CIV.3
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10324 F
Pourvoi n° N 17-21.791
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Francis X..., domicilié [...] ,
2°/ Mme Brigitte X..., domiciliée [...] ,
3°/ M. Gilles X... , domicilié [...] ,
4°/ M. Laurent X..., domicilié [...] , venant aux droits de Philippe X... décédé,
contre l'arrêt rendu le 13 juin 2017 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Richard Y..., domicilié [...] ,
2°/ à M. Jean-Pierre Z..., domicilié [...] ,
3°/ à la société Seguin, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Le Tertre Langueux, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme A..., conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat des consorts X..., de la SCP Boulloche, avocat de MM. Y..., Z... et des sociétés Seguin et Le Tertre Langueux ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ; les condamne à payer à M. Y..., M. Z..., la société Seguin et la société Le Tertre Langueux la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la clause de garantie de passif contenue dans l'acte de cession des parts sociales de la SCI Le Tertre-Langueux, conclu le 3 mars 2008, entre M. Francis X..., M. Philippe X... , Mme Brigitte X... et M. Gilles X... d'une part, M. Richard Y..., M. Jean-Pierre Z... et la SCI Seguin d'autre part, s'appliquait pour la dépollution de la zone dite du séparateur telle que figurant au rapport de l'entreprise Soler Environnement, annexé au rapport de M. Georges B..., expert, et d'avoir fixé en conséquence le montant de cette garantie à la somme de 39.240 euros HT ;
AUX MOTIFS QUE « La convention de cession du 3 mars 2008 prévoyait que les consorts X..., cédants, s'engageaient « envers le cessionnaire au maintien de la valeur des parts cédées » à la date de la cession « et en conséquence à (le) dédommager... de tout amoindrissement ou diminution de la valeur de l'actif ou de tout accroissement du passif de la société survenant postérieurement mais ayant une origine ou une cause antérieure aux présentes et résultant :
- soit d'un acte, d'une omission, d'un fait quelconque accompli, réalisé ou survenu en violation ou en contradiction avec les déclarations qui précèdent,
- soit d'une réclamation, revendication, obligation ou évaluation à l'encontre de la société n'ayant pas fait l'objet d'une provision » ; qu'autrement dit, la garantie est due par les cessionnaires dans le cas où il se révélerait une différence négative entre la valeur réelle des parts cédées et leur prix de cession qui résulte d'événements ou circonstances qui existaient antérieurement à la cession et dont les acquéreurs n'avaient pas connaissance lors de celle-ci, mais non d'événements ou circonstances survenant postérieurement à la cession et dus à la seule activité des cessionnaires, ce qui exclut donc l'incidence de la plus-value procurée par les loyers que la SCI Le Tertre-Langueux et ses associés ont pu négocier au renouvellement du bail commercial conclu avec la société LTB ; que dans son arrêt avant dire droit, la cour avait considéré, comme le tribunal, que les consorts X... avaient omis de faire état de l'engagement potentiel que la SCI Le Tertre-Langueux avait pris, par le protocole d'accord du 14 février 2007, de supporter le coût de la décontamination des sols du site si les époux C... en étaient exonérés et si un repreneur ne renonçait pas à l'exiger ; qu'elle avait relevé en outre que les consorts X... avaient également omis de préciser que la responsabilité de la gestion des déchets qui, selon l'article L. 541-2 du Code de l'environnement, pèse en principe sur leur producteur ou détenteur, avait en l'espèce été transférée, par le protocole, de l'exploitant au bailleur, la SCI Le Tertre-Langueux ; qu'elle avait donc estimé que ces omissions, de nature à activer la garantie de passif prévue à la convention du 3 mars 2008, étaient antérieures au 31 janvier 2012, date d'expiration du délai de garantie ; qu'encore faut-il, pour actionner cette garantie, que les appelants justifient d'une perte de valeur des parts cédées, du fait d'une dépréciation de l'actif ou de l'accroissement du passif résultant de l'une des causes prévues à l'acte ; que l'expertise confiée à Monsieur B..., expert-comptable, avait pour objectif d'éclairer la cour sur une éventuelle perte de valeur, en référence à la charge potentielle que pourrait représenter le coût de la dépollution restant à réaliser, selon le risque lié aux conditions de l'obligation pesant sur la SCI Le Tertre-Langueux du point de vue environnemental et compte tenu des gains résultant de la révision du loyer commercial consenti par la SCI à l'exploitant du site lors du renouvellement du bail conclu le 6 septembre 2010 ; qu'il a été dit plus haut que cette dernière circonstance ne devait pas, en définitive, être prise en considération pour la mise en oeuvre de la garantie de passif ; que s'agissant de la charge de l'éradication de la pollution résiduelle, Monsieur B... a fait appel à un sapiteur en matière de dépollution, l'entreprise Soler Environnement qui, se fondant sur l'audit réalisé par la société Atos Environnement en 2002 et 2004, a estimé le coût des travaux restant à effectuer sur la zone de l'ancienne cuve enterrée pour huiles usagées, en fonction de la législation actuellement en vigueur, à 