CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10399 F
Pourvoi n° F 17-20.267
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Odile E..., épouse X..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 30 mars 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. Alexandre X..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme F..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme E..., de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de M. X... ;
Sur le rapport de Mme F..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme E....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé, à leurs torts partagés, le divorce de M. X... et de Mme E...,
AUX MOTIFS QUE Mme Odile E... reproche principalement à son époux d'avoir quitté le domicile conjugal en février 2009 pour aller vivre avec sa maîtresse , d'avoir entretenu des relations adultères et de l'avoir laissée sans ressources après son abandon du domicile conjugal ; qu'en application de l'article 246 du code civil, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande en divorce pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute ; que conformément à l'article 242 du même code, il appartient à chaque époux qui demande le divorce de prouver les faits imputables à l'autre et qui constituent une violation grave ou renouvelée des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ; Qu'aux termes de l'article 212 du même code, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance ; qu'au titre de l'article 215 du même code, les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ; qu'il résulte des documents versés aux débats que M. X... a entretenu une relation adultère avec Mme Y... Z... ainsi que l'établit le voyage qu'ils ont effectué ensemble dans les îles grecques en octobre 2008, la mention du nom de Mme Z... sur la boite aux lettres de la maison louée par M. X..., sise [...] , dès octobre 2009, soit un mois seulement après le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation, ainsi que l'atteste Mme Claudine A... et la domiciliation à cette même adresse de la société civile immobilière Z... & H..., créée le 3 août 2011, dont Mme Y... Z... est associée et la gérante ; que par ailleurs, M. X... vit actuellement en couple avec Mme G... et qu'un enfant est issu de leurs relations ; qu'il importe peu que ce dernier adultère ait débuté après l'ordonnance de non-conciliation, le devoir de fidélité édicté par l'article 212 du code civil subsistant tant que le mariage n'est pas dissous par une décision devenue définitive ; qu'en outre, M. X... ne peut prétendre justifier les adultères qu'il a commis par les relations adultères qu'il reproche à son épouse ; que dès lors les adultères commis par M. X... tant pendant le cours de la vie commune qu'après la séparation des époux, constituent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs allégués par Mme E..., des violations graves et renouvelées des obligations du mariage, et plus précisément du devoir de fidélité, rendant intolérable le maintien de la vie commune ; qu'en application de l'article 245 alinéa 3 du code civil, même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre ; qu'il résulte du rapport d'enquête privée établi en novembre 2013 par M. Christian B... que Mme E... a entretenu une relation adultère à son domicile avec M. François C...; qu'il importe peu que cet adultère ait été commis après l'ordonnance de non-conciliation ainsi qu'il a été déjà ci-dessus indiqué ; que l'adultère commis par Mme E... constitue également une violation grave et renouvelée des obligations du mariage, et plus précisément du devoir de fidélité, rendant intolérable le maintien de la vie commune ; que par conséquent, il convient de prononcer le divorce des époux X... à leurs torts partagés ;
1) ALORS QUE pour prononcer le divorce aux torts partagés des deux époux, la cour d'appel a énoncé qu'il « résulte du rapport d'enquête privée établi en novembre 2013 par M. Christian B... que Mme E... a entretenu une relation adultère à son domicile avec M. François C... à cette date » ; que le rapport visé par la cour d'appel indique que le véhicule de M. C... a été vu stationné le 30 octobre 2013 toute la nuit devant le domicile de Mme E... ; qu'en retenant qu'il résultait de ce rapport que Mme E... entretenait une relation adultère, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel les juges ont interdiction de dénaturer les documents produits aux débats ;
2) ALORS QU'en inférant de la seule circonstance que M. C... avait rendu visite à Mme E... l'existence d'une relation adultère, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le manquement retenu, a violé l'article 242 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la prestation compensatoire à la somme en capital de 76.800 euros,
