CIV. 1
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10393 F
Pourvoi n° J 17-20.776
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. A... Y... , domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 4 mai 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. X..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de M. X..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'action du ministère public en annulation de l'enregistrement intervenu le 10 novembre 1999 de la déclaration de nationalité souscrite le 19 février 1999 par M. Y... n'était pas prescrite, d'AVOIR annulé l'enregistrement du 19 novembre 1999 de la déclaration de nationalité souscrite le 19 février 1999 par M. Y..., d'AVOIR constaté son extranéité et d'AVOIR ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, selon l'article 26-4 du code civil, "à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement. Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites. L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude" ; que seul le ministère public territorialement compétent pouvant agir en annulation de l'enregistrement pour fraude, c'est à compter de la date à laquelle celui-ci l'a découverte que court le délai biennal d'exercice de cette action, et non à la date de transmission au ministère de la Justice ou à un autre service de l'État ; qu'il n'est pas contesté que l'assignation du ministère public en annulation de la déclaration de nationalité française, souscrite par M. A... Y... le 19 février 1999 et enregistrée le 19 novembre suivant, a été délivrée le 13 mars 2014, soit plus de deux ans après l'enregistrement de cette déclaration ; qu'il appartient donc au ministère public, territorialement compétent, de rapporter la preuve de ce qu'il a découvert la fraude ou le mensonge commis par M. Y... après le 13 mars 2012 ; que, pour opposer au ministère public la prescription de son action, M. Y... se prévaut de divers événements intervenus avant cette date ; que, par une lettre du 15 septembre 2009, M. le sous-préfet de Palaiseau a informé une personne se disant Mme Marie Lucile Z... et ayant obtenu une carte nationale d'identité n°[...] sous ce nom, de [ce] qu'il a[vait] saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Évry aux fins d'ouverture d'une enquête pour usurpation d'identité ; que s'il résulte de ce document que des faits d'usurpation d'identité de Mme Marie Lucile Z... ont été portés à la connaissance du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Évry, dont il n'est pas contesté qu'il était territorialement compétent pour diriger une action négatoire à l'encontre de M. Y..., il n'en résulte pas pour autant qu'il avait connaissance de la fraude ou du mensonge entachant la déclaration de M. Y... ; qu'en effet, la connaissance de cette fraude supposait que le procureur de la République d'Évry ait eu connaissance de l'existence de ce que M. Y... avait effectué une déclaration de nationalité pour être le mari, depuis plus d'un an selon les textes alors applicables, de la personne se disant Mme Z... ; que la lettre du 15 septembre 2009 ne comportant pas cette information, la connaissance par le procureur de la République d'Évry de l'existence de cette déclaration n'est pas établie en l'espèce ; que par une lettre du 15 février 2010, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes a informé la personne se disant Mme Z... de l'existence d'une usurpation d'identité "manifeste" et de ce qu'il a demandé au Service central d'état civil "de surseoir à l'exploitation de l'acte de naissance susvisé ainsi que de tout acte de mariage, acte de naissance des enfants qu'il pourrait détenir" ; que cette lettre, qui émane d'un procureur qui n'était pas territorialement compétent pour contester l'enregistrement de la déclaration de M. Y..., lequel était domicilié à Massy, n'a pas été transmise au procureur de la République d'Évry, mais seulement aux autres personnes revendiquant l'identité de Mme Z..., "Le présent dossier ... [étant] désormais clos au parquet de Nantes" ; que ce n'est qu'à la suite du bordereau du 16 octobre 2013 du ministère de l'intérieur informant le ministère de la justice de ce que la déclaration d'acquisition de la nationalité française de M. A... Y... était entachée d'un mensonge ou d'une fraude, que le procureur de la République de Paris, territorialement compétent, a été informé par un bordereau du 4 mars 2014 et a en eu connaissance ; qu'il convient donc de fixer à cette dernière date le point de départ du délai de deux ans prévu par l'article 26-4 du code civil ; qu'il convient donc de dire que l'action du ministère public, introduite le 13 mars 2014 n'est pas prescrite » ;
ET QUE « sur le fond, les conditions de l'article 26-4 du code civil instaurant une présomption de fraude n'étant pas réunies, il appartient au ministère public de prouver cette fraude ; qu'il est établi par le jugement rendu le 22 novembre 2012 par le tribunal de grande instance de Nantes que l'épouse de M. Y... a usurpé l'identité de Mme Z... et en a tiré la conséquence que l'acte de mariage, contracté le 27 septembre 1994 à Itsandzeni (Comores) entre A... Y... et Mme Z..., transcrit le 9 octobre 1996 sous le n°174 à l'ambassade de France à Moroni (Comores), comporte une fausse identité ; que la preuve de la fraude est donc rapportée par le ministère public ; que M. Y... ne peut prétendre avoir ignoré cette situation au jour de sa déclaration de nationalité dès lors qu'il avait nécessairement connaissance, au plus tard au jour de son mariage en 1994, de la discordance entre le nom prétendu de son épouse et de celui des parents de cette dernière ; que la connaissance de la fraude par M. Y... est d'autant plus établie que le tribunal de Nantes a encore relevé que "la prétendue Marie-Lucile Z... épouse Y..., qui vit à Massy, ne produit aucun acte ni preuve de son identité antérieure à 1992 au motif de ce qu'elle n'a pas connu ses parents ni ses frères et soeurs, pour avoir vécu avec des tiers aux Comores" ; que les attestations produites par M. Y... sont donc contredites par les incohérences relevées plus haut dont M. Y... avait nécessairement connaissance ; qu'il convient donc d'annuler l'enregistrement de la déclaration souscrite par M. Y... pour cause de fraude » ;
ALORS QUE le retrait par un État membre de sa nationalité à un citoyen de l'Union européenne est, quand bien même l'obtention de cette nationalité aurait procédé d'une fraude, subordonné au respect du principe de proportionnalité qui implique de vérifier, notamment, si cette perte est justifiée par la gravité de l'infraction commise et si le temps écoulé entre l'obtention de la nationalité et la décision de retrait n'y fait pas obstacle ; qu'en annulant, le 4 mai 2017, l'enregistrement intervenu le 19 novembre 1999 de la déclaration de nationalité française souscrite par M. Y... le 19 février 1999, après avoir considéré que l'action intentée le 13 mars 2014 par le procureur de la République territorialement compétent n'était pas prescrite, sans se prononcer sur la proportionnalité d'un tel retrait en contemplation du temps écoulé depuis l'acquisition de la nationalité française par l'intéressé plus de dix-huit ans auparavant, laquelle lui a conféré la jouissance des droits attachés à la citoyenneté de l'Union européenne pendant plus de quinze avant l'exercice de l'action négatoire du ministère public, ni apprécier la gravité du manquement imputé à l'intéressé, la cour d'appel a violé l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.