP ; que ce protocole ne fait aucune mention de celui de 2008 et comporte une clause attributive de juridiction au tribunal de commerce de Paris ; que c'est à bon droit que le juge d'appui a estimé que la convention d'arbitrage était manifestement inapplicable dans les relations entre la SACAPP et Filhet Allard & Cie ; que sa décision sera confirmée,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 7 du protocole signé le 21 juillet 2008, « Médiation et arbitrage », prévoit que « en cas de différends à propos de ce protocole, préalablement à tout arbitrage éventuel, les parties s'engagent irrévocablement à se soumettre à une procédure de médiation [
] tous les litiges n'ayant pu être résolus par voie de médiation auxquels le présent protocole pourra donner lieu seront résolus par voie d'arbitrage » ; que l'article 7 du protocole tripartite signé le 3 février 2011, « modalités et règlements des conflits », stipule que « les différends qui viendraient à se produire à propos du présent protocole seront obligatoirement soumis à une procédure de médiation, selon le règlement du CMAP [
] en cas d'échec de la procédure de médiation, la partie la plus diligente saisira le tribunal de commerce de Paris, sur la compétence duquel les parties se sont entendues » ; que les clauses de règlement des différends de ces deux protocoles sont donc contradictoires et inconciliables ; que les deux protocoles de 2008 et 2011 sont parfaitement indépendants, qu'il n'existe aucun lien d'indivisibilité entre les deux conventions qui se distinguent par leur objet, leurs parties ou encore le mode de rémunération prévu aux termes de celles-ci ; que l'avenant au protocole du 3 février 2011 signé le 13 avril 2011 précise dans son article 2-2 que « le présent avenant ne modifie en aucune manière les autres dispositions du protocole établi précédemment entre les parties. Les droits et obligations des parties aux termes du protocole demeurent maintenus » ; que par courrier du 27 avril 2016, la société Filhet Allard a donné son accord à la SACAPP pour la saisine du CMAP ; que le protocole de 2011 ne fait aucune référence à celui de 2008, que la similarité de la structure des deux protocoles d'accord ne suffit aucunement à démontrer un lien d'indivisibilité entre les deux protocoles ; que l'indépendance des deux protocoles n'a pas été remise en cause par le tribunal arbitral qui, dans sa sentence rendue le 16 juillet 2016 à l'encontre de la société l'Equité dans le cadre du protocole signé en 2008, mentionne expressément à l'article 1.3.4.3 que « cette convention de 2011, certes tripartite, concerne les relations de la SACAPP et de l'Equité, que le tribunal ne saurait prendre de décision à l'encontre de Filhet Allard, non partie à la présente procédure » ; que la volonté des parties était donc de ne pas soumettre les différends qui pourraient résulter du protocole conclu en 2011 à la clause compromissoire prévue par le protocole de 2008 ; que, même si la société Filhet Allard aurait refusé la procédure de médiation, la juridiction compétente pour traiter le litige aurait été, conformément à l'article 7 du protocole de 2011, le tribunal de commerce de Paris ; que la clause compromissoire comprise dans le protocole du 21 juillet 2008 ne peut donc s'appliquer pour le protocole du 3 février 2011 ; que l'article 1455 du code de procédure civile énonce que « si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, le juge d'appui déclare n'y avoir lieu à désignation » ; qu'en conséquence, il n'y a lieu à désignation d'un deuxième arbitre,
1- ALORS QUE le juge d'appui désigne le ou les arbitres, sauf si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable, de sorte que le juge d'appui ne peut procéder à un examen substantiel et approfondi de la convention d'arbitrage et des relations entre les parties ; qu'en l'espèce, pour refuser de procéder à la désignation d'un deuxième arbitre, les juges du fond ont relevé que la clause compromissoire avait été insérée dans le protocole du 21 juillet 2008 liant la SACAPP à la compagnie l'Equité, que toutefois le protocole tripartite du 3 février 2011 ne comportait pas la même clause compromissoire, mais une clause attributive de juridiction, que les deux contrats, même s'ils étaient similaires, n'étaient pas indivisibles, puisque le protocole de 2011 ne renvoyait pas à celui de 2008 et puisqu'ils se distinguaient par leur objet, leurs parties, ou encore le mode de rémunération prévu, que cette indépendance des contrats n'avait pas été remise en cause par la sentence rendue le 16 juillet 2016 ni par l'avenant au protocole de 2011 signé le 13 avril 2011, de sorte que la volonté des parties avait été de ne pas soumettre les différends qui pourraient résulter du protocole conclu en 2011 à la clause compromissoire prévue par le protocole de 2008 ; qu'en procédant ainsi à un examen substantiel et approfondi de la convention d'arbitrage et des relations contractuelles entre les parties pour refuser l'extension de cette convention d'arbitrage aux relations entre la SACAPP et la société Filhet Allard & Cie, la cour d'appel a violé l'article 1455 du code de procédure civile et le principe compétence-compétence.
2- ALORS QUE le juge d'appui désigne le ou les arbitres, sauf si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ; que la convention d'arbitrage stipulée dans un contrat n'est pas manifestement inapplicable au litige opposant les parties à un autre contrat participant à la même opération économique ; qu'en se bornant à constater que les protocoles du 21 juillet 2008 et du 3 février 2011 n'étaient pas indivisibles, puisque le protocole de 2011 ne renvoyait pas à celui de 2008 et puisqu'ils se distinguaient par leur objet, leurs parties, ou encore le mode de rémunération prévu, le protocole de 2011 comportant par ailleurs une clause attributive de juridiction, sans rechercher plus avant, comme cela lui était demandé, si les deux protocoles ne participaient pas à une même opération économique, ce qu'illustrait d'ailleurs le fait qu'un avenant au protocole de 2008 ait été signé le même jour que le protocole de 2011, la cour d'appel, qui a statué par des motifs insuffisants à caractériser le caractère manifestement inapplicable de la convention d'arbitrage, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble de l'article 1455 du code de procédure civile et du principe compétence-compétence.
3- ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le tribunal arbitral, dans sa sentence du 16 juillet 2016, s'il avait constaté qu'il ne pouvait pas prononcer de condamnation à l'encontre de la société Filhet Allard, non attraite devant lui, avait par ailleurs jugé que le protocole tripartite de 2011 et le protocole de 2008 étaient intrinsèquement liés, dès lors que le protocole de 2011 concernait, tout comme le protocole de 2008, les relations de la SACAPP et de la compagnie l'Equité, que le protocole de 2011 devait donc être pris en considération pour statuer sur ces relations, et que la souscription puis l'exécution de ce protocole, à compter du 3 février 2011, avaient altéré les relations issues du protocole de 2008, ce qui justifiait l'allocation de dommages-intérêts ; qu'en jugeant pourtant que la sentence ne remettait pas en cause l'indépendance des deux protocoles, la cour d'appel l'a dénaturée, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.
4- ALORS QU'une sentence arbitrale est opposable aux tiers ; que la sentence du 16 juillet 2016 ayant retenu l'interdépendance des protocoles de 2008 et de 2011, cette constatation était opposable à la société Filhet Allard & Cie et justifiait l'extension de la clause compromissoire stipulée dans le protocole de 2008 aux litiges issus de l'application du protocole de 2011 ; qu'en refusant de statuer en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 1484 du code de procédure civile, ensemble l'article 1455 du code de procédure civile et le principe compétence-compétence.