AUX MOTIFS QUE M. X... et Mme E... sont tous deux âgés de 50 ans pour être respectivement nés le [...] et le [...] ; que le mariage, célébré le [...] , a duré 19 ans dont 11 ans de vie commune depuis sa célébration jusqu'à la séparation de fait des époux intervenue le 6 février 2009; que deux enfants sont issus de cette union : H..., née le [...] et I..., née le [...] ; que M. X... justifie souffrir, [...] , d'une lombalgie et d'une sciatalgie gauche chronique imputables à une hernie discale ; que Mme E... justifie souffrir de la maladie d'Hashimoto, qui a nécessité une thyroïdectomie totale en octobre 2006, ainsi que d'un syndrome d'apnée obstructive ; qu'elle soutient, sans toutefois en justifier, souffrir de diabète et d'hypertension ; que M. X..., qui est normalien et agrégé de lettres classiques et qui a enseigné au sein de l'éducation nationale jusqu'en 2004, s'est reconverti dans le commerce d'objets d'art chinois en qualité d'antiquaire-brocanteur depuis le 1er janvier 2006; que M. Alexandre X..., qui exploite en son nom personnel un fonds de commerce d'antiquaire-brocanteur, a perçu, suivant les avis d'imposition versés aux débats : - en 2011, des bénéfices commerciaux professionnels de 47 355 euros, soit des revenus de 3 946,25 euros par mois ; - en 2012, des bénéfices commerciaux professionnels de 40 963 €, soit des revenus de 3 413,58 € par mois ; - en 2013, des bénéfices commerciaux professionnels de 41 550 €, soit des revenus de 3 462,25 € par mois,- en 2014, des bénéfices commerciaux professionnels de 49 490 €, soit des revenus de 4 124,16 € par mois, - en 2015, des bénéfices commerciaux professionnels de 60 965 €, soit des revenus de 5 080,41 € par mois ; qu'il évalue ses bénéfices commerciaux professionnels pour l'année 2016 à la somme de 66 889 E, soit 5 574,08 € par mois ; qu'il justifie, outre les dépenses de la vie courante, de charges fixes de 2 680,08 € par mois qu'il partage avec sa compagne, Mme G... , qui exerce l'activité d'agent commercial en qualité d'auto-entrepreneur et qui a déclaré en 2015 des recettes d'un montant total de 1 600 € ; qu'il assume la charge d'un enfant, âgé de trois ans et demi, issu de ses relations avec Mme G... ; qu'il règle une contribution de 500 € par mois à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants issus de son mariage avec Mme E..., outre la prise en charge de la totalité de leurs études jusqu'à ce qu'elles soient, chacune, en mesure de subvenir seule à leurs besoins ainsi qu'il sera ci-après motivé ; que Mme E... ne prouve pas que son époux perçoit d'autres revenus que ceux qu'il déclare à l'administration fiscale ainsi qu'elle l'allègue, celle-ci se contentant de procéder par voie de simples affirmations ; qu'il sera précisé sur ce point que si M. X... ne discute pas avoir perçu de sa mère des versements d'un montant mensuel moyen de 3 095,83 € de 2009 à 2012, Mme E... ne démontre pas que ces versement perdurent à ce jour ; que Mme E..., qui est titulaire d'un DEA de lettres modernes, a cessé toute activité professionnelle à la naissance de H... ; qu'elle est actuellement sans ressources ; qu'elle justifie, outre les dépenses de la vie courantes, de charges fixes d'un montant de 247 € par mois ; qu'elle assume la charge des deux enfants communs pour lesquels elle perçoit des allocations familiales de 194 € par mois et une contribution du père à leur entretien et leur éducation de 500 € par mois, outre la prise en charge par ce dernier de leurs frais d'études ; que les époux X... sont mariés sous le régime de la communauté légale ; Que les biens dépendant de la communauté à partager, comprenant essentiellement le fonds de commerce exploité par M. Alexandre X... et un bien immobilier sis [...] , ont vocation à être partagés par moitié entre les époux ; qu'il sera simplement précisé sur ce point qu'aux termes de son rapport déposé le 15 janvier 2013, M. Patrice D..., désigné en qualité d'expert par ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Evry du 15 mars 2012, a évalué l'actif net de la communauté à partager à la somme de 530 880 € et a chiffré les droits de chacun des époux dans la communauté à partager, compte tenu de leurs créances, à 262 813 € pour Mme E... et 268 068 € pour M. Alexandre X...; qu'aucun des époux n'a versé aux débats la déclaration sur l'honneur prévue par l'article 272 du code civil ; qu'il résulte du rapport d'expertise de M. Patrice D... que seul M. X... possède en propre la nue-propriété d'un immeuble sis [...] d'une valeur de 1 298 535 € ; qu'aucun des époux n'a justifié de ses droits prévisibles à pension de retraite ; qu'à la date du rapport d'expertise, Mme E... totalisait 37 trimestres de cotisation