CIV. 3
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10320 F
Pourvoi n° A 17-21.849
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ la société Les Enfants de Jean-Pierre X..., société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ M. Roger A..., domicilié [...] , agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Les Enfants de Jean-Pierre X...,
contre l'arrêt rendu le 21 mars 2017 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Coudrée, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
2°/ à M. Y... Z..., domicilié [...] ,
3°/ à Mme Fabienne B..., domiciliée [...] , prise en qualité de mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée Fluidest,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Leduc et Vigand, avocat de la société Les Enfants de Jean-Pierre X... et de M. A..., ès qualités, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Coudrée, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. Z... et de Mme B..., ès qualités ;
Sur le rapport de M. Y..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Enfants de Jean-Pierre X... et M. A... , ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Leduc et Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Les Enfants de Jean-Pierre X... et M. A..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum la société Les Enfants de Jean-Pierre X... et M. Z... à payer à la société Coudrée la somme de 149.441,19 euros et les intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2011 et d'avoir jugé que dans les rapports entre codébiteurs solidaires, la responsabilité sera partagée à concurrence de 10 % pour M. Z..., 45 % pour la société Les Enfants de Jean-Pierre X... et 45 % pour la société Fluidest ;
AUX MOTIFS QUE « le préjudice total du maître de l'ouvrage doit être chiffré à 147.441,19 euros, déduction faite de l'indemnisation du préjudice moral et de jouissance, selon décompte en page 17 des conclusions, qui est très proche des estimations de l'expert, sauf pour la surconsommation d'électricité, dont la société Coudrée fait valoir à juste titre qu'elle a été sous-évaluée par l'expert ; qu'il convient d'indemniser à hauteur de 2.000 euros le préjudice moral et de jouissance pour parvenir à une indemnité totale de 149.441,19 euros ; que selon l'expert, les désordres proviennent : - du choix d'une pompe à chaleur d'une puissance inférieure à celle prévue par Ingetherm et en tout cas insuffisante, - de l'absence d'une résistance électrique additionnelle au ballon d'eau chaude sanitaire, - de l'absence d'une régulation numérique à base d'automate, remplacée par une simple régulation de la pompe à chaleur par vanne trois voies, et alors que la société Ingetherm avait fait parvenir un rappel à l'ordre à l'installateur pour qu'il respecte cette obligation prévue au cahier des charges, - du choix d'un échangeur d'une puissance insuffisante pour la piscine ; que la responsabilité de M. Z... est engagée pour ne pas avoir exercé de contrôle sur les initiatives de la société Les Enfants Jean-Pierre X..., alors qu'il résulte des explications de l'expert qu'en s'écartant du cahier des charges de la société Ingetherm, dont l'expert a reconnu la pertinence, celle-ci a introduit des modifications qui sont à l'origine des désordres ; que la responsabilité de la société Les Enfants de Jean-Pierre X... ne prête pas à discussion, qu'elle a contribué à produire le dommage par des choix erronés et contraires au cahier des charges ; que, selon l'expert, les installateurs, en général, n'ont pas la compétence et la connaissance du fonctionnement de ces matériels nouveaux, utilisant des énergies nouvelles, ce qui les conduit à s'adresser aux fabricants de ces produits, lesquels disposent de bureaux d'études spécialisés dans ces nouveaux systèmes, et se doivent, en conséquence de proposer des systèmes cohérents et techniquement fiables ; qu'il résulte des pièces produites que la société Fluidest a effectivement joué ce rôle ; que ces explications conduisent à juger que la société Fluidest a contribué au dommage subi par la société Coudrée ; qu'enfin tous les auteurs d'un même dommage doivent être condamnés in solidum à le réparer, qu'il y a donc lieu de les condamner dans ces conditions, qu'il convient d'opérer un partage de responsabilité entre les codébiteurs de l'obligation conformément aux propositions de l'expert » ;