34.240 € HT ; que Monsieur B... y a ajouté, après réponse au dire des appelants, le coût de la réfection des revêtements de surface pour 5.000 € HT, soit un coût total de travaux de 39.240 € HT ; que l'expert a donc proposé, pour apprécier les conséquences de ce coût potentiel sur la valeur de l'actif et du passif de la SCI Le Tertre-Langueux, de le comptabiliser pour ce montant ; que les appelants ne contestent pas l'évaluation des travaux ainsi déterminés, mais prétendent que ceux-ci, s'agissant de la zone de la cuve enterrée, exigent en outre un démontage partiel du bâtiment dans lequel se situait cette cuve, dont le coût n'a pas été évalué par le sapiteur et que Monsieur B... a très largement sous-estimé en se limitant à la seule réfection des revêtements, et d'autre part qu'ils ne suffisent pas à assainir le site dont une autre zone, celle dite du séparateur, reste polluée ; qu'ils font valoir enfin que ces travaux, et en particulier le démontage partiel de bâtiment pendant leur durée, auront nécessairement une incidence négative sur l' exploitation du site dont l'indemnisation leur est également due ; qu'en ce qui concerne la zone dite du séparateur, le sapiteur, auquel les appelants ont soumis leur contestation, a répondu que, compte tenu de la faible volatilité de la pollution résiduelle observée par carottages, localisée en profondeur, et de la tranche de terrain non impactée qui avait été substituée, par les travaux de dépollution réalisés en 2007, aux terres polluées, l'état actuel du sous-sol répond aux critères définis par la méthodologie nationale prévue par circulaire du 8 février 2007 ; qu'en regard, les appelants produisent une note de Monsieur Edmond-Henri D..., ingénieur de l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées, évoquant un principe de précaution compte tenu de ce que les résidus d'hydrocarbures lourds présents dans la zone en profondeur sont susceptibles de migrer par gravité vers une nappe phréatique sous-jacente ; que ces observations, hypothétiques et non soumises, pour leur élaboration, à débat contradictoire ne sont pas de nature à contredire les conclusions du sapiteur que s'est adjoint l'expert judiciaire ; qu'il n'y a donc pas lieu de prendre en considération la dépollution de la zone dite du séparateur ; qu'en ce qui concerne les travaux à réaliser sur la zone de la cuve enterrée, la même note de Monsieur D... indique que ceux-ci supposeront, pour l'extraction des matériaux pollués, non seulement la dépose et la repose des revêtements de surface mais aussi la démolition du dallage et du terrassement du bâtiment industriel dans lequel était situé la cuve, nécessitant au préalable, pour éviter tout risque d'effondrement de son angle nord-est, le démontage de structures et un blindage périphérique de la fouille, puis le remontage et la remise en état, ainsi que le transfert et la réinstallation des équipements et matériaux s'y trouvant ; que Monsieur D... évalue la durée de ces travaux à environ trois mois et propose une estimation par ses soins, sans autre source d'information, de leur ensemble pour un montant de 79.230 €, en ce compris les frais d'une maîtrise d'oeuvre ; que la nature des travaux à réaliser, et donc leur coût, sont contestés par les intimés ; qu'il convient d'ordonner, ainsi que le demandent les appelants à titre subsidiaire, une expertise pour apprécier ces points ; que l'expert donnera également son avis sur la durée prévisible des travaux et leur ampleur, et par voie de conséquence sur leur incidence sur l'exploitation des locaux donnés à bail à la société LTB ; qu'il sera donc dit qu'il y a lieu à application de la clause de garantie de passif prévue à l'acte de cession de parts du 3 mars 2008, que cette garantie n'est pas due pour la dépollution de la zone dite du séparateur, qu'elle est due en revanche pour la zone de la cuve enterrée, en l'état pour un coût de travaux de 39.240 € HT s'agissant de la seule opération d'excavation et de traitement des matériaux pollués, et de surseoir à statuer sur le coût des travaux de démolition et reconstruction des structures de bâtiments et revêtements de surface, de déménagement et réaménagements d'installations et matériels rendus indispensables par la dépollution de cette zone, ainsi que sur le préjudice de perte d'exploitation généré par ces travaux » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE
Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en l'espèce, la clause de garantie de passif, contenue dans l'acte de cession du 3 mars 2008, prévoyait que les consorts X..., cédants, s'engageaient envers le cessionnaire au maintien de la valeur des parts de la société Le Tertre-Langueux à la date de la cession ; qu'ils s'obligeaient en conséquence à dédommager le cessionnaire de tout amoindrissement ou diminution de la valeur de l'actif ou de tout accroissement du passif de la société survenant postérieurement à la cession mais ayant une origine ou une cause antérieure ; que la mise en oeuvre de cette clause supposait qu'une créance, dont le fait générateur était antérieur à la cession, fût devenue liquide et exigible ; que, si la cour d'appel a relevé que SCI Le Tertre-Langueux avait pris l'engagement, par le protocole d'accord du 14 février 2007, de supporter le coût de la décontamination des sols du site occupé par la société LTB, elle s'est cependant abstenue de rechercher, comme le demandaient pourtant les consorts X..., si cette obligation était devenue exigible postérieurement à la cession du 3 mars 2008 (conclusions d'appel, page 8), privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa version alors applicable, et devenu l'article 1103 du même code ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
Les juges du fond ne peuvent dénaturer les contrats qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, la clause de garantie de passif, contenue dans l'acte de cession du 3 mars 2008, prévoyait que les consorts X..., cédants, s'engageaient envers le cessionnaire au maintien de la valeur des parts de la société Le Tertre-Langueux à la date de la cession ; qu'ils s'obligeaient en conséquence à dédommager le cessionnaire de tout amoindrissement ou diminution de la valeur de l'actif ou de tout accroissement du passif de la société survenant postérieurement à la cession mais ayant une origine ou une cause antérieure à celle-ci ; que la mise en oeuvre de cette clause était soumise soit à un acte, une omission, un fait quelconque accompli, réalisé ou survenu en violation ou en contradiction avec le contrat de cession, soit à l'existence d'une réclamation, revendication, obligation ou évaluation à l'encontre de la société Le Tertre-Langueux n'ayant pas fait l'objet d'une provision (contrat de cession du 3 mars 2008, pages 13 et 14) ; qu'en jugeant pourtant que cette clause devait s'appliquer dès lors qu'un engagement de dépollution existait, en lui conférant un caractère automatique et sans tenir compte de son exigibilité, la cour d'appel l'a dénaturée, violant ainsi l'obligation faite aux juges de ne pas dénaturer les contrats qui leur sont soumis ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE
La contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la garantie de passif n'était pas due pour la dépollution de la zone dite du séparateur (arrêt attaqué, page 9) avant cependant de condamner les consorts X... à verser une somme de 39.240 euros pour dépolluer cette même zone, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les consorts X... à verser à M. Richard Y... et à M. Jean-Pierre Z..., chacun, une somme de 3.000 euros au titre de leur préjudice moral ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'
« Il est certain que, dans le cadre des négociations sur le renouvellement du bail commercial avec la société LTB, exploitant, les associés de la SCI Le Tertre-Langueux ne disposaient pas, par la faute des cédants des parts de celle-ci, de tous les éléments d'information utiles à la défense de leurs intérêts, ce qui leur a causé un préjudice moral en tant que personnes physiques, la SCI Seguin ne démontrant pas avoir ressenti personnellement un tel préjudice ; que pour autant, il est constant que le renouvellement du bail commercial conclu pour neuf années entre la SCI Le Tertre-Langueux et la société LTB le 6 septembre 2010 s'est fait avec des conditions de loyer nouvelles, puisqu'alors que le loyer antérieur était de 80.000 € / an, le nouveau loyer a été convenu pour un montant de 110.000 € / an, soit, sur la durée du bail, une plus-value de 270.000 €, hors indexation ; que le préjudice moral subi par les associés doit en conséquence être relativisé, et il convient d'allouer à M. Richard Y... et M. Jean-Pierre Z..., chacun, une somme de 3.000 € de dommages-intérêts à ce titre » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
« Les demandeurs ont, pour justifier leur demande de dommages et intérêts de la somme de 6.000 euros à chacun, invoqué le préjudice moral qu'ils ont subi pour s'être trouvés dans une situation de faiblesse vis à vis de leur locataire, lors de la négociation du prix du bail renouvelé, ignorants des engagements souscrits par la SCI Le Tertre à l'égard de ce dernier ; que la réalité de la situation évoquée peut-être admise ; que toutefois, les demandeurs n'invoquent que le préjudice moral qu'ils ont pu ressentir face à cette situation et nul préjudice matériel qui en sait la conséquence ; que ce préjudice n'a donc pu être ressenti que par Jean-Pierre Z... désigné par les demandeurs comme l'interlocuteur représentant la SCI Le Tertre Langueux lors des discussions avec le preneur ; qu'il sera fait droit à la seule demande de ce dernier en indemnisation de son préjudice moral à hauteur de la somme de 6.000 euros » ;
ALORS QU'
Aux termes de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a accordé des dommages et intérêts à M. Y... et à M. Z... au titre de leur préjudice moral, en considérant qu'ils ignoraient, lors des négociations relatives au renouvellement du bail commercial de la société LTB, l'existence d'une obligation de dépollution et qu'ainsi ils ne disposaient pas de tous les éléments d'information utiles à la défense de leurs intérêts ; que, dès lors, la cassation de l'arrêt prononcée sur le premier moyen, faisant grief à l'arrêt d'avoir considéré qu'une obligation de dépollution, née antérieurement à la cession du 3 mars 2008, était à la charge de la SCI Le Tetre-Langueux, entraînera par voie de conséquence la cassation de la disposition de l'arrêt relative à un préjudice moral lié à l'absence de délivrance d'information quant à l'existence de ladite obligation.