au régime général et M. X... 17 trimestres de cotisation au régime général et 28 trimestres de cotisation au régime des commerçants ; que si Mme E... ne justifie pas que l'arrêt de l'exercice de son activité professionnelle à la suite de la naissance du premier enfant résulte d'un accord avec son époux, il n'en demeure pas moins que celle-ci s'est uniquement consacrée à l'entretien du ménage et à l'éducation des enfants à la suite de cette naissance ; que ses droits à pension de retraite seront ainsi, de ce fait, nécessairement réduits ; que les développements de Mme E... sur la valeur du fonds de commerce exploité par son époux sont totalement inopérants en la cause, cette valeur, quel que soit son montant, ayant vocation à être partagée par moitié entre les époux ; que par ailleurs que Mme E... ne prouve pas que son époux aurait volontairement opéré une confusion entre le fonds de commerce qu'il exploite et celui exploité par sa mère dans le but d'en diminuer la valeur ; que cette confusion entre ces fonds de commerce, qui sont juridiquement distincts, ne peut pas résulter du seul fait que M. X... et sa mère exploitent les fonds de commerce leur appartenant dans les mêmes locaux sis au [...] ; que de plus, une telle confusion, à la supposer établie, aurait pour seule conséquence d'entraîner une réévaluation de la valeur du fonds de commerce exploité par M. X... et, par voie de conséquence, des droits de chacun des époux dans la communauté à partager ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le divorce va créer une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au préjudice de Mme E...; Que le premier juge a justement estimé que cette disparité serait réparée par l'allocation d'une prestation compensatoire en capital de 76 800 € ;
1) ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre; que si, dans un régime de communauté, les droits des époux au titre de la liquidation de la communauté sont égalitaires, de sorte que, sauf circonstance particulière, il n'en résulte aucune disparité, il ne doit pas moins être tenu compte dans l'appréciation des besoins de l'un et des ressources de l'autre, de l'incidence de la liquidation du régime matrimonial sur la situation de chacun des époux ; qu'en retenant que la situation issue de la liquidation était inopérante, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
2) ALORS QUE pour refuser de s'expliquer sur la confusion volontairement opérée par M. X... entre son fonds de commerce et celui de sa mère, la cour d'appel a énoncé que le fonds ayant vocation à être partagé par moitié, la sous-évaluation du fonds commun exploité par l'époux était une circonstance inopérante ; qu'en ne recherchant pas si le fonds étant exploité par M. X... et ayant vocation à lui être attribué, sa sous-évaluation n'était pas au contraire déterminante et vouée à lui profiter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
3) ALORS QUE, la cour d'appel a retenu que la confusion entre le fonds exploité par M. X... et celui exploité par sa mère ne pouvait résulter de la simple circonstance qu'ils exerçaient dans les mêmes locaux ; qu'en ne s'expliquant sur le fait qu'ils avaient également la même clientèle, le même nom commercial et commercialisaient les mêmes antiquités asiatiques, et sur la circonstance que, pendant plusieurs années, Mme X... avait effectué en faveur de son fils des versements mensuels d'un montant de plus de 3.000 euros, la cour d'appel, qui n'a pas recherché s'il ne résultait pas de l'ensemble de ces circonstances, allant bien au-delà d'un simple partage de locaux, une confusion des fonds, a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
4) ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée en tenant compte de la situation des époux au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que pour fixer la prestation compensatoire, la cour d'appel a relevé que M. X... était titulaire en propre de la nue-propriété d'un immeuble ; qu'elle a retenu que ces droits devaient être valorisés pour 1 298 535 euros ; qu'en se fondant, pour déterminer la situation des parties en 2017, au regard de la valeur en 2013 des droits de M. X..., sans même tenir compte de la réévaluation mécanique de ces droits par le simple effet du vieillissement de l'usufruitière, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
5) ALORS QUE M. X... avait lui-même produit une estimation dont il résultait que l'appartement valait, en 2017, 2 000 000 euros, soit une valeur de nue-propriété de 1 400 000 euros ; qu'en retenant la valeur de 1 298 535 euros, dont les deux parties s'accordaient à reconnaitre qu'elle n'était plus celle des droits de M. X... au jour où elle statuait, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.