1°) ALORS QU'en application du principe de réparation intégrale du préjudice, les juges du fond ne peuvent indemniser un préjudice qui ne repose sur aucun élément de preuve ; qu'en indemnisant, au sein du préjudice total du maître de l'ouvrage chiffré à 149.441,19 euros (arrêt, p. 4, § 3 et 4) le préjudice qui aurait résulté pour la SCI Coudrée d'une perte de location du bien litigieux à hauteur de 64.000 euros, quand cette demande d'indemnisation ne reposait sur aucune pièce produite aux débats, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu l'article 1231-1 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé ; qu'en indemnisant, au sein du préjudice total du maître de l'ouvrage chiffré à 149.441,19 euros (arrêt, p. 4, § 3 et 4) le préjudice qui aurait résulté pour la SCI Coudrée d'une perte de location du bien litigieux à hauteur de 64.000 euros, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour procéder à cette évaluation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir réformé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné la SCI Coudrée à verser à la société Les Enfants de Jean-Pierre X... la somme de 58.379,43 euros, ordonné la compensation des sommes dues entre la société Les Enfants de Jean-Pierre X... et la SCI Coudrée et jugé, par conséquent, que la SCI Coudrée restait redevable de la somme de 22.803,55 euros à l'égard de la société Les Enfants de Jean-Pierre X... et d'avoir, en conséquence, débouté la société Les Enfants de Jean-Pierre X... de sa demande en paiement formée à l'encontre de la SCI Coudrée ;
AUX MOTIFS QUE « les devis produits par la société Les Enfants de Jean-Pierre X... ne sont pas signés ni visés par l'architecte, à l'exception d'un devis de 175,02 euros, que la facture récapitulative du 31 décembre 2007 n'a pas davantage été visée par l'architecte ; que l'architecte a porté la mention « bon pour accord » sur une facture d'un montant de 41.860 euros du 18 octobre 2005 (pièce n° 10), dont le paiement apparaît dans la facture du 31 décembre 2007, qu'il apparaît en outre qu'un acompte de 11.000 euros a été payé au moment de la commande ; que par courrier du 23 janvier 2008, la société Les Enfants de Jean-Pierre X... a transmis à M. Z... son décompte définitif et l'a prié de « faire le nécessaire rapidement » ; qu'une facture ne peut constituer à elle seule la preuve d'une créance d'un entrepreneur ; que le prix n'est pas un élément constitutif du marché de louage d'ouvrage, que lorsqu'il n'est pas déterminé par les parties, il appartient au juge de le faire, qu'une telle tâche est impossible lorsque ni les tâches de l'entrepreneur, ni leur degré d'exécution ne sont connues de façon certaine, ce qui est le cas en l'espèce ; que pour rapporter la preuve de sa créance, il appartenait à la société Les Enfants de Jean-Pierre X..., soit de mettre en demeure M. Z... de valider son décompte par application de la norme NF P03001, si celle-ci était applicable, ou à défaut, de demander une extension de la mission de l'expert de façon à déterminer le montant ; qu'en l'état, la cour ne peut que prendre acte des explications de la société Coudrée selon lesquelles elle a payé la totalité des sommes qu'elle devait à la société les enfants de Jean-Pierre X... » ;
ALORS QU'en matière de louage d'ouvrage, lorsque le client conteste le montant de la facture que lui adresse l'entrepreneur, et en l'absence de prix préalablement convenu, il appartient au juge de déterminer le coût des travaux et la rémunération de l'entrepreneur, au besoin en ordonnant une mesure d'expertise ; qu'en jugeant, pour débouter la société Les Enfants de Jean-Pierre X... de sa demande de paiement formée à l'encontre de la SCI Coudrée, qu'elle était dans l'impossibilité de fixer judiciairement le prix des travaux réalisés par la société Les Enfants de Jean-Pierre X... et dont l'exécution n'était pas contestée, dès lors que « ni les tâches de l'entrepreneur, ni leur degré d'exécution » (arrêt, p. 5, § 10) n'étaient connus, en l'espèce, de façon certaine et qu'il lui appartenait de « demander une extension de la mission de l'expert de façon à en déterminer le montant » (arrêt, p. 5, § 11), quand il lui appartenait de fixer, elle-même, judiciairement le prix des travaux réalisés par la société Les Enfants de Jean-Pierre X..., dont elle constatait l'existence, au besoin en ordonnant une mesure d'expertise, la cour d'appel a violé l'article 1787 du code civil, ensemble l'article 4 du code de procédure